744ème Jours de Guerre en Europe

1/ La rupture de l'austérité ; 2/ Le Pen/Glucksmann, les gagnants du 1er round ; 3/ Le virage à droite du PPE ; 4/ Ruffin cherche son Chemin ; 5/ La Guerre des « Boutons » ; 6/ L'Amérique is low ; 7/ Au bord du Ramadan sanglant ; 8/ L'effet Navalny ; 9/ La psychanalyse de Miller.

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1/ La rupture de l'austérité

Nous connaissons maintenant le but de la "rupture d'austérité" décidée par E. Macron et le gouvernement Attal. Devant une panne de rentrées fiscales due à l'allègement des impôts, une croissance faible, et un déficit de 173 milliards qui continue à s'envoler, l'objectif est de réduire les dépenses publiques de 10 milliards conjoncturellement et 12 milliards structurellement. Si l’on traduit, cela veut dire s'attaquer à l'État social, aux dépenses publiques et aux collectivités locales puisque E. Macron ne veut pas grever le capital en l'imposant plus, comme vient de le proposer J.Biden. Certes, les États-Unis partent de très bas. G. Attal va par exemple durcir les règles de l'assurance chômage. Le débat budgétaire entre les ministres et Bercy est féroce. Alors que l'inflexion vers l'économie de guerre réduit encore les marges de manœuvres. La situation des collectivités locales les plus pauvres devient par exemple dramatique.

Dans un moment d'inflation, de chômage et de salaires bloqués les frustrations d'un "vouloir d'achat" entravé, l'amertume de la précarité de masse, l'anxiété des lendemains qui déchantent, font du très bon carburant aux populismes, alors que le CAC 40 bat son record historique à plus de 8000 pts dans un climat euphorique à la bourse.

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2/ Le Pen/Glucksmann, les gagnants du 1er round

Marine Le Pen gagne le match des populistes. R. Glucksmann en dynamique pour la compétition des centres. Voilà les premiers enseignements de la campagne des européennes. Entre les 30 % du national populisme du RN et les 8% du populisme de gauche de LFI, il n'y a pas photo. Tous les sondages mettent Glucksmann en hausse, entre 9 et 11 %, alors que Renaissance descend lentement à 18 %. En disant que Glucksmann vote à 90 % comme Renaissance, Madame Hayer a symboliquement passé la main dans un électorat macroniste, un peu chafouin. Elle a ainsi levé l'hypothèque. Elle dit benoîtement aux électeurs de la majorité "c'est du pareil au même". Il n'y a pas de risques à voter pour le député européen déjà chouchou du « boboland » puisque nous votons la même chose. Il en va de même pour le RN lorsqu'elle indique que l'extrême-droite n'avait pas renoncé à subvertir l'Europe de l'intérieur. La tête de liste Renaissance confirme ainsi à l'électorat populiste que le RN était toujours nationaliste malgré une banalisation à outrance. Ce qui est la tendance européenne, on parle de 45 sièges en plus pour ces formations. Si Mélenchon a raté son opération "nous sommes la Nupes" avec le débauchage raté de Générations, Macron ne peut pas laisser Glucksmann s'installer. Il bat le rappel de ses ministres et des troupes pour le lancement de la campagne avec une hantise : ne pas dévisser. Ce que Attal est en train de faire dans le sondage Cluster dans le Point.

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3/ Le virage à droite du PPE

Le congrès du PPE ( des conservateurs européens) à Bucarest a été le théâtre d'une inflexion à droite sur des sujets majeurs : d'une part, l'accentuation de la libéralisation de l'économie ; et d'autre part, le durcissement de la politique migratoire. Il s'agit d'une rupture avec la démocratie chrétienne qui structurait jusqu'ici la droite européenne. La grande coalition et le compromis historique avec le PSE pour la construction européenne étaient rendus possible par l'ancrage démocrate-chrétien du PPE et social-démocrate du PSE. Ce retournement a comme raisons la poussée nationaliste d'extrême-droite dans toute l'Europe. Le résultat des élections au Portugal ce dimanche sera un signe des temps nouveaux. Car si Luis Monténégro, candidat de droite de l'alliance démocratique, est en tête des sondages devant le socialiste Pedro Muno Santos qui remplace Antonio Costa, Monténégro ne semble pas avoir la majorité absolue. Et l'ancien Premier ministre de droite Pedro Passos Coelho a suggéré une alliance avec le Parti Chega d'extrême-droite d’André Ventura qui est passé de 7 % à plus de 15 % dans les sondages. Le Portugal est ainsi l'un des laboratoires comme certains pays nordiques de l'alliance entre la droite et l'extrême-droite. Un PPE divisé, comme le congrès l'a démontré, beaucoup plus à droite et en résonance avec une extrême-droite en dynamique, n'annonce rien de bon pour l'Europe.

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 4/ Ruffin cherche son Chemin         

Un sondage des Échos nous indique que Rufin est l'homme de gauche préféré par 50 % de la gauche. Aucune raison de s'en offusquer. C'est plutôt Mélenchon qui doit s'en inquiéter. Mais 50% d'une gauche qui fait 25 % des intentions de vote ne fait pas une élection présidentielle gagnée. La reconnaissance sondagière est essentielle pour s'imposer. C'est le choix d'un François Hollande, par exemple. Mais cela pose immédiatement la question du comment ? Dans quel périmètre ? Pour quel programme ? Que Ruffin soit préférable à Mélenchon pour représenter la gauche populiste, c'est plutôt une bonne nouvelle. Il a tout fait pour cela en se déclarant social-démocrate et en proposant un front populaire écologiste, même si cette profession de foi est à ce stade déclarative. Sa candidature se fait-elle en rupture avec LFI dont il n'est pas adhérent ? Ou la fait-il dans le cadre de LFI avec l'assentiment de Mélenchon et de sa garde prétorienne ? S'invite-t-il à une primaire de la gauche sans Mélenchon et les sociaux-démocrates ? Ou se lance-t-il tout seul alors que Mélenchon campe sur le financement public de sa formation politique ? Et quel est le programme, celui de la Nupes de LFI ou le sien ? En tout cas, on peut parier que Ruffin va accélérer après le 9 juin. Mais le débat qui va surgir des européennes, dominé par l'extrême-droite, sera : un candidat qui pourrait être un trait d'union des gauches radicales ; ou un candidat qui peut l'emporter sur un programme de front populaire républicain et écologiste.

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5/ La Guerre des « Boutons »

Macron invente "la ligne de front Macron" à propos de la guerre en Ukraine entre les "lâches" et les "guerriers". Si on doit partager avec le président la nécessité de se préparer à la confrontation avec la Russie pour ne pas l'avoir ; s’« Il faut se tenir droit et ferme », comme le disait le général De Gaulle pendant la crise de 1961, et ne pas laisser l'autre s'exciter, ajoutait-il ; s’il faut clairement signifier à Poutine que le retrait d'une Amérique trumpiste ne vaudra pas capitulation de l'Europe, la France n'est pas facialement en position de force à cause de son faible soutien militaire à l'Ukraine. Et l'écart entre le discours "il ne faut pas humilier la Russie" et la stigmatisation de l'esprit munichois est trop grand pour que l'opinion française et européenne s'enrôle dans cette croisade sous la bannière macroniste. Comme souvent, E. Macron finit par croire à ce qu'il a fait mine de croire. Et la presse flairant le bon coup lui tend un miroir complaisant ; et, le voilà tout à mouche du coche. Tout le monde en Europe, à part la Hongrie et la Slovaquie, veut se réarmer et crie au danger russe. Et le président, en sous-entendant qu'il y a une ligne de clivage entre les lâches et les courageux, crée des dissensions chez les Européens. Les deux détenteurs du bouton nucléaire, Russie-France, se menacent de la voix. Tout en sachant qu'il faudrait que les intérêts vitaux de chaque pays soient en jeu pour passer à l'acte. Poutine est passé de la dissuasion nucléaire pour éviter la guerre à la dissuasion nucléaire pour faire la guerre, en évitant l'intervention militaire de l'adversaire. La posture de la France n'a ni été le fait d'un débat au Parlement ni d'un consensus européen. Mais ce n'est pas la préoccupation principale de E. Macron qui peut passer lors d'un rendez-vous avec Netanyahou de la coalition contre le terrorisme au cessez-le-feu immédiat lors d'une rencontre avec l'émir du Qatar. D'ici les élections américaines, le président va encore changer. Pour le moment, E. Macron est persuadé qu'en se drapant dans une posture churchillienne, il fixera l'enjeu des européennes, dominera le camp anti-Poutine, enverra un signe dissuasif à ce dernier et les Français le plébisciteront. L'enjeu d'une confrontation militaire et possiblement nucléaire est bien trop grave pour le réduire à une instrumentalisation électorale. À forcer le trait et souligner des désaccords fictifs en Europe pour se parer des plumes du courage, on finit par s'isoler et rendre la manœuvre improductive. Car si le front ukrainien cédait, la France n'ira pas seule, ou alors elle n'ira pas. Il est probable que l'Europe réagirait en défense de Kiev. C'est en tout cas à cela qu'il faut travailler. Macron perturbe la mobilisation collective européenne, donne à Poutine à voir que la France serait seule, et les réponses divergentes des Européens aux formules du président démontrent aux Français que cela ne va pas de soi. Marine Le Pen s'en nourrit sans que Glucksmann soit dévalué. Il eut été plus "homme d'État" de se féliciter du réarmement européen plutôt que de se la jouer "pont d'Arcole" sous le flash des caméras. Il faut unir plutôt que mugir.

