730ème Jours de Guerre en Europe

1/ L’austérité « quoi qu'il vous en coûte » ; 2/ Poutine, IVAN le terrible ; 3/ Mais Poutine fédère les Palestiniens ; 4/ L’Ukraine au bout du rouleau ; 5/ Glucksmann ou Bompard ? ; 6/ L’uniforme à l'école, est-ce bien la solution ? ; 7/ L’affaire GénérationS                

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1/ L’austérité « quoi qu'il vous en coûte » 

Nous vous le disions depuis des mois : « L'austérité est inéluctable ». Et ce, malgré les cocoricos sur la croissance du ministre de l’Économie et sur les investissements, marotte du président. Dimanche soir, quasiment en catimini, au milieu des vacances scolaires et parlementaires, Bruno Le Maire est venu annoncer aux Français « le quoi qu'il vous en coûte », c'est-à-dire 10 milliards d'économie. C'est deux crans à la ceinture et l'inflation sur les produits alimentaires en plus. « La guerre en Ukraine, la faible croissance chinoise et la récession en Allemagne sont les coupables » a conclu le ministre de l’Économie, qui ne veut pas être jugé comme responsable d'avoir mal jugé la situation. 

Comment voulez-vous alors que les salariés stagnent pour maintenir la compétitivité et éviter d'aggraver le déficit du commerce extérieur abyssal ? Comment voulez-vous que ceci n'ait pas de répercussions sur l'opinion en général et les élections en particulier ? Et cette austérité intervient au moment où la confrontation agrico-écologique a atteint un point tel qu'elle tourne au KO technique pour l'Élysée. Macron se prend les pieds dans le tapis d'un grand débat annulé faute d'interlocuteurs. Ill faut être dans la toute-puissance pour croire que le « en même temps » allait marcher avec la crise agricole. L’austérité et ce terrible fiasco le démontrent. Nous entrons dans une séquence tumultueuse pour la France. Emmanuel Macron a inauguré le salon de l'Agriculture sous les huées, les quolibets et les sifflets, cela ne fait que commencer.

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 2/ Poutine, IVAN le terrible

« Arthur, où t’as mis le corps ? Ça a une certaine importance ! », chantait Serge Reggiani. Poutine a fini par le rendre. La pression était trop grande, y compris semble-t-il dans les cercles du pouvoir. Le maître du Kremlin espère maintenant des funérailles vite. Il veut éviter qu'elles soient trop proches de l'élection présidentielle. La cérémonie pourrait être un moment de contestation. On peut pour autant s'interroger : pourquoi cette frénésie de « liquidation » entre les oligarques, les opposants, Prigogine, et maintenant Navalny ? Le syndrome Ivan le Terrible, assassin compulsif et paranoïaque délirant ? Un Staline fixant des quotas de déportés à fusiller dans son bureau nuitamment au Kremlin? Son penchant parrain mafieux qui se vit dans un film de Scorsese ou de Ford Coppola, à moins que ce soit un « il était une fois la Russie » à la Sergio Leone ? La FSBisation de l'État qui réalise les désirs du maître avant qu'il ne les formule se protégeant par anticipation ?

C'est tout cela à la fois et l'on tremble en pensant qu'il dirige un État doté du plus grand arsenal nucléaire au monde, au moment où Trump est en passe de revenir à la tête des États-Unis.

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3/ Mais Poutine fédère les Palestiniens

Poutine réunit à Moscou la semaine prochaine toutes les factions palestiniennes, Hamas et Djihad islamiste inclus. Cela n'aurait jamais pu se faire sans l'accord de l'Iran, qui fournit des milliers de drones à la Russie, comme la Corée du Nord des obus. C'est d'ailleurs au-delà de la guerre hybride, la 3ème guerre mondiale par procuration, via la mondialisation de l'armement sur le théâtre des opérations. Mais cela participe aussi de la désoccidentalisation du monde. N'en déplaise aux autruches géopolitiques.

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4/ L’Ukraine au bout du rouleau

Zelensky a déclaré lundi soir aux Ukrainiens que son pays « fait face à de grandes difficultés », un euphémisme après l'échec de la contre-offensive. Les Russes auraient réussi à mettre une botte de l'autre côté du Dniepr, ce qui est contesté par les Ukrainiens qui ont dû quand même se replier. Il ne fallait pas être sorti de West Point ou de l'USAF pour comprendre que l'Ukraine, sous-dotée en termes de soldats et sous-équipée en termes de munitions, ne pouvait bouter les Russes hors du Donbass. La stratégie de "containment" mise en place par les États-Unis et l'Europe a épuisé l'Ukraine sans défaire la Russie. Zelensky a surestimé la capacité de son pays à faire seul, si on ne le soutenait plus. Comme l'Occident a surestimé sa capacité à mettre à genoux l'économie russe, sauvée par les BRICS et principalement par la Chine, l'Inde et la Turquie. Partout on constate une érosion de la solidarité. La guerre peut donc basculer. C'est possible mais pas certain. L'héroïsme des Ukrainiens et la peur de voir le front ukrainien céder vont accélérer l'acheminement des armes et des munitions en provenance des États-Unis et de l'Europe. En attendant, Trump ou pas ? Le vrai tournant du conflit.

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5/ Glucksmann ou Bompard ?

Le vieux débat entre le pacifisme et le bellicisme refait surface entre M. Bompard pour LFI et le candidat du PS aux européennes R. Glucksmann. En substance, le député de Marseille et le président de la Commission des finances, E.Coquerel, accusent le député européen d'entraîner la France dans un conflit généralisé. Ils se prononcent pour la paix tandis que R. Glucksmann juge que Poutine est fort de nos faiblesses et cible le pacifisme coupable de LFI. Ce débat est crucial, car à tout moment le front ukrainien peut céder, alors que Poutine a fait de l'extension d'un glacis à l’Ouest une question identitaire. Il s'agit donc de la guerre et de la paix, constitutif de l'Europe.

Cette question ne traverse pas seulement la gauche mais toutes les familles politiques. Elle se pose aussi à l'extrême-droite à cause de sa complaisance pour Poutine. LFI, tout autant ambiguë par anti-impérialisme vis-à-vis de l’US, se drape dans le pacifisme pour attaquer Glucksmann. 

Mais de quel pacifisme s'agit-il ? Sa nature, au-delà des postures, en dit beaucoup sur ceux qui le défendent. Le pacifisme de Jaurès n'était pas celui de Romain Roland ou Stéphane Zweig. Les pacifistes de 14 n'étaient pas ceux de 40. Le pacifisme juridique d'Albert Arnaud en 1901 avec la Ligue pour la Paix soutenue par Marcel Sembat ou Albert Thomas n'excluait pas la « guerre du droit face à la violence injuste ». Le Tolstoïsme, lui, estimait devoir exclure « toutes violences pour des raisons spirituelles et morales ». Celui de Jules Guesde et Édouard Vaillant était favorable à « la guerre à la guerre » ou au « plutôt l'insurrection que la guerre ». Le pacifisme d'une Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht dans la révolution allemande, comme le défaitisme de Lénine vis-à-vis de la Russie, visait à aider la Révolution. Le pacifisme révolutionnaire dans la SFIO en 1936, pour qui la guerre en Espagne « était envisageable lorsqu'elle oppose les intérêts capitalistes et impérialistes », se distinguait de la non-intervention d'un Blum ou plus tard d'un Daladier. D'où d'ailleurs la réponse de Léon Trotsky dans le programme de transition : « le pacifisme est la couverture de l'impérialisme ». JL Mélenchon devrait relire ses classiques. Le pacifisme, ce fut aussi le pétainisme de collaboration ou de capitulation d'un Roger Martin du Gard « plutôt que la guerre, tout de même le fascisme ». Le pacifisme, la non-violence d’un Ghandi dont la forme de lutte a défait la Grande-Bretagne, celui de Martin luther King qui s’acheva dans la violence des Black Panthers. Enfin, le pacifisme du mouvement Peace and Love pendant la guerre du Vietnam, chanté par Joan Baez, Bob Dylan ou John Lennon, visait la victoire du peuple vietnamien. On le voit, le pacifisme dont se réclament Bompard ou Coquerel est multiple. Dis-moi quel est ton pacifisme, je te dirai qui tu es. C'est la finalité qui fait la nature du pacifisme. Et dans le cas d'espèce, c'est Glucksmann qui a raison. L'agresseur est Poutine. La remise en cause du droit, c'est Poutine. Et le but impérialiste d'asservir un peuple, c'est toujours Poutine. Relativiser ces faits au nom d'un OTAN « agresseurs » et d'un anti-USA hérité de la guerre froide, c'est être « un allié objectif », comme on disait autrefois. C'est comme si on avait refusé de combattre l'agression américaine au Vietnam sous prétexte de la nature de ses soutiens : la dictature de l'Union soviétique ou de la Chine. Alors oui, « l'agression est à l'Est et les pacifistes à l'Ouest », pourrait-on dire en paraphrasant F. Mitterrand que Mélenchon aime tant. Il faut être clair : on ne peut être qu’inconditionnellement pour la défaite de Poutine. Ce qui est loin d'être le cas pour LFI et pour d'autres, à commencer par le RN. Glucksmann a encore raison, rien ne dit que l'affaiblissement de la défense de l'Ukraine ne débouche pas sur d'autres conquêtes hors OTAN de Poutine. L'Europe, et non chaque pays d'Europe dans son coin, doit se réarmer pour dissuader Poutine. Se réarmer, c'est assurer la paix, ne pas le faire, c'est encourager Poutine. Le belliciste, c'est Poutine. Et le pacifiste, c'est Glucksmann.

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6/ l’uniforme à l'école, est-ce bien la solution ?

Par un étrange paradoxe, G. Attal veut mettre fin au "collège uniforme", comme il le dit dans un lapsus révélateur. Mais, il veut en revanche l'uniforme pour tous sous l'impulsion du Président.

E. Macron, pur tacticien et Auguste à Rome, le locataire de L'Élysée, définit ce qui est juste selon son bon vouloir. Seule sa parole du moment compte et elle est sacrée. Il verra son autolâtrie rendre très difficile demain son décryptage, tant son "en même temps" révèle du caméléon. Il est capable de glorifier l'État de droit avec Badinter et remettre en cause le droit du sol avec Marine Le Pen. Panthéoniser Manouchian après avoir stigmatisé l'immigration dans une loi. Reprendre sa première ministre pour avoir dit que le RN est pétainiste et estimer qu'il ne fait pas partie de l'arc républicain. Alors, opportuniste ayant vu le succès de la fin de l'abaya à l'école, il a décidé de faire de l'uniforme un axe de reconquête de l'opinion, autour de 3 arguments : respect, laïcité et égalité.

Le respect s'impose-t-il par une blouse ou un uniforme ? La laïcité s'impose-t-elle en cachant les signes religieux ? L'égalité s'impose-t-elle par une uniformité de façade ? Chacun conviendra que la réponse est 3 fois non. Ces 3 questions sont primordiales, il ne faut absolument pas les cacher mais les affronter.

Si "l'habit ne fait pas le moine" et "l'ennui naît de l'uniformité", comment faire ? D'abord, il faut comprendre. La blouse ou l'uniforme ne gêne pas les intégristes de "tout poil". C'est la vue des autres et de leurs mœurs qui les offusquent. Et donc, en croyant les combattre, on va au-devant de leurs exigences, cacher un consumérisme contestable et des tenues contestées par leurs principes religieux. Cela ne veut pas dire accepter n'importe quoi.

La "communauté éducative" doit se construire autour de règles communes. Pour cela, je propose un règlement intérieur présenté chaque année dans chaque établissement et devant une assemblée de rentrée parents-enseignants-élèves avec présence obligatoire. Les 3 points suscités doivent y être, entre autres, exposés et ce pacte scolaire doit être contresigné par les parents et les enfants. Ce serait ainsi l'apprentissage du respect des autres et de la parole donnée, de la laïcité. Le refus de l'accepter ne permettrait pas d'accéder à l'établissement.

Ce qui aiderait les enseignants souvent seuls dans une classe face à des obscurantismes de parents portés par leurs enfants.

L'école retrouverait ainsi sa place dans l'instruction civique et laïque de la nation. Une autorité collective librement consentie qui codifie un vivre-ensemble pourrait s'imposer. Et non un uniforme qui met les problèmes sous le tapis et qui sera l'objet d'un rejet de collégiens et lycéens au fil du temps. C'est déjà le cas au lycée Chape de Marseille.

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7/ L’affaire GénérationS 

L'affaire peut sembler picrocholine. Elle l'est. Mais elle est plus significative qu'il n'y paraît. Le Groupe Générations, fondé par Benoît Hamon, agit principalement chez les écologistes mais en proximité avec LFI. Il a été le théâtre d'une explosion. En cause, une consultation interne précipitée autour des listes aux Européennes où les adhérents (540) et 4 parlementaires auraient choisi LFI. Évidemment, Aubry s'en félicite immédiatement. C'est un peu téléphoné, cela aurait pu marcher. Mais ce vote est immédiatement mis en cause par la direction du mouvement.

Elle démet ses deux coordinateurs auteurs du communiqué annonçant le ralliement. Puis leur dénie le droit de représenter Générations sur la liste de Manon Aubry. De quoi ce conflit interne à une petite formation est-il le nom ? La crise de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES). Quant à GénérationS, le groupe ne put prospérer hors des partis. Il décida de les investir, principalement chez les écologistes, pour défendre l'union de la gauche sans exclusive. Et ceci pendant que son chef prend du champ dans une ONG pour mieux revenir. L'investissement a fonctionné car il a été récompensé par 4 députés assurant à la formation un strapontin à la NUPES. Mais voilà, la crise de celle-ci se réfracte en son sein. C'est ce que constate amer Benjamin Lucas dans un tweet. En effet, le débat en cours dans l'ex-NUPES est entre les tenants d'une NUPES "ni ni", c'est-à-dire ni Mélenchon ni les sociaux-démocrates regroupant les fauristes, les duflotistes (chez les écologistes), les frondeurs LFI (Ruffin, Autain, Corbière, Garido, etc.) et peut-être le PCF, et les tenants de la NUPES "maintenue", c'est-à-dire les mélenchonistes, la gauche des écologistes, le MJS et quelques parlementaires au PS et la minorité du PCF. Ce conflit "stratégique" fait rage à bas bruit. Générations est sur la ligne de démarcation et cela fait mal aux adducteurs. D'autant que l'élection européenne devient l'enjeu de ce conflit. Le champion du petit bain de l'élection où la gauche ne dépasse pas au total 25 % (le RN 29 %, l'extrême droite 40 %) triompherait sur sa ligne. Dans ce conflit invisible, Faure tente d'éviter que Glucksmann se "social démocratise" contre Mélenchon et ne rende impossible la venue des frondeurs LFI. Les écologistes voudraient bien décrocher la timbale du parti dominant à gauche. Le PCF ne veut plus de la NUPES mais n'est pas sûr de vouloir sa version "ni ni". Et les mélenchonistes ne désespèrent pas de virer en tête en dessoudant les écologistes et poussant Glucksmann vers les macronistes. À l'heure des choix, Hamon a fait le sien : ce sera la stratégie PS - Verts pendant que d'autres estiment qu'on ne peut faire sans Mélenchon. Résultat : boum, le petit parti explose. Vous aurez remarqué que dans ce partage des eaux en cours, les sociaux-démocrates, qui ont obtenu la fin de la NUPES et une liste autonome PS, n'ont pas de stratégie. Ils parient sur leurs personnalités et les sondages pour mettre tout le monde d'accord. Je crains que ce seul pari ne soit pas gagnant face à la NUPES "ni ni" et la NUPE maintenue, ce qui est en soi un sujet. Mais surtout face à l'irrésistible ascension de l'extrême-droite, d'où ma tribune libre hier à La Tribune du Dimanche 

A Dimanche prochain !

Ma tribune : Nous sommes condamnés à nous entendre !

Lisez le journal : https://lejournal.info le dimanche également !

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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental. 

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LE POUVOIR D’AGIR

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :