909 jours de guerre en Europe.
1. Troupes françaises à Odessa ? ; 2. Le bourbier de Rafah ; 3. La Chine se prépare à la guerre ; 4. Le cadeau empoisonné aux travaillistes anglais ; 5. Faure : la Nupes est morte vive la Nupes ; 6. La droite peut-elle s'allier à Macron ? ; 7. Pourquoi tout le monde se fout du résultat de Bardella ?
1. Troupes françaises à Odessa ?
Pour ceux qui suivent mes instantanés du dimanche, le savent, je défends depuis longtemps la position : l'intervention ou la Paix. Il était éthiquement douteux et stratégiquement inopérant de laisser les Ukrainiens mourir seuls pour nos valeurs. Et il était tout aussi intolérable de les laisser dans une situation ni guerre ni paix. Il aurait fallu faire l'inverse, menacer d'une intervention au début pour ouvrir le chemin de la paix maintenant. Nous avons commencé par le dialogue puis nous n'avons pas voulu humilier la Russie pour menacer aujourd'hui dans des conditions telles que nous apparaissions comme un couteau sans lame. Au-delà de cette erreur dramatique, il y a une question de méthode en Europe qui rend la posture actuelle inopérante. La question de l'Europe puissance n'est pas un débat avec le président de la République. Nous la partageons, mais sous-entendre que c'est aux conditions de la France. Caresser l'idée que l'Europe puissance c'est la France en grand, c'est vendanger l'idée et faire monter l'hostilité. Il ne fallait pas étalonner l'Europe de la défense à l'intervention au sol en Ukraine. Il fallait d'emblée organiser la résistance à la Russie, alors que l'opinion européenne était choquée par l'intervention militaire de Poutine. C'était une fenêtre malheureuse, mais une fenêtre qui réduisait les résistances dues aux politiques nationales. On a raté par prétentions le coche. La fenêtre s'est refermée. Il faut maintenant s'appuyer sur la nécessité - partagée par tous - de faire face à la rupture envisagée du front ukrainien et au désengagement possible des Américains, pour - comme pour la Covid - mutualiser l'industrie d'armement et le soutien à l'Ukraine. Après mécaniquement, la question de l'intervention au sol se serait posée par tous. Macron ne veut pas comprendre la méthode de l'engrenage chère aux pères de l'Europe. Car sa chanson de geste européenne s'adresse d'abord à la politique française. En Europe, il n'y a pas d'appel du 18 juin qui vaille. La politique du fait accompli s'oppose à l'accomplissement du fait. Il n'y a pas de petit coup tactique visant à isoler l'Allemagne des pays Baltes ou de la Pologne. La réponse de nos partenaires due à une forfanterie adolescente convainc Poutine que la France ne fera rien. Et ce n'est pas la remise au goût du jour du "partage" fictif de l'arme nucléaire qui va changer la donne. Tout le monde sait que la France serait décisionnaire en dernière instance. Le maître du Kremlin doute que l'Europe avachie risque la guerre nucléaire pour les États Baltes. Quant à la Pologne, le problème de la Russie ce n’est pas la France mais les États-Unis. Poutine est imprégné de la toute-puissance de son combat. Celui de la "majorité mondiale", contre le monde occidental et "sa pratique néo-coloniale", cette doctrine Karaganov qui est née avec Evgenij Primakov, ministre des Affaires étrangères d’Eltsine, qui préconisait le tournant de la Russie vers l'Inde et la Chine. Si on organise nous-mêmes la dissension dans le mur de l'Europe, on ne risque pas de le faire douter. Pour couronner le tout, c'est Zelenski qui proclame "Nous n'avons pas besoin de soldats mais de munitions". Et si le front cède, le rêve d'une nouvelle guerre de Crimée, qui a fait beaucoup pour le prestige de Napoléon III et de la Légion étrangère, se heurtera à l'impossibilité de le faire seul. La politique ukrainienne de Macron est un désastre car elle n'a pas de continuité et n'est pensée que comme une succession de coups tactiques où un coup chasse l'autre. Quand on pense que la France est représentée à la cérémonie d'investiture du Maître du Kremlin après les sorties de Macron, les bras nous en tombent. Poutine, lui, a une stratégie articulée à une vision du monde. Nous, nous ne savons pas ce que nous voulons.
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2. Le bourbier de Rafah
On ne voit pas comment Netenyahou peut se sortir idem de la nasse de Rafah. Attaquer cette dernière ville de Gaza, c'est non seulement braver la communauté internationale, les États-Unis en tête, qui menacent de plus de livrer des armes offensives, perdre les otages et faire un carnage qui s'ajoute à la destruction méthodique des villes et aux milliers de morts, avec pour objectif le dépeuplement de la bande de Gaza. Ne pas attaquer Rafah, c'est ne pas réaliser l'objectif annoncé par Netenyahou lui-même de détruire le Hamas "réfugié à Rafah" sans pour autant obtenir les otages. Il lui faut soit tous les otages, soit une intervention propre, autant dire mission impossible. Le refus de l'Égypte d'ouvrir la frontière et l'impossibilité de déplacer un million et demi de Gazaouis poussés par les bombardements et les consignes de Tsahal dans ce réduit conduisent à une impasse pour le chef du gouvernement d'extrême droite israélienne, d'où des négociations de trêve qui ressemblent à celles de Brest-Litovsk, où les deux parties cherchaient à gagner du temps en espérant l'effondrement de l'autre avant de signer la paix. Pendant ce temps, Israël met en place une intervention par quartiers plutôt que de mettre le paquet avec l'idée de minimiser les pertes et de maximiser les gains vis-à-vis d'un Hamas sans autres perspectives que le massacre des Palestiniens pour relativiser sa stratégie barbare. Mais cette diagonale entre les contraintes n'évitera pas l'horreur et ses répercussions pour Israël, alimentant l'antisémitisme qui se réactive à grande vitesse.
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3. La Chine se prépare à la Guerre
Discuter, échanger, commercer avec la Chine n'est pas discutable. Le monde n'est pas à notre image et il faut le prendre comme il est, sans passer sous la table. Les Chinois sont pragmatiques et reconnaissent à la France - puissance nucléaire - son leadership politique et à l'Allemagne son leadership économique. La venue de Xi Jinping en France, c'est d'abord cette reconnaissance. Il ne doit pas très bien comprendre pourquoi on lui inflige Von der Leyen, mais il est poli et respecte les marottes du président Macron qui l'avait déjà imposé à Pékin. Il est tout aussi impavide lors du détour dans les Pyrénées, même si, pour ne pas le dépayser, une cohorte de Chinois est venue lui faire la claque dans un village sur les pentes du col du Tourmalet où les Virenque, Voeckler, Pinault, Alaphilippe se sont illustrés. Mais bon, il n'est pas interdit de comprendre ce qui se cache derrière le voyage. C'est simple, la Chine se prépare à la guerre avec les États-Unis. Car la route de la soie ne peut être bornée par la puissance américaine. C'est le bilan que Xi tire de l'effondrement de l'URSS qu'il regrette. L'empire soviétique a délaissé la compétition technologique et commerciale. Par ailleurs, la Chine n'est pas seulement un adversaire économique qu'il faut réguler. Certes, notre déficit avec la Chine est quand même le tiers de notre déficit du commerce extérieur. Et une fois que la Chine domine un segment de marché obtenu par un dumping de bas prix, elle les augmente fortement. L'Empire du milieu est aussi un ennemi systémique de la démocratie à l'occidentale qu'il faut combattre. Le président chinois a donc voyagé utile en France. La Chine, adepte du jeu de Go, calcule ce que chaque coup lui fera gagner à la fin comme points. D'abord, Xi Jinping fait clairement comprendre qu'il est indispensable au règlement du "conflit" avec l'Ukraine. Ce qui a comme conséquences de neutraliser ou relativiser l'hostilité européenne à son égard, quels que soient les reproches stratégiques, commerciaux, d'espionnage ou sur les droits de l'homme. Ensuite, il cherche à accentuer les dissensions dans le pilier franco-allemand de l'Europe (déficit pour la France, excédent pour l'Allemagne en termes de commerce). La Chine crée aussi des contradictions entre nations sur le continent. Il suffit de voir le voyage en Serbie et "l'amitié de fer" selon Aleksandar Vucic entre les deux pays et les milliards chinois déversés. Xi Jinping ira plus loin encore en Hongrie, soulignant l'indépendance du pays "portant les relations stratégiques à leur apogée", joli pied de nez à l'Europe et à Madame Von der Leyen, relevant ainsi in fine l'Europe qu'il aime, celle d'États souverains et non unis, tout à la fois base économique avancée (19 contrats signés, dont l'automobile et les piles en Hongrie) et compréhension bienveillante vis-à-vis de la Russie. Enfin, la Chine crée un entrelacs économique suffisamment serré pour que les sanctions soient possibles, à défaut d'avoir neutralisé les soutiens à Taïwan lors d'une agression sur Taïwan. Macron n'avait-il pas dit en substance au retour de son dernier voyage à Pékin : "On peut leur lâcher Taïwan contre la paix en Ukraine". Je reviens une fois de plus sur la préparation quasi scientifique de l'affrontement ou de l'absorption. Que ce soit en mer de Chine, en Ukraine, au Proche-Orient, à Taïwan avec le KMT et les Triades, la vente de la dette américaine et l'achat des bons du Trésor, les BRICS ou bien sûr le cyber espionnage. Tout a un seul but : créer les conditions de l'affrontement sino-américain si Taïwan ne tombe pas tout seul dans l'escarcelle de la Chine continentale. Car il est impossible que la Chine accepte à sa porte un système alternatif à celui du Parti Communiste. Ne pas être contestée dans sa zone et bonifier les conditions de la route de la soie sont un seul et même combat pour le Président Chinois.
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4. Le cadeau empoisonné aux travaillistes anglais
Les élections locales en Angleterre il y a quelques jours ont vu un raz-de-marée pour les travaillistes. Les conservateurs perdent 500 élus, c'est le pire score depuis quarante ans. Le rejet du gouvernement est tel que le parti travailliste devance les Tories de 20 points dans les sondages. C'est inévitable pour les élections législatives qui devraient avoir lieu dans quelques mois. Mais l'arrivée du parti travailliste se fera dans une conjoncture économique épouvantable et sociale déplorable. Le Brexit et la politique radicalement libérale du gouvernement conservateur ont mis tous les voyants au rouge. Le pays est entré en récession technique, le PIB a reculé, la croissance est de 0,1 % à 0,6 %, la production industrielle baisse et l'inflation augmente de 4 %, pendant que les activités financières fuient la City pour le continent. Le bâtiment, lui aussi, s'effondre (comme en France). Il y a peu de chances que la situation s'améliore de façon radicale d'ici aux élections législatives. La remise à flot de l'économie passera par des mesures sévères qui vont immédiatement provoquer du mécontentement. On appelle cela un cadeau empoisonné.
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5. Faure : la Nupes est morte vive la Nupes
Le premier secrétaire du PS a enterré la Nupes mardi sur Sud Radio dans l'émission de Bourdin où il déclare "il n'est plus possible de faire l'union avec Mélenchon qui traite Jérôme Guedj de délateur". Mais il ajoute immédiatement "nous travaillons à l'union". Faure invente l'union sans Mélenchon mais avec son programme. On n’aurait pu penser que le succès relatif de R. Glucksmann dans les sondages des Européennes imposerait "l'union sans Mélenchon et sans son programme". Mais non ! Il s'agit pour le député de Seine-et-Marne, et qui compte le rester, de changer de capitaine mais pas de cap. Si on veut faire vivre l'embellie sondagière de la liste PS/PP, il faut pourtant tout changer. Une liste hors Nupes sur un programme social-démocrate connaît un certain succès, il ne faut pas lui tourner le dos dès l'élection terminée. Il y aura certes un résultat, mais aussi un mandat des électeurs.
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6. La droite peut-elle s'allier à Macron ?
Suite à la décoration des insignes de la Légion d'honneur de Pierre Charon, ex-sénateur proche de Sarkozy, Le Point raconte qu'un déjeuner réunissant le Président, l'ex-sénateur Frédéric Péchenard, Franck Louvrier et quelques autres aurait été l'occasion d'évoquer l'union au lendemain des Européennes. Ce débat sur la soudure plutôt que la censure aurait également été au centre de la rencontre avec Gérard Larcher le 7 mars. Depuis, le Président du Sénat consulterait beaucoup le Président de la République, n'infirme pas l'information. Une fois de plus, le fameux contretemps « macronien ». Cette équation était possible et utile pour les deux partis après les élections législatives. Elle impliquait une cohabitation que E. Macron aurait maîtrisée, vu son rapport de forces au Parlement. Et la droite aurait fait barrage à l'OPA frontiste sur ses troupes. Elle aurait donné, en outre, au pouvoir une stabilité parlementaire pour mener une politique qui en demande. Aujourd'hui, cette union se heurte à une nouvelle réalité. Le « macronisme » n'est plus attractif. Il est en fin de cycle. Et le "rennisme" a conquis idéologiquement l'électorat de droite. Cet accord caressé dans les sommets des Républicains et par Macron se heurte donc à une base sous influence et des élus des collectivités locales qui ne vont pas comprendre l'intérêt de se suicider pour sauver la fin du quinquennat Macron. Pire, cette alliance de circonstance sera perçue comme une manœuvre pour éviter la dissolution et le RN. Et l'extrême droite en profitera, vu la politique économique et sociale austéritaire que réclament les Républicains. Quant à Renaissance, ce que nous avons vu se dessiner avec la loi sur l'immigration s'accentue. Ce qui aurait été un deal gagnant-gagnant devient aujourd'hui une manœuvre de liquidation des droites classiques.
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7. Pourquoi tout le monde se fout du résultat de Bardella ?
Une étrange torpeur s'est emparée des élections européennes. L'extrême droite est à 40 % dans les sondages, dont 32 % pour le RN, le meilleur score de toute l'Europe, et la France s'en fout. Nous assistons à un Munich des esprits. Bardella, ce Cobra nationaliste à tête d'adolescent, non seulement ne dit rien, ne propose rien, mais ne provoque rien. La France ne le rejette pas, elle s'abandonne mollement au noir dessein : le moment nationaliste d'exclusion. La dépression française s'exprime dans ce renoncement à tout ce qui fait son renom. Même à gauche, on s'est mis sur le mode pause, si ce n'est pouce. Pourtant, cette extrême droite contemporaine a pour drapeau le slogan des ligues fascistes du 6 février 34 sur le pont de la Concorde : "la France aux Français", "À bas les métèques". C'est aujourd'hui "la France d'abord", "On est chez nous", "Qu'ils rentrent chez eux". La nouvelle extrême droite a réinitialisé toutes les formules des années 30 pour les rendre opérationnelles. Quant à la "Gueuse" ? Elle rend les armes dans un lâche "essayons les". Bardella est le débouché d'une longue marche depuis la lettre à la classe 60 écrite par Brasillach avant d'être exécuté pour collaborationnisme. Il fallait que le temps fasse son œuvre, que la mémoire s'émousse, que l'offre mute pour garder l'ADN de l'extrême droite depuis l'affaire Dreyfus et le nationalisme intégral de Charles Maurras. Après l'époque des chapelles, celle du renouveau théorique du nationalisme, du surgissement électoral, puis de l'installation au deuxième tour, ce fut la banalisation, et c'est aujourd'hui l'institutionnalisation via Bardella. Un Le Pen seulement par alliance, mais lepéniste par essence. Sur fond d'un précariat de masse, de salaires bloqués et d'inégalités criantes, la victoire idéologique de l'extrême droite est totale. Ses 3 "i" structurent le champ politique : immigration, insécurité, identité, et la hantise du grand remplacement s'est emparée des esprits. La touche finale fut le grand pardon de la communauté juive quand elle réintégra dans l'arc républicain l'extrême droite française, sous prétexte qu'ayant abandonné l'antisémitisme, comme ses partis frères en Europe, elle n'était plus d'extrême droite. J'ai été, je vous l'avoue, abasourdi. Même si depuis 1987 et l'intervention de Jean-Marie Le Pen au congrès juif mondial, on voyait les choses venir. Conversion différée, car contredite par l'affaire du "détail" des chambres à gaz. Inconscient quand tu nous tiens. Comme si on pouvait être xénophobe sans être au fond antisémite, dans un pays où les actes antisémites se sont multipliés par 10, et dans une Europe où l'on peut faire la chasse aux juifs dans les rues d'Athènes. Où l'on interdit l'entrée dans une fac à Bruxelles à E. Barnavi parce qu'il est juif. Ce référendum sur l'immigration, en cas de victoire de l'extrême droite, rappelle ce "mois noir" de juillet 40. Les décrets-lois sur la préférence nationale dans la fonction publique le 10 juillet, en passant par la déchéance de la nationalité pour les juifs l'ayant obtenue sous la 3e République, pavèrent la marche à l'irréparable. Évidemment, la comparaison n'est pas raison, mais les dynamiques à l'œuvre autour de la préférence nationale sont toujours redoutables. Souvenons-nous tout de même qu'E. Zemmour, lors d'une interview en Italie, évoquait "les trains de tristes souvenirs lors d'un entretien en Italie, il évoquait les trains de tristes souvenirs pour renvoyer les immigrés. Mieux, le FN il y a encore peu parlait à propos des Français issus de l'immigration des "Français de papier". Et ils étaient nombreux à droite, et pas seulement à l'estimer qu'il y avait en France une cinquième colonne de l'islamisme terroriste. Et même à s'en prendre à notre loi constitutionnelle trop laxiste à leurs yeux. Une fois installé au pouvoir, cela va vite, très vite... Les dynamiques s'imposent même à ceux qui pensaient les chevauchées. C'est le syndrome Laval. Un exemple parmi d'autres ? Lorsque le député du RN Frédéric Falcon a proposé la semaine dernière la priorité au Français dans les logements sociaux, au prétexte que 35 % d'immigrés les occuperaient (c'est faux, seulement 12 %). Cette loi votée ne peut s'appliquer sans la réquisition de logements occupés, avec les conséquences que l'on imagine. C'est cela l'engrenage nationaliste. Dans le même temps, le front républicain est introuvable, avec les prétextes les plus divers. Chacun retourne à ses querelles subalternes pour "faire sa petite soupe dans son petit coin". Pas un mot, pas une attaque contre l'extrême droite, au point même que la présidente de la Commission européenne se propose de travailler avec un groupe parlementaire d'extrême droite, au sein duquel siégeront les amis de Zemmour et Marion Maréchal. C'est là une terrible défaite morale. La démocratie chrétienne sombre dans la collaboration avec l'extrême droite, sans que cela ne provoque d'interrogations. Nous sommes loin de la réaction de Simone Veil après la percée de Stirbois à Dreux aux municipales de 1983. Je pense en ces jours à Léon Blum décrivant en 40 "la marée montante de la lâcheté". Je regarde interloqué la droite dite gaulliste se convertir aux thèmes de l'extrême droite pour des raisons électorales. J'observe la gauche hébétée, hier bêtement antifasciste, se réfugier dans "l'abstention combattante" au moment où la France s'apprête à voter les pleins pouvoirs aux enfants de Pétain. Je regarde le président de la République entre connivence et instrumentalisation, inconscient que ses dix ans aient préparé le basculement. Je lis la presse, souvent issue de la résistance, quand elle n'est pas à l'origine du mot "front républicain" forgé par le fondateur de l'Express. Cette presse étrangement atone et fascinée devant l'irrésistible ascension du "jeune Bardella", plaçant ses espoirs pour l'arrêter dans le "jeune Attal". Quand la dépolitisation le dispute aux jeux du buzz. Il est vrai que l'un est le roi de TikTok et l'autre dit, à l'instar d'un rappeur marseillais, "salut la zone", "Le J c'est le s" (traduction pour les plus de 30 ans, "Jul, c'est le sang"). J'écoute la vraie jeunesse mobiliser son énergie sur le chiffon rouge complaisamment agité par LFI de la cause palestinienne, sans voir les risques démocratiques dans leur pays. Je vois une partie de la classe ouvrière, les quartiers, les couches populaires, excédées par le chômage, la précarité et l'insécurité, chaque jour un peu plus gagnées par les thèses suprémacistes contre ceux qui leur voleraient leur pain. Je constate que l'antiracisme s'est noyé dans les marais de son instrumentalisation et laisse la place à un racisme décomplexé et un antisémitisme qui le devient. Et puis... et puis... la "classe politique" fatiguée, et pour beaucoup cynique, l'œil rivé sur la réélection, pour elle le score du RN n'a aucune importance parce qu'il va gagner. Il a gagné, pire, il doit gagner. Il faut simplement s'y adapter. Le plus vite sera le mieux car on en peut plus attendre et puis "ça lèvera l'hypothèque". Tout le monde se fout de la victoire du RN aux Européennes car tout le monde l'a anticipée et pour beaucoup acceptée. C'est le grand renoncement. Eh bien cela sera sans nous qui préparons le barrage, le sursaut et la reconquête républicaine et sociale. Nous sommes peu nombreux ? La belle affaire, ils l'étaient aussi à Londres en 40 autour de De Gaulle, où rue du Louvre autour de François Mitterrand en 1964. C'était le temps de la radio puis de la presse papier. Le seul avantage des masses médias contemporains et des réseaux sociaux, c'est qu'ils sont des accélérateurs de l'histoire, pour le pire mais aussi le meilleur.
A Dimanche prochain !
MEETING • PARIS • Réveiller l'Europe avec Raphaël Glucksmann pour les élections européennes !
Jeudi 30 mai 2024 à 19h00
Zénith à Paris, France
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Ma tribune : Nous sommes condamnés à nous entendre !
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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental.
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LE POUVOIR D’AGIR |
Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :