François Bayrou, Xavier Bertrand, Sacha Houlié - et d'autres personnalités de gauche qui émergent doucement du talon de fer du populisme - ont manifesté chacun à leur manière leur hostilité à l'extrême droitisation de l'atmosphère. Celle-ci précède sa victoire à la présidentielle. Elle s'explique par l'atomisation de l'espace public et la polarisation du débat à l'extrême droite, catalysant les colères. Elle s'inscrit dans une tendance européenne et mondiale. 

Évidemment, en politique, rien n'est écrit. Mais nombreux sont ceux qui refusent de voir que les conditions d’une accession au pouvoir sont réunies. Tant dans les têtes que dans les sondages, où le score cumulé des nationalistes d'exclusion tourne autour de 40 %, sans compter Les Républicains qui s'en distinguent de moins en moins. 

Il existe aussi ce Munich moral du "Qu'ils gagnent, cela lèvera l'hypothèque". Certes, nous savons tous que nous ne sommes pas dans les années 1930. Il y a eu métamorphose de l'extrême-droite. Son discours s'est poli pour que la lame soit plus tranchante. C'est maintenant un illibéralisme - nationaliste xénophobe. Il ouvre une époque incertaine pour les libertés, la République et vraisemblablement pour la paix. Car cette vague se développe partout dans le monde au même moment, à des degrés divers, et chaque pays se réarme. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder l'agression russe en Ukraine et ses conséquences. 

Cette tendance à l'extrême droitisation a de nombreuses raisons. Il n'est pas nécessaire de partager le diagnostic pour en mesurer la dangerosité. Nul ne peut nier la dynamique qu'une victoire nationaliste engendrerait dans notre pays où le populisme du pouvoir et celui de la rue se nourriraient dans un carrousel effréné. 

Les partis de gouvernement, déjà affaiblis, seraient exsangues, ce qui libérerait davantage les radicalités et les passions de l'affrontement. La France serait en grand danger. La République aujourd'hui, colosse aux pieds d'argile, minée par les communautarismes et l'individualisme consumériste, s'affaisserait lentement, à coups de renoncements. 

"Il est temps que les républicains, les démocrates des deux rives fassent cause commune pour la République"

Déjà, les ferments se propagent. Quant à la rhétorique de l’extrême droite, elle est de moins en moins masquée dans les médias et les réseaux sociaux. Elle façonne les réflexes de l'opinion. Elle nourrit les amertumes de statuts ou de conditions. Et lui permet d'avancer dans les têtes, en silence. Après la droite classique, c'est au tour d'une partie de la majorité et du gouvernement de croire que l'on peut dérober ce feu national populiste par un discours copié-collé. Nous sommes loin de la distance mise par Jacques Chirac ou le président Emmanuel Macron, se voulant des remparts. 

La stratégie visant à créer une proximité entre les offres politiques ne sert que l’extrême-droite. Elle ne fait pas gagner les élections. Elle crée un espace convergeant autour de la préférence nationale. Les Français sont maintenant nombreux à partager ses « 3 i » : identité, immigration, insécurité, qui ethnicisés par l’extrême-droite, deviennent la nouvelle référence d’une partie de la droite, lorsqu'elle ne pointe pas ici ou là son nez à gauche. Cette dernière, toute à son désir de radicalité, ne sait par ailleurs que dénoncer sans rassembler. 

Il y a, pourtant, partout des refus, de la résistance, ou des pas de côté. Ici, face à la droitisation du gouvernement, il y a un refus de voir la famille gaulliste sombrer dans le pot-pourri de l'extrême droite ; là, un « non » au vote d'une loi sur l'immigration extrême-droitisée. Les syndicats, les associations, etc. s'alarment devant la montée du péril. 

À gauche comme à droite, on s'inquiète pourtant sans se mobiliser vraiment. Les uns réagissent dans leurs couloirs, pendant que les autres refusent de sortir de leurs tranchées. Tout en répétant paresseusement que "le front républicain, ça ne fonctionne pas". Les constats, les postures, les grandes voix, ne peuvent suffire à faire barrage. L'union de la gauche à 25 % ne peut être la solution à ce danger. Et encore faudrait-il qu'elle s'unisse sur autre chose que la radicalité. 

Alors, si nous restons les bras ballants, demain il sera minuit et trop tard. Il est temps que les républicains, les démocrates des deux rives fassent cause commune pour la République. C'est maintenant qu'il faut la défendre. Ce n'est pas au lendemain d'une catastrophe annoncée. Il ne s'agit pas de renoncer à ses idées mais de défendre le cadre qui permet de les exprimer. Ce que les syndicats ont su faire, surmontant des années d'hostilités entre eux contre une récente loi. Il faut le faire pour la République et mobiliser les Français. Comme il y a bien longtemps dans notre histoire à travers le rassemblement de la Défense de la République. 

C'est maintenant une certitude !

Nous sommes condamnés à nous entendre pour que vive la République. L'échec n'est pas une option. 

Jean-Christophe Cambadélis.

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