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 6/ L'Amérique is low

Décision judiciaire favorable, abandon de Nikki Haley, raz-de-marée dans les primaires républicaines, sondages flatteurs, l'ancien président D. Trump voit la route se dégager et affrontera J. Biden lors des prochaines élections présidentielles. Mais au fait, de quoi le retour de Trump est-il le nom ? L'insécurité culturelle, économique et militaire des Américains. C'est le mot d'ordre unificateur de l'Amérique conservatrice. J'ai toujours pensé que le trumpisme était dû, entre autres, au traumatisme de la victoire d'Obama dans l'électorat conservateur américain. Aujourd'hui, devant les désordres du monde, ce n'est pas "l'Amérique is back", mais "l'Amérique is low". Le pays du libéralisme, de l'ouverture, se ferme et devient la nation du conservatisme. L'Amérique trumpiste abandonne la politique du "big stick" au profit de la "big fortress". Alors que le parti démocrate n'ouvre aucune nouvelle frontière, se contentant de la défense de la démocratie, que Trump tourne en défense des privilégiés. Trump n'est pas le clown triste de l'Amérique, c'est son refoulé. Tout à coup, l'Amérique s'aperçoit qu'elle n'est plus le Nouveau Monde. Elle en conçoit une réelle nostalgie qui vire au ressentiment.

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 7/ Au bord du Ramadan Sanglant

Dans une guerre, il est difficile voire impossible de faire la part des choses, et surtout lorsqu'il s'agit de deux peuples pour une même terre. Alors on épouse un camp et souvent ses turpitudes en les relativisant au regard du but : défaire l'autre. Le seul moyen d'échapper au préjugé campiste, c'est de partir de la situation des populations civiles et de ne jamais perdre de vue la solution. Il est temps de protéger la vie au Moyen-Orient. Et celle-ci passe par une trêve à Gaza et une solution à deux États. La famine, les conditions sanitaires, les morts, les destructions des Palestiniens remuent la "communauté internationale" et chaque être humain. En France, la tribune d'Anne Sinclair au Point marque un tournant médiatique : penser le cessez-le-feu n'est pas faire preuve d'antisémitisme, car trop, c'est trop, comme le déclare le communiqué du LAB social-démocrate. Le président de la République, E. Macron, dit au nom de la France que le massacre devait cesser. Le gouvernement israélien semble mesurer le piège d'un Ramadan sanglant en autorisant les rassemblements de prière sur l'esplanade des Mosquées et en déclarant qu'il était prêt à un cessez-le-feu contre la libération des otages. Le fait que les États-Unis soient de moins en moins enclins à s'opposer à une résolution des Nations Unies en ce sens joue son rôle, même si les Américains l'ont fait sur celle de l'Algérie. Il faut, il est nécessaire, il est indispensable qu'il y ait un cessez-le-feu à Gaza. Le Qatar et l'Égypte mettent en garde contre les risques d'embrasement en ce mois "béni". Ils pèsent de tout leur poids pour obtenir du Hamas un pas en ce sens. La difficulté tient au fait que Nethanyahou et le Hamas n'ont plus rien à perdre et tout à gagner dans cette ultime confrontation portant la désolation. La décision de Biden de construire un port pour acheminer l'aide à Gaza semble souligner qu'il ne faut rien attendre des belligérants.

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8/ L'effet Navalny

Ne sous-estimons pas le flot ininterrompu des femmes ou des hommes venant déposer des fleurs sur la tombe de Navalny. C'est la réprobation silencieuse. Poutine a hésité à rendre le corps de Navalny à sa famille pour cette raison. Mais il a jugé que ne pas le faire en période électorale lui coûterait plus cher. Résultat : un défilé constant de femmes et d'hommes déposant des fleurs. Au point où Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, s'en est pris violemment à cette contestation rampante et a appelé à défendre, sans rire, la démocratie russe. Si Poutine enregistre un léger mieux sur le front du Donbass, son plan B, la contestation rampante et silencieuse se développe. Navalny était un opposant d'un type particulier par son ultranationalisme. Il est en train de devenir un symbole. Et on n'assassine pas les symboles. La puissante Russie de Brejnev s'en est aperçue avec le jeune Jan Palach s'immolant par le feu sur la place Venceslas de Prague en 1968. Il deviendra le symbole de la résistance, puis de la révolution tchécoslovaque qui ébranla l'empire soviétique.

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9/ La psychanalyse de Miller

Je suis, comme beaucoup, interloqué par l'avalanche de dénonciations à l'encontre de G. Miller, combinant sexe imposé, hypnose et ubris. Et il me revient en mémoire les propos introductifs du psychanalyste dans son documentaire "DSK, l'homme qui voulait tout". Après avoir estimé que les socialistes pensaient avoir trouvé un demi dieu et découvraient la bête du Gévaudan, le fils monstrueux de Don Juan et de Jack l'Éventreur, il déclarait : "Le psychanalyste n'est pas un juge... il ne pose seulement des questions : 'Quelle logique as-tu suivie pour en arriver là ?', 'Quelle répétition dans ta vie annonçait ce dénouement ?', 'En quoi pouvais-tu éviter ces événements qui t'accablent aujourd'hui ?'" Et Miller d'épingler l'extraordinaire imprudence de ce collectionneur de femmes accusé d'un viol. À quoi pensait Miller en réalisant ce documentaire ? Lui qui doit répondre aux questions qu'il posait en surplomb à l'idole déchue.

A Dimanche prochain !

Le communiqué du LAB 

Ma tribune : Nous sommes condamnés à nous entendre !

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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental. 

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LE POUVOIR D’AGIR

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :