Faire du diabète une grande cause nationale

Le diabète est une maladie qui prend les allures de pandémie.

L'Organisation Mondiale de la Santé considère que cette pandémie est désormais hors de contrôle. Un milliard de personnes dans le monde sont actuellement au stade de pré-diabète. Ce stade de pré-diabète est réversible et tout doit être tenté afin d’éviter que les personnes pré-diabétiques ne deviennent diabétiques. En effet, le diabète de type 2 « installé » est lui irréversible. Si rien n’est fait, plus de 70% des prédiabétiques seront diabétiques dans les dix prochaines années. D'ores et déjà, 425 millions sont diabétiques, les études prévoient qu'en 2045, une personne sur dix dans le monde le sera.

En France, en 2015, 3,7 millions de personnes sont sous traitement médicamenteux pour leur diabète, soit, 5,4% de la population, à quoi s'ajoutent les personnes diabétiques qui s'ignorent. Plus inquiétant encore, la maladie qui, jusqu'à présent touchait essentiellement les plus de cinquante ans, prospère désormais chez les jeunes adultes sous l'emprise du surpoids, de l'obésité, du manque d'activité physique, de la malbouffe, des additifs alimentaires industriels. Le diabète de type 2 (90% des diabétiques) est par ses complications la première cause de cécité, d'amputations, d'insuffisance rénale, d'impuissance, etc...

Tous les patients qui en sont atteints sont contraints de mesurer régulièrement leur taux de glycémie, de suivre des règles diététiques, de prendre des médicaments et pour certains de s'injecter régulièrement de l'insuline. Ces patients ont deux fois plus de risques de développer un cancer, une maladie neuro-dégénérative ou cardio-vasculaire. Le diabète ne tue pas directement, il dégrade sournoisement et irrémédiablement. Le cancer peut être guéri, pas le diabète de type 2. Le cancer fait peur, malheureusement pas le diabète.

Nous ne sommes pas égaux génétiquement face au diabète et à ses risques de déclenchement. De plus, toutes les études soulignent les disparités liées aux conditions sociales et géographiques. Les taux de prévalence les plus élevés en France se situent dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les Hauts-de-France. Plus on est pauvre, plus on est touché par le diabète. C'est dire que le diabète et sa prévention constituent un enjeu de santé publique de portée nationale : il faut tout faire pour éviter aux pré-diabétiques de subir en devenant diabétiques les complications invalidantes propres au diabète de type 2.

C'est pourquoi nous appelons à lancer une politique nationale de lutte contre le diabète de type 2 autour des deux axes suivants :

- d'une part mettre en place un dépistage généralisé et systématique à l’instar du dépistage du cancer du colon

- d'autre part de prévenir le diabète par des actions préventives d'envergure dans les domaines de l’activité physique et de l'alimentation quotidienne.

Dans cette perspective, nous considérons que les médecins et les enseignants ne doivent pas être les seuls à encourager la pratique sportive. Nous demandons que le ministre de l'Education Nationale considère l'éducation physique et sportive comme une discipline "fondamentale" et relève ainsi son coefficient dans l'ensemble des examens et concours. Simultanément, les établissements scolaires seraient invités à accueillir des professionnels de la nutrition (médecins et diététiciens) afin d’informer, de sensibiliser et ainsi protéger nos enfants du surpoids et de l'obésité infantile.

Nous demandons à l'Etat d'engager une réflexion avec les collectivités locales et les gestionnaires des grandes infrastructures sportives sur les heures d'ouvertures des équipements sportifs dont la fréquentation est souvent saturée et où rivalisent les établissements scolaires, les associations, les travailleurs, les familles et les diabétiques de type 2 pour obtenir des créneaux horaires compatibles avec les moments scolaires, la vie professionnelle, le temps libre et les personnes diabétiques.

Il nous parait déterminant de réunir les principaux acteurs de la chaine alimentaire. L'alimentation est souvent inadaptée en termes de quantité et de qualité, au premier chef pour les repas servis dans les cantines scolaires, les restaurants universitaires et la restauration d'entreprise. La présence de sucres et de nutriments inflammatoires comme certains acides gras est un facteur puissant de déclenchement de la maladie. Ainsi, par exemple, le maïs qui est à la base de l'alimentation du bétail et dont les composants se retrouvent dans nos assiettes de viande, de poulet, d'oeufs, de lait, etc...

La grande distribution doit participer à l’information des consommateurs tout comme l’industrie agro-alimentaire qui doit s’engager dans une diminution programmée des sucres simples ajoutés à ses préparations. Une limite des sucres ajoutés dans les préparations destinées à nos enfants doit être définie par les Pouvoirs Publics en concertation avec les acteurs industriels et artisanaux impliqués dans la chaîne alimentaire.

Enfin, la prise en charge à 100 % du traitement du diabète de type 2 déclaré est une bonne mesure mais elle n’est pas un facteur d’encouragement pour des mesures de prévention proposées par les Mutuelles.
Nous souhaitons qu’une discussion s’engage avec le monde mutualiste afin de déterminer leur niveau de participation pour des campagnes en faveur des prédiabétiques.

De telles actions ne pourront voir le jour sans une volonté politique forte au plus haut niveau de l'Etat. Nous attendons du Ministère de la Santé des actes forts comme cela est le cas pour la prévention du cancer du colon ou pour la lutte contre l’abus d’alcool et/ou du tabac. Le temps presse !

Il appartient également aux Pouvoirs Publics de mettre en place un Comité National d’Experts associant des médecins, des enseignants, des épidémiologistes, des ingénieurs agronomes, des diététiciens et des associations de patients. Ce comité d’experts proposera des mesures, suivra et évaluera l’impact des actions de prévention en cours. Ce comité aura aussi pour mission d’inspirer la rédaction d’un projet de loi portant sur la mise en œuvre de la prévention du diabète de type 2.

Nous appelons à faire du diabète une grande cause nationale !


Les signataires de cette tribune :

Jean-Christophe Cambadelis et le docteur Réginald Allouch, médecin


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