865 Jours de guerre en Europe.

1/ Le déni de Poutine ; 2/ Le zig et le zag du Président ; 3/ Cessez-le-Feu ! ; 4/ Deux têtes pour la révolution sénégalaise ; 5/ L'heure de la retraite pour Zelensky ? ; 6/ La France vers le chaos global ; 7/ La dévaluation sociale de Attal et fiscale de Lemaire ; 8/ Un match Glucksmann/Hayer est-il possible ?

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1/ Le déni de Poutine 

Poutine ne veut pas, en tout cas pas totalement accréditer la thèse de l'attentat meurtrier djihadiste à Moscou après celui de Téhéran. Même si, après l'avoir nié, il le concède, tout en sous-entendant que Kiev en est le commanditaire. Il est vrai que la signature Djihad islamique sur Telegram frustre, et sans revendications politiques claires peut, à première vue, interpeller. Mais pourquoi Poutine privilégie une autre thèse et continue à nier la provenance de cet acte odieux et meurtrier ? La première raison est politique. Poutine se veut le héros du Sud contre l'Occident ;"l'ami" des pays musulmans en Afrique, du Hamas, du Djihad islamique à Gaza et de l'Iran. Cet acte serait un sérieux accroc dans la doxa du Kremlin. Pourtant le Djihad islamique et "l'État islamiste" reprochent dans leur propagande à Moscou son implication dans les massacres de Musulmans en Tchétchénie, en Afghanistan et surtout en Syrie. La résurgence de ces groupes comme d'Al-Qaïda en Afghanistan à la suite du retrait américain est une nouvelle donnée connue de tous. Le Dagekistan est devenu pour l'Islam radical intégriste un sanctuaire. V. Poutine n'est pas sans le savoir. Mais il préfère l'oublier pour son "narratif", comme on dit maintenant. Ensuite, il y a un enjeu sécuritaire évident. Poutine a renforcé la garde présidentielle après la tentative de Putsch de Prigojine et fait passer les "services" de ce dernier sous la tutelle du GRU. La réalisation de cet attentat démontre une faille sécuritaire à Moscou et déstabilise les services de renseignements et de sécurités poutiniens. Si on aurait voulu démontrer la vulnérabilité de la capitale russe en guerre, l'on ne s'y serait pas pris autrement. Cela remet en cause l'image de Poutine protégeant les Russes, après son "triomphe" électoral. D'ailleurs, les "services Russes" pour se protéger ont immédiatement embrayé : le secrétaire du Conseil de Sécurité Nikolaï Patrouchev a tout de suite évoqué l'Ukraine comme responsable ; Et le directeur du FSB Alexandre Bortnikov s'est précipité pour dire que "l'Ukraine et les services secrets occidentaux ont facilité l'attentat." Enfin, il est impossible pour Poutine de concéder ne pas avoir pris de précautions après les mises en garde des Américains, confirmées par les Anglais sur l'imminence d'un attentat. Le faire serait avouer un aveuglement coupable ayant fait 140 morts. Alors, Poutine accuse donc implicitement Kiev. Formé au FSB où l'on rabâche la formule de Marx puis de Lénine "Tout ce qui brille n'est pas d'or", cet esprit complotiste fait un continuum entre l'attentat contre le gazoduc en mer noire, les tentatives d'incursion en Russie de "mercenaires russes" armés par l'Ukraine et cet attentat à Moscou. Accréditer cette thèse lui permet aussi de construire une culpabilité de crime de guerre du Président Ukrainien Zelensky. Voilà qui sera bien utile à l'heure des comptes pour Poutine dans l'après-guerre. Pour donner consistance à cette thèse ukrano-occidentale, le Kremlin bombarde à tout-va et envoie un missile survoler la Pologne. Il pousse à un nouveau front en Europe avec la Serbie du président Alexandar Vucic qui réactive le conflit avec le Kosovo ou la Bosnie. Il n'en reste pas moins que la Russie est endeuillée, Poutine affaiblit, la Garde présidentielle et les Services de sécurité ridiculisés. Quant à La communauté internationale, elle renforce ses dispositifs de sécurité. On apprend que l'on déjoue un attentat tous les 2 mois en France. On tremble pour la France pendant les JO lorsqu'on apprend que plusieurs contingents de militaires étrangers ont décidé de prêter main-forte à la France.

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2/ Le zig et le zag du Président

Il est parfois difficile de suivre le mouvement du président Macron. Il y a 8 jours l'envoi de troupes sur le sol Ukrainien contre la Russie était à l'ordre du jour. Et maintenant Paris propose à V. Poutine une collaboration contre le terrorisme. Comme si on voulait s'excuser de cette audace auprès du maître du Kremlin.

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3/ Cessez-le-Feu !

Netanyahou persiste dans sa volonté de poursuivre jusqu'à Rafah le Hamas, quels que soient les nouveaux dégâts collatéraux pour les populations civiles déjà lourdement endeuillées et affamées. Le Premier ministre israélien est confronté à une crise ouverte du cabinet de guerre sur le problème de la conscription des Juifs ultra-orthodoxes. Il veut donc aller vite dans son offensive car sa coalition menace de rompre, et l'union nationale tout autant. Les États-Unis sont d'abord montés d'un cran en présentant une résolution de cessez-le-feu. Certes, celle-ci était invotable par la Russie et la Chine. Mais l'effet recherché était un tir de semonce après la prise de position du chef de la majorité démocrate au Congrès, Chuck Schumer, ciblant directement Netanyahou comme un "obstacle pour la paix". Même Lloyd Austin, le chef du Pentagone, y a ajouté sa critique sur les pertes humaines, qualifiées de "faute morale et stratégique". La réponse de la coalition gouvernementale israélienne d'extrême droite fut l'annexion de 700 hectares en Cisjordanie en faveur des colons. En conséquence, les États-Unis se sont abstenus sur le vote d'un cessez-le-feu jusqu'à la fin du Ramadan, assorti de la libération de tous les otages sans condition. La question est moins l'opérationnalité de la résolution que le geste significatif des États-Unis. Biden doit coûte que coûte faire taire la gauche du parti démocrate et la minorité musulmane dans certains États, et ceci sans perdre le "vote juif" enclin à voter Trump. L'administration américaine ne souhaite pas non plus un Ramadan sanglant à la veille des élections. Enfin, plus le temps passe, plus les morts s'empilent à Gaza après le terrible 7 octobre en Israël, plus une solution à deux États devient complexe. L'Arabie saoudite ne peut, par exemple, devenir le banquier d'un État palestinien impliquant une reconnaissance définitive d'Israël dans les conditions actuelles du conflit, surtout si la prise de Rafah tournait au carnage. Alors les États-Unis commencent à prendre leur distance avec Netanyahou tout en renouvelant leur soutien à Israël.

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4/ Deux têtes pour la Révolution sénégalaise 

La révolution sénégalaise est sortie des urnes. Si le président Macky Sall a dû renoncer à repousser les élections à l'automne et a dû aussi libérer le populaire Ousman Sonko et son remplaçant Bassirou Diomaye Faye pour l'élection, ces derniers ont gagné dès le premier tour. Et le candidat du pouvoir, le Premier ministre Amadou Ba, a été balayé. C'est un séisme pour le Sénégal et la sous-région. Le syndicaliste Sonko a fait de la lutte contre la corruption et le "système" sénégalais, le souverainisme et la renégociation des accords pétroliers et gaziers avec les majors étrangères le triptyque de sa campagne. Cette vague est celle de la jeunesse sénégalaise qui est sociologiquement majoritaire dans le pays. C'est dire si l'espoir de changement est considérable. La France voit son influence là aussi battue en brèche car le parti de Sonko et Faye propose la rupture avec la France et la fin du Franc CFA. Déjà Faye propose de revisiter la relation avec la France pour qu'elle soit plus bénéfique aux Sénégalais. Trois questions sont maintenant à l'ordre du jour. Est-ce que le mouvement va faire tache d'huile en Afrique de l’Ouest ? Comment va s'articuler la gouvernance entre Faye l'élu et Sonko l'inspirateur, source d'un probable conflit à terme ? Quelles vont être les mesures incarnant le grand changement ? En tout cas, le Sénégal "la rue calme de l'Afrique" est devenu le carrefour des tumultes.

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5/ l'heure de la retraite pour Zelensky ?

Sans l'arrivée de l'aide américaine, il faudra reculer pour réduire le front, a déclaré Zelensky au Washington Post vendredi dernier. Assurément un coup de pression sur le Congrès, mais aussi une réalité. Les Ukrainiens qui ont vu leurs centrales électriques très endommagées par les bombardements russes sont au seuil du point de rupture. Ils n'ont ni armes suffisantes ni assez de missiles antimissiles et les hommes n'ont pas été relevés depuis 18 mois. La menace approche.

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6/ La France vers le chaos global 

Du proviseur du lycée M. Ravel contraint à démissionner à la suite de menaces de mort sur les réseaux sociaux parce qu'il a demandé à une collégienne de retirer son voile, à la marche à la guerre en Europe ; de la menace terroriste qui resurgit et monte au fur et à mesure que l'on s'approche des JO, aux écoles que l'on menace d'attentats via les réseaux sociaux ; de la multiplication des règlements de comptes urbains dus à la drogue, et autres home jackings, aux affaires de violences faites aux femmes ; de la quasi-impossibilité pour un jeune au prénom arabe d'obtenir un stage de césure dans une entreprise, à la hausse vertigineuse des actes antisémites ; de l'explosion colossale des déficits publics et de la dette menaçant l'Euro, à la remontée du chômage, au blocage des salaires mais pas des prix, à la hausse des chiffres de la pauvreté et du précarité ; au prix du logement et le resserrement du crédit pour accéder à la propriété, du nombre de fermetures d'entreprises, à la perspective du remboursement dans le domaine de la santé en fonction des salaires ; ou encore les menaces à nouveau pour les chômeurs déjà moins indemnisés à leur licenciement (ils le seront moins longtemps) ; le tout sur fond de décomposition politique alimentée par la multiplication des candidatures à la Présidentielle, pendant que l'extrême droite absorbe l'alternative. Partout où un Français pose son regard ce n'est que crises, angoisse et désolation. Le président court de l'un à l'autre des événements et semble plus dirigé par eux que maîtriser l'ensemble. La France vit un chaos d'atmosphère.

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7/ la dévaluation sociale d'Attal et fiscale de Lemaire 

Après avoir quasiment mis hors-jeu les prud'hommes pour les licenciements - rappelons que la mesure devait débloquer l'angoisse de l'embauche -, le président Macron a présidé à la réduction du temps d'indemnisation de 24 à 18 mois. Et maintenant son Premier ministre G. Attal se propose de réduire tout à la fois à 12 mois, de modifier le temps de travail effectué pour avoir accès à l'assurance chômage et de réfléchir au niveau de l'allocation. Cette feuille de route fixée aux partenaires vise à économiser plusieurs milliards en année pleine selon les dires du Premier ministre. La stratégie de la dévaluation sociale va fonctionner à plein régime pour renflouer les caisses de l'État.

Le ministre de l'économie Bruno Le Maire, que G. Attal a affublé d'un "Mon" ministre de l’Économie (ambiance), propose lui la dévaluation fiscale, la TVA sociale ou l'augmentation de la CSG. Le vieux programme de Sarkozy est de retour. Le programme fondamental : "le pouvoir d'agir" du LAB de la social-démocratie a proposé de séparer le choix autour de la protection sociale, des enjeux sur le coût du travail. Le but est de clarifier la réalité du salaire indirect de façon que le coût du travail ne soit plus biaisé par le choix sur le financement de la protection collective. Mais ici il ne s'agit pas de cela, les mesures de Bruno Le Maire constituent pour l'essentiel un transfert des entreprises sur les ménages. Le gain de salaire net serait limité, ce qui est économisé d'un côté est repris de l'autre car les revenus d'activité représentent 2/3 de la CSG. Et l'augmentation de la TVA serait, elle, potentiellement inflationniste, reniant ainsi sur les salaires "libérés". D'ailleurs, l'Insee a démontré en 2021 l'impact négatif d'une hausse de la TVA sur les salariés modestes. Les libéraux se triturent la tête pour faire face aux déficits de 5,5% et à la dette publique de 110 % sans augmenter les impôts des classes moyennes et des entreprises qui touchent 200 milliards d'aides publiques chaque année (source OCDE). Il ne reste donc que les super riches, les super profits et les nécessiteux à tondre. Et malheureusement, les super profits et les super riches ne suffiront pas aux 50 milliards à trouver et donc s'attaquer dans ces conditions à l'État social et aux nécessiteux est la logique comptable.

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8/ Un match Glucksmann/Hayer est-il possible ?

L'irrésistible ascension de la liste PS/Glucksmann à gauche semble maintenant s'installer dans les sondages, maigre consolation au score annoncé pour le RN. Mais souvenons-nous quand même des élections régionales, l'extrême droite devait prendre 3 ou 4 régions. Elle n'en gagna aucune. C'est le contre-effet de la banalisation. On a plus de déclarations honteuses pour le RN. Mais l'électorat est moins militant. Il est néanmoins probable que le RN sera très haut. Car il y a des réserves avec Marion Maréchal et Dupont-Aignan. En revanche, le match entre la liste de Hayer et de Glucksmann va devenir la question. Il suffit que Glucksmann reprenne 3 points à Hayer et c'est le croisement des courbes. Cela peut sembler beaucoup, énorme, improbable, mais plus simple dans l'électorat stratège si la perspective de battre Macron s'installe à gauche. Comme nous le pressentions lors de la partielle de l'Ariège, le désarroi de Mélenchon permet aux potentialités de s'exprimer. En effet, M. Frogier, PS, avait été élu contre Renaissance et LFI que soutenait les fauristes. Un PS libéré et encore plus refondé redevenant tout aussi attractif, vis-à-vis de l'électorat de Macron, que du vote utile de la présidentielle pour Mélenchon. Cette intuition stratégique que nous défendons depuis la fondation de la Nupes est confirmée par l'étude de la fondation J. Jaurès, pointant un "en même temps" de gauche pour Glucksmann. La rupture avec Mélenchon concédée du bout des lèvres par O. Faure a ouvert la voie à une liste autonome vis-à-vis de la Nupes pour les Européennes. Comme O. Faure ne voulait pas conduire la liste et refusait qu'un social-démocrate de l'incarne, R. Glucksmann s'imposa comme le trait d'union entre les "deux PS". Cette union de fait dans le cadre d'une offre social-démocrate continentale rassure autant qu'elle attire une partie des gauches hier réparties tant chez Macron que chez Mélenchon. Le PS, à visage Glucksmann, redevient aimant. Ce remembrement de la gauche socialiste, que maintenant les ultra-Nupes fauristes appellent social-démocrate (ne boudons pas notre plaisir), est aussi dû à l'offre originale de R. Glucksmann qui est en résonance avec les centres-villes sensibles à l'écologie, les droits de l'homme et la justice sociale dans une économie ouverte. L'intérêt dans l'électorat macroniste pour Glucksmann a été renforcé par la bourde politique de Madame Hayer. Cette dernière, pensant mettre dans la difficulté R. Glucksmann, a cru bon dire que ce dernier votait les mêmes textes qu'elle au Parlement européen. Elle a en fait donné un bon de sortie aux macronistes de gauche. Par ailleurs, le mécontentement systémique vis-à-vis de Macron est tel qu'il fait reculer même G. Attal dans les sondages. Et cela n'aide pas la tête de liste Renaissance qui est bien seule tant que Macron n'a pas tranché sur la liste. Les grands barons ne s'engagent pas alors que Macron tente de les impliquer. Enfin, la pantalonnade budgétaire et les mesures annoncées viennent gâcher la ligne de clivage que le président a cherché à imposer à savoir pour ou contre Poutine. Il est difficile pour les macronistes d'agiter le énième barrage à l'extrême droite en ayant avalé tout cru la ligne lepéniste sur l'immigration. Et il est peu probable que les soutiens de Madame Hayer aient quelques succès en lançant "Au secours, Glucksmann arrive". Quant à Mélenchon, il connaît une sorte de vote sanction vis-à-vis du chef du bruit et de la fureur (qui fait maintenant plus peur que Marine Le Pen et représente malheureusement beaucoup moins l'espoir dans les sondages). Ce mouvement de dépit semble prendre appui à gauche dans le vote Glucksmann - PS. Nous sommes encore loin du résultat et tout peut changer. Souvenons-nous de la liste Sarajevo de L. Schwartzenberg en 1994, lancée par un des soutiens actuels de Glucksmann c'est-à-dire BHL, a fait 14 % dans les sondages avant de s'effondrer. Même si ici, il ne s'agit pas d'une liste hors sol comme celle construite à l'époque par le philosophe. Dans un autre registre, souvenons-nous que la candidature de J.-P. Chevènement à la présidentielle a fait de même. Mais il vaut mieux aborder les près de 60 jours dans une dynamique que sur un faux plat... le PS en sait quelque chose et Renaissance va le vivre.

A Dimanche prochain !

Le communiqué du LAB 

Ma tribune : Nous sommes condamnés à nous entendre !

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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental. 

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LE POUVOIR D’AGIR

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :