895 Jours de guerre en Europe.

1. Macron maîtrise-t-il encore quelque chose ? 2. La guerre à LFI est déclarée. 3. La démocratie en silos. 4. La théorie des dominos en Afrique de l'Ouest. 5. Macron a mis à côté de la plaque. 6. Mélenchon joue avec le feu. 7. La fièvre. 

1. Macron maîtrise-t-il encore quelque chose ?

On se réjouit en haut lieu de la formule de l'éditorialiste du New York Times, Ross Douthat : « Je placerais pas mal d'argent sur la réussite française au XXIe siècle ». Tout cela parce que la France, avec le nucléaire, a résisté à l'écologie, contrairement à l'Allemagne. Cela s'appelle avoir le sens de l'Histoire. Ce qui est bien avec le raisonnement à long terme, c'est qu'il enjambe les contingences du moment. Mais ne pas comprendre qu'elles peuvent modifier les trajectoires peut nous mettre en difficulté car en attendant, nous vivons une sorte de décomposition française.

D'abord une décomposition économique, avec une dette financière de 3 100 milliards alors que la croissance nominale de 2,8 % est inférieure aux taux d'intérêt de 3 %, et la charge de la dette est passée en 3 ans de 40 milliards d'euros à 84 milliards. Il faut ajouter un déficit commercial de 100 milliards et un déficit public de 5,5 %. Nous sommes entrés dans la spirale des déficits.

Ensuite, il y a la décomposition politique, non seulement le macronisme s'est brutalement affaissé lors des législatives après une présidentielle n'ayant rien réglé, mais le président voit sa liste aux européennes distancée par l'extrême droite et en passe d'être rattrapée par le PS. Inexorablement, le nationalisme d'exclusion s'empare du plus grand nombre. La lourde défaite de Macron et la lourde victoire du RN aux européennes rendent aléatoire une dissolution pourtant indispensable. Et la marche de l'extrême droite vers le succès à la présidentielle se fait dans un paysage politique façon puzzle. Un sondage pour le Figaro Magazine fait de Marine Le Pen la gagnante de la prochaine présidentielle. La destruction des deux partis de gouvernement en 2017 n'a pas été suivie d'une recomposition car Macron ne l'a pas voulu. Il a vu le "bloc central" comme un moyen de conforter son pouvoir plutôt que de stabiliser la France. Cette faute a facilité la domination du populisme d'extrême droite et a installé les populistes comme référence majoritaire en France. Nous avions pronostiqué la malédiction du second mandat présidentiel le soir de l'élection de Macron, nous y sommes.

Enfin, il y a la décomposition républicaine. Le pays est submergé par les peurs, les haines, les ressentiments qui se sont exprimés dans une violente série de faits divers et un débat apocalyptique totalement dominé par les obsessions identitaires de l'extrême droite. Le pays traverse une vraie crise morale alors que la fracture sociale n'a jamais été aussi béante. La remontée du chômage, l'explosion de la précarité et un pouvoir d'achat qui régresse sous l'impact du gel des salaires et de la hausse des prix.

 Les trois piliers de la démocratie sont atteints, alors que la France est confrontée aux guerres par procuration et à l'activation à nouveau de la menace terroriste, et donc au tournant nécessaire à cet état : autant dire une conjoncture épouvantable. Cette désagrégation française, rien ne vient la conjurer à cette étape à part le vague espoir dû au frémissement social-démocrate. Le président est dépassé dans une situation qui semble hors de contrôle. La question du maintien de Gabriel Attal se posera mais surgira aussi, malheureusement, celle du président de la République. 

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2. La guerre à LFI est déclarée

Le sondage commandé par Ruffin, opportunément publié par Libération, a immédiatement conduit des mélenchonistes de premier rang à réagir. Coquerel et Bompard, qui ne sont pas les plus joyeux de la bande, ne se félicitent pas du fait qu'un des leurs ferait jeu égal avec Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Mais le premier estime que Mélenchon est encore le meilleur atout de LFI. Quant au second, il pense qu'un sondage de ce type aujourd'hui n'a pas de sens. Précisément si, et c'est pour cela qu'il a "fuité". Il produit un effet médiatique mécanique toujours prompt à s'emballer pour ce type d'infos. Ruffin gagne là où Mélenchon perd. Et quelques jours plus tard, dans Le Figaro, Mélenchon est à 12% tandis que Rufin est à 7%. Mais l'essentiel de la démarche de Ruffin réside dans la volonté ainsi affichée du député de la Somme d'aller chatouiller les moustaches de Mélenchon. Le deuxième enseignement délivré par ces lieutenants est implicite : Mélenchon compte bien décider lui-même de sa suite. Il n'a renoncé à rien. C'est d'ailleurs en partie les raisons de sa stratégie de fortin radical. L'autre renseignement est pour la Gauche dans son ensemble. À partir du moment où elle se déclare social-démocrate et quitte les rives du bruit et de la fureur populiste de gauche, elle a la capacité de faire jeu égal avec Marine Le Pen. Pour autant, il y a l'enjeu du deuxième tour. Il ne s'agit pas seulement de faire jeu égal, mais de l'emporter. La capacité à attirer des électeurs de centre-droit devient essentielle. François Hollande avait réussi à le faire. Cela n'est pas une mauvaise nouvelle pour une candidature sociale-démocrate. Une conclusion limpide de tous les sondages : il faut à la fois une candidature sociale-démocrate et unitaire pour espérer faire un barrage victorieux à Marine Le Pen. Ajoutons que pour Ruffin, il lui faut dès lors qu'il se déclarerait, gagner le cœur de la « mélenchonie », malgré une candidature Mélenchon, ou à défaut, le blanc-seing de Mélenchon. C'est soit le baiser du diable, soit le diable sort de sa boîte. Autant dire que tout cela n'est pas fait.

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3. La démocratie en silos

71% des Français ne sont pas au courant des élections européennes selon un sondage Elabe. C'est la manifestation du côté bulle du débat politique. Les politiques et les médias n'ont d'yeux que pour ce que l'on dit sur les réseaux sociaux. Le fameux "mon tweet a cartonné". Il n'est jamais lu que par 500 000 personnes dans le meilleur des cas, et c'est excessivement rare. En plus, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg démocratique. À l'instar du Darknet, cela grouille dans la France profonde mais sans visibilité. Si vous ajoutez d'une part les chaînes d'infos dédiées selon vos inclinations, qui autoproduisent leurs propres références culturelles et politiques, et d'autre part les boucles, ces partis-réseaux qui cultivent l'entre-soi, l'archipellisation de la démocratie est bien plus qu'un concept, c'est l'installation de la démocratie en silos. Quant au débat, il est réduit à 160 signes et des punchlines. On consomme les informations comme des pubs. Il suffit de regarder dans le bus, le train, le métro, les citoyens tête baissée, scrollant l'information, tous ensemble reliés à la "grande matrice". L'image est édifiante et terrifiante. Le populisme est la religion de cette nouvelle démocratie. Car seule la forme accusatoire démagogique est seule capable de dépasser quelque peu l'enfermement. La politique, déjà vidée de sens, est vidée d'échange. Elle ne reflète plus le pays réel mais le segment du pays médiatique dans lequel on se reconnaît. Sortir de l'entre-soi, écouter les Français, défendre le relativisme, chercher le compromis, travailler au rassemblement sont des tâches révolutionnaires de défense de la démocratie au regard de ce qu'elle devient car la politique a horreur du vide et elle se vengera.

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4. La théorie des dominos en Afrique de l'Ouest

Pendant que nous scrutons avec passion l'Ukraine ou Gaza, une onde de choc se propage en Afrique de l'Ouest. Le Mali, la Guinée-Bissau, le Niger et la Centrafrique, le Gabon, puis depuis peu le Sénégal, sont en proie à des titres divers, à des crises politiques ou de régimes. Les regards se portent maintenant sur le Tchad et le Nigeria. Le 6 mai, l'élection présidentielle opposera Mahamat Idriss Deby, le président de transition, Succès Mastra, son premier ministre, et Albert Pahimi Padacké, l'ancien opposant de Mahamat. Si les deux premiers sont en compétition sur le papier, il est vraisemblable qu'un accord de reclassement interviendra si l'un des deux l'emporte. Padacké voit son poids entamé par la candidature de Mastra. Et donc, ceci explique cela. Le Tchad est l'un des plus pauvres au monde, la hausse du carburant frappe durement les Tchadiens, l'absence d'électricité tout autant. Certains Tchadiens n'ont pas vu la lumière depuis l'indépendance. Et au Sud, une sécession endémique est soutenue discrètement par les milices Wagner. C'est dire si l'enjeu est grand, en particulier pour le contingent de 1000 soldats "réfugiés" au Tchad après avoir été expulsés du Mali, de Guinée-Bissau et du Niger. Dans une interview mardi sur France 24 et TV5 Monde, le premier ministre-candidat a été clair à propos de la présence française. "Il ne faut pas humilier la France... mais il faut moderniser cette coopération", a-t-il déclaré, sous-entendant que la présence était excessive. Ce sont de nouveaux nuages sur la présence française en Afrique de l'Ouest. À 85 km au Sud-Ouest, le Nigeria est à nouveau confronté à des mouvements qui laissent penser qu'un coup d'État est en gestation. Ce pays est le plus peuplé d'Afrique, mais aussi pauvre que l'Inde. Les réserves minières et surtout pétrolières en font pourtant un géant du pétrole, mais les rentrées financières sont peu ou pas redistribuées. Si c'est la nation d'Aliko Dangote, l'homme le plus riche d'Afrique, c'est aussi une démocratie fragile dominée par une oligarchie parlementaire. Un sénateur au Nigeria gagne 2 millions de dollars par an, 10 fois plus qu'aux États-Unis et à peu près un siècle de revenu minimum d'un ouvrier du Nigeria. Le budget propre de l'Assemblée nationale est de 60% de celui des 36 provinces. Quant au président Bola Timbu, les États-Unis l'accusent de blanchiment de la drogue. Des mouvements viennent d'éclater à Ikeja, Lagos, Nigeria, contre la suppression de la subvention sur le carburant. Ce pays qui a connu la guerre civile du Biafra et connaît les incursions du groupe terroriste islamiste Boko Haram est secoué par un scandale à la banque centrale. Alors, des bruits de réactions de l'armée, la plus puissante d'Afrique, se font jour. On évoque encore ici ou là l'influence de la milice Wagner cherchant à tirer les marrons du feu en l'alimentant. Le Nigeria est en outre le membre déterminant de la CEDEAO, clé de voûte de la stabilité en Afrique de l'Ouest. Cela s'appelle la théorie des dominos.

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5. Macron a mis à côté de la plaque

Par un jeudi matin gris et froid, vers 11h, dans une Sorbonne bouclée par la police, Emmanuel Macron, fatigué et moins fringant qu'à la coutume, entouré de son dernier carré de fidèles extatiques, lit son texte en surjouant l'Européen visionnaire. En le regardant, on se dit "c'est terrible comme le temps passe". Gabriel Attal, "premier ministre au premier rang", semble tout à coup vieillir, le locataire de l'Élysée. Lors de son premier discours à la Sorbonne, E. Macron, jeune président, croquait son quinquennat à pleines dents. Aujourd'hui, la magie ne fonctionne plus. Macron promettait il y a 7 ans un spi au bateau Europe, entre-temps il a affalé les voiles. Les succès européens ont été ceux des événements. Même s'il a voulu les signer en se déclarant l'inspirateur, cela ne trompe que les Français qui veulent se voir beaux. Et la fameuse rationalisation à posteriori macronienne, si brillante soit-elle, semble en 2024 sans prise. En 2017, Macron pouvait brosser un espoir européen, il est aujourd'hui un homme dont le passif plombe l'enthousiasme. L'impopularité, l'usure du pouvoir rendait l'exercice périlleux. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », disait Héraclite. Et dans ce nouveau discours fleuve sur l'Europe, les mots du président semblaient usés, comme cette "intimité stratégique" déjà vendue par Giscard à propos de H. Schmitt et de l'Allemagne. Son volontarisme pour le souverainisme européen sans souverain est apparu comme un vœu pieux. Il concède, en effet, dès le début de son propos, que la démocratie européenne laissait à désirer, mais il a terminé ses presque deux heures d'intervention en ayant laissé en cours de route ce petit sujet. Les peuples, le peuple est introuvable dans l'exposé du président. Seule compte pour lui l'Europe de sommet, celle de l'intergouvernemental. Pas une fois mention du Parlement européen là où Mitterrand disait qu'il serait le lieu un jour d'une constituante européenne. Quant aux 90 millions de pauvres en Europe, la plume présidentielle n'a pas jugé utile de les mentionner. Vous me direz que le discours a fait tout autant l'impasse sur le défi climatique, avec une formulation ambiguë puisqu'on ne sait si le constat du président à propos des normes que nous nous sommes imposées en ce domaine est une bonne chose ou une contrainte économique au regard de nos concurrents. Au fond, la souveraineté macronienne, antidote à la disparition d'une Europe en danger, se réduit à protéger un grand marché par temps de décrochage industriel et économique. R. Glucksmann a planché sur le même sujet la veille et a ouvert la perspective d'une puissance sociale écologique, remettant la solidarité delorienne au centre. Ce petit rien fait toute la différence, car elle donne un sens à la gouvernance. L'Europe, c'est la solidarité avant le marché. Michel Rocard, un jour de déprime, confessa que l'Europe avait raté le coche de la solidarité et qu'il ne restait que celui du marché. Il le regrettait amèrement. E. Macron en fait son horizon. Désolé, mais ça manque de chair pour entraîner les peuples. Car les gouvernants sont des monstres froids défendant leurs intérêts nationaux, imperméables à la rhétorique. Quant à la défense européenne, longuement présentée comme l'affaire du siècle du président, elle fait consensus dans les capitales européennes après le risque de rupture du front ukrainien et le doute quant au maintien d'une Amérique trumpiste dans l'OTAN. Mais les leaders européens ne savent pas avec quel Macron ils doivent échanger, celui du dialogue constructif avec Poutine ou celui qui n'exclut pas de mettre des troupes au sol en Ukraine. D'ailleurs, Macron passa rapidement sur le sujet avec "un pas de raison de s'en priver" qui aurait dû laisser quelques laudateurs du discours sur leur faim. Et puis, le président n'a pas réitéré sa proposition devant l'école de Guerre le 7 février 2020, à savoir partager l'arme nucléaire. C'était un peu lunaire. Il ne reviendra sur cette proposition que 48h plus tard quand l'Allemagne propose le bouclier antimissile sans la technologie française, pour le moins vexant, et le Président Polonais indique qu'il est prêt à accepter l'arme nucléaire américaine ou française sur son territoire. Là encore, les événements s'imposent au président. Mais les chefs d'État européens ont dû le noter. Bref, trop sorbonnard pour la tête de liste Renaissance, trop de surplomb et de déficits pour les partenaires européens, trop de discours de campagne pour être un discours en campagne, trop long pour les médias, trop technocratique pour le peuple, le discours de la Sorbonne courait trop de lièvres à la fois pour un président qui était déjà passé par là. Le président n'a pas suivi les conseils de Pilhan "dans les moments graves, parler peu, parler court, parler dense". Et donc, E Macron "a mis à côté de la plaque" comme aurait dit le général De Gaulle. Et le lendemain, le Rolling du jour annonce une baisse de Hayer, une hausse de Glucksmann ! Cruel. 

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6. Mélenchon joue avec le feu

En une semaine, R. Glucksmann, tête de liste socialiste, a pris deux points dans les sondages, atteignant 14%, tandis que Hayer, tête de liste Renaissance, continue sa chute à 16,5%. Et c'est ce simple phénomène qui explique la surenchère de la France insoumise à travers sa campagne universitaire pro-palestinienne. Il s'agit de provoquer un mouvement universitaire pour mobiliser la jeunesse et capter l'émotion légitime des Français de confession musulmane. Il s'agit de changer de terrain politique, et ce, pour éviter de voir l'électorat de la France insoumise aspiré par le vote utile qui va s'enclencher maintenant qu'il est possible de battre symboliquement Macron. Mélenchon tente désespérément de modifier la donne par l'urgence de Gaza. Si le leader de la France insoumise, actuellement en Arménie, prend soin de saluer l'occupation de Science Po par le comité Palestine, c'est qu'il veut faire le pont entre la réaction des étudiants et la France insoumise. Cette stratégie était déjà induite par la présence de Rima Hassan sur la liste de Manon Aubry, même si cette dernière avait pris position contre une solution à deux États et avait beaucoup de mal à caractériser le Hamas.

Il est parfaitement légitime de protester contre les massacres à Gaza, les 32 000 morts, la famine ou les charniers. Il l'est beaucoup moins de banaliser, voire de nier le 7 octobre, d'oublier les otages et de se prononcer pour le cercueil ou la valise pour les Juifs d'Israël. Mélenchon joue avec le feu. Il connaît parfaitement la situation dans les campus aux États-Unis, où l'on est passé parfois d'une condamnation d'Israël, comme l'a fait Bernie Sanders, à l'interdiction d'entrée d'étudiants juifs dans l'université parce que juifs et donc "co-responsables de l'action d'Israël". Ce qui est, pour le coup, une essentialisation des Juifs et donc de l'antisémitisme. La France insoumise souffle sur les braises en prenant tous les risques. Car il y a d'autres acteurs qui veulent participer à la "fête", comme Révolution permanente ou le MPA. Mais cela n'arrêtera pas la chute de Hayer, l'envie à gauche de battre Macron et de faire barrage au Parlement européen à la vague nationaliste. Et Mélenchon aura perdu sur tous les tableaux.

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7. La fièvre

Ce n'est pas moi qui vais jeter la pierre aux étudiants de Sciences Po Paris. J'ai connu les amphis enfumés, enfiévrés, occupés et rebaptisés les amphis "Ho Chi Minh", "les luttes" ou de la coordination nationale. J'ai connu les souks dans les couloirs où se vendaient toutes sortes de choses plus ou moins licites, où chaque groupuscule avait son panneau sur les murs, et où les débats se terminaient parfois très violemment. J'ai vu des maoïstes tenter de prendre d'assaut, barre de fer à la main, des locaux d'une corpo de droit sous prétexte qu'ils étaient d'extrême droite. Et ces derniers coursaient des étudiants parce qu'ils étaient trotskistes. Je ne compte plus mes manifestations de rue sous les prétextes les plus divers, entraînant parfois des centaines de milliers d'étudiants.

L'université a connu sa première grève en 1229 au Quartier latin, ce qui a d'ailleurs donné la bulle papale "Parem santiarum" qui consacra l'indépendance de l'université vis-à-vis du pouvoir terrestre. C'est de là que viennent aujourd'hui les franchises universitaires. C'est la raison pour laquelle les forces de l'ordre ne peuvent intervenir sur un campus qu'à la demande du président ou du directeur de l'enseignement. Et de fait, les "facultés" ont toujours été le lieu du savoir et de la contestation des pouvoirs. N'oublions pas que ce sont des jeunes étudiants qui ont manifesté en 1940 à l'Arc de Triomphe en pleine occupation. Ce sont les étudiants français qui ont manifesté dans les années 60 contre la guerre d'Algérie et les ont rappelés sur les grands boulevards, en soutien au FLN algérien. Et ceci avant que les générations suivantes ne soutiennent le mouvement contre la guerre du Vietnam, ou d'autres événements comme les prisonniers politiques en URSS, le soutien aux étudiants tchèques ou au Chili écrasé par la dictature. Faut-il rappeler le Mouvement du 22 Mars à Nanterre, ouvrant la voie à la "commune étudiante"? La politisation des campus a toujours existé, avec une activité sismique plus ou moins forte, comme les volcans.

Si on ne s'en tient qu'à cela, on s'étonnera de l'écume des choses. "La jeunesse est la plaque sensible de la société", disait précisément Léon Trotsky. Elle exprime toujours d'une manière particulière l'inconscient d'une société. Et comme les rêves prennent des détours pour exprimer les tourments qui nous assaillent, la jeunesse étudiante reflète de façon souvent déformée ce qui sourd de la société. Il y a toujours un esprit de justice se cristallisant sur un facteur déclenchant. Il y a certes des minorités agissantes. Et en ce jour anniversaire du décès du regretté sénateur Henri Weber, qui ne fut pas le dernier, comment ne pas le reconnaître. Mais là encore, ne confondons pas le symptôme et le mal qu'il recouvre. La fièvre universitaire de Sciences Po annonce les affrontements à venir et le retour de la politique dans la jeunesse à la veille de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite. Le wokisme délirant, le refus des récits, les slogans sont baroques, les causes incertaines voire inappropriées. Mais elles expriment de façon désordonnée et souvent condamnable autre chose. Il n'y a là ni excuse ni démission. Il faut d'ailleurs combattre ces dérives comme on a combattu les nôtres. Pierre Viansson-Ponté  disait dans Le Monde, à la veille de 1968, "la France s'ennuie". J.-P. Chevènement déclarait à la veille de la grève générale étudiante de 1976 : 

"Il ne se passe rien à l'université, les étudiants sont juste préoccupés à préparer du thé à leur petite amie." Il se passe quelque chose à l'université et pas seulement en France. Et cela annonce une époque troublée.

A Dimanche prochain !

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Le communiqué du LAB 

Ma tribune : Nous sommes condamnés à nous entendre !

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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental. 

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LE POUVOIR D’AGIR

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :