737ème Jours de Guerre en Europe

1/ Je persiste et je signe ; 2/ Le moment Hollande-Glucksmann ; 3/ Faut-il menacer Poutine ? ; 4/ Édouard Philippe déboîte ; 5/ La constitutionnalisation du droit à l'avortement ; 6/ Rafah, la porte obscure de l'histoire ; 7/ Le plancher des vaches.

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1/ Je persiste et je signe 

Mon texte publié à la Tribune du Dimanche de la semaine dernière « Nous sommes condamnés à nous entendre » a soulevé énormément de soutiens et d'encouragements, et parfois de haut niveau. Un propos novateur qui vous vaudra l'assentiment le moment venu. « Hélas, tu as mille fois raison » ou des « Merci, c'est imparable ». Mais aussi quelques quolibets. Les pisse-froid en politique sont légion, les amers et jaloux tout autant. Il en faut d'autres pour m'impressionner. Et les trolls n'ont jamais encodé mes pensées. Ils sont la rançon de ceux qui ne pensent pas en chaussons. Donc, je persiste et je signe. Répondons d'abord aux faussaires : je n'ai pas proposé un front LR-PS. Je me suis adressé, au contraire, à ceux qui résistent à la capitulation de ce parti devant l'extrême-droite. Je n'ai pas non plus proposé un front avec Renaissance, je me suis adressé à ceux qui refusent la dérive extrême droitière de la loi sur l'immigration. Quant aux malvoyants, je n'ai pas proposé de dissoudre la gauche dans la droite, j'ai explicitement écrit l'inverse. On ne battra pas l'extrême-droite en cachant la gauche, mais en la refondant. Je crois avec mes amis du Laboratoire de la sociale-démocratie (LE LAB) en faire la démonstration à travers le Programme fondamental : « Le pouvoir d'agir ». Mais la gauche seule, vu son état, c'est une ligne Maginot. Il faut donc une nouvelle équation plus efficace. Il reste des objections de fond : j'aurais proposé un ni gauche ni droite propre au RN comme certains tweets anonymes "Nupes" le laissent entendre. Il n'y en a trace nulle part dans mon propos. Même si je pense que le clivage gauche-droite est devenu relatif dans notre pays au regard des nouveaux clivages, et l'effondrement des partis institutionnels de la droite et de la gauche permettant l'émergence des populismes. Je dis simplement que le danger du jour vient de l'extrême-droite. Nous sommes dans une période de « défense républicaine », pour paraphraser Jaurès. Et lorsque la République est en jeu - cadre qui permet le débat droite-gauche - alors il faut la défendre avec ceux qui disent vouloir la défendre, surtout quand l'extrême-droite frôle les 40 %. On peut faire comme si tout cela n'existait pas. Cela s'appelle l'esprit munichois.

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2/ Le moment Hollande-Glucksmann

Jeudi 29 février à Toulouse, l'ancien président François Hollande a été clair lors d'une réunion à la fédération du Parti Socialiste, entouré de ses anciens ministres Carole Delga et Kader Arif. « Il faut refonder la gauche pour affronter le RN et gardez-vous des primaires », a-t-il dit en substance devant une assistance nombreuse. Une pierre dans le jardin d'Olivier Faure, qui pense renouveler le PS à son compte par une "Nupes soft" et organiser des primaires en son sein pour la Présidentielle. L'un veut une primaire pour y aller, l'autre ne veut pas de primaire pour pouvoir y aller. Classique ! Mais le changement tient à la température de l'eau du petit bain des européennes à gauche, face à Bardella-Hayer qui se battent pour les 20%. La liste Glucksman-PS, c'est-à-dire hors Nupes, progresse à 11%. Elle indique que la gauche pourrait voir son centre de gravité changer à travers le couple « Européennes-Municipales », changeant la donne pour la Présidentielle. Voilà une nouvelle donne à encourager. Un candidat s'imposera-t-il pour la présidentielle? Ou faudra-t-il en passer par un mauvais système - la primaire - qui reste le moins mauvais système de désignation en cas de concurrence ? Je ne dirai pas « fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». Mais l'objectif du moment est de mettre la liste Glucksmann-PS le plus haut possible.

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3/ Faut-il menacer Poutine ?

Le président de la République, après avoir soutenu « qu'il ne fallait pas humilier la Russie », vient de déclarer « qu'il ne fallait pas exclure de l'affronter ». « Est-ce une folie » comme le disent Mélenchon, Faure ou Ciotti ? Il est possible d'estimer au contraire qu'il s'agit d'un principe de réalité à la fois tardif et solitaire, donc inopérant. On peut également soutenir que ne pas l'envisager publiquement, c'est désarmer les Ukrainiens. C'est leur dire « faites-vous tuer pour nous ». On peut aussi plaider pour une mise en garde à Poutine : « vous ne gagnerez pas ! Nous sommes là ! ». Et cette donnée peut l'amener à fléchir. Son discours de jeudi en réponse tentait d'ailleurs de le rassurer « ils n'oseront pas, j'ai l'arme nucléaire ». On peut aussi souligner que le président parle d'assumer une présence au sol. Ce qui veut dire que des forces spéciales sont déjà présentes. On peut plaider beaucoup de choses sur le fond de l'expression. J'ai traité la question du pacifisme et du bellicisme dans le précédent instantané. Mais le changement de pied présidentiel a un but purement rhétorique et national car à ce que je sache, il ne commande pas le monde occidental. Il s'agit de faire des européennes un référendum pour ou contre Poutine pour tenter ainsi de refaire le retard sur le RN. L'intervention du Premier ministre estimant que la Russie de Poutine est déjà en France avec le RN et la mise à l'ordre du jour du débat à l'Assemblée nationale sur l'accord France-Ukraine ou la rencontre du Président Macron avec les chefs de parti confirme qu'il y a bien une stratégie électorale : faire du RN la 5ème colonne poutinienne et réduire l'attractivité de Glucksmann dans l'électorat macroniste séduit par la rupture avec LFI. À ce jeu du "Macron barrage" joué ad nauseam par le Président et éventé par le tournant de la loi immigration, le macronisme est-il gagnant ou nourrit-il la candidature Glucksmann ?

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4/ Édouard Philippe déboîte 

Édouard Philippe déboîte. Il annonce urbi et orbi que « l'on ne réforme pas grand-chose » et s'offusque de la situation des finances publiques. C'est un sacré coup de canif dans le contrat de la majorité. L'ancien Premier ministre a compris, à l'instar de Nicolas Sarkozy vis-à-vis de Jacques Chirac ou Emmanuel Macron vis-à-vis de François Hollande, qu'il fallait se démarquer pour ne pas sombrer avec le sortant. Moyen par lequel il affaiblit la majorité macroniste à la veille des européennes. C'est sûrement le renvoi du berger à la bergère après l'éviction du candidat philippiste tête de liste aux européennes et la désignation de la bien pâle candidate du Président, Madame Hayer. Mais c'est aussi un principe de réalité : les Français n'éliront pas Macron par procuration pour un troisième mandat.

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5/ La constitutionnalisation du droit à l'avortement

Le vote final du Sénat pour constitutionnaliser, de fait, le droit à l'avortement est une victoire décisive pour les femmes. La liberté garantie à l'avortement n'est pas autre chose que le droit, comme s'alarma le très réactionnaire B. Retailleau. C'est donc aussi une victoire culturelle à contretemps face à la déferlante des extrêmes droites en Europe.

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6/ Rafah, la porte obscure de l'histoire

Ni Israël ni le Hamas n'envisagent de déposer les armes pour une trêve. Les uns veulent aller au bout de la « destruction des infrastructures du Hamas » quoi qu'il en coûte. Les autres gardent les otages comme sauf-conduit quoi qu'il se passe. Et au milieu, la population palestinienne massée à la frontière de Gaza est prise au piège. Elle ne peut retourner vers le Nord, plus de 60 % des immeubles sont détruits par les bombardements israéliens. Il manque de tout. Au Sud, l'Égypte refuse d'ouvrir la frontière pour installer un camp de fortune comme le souhaitent les ultras israéliens. Après les tueries du 7 octobre, le Hamas tend un nouveau piège à Netanyahou à la veille du Ramadan. Soit le Premier ministre israélien stoppe l'offensive. Soit il accentue le "massacre" en détruisant Rafah et rend ainsi effectif ce que dénonçait comme possible la CIJ : un génocide. L'épouvantable épisode du massacre à Gaza City à l'occasion d'une distribution de nourriture à la population affamée en est l'exemple. L'objectif du Hamas est une fois de plus de délégitimer l'État d'Israël devant la communauté internationale. C'est le défi du faible au fort, peu importe le prix. Netanyahou pense que rendre Gaza impossible au Hamas voire aux Palestiniens, repousser le Hezbollah au-delà de 20 kilomètres à l'intérieur du Liban, sécuriser la Cisjordanie pour les colons, le maintiendra et le sauvera pour l'histoire en réglant la question palestinienne. Si on en reste là, ce sera le plus grand drame humanitaire de ce début de siècle. Et il marquera l'histoire pour toujours.

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7/ Le plancher des vaches

Faut-il sortir de l'économie de marché pour l'agriculture ? Et revenir à une forme de PAC avec ses prix garantis ? Il faut, en ces domaines, partager l'avis de l'ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll : « les prix planchers, c'est séduisant sur le papier mais irréalisable vu la disparité des exploitations ». Comment fixe-t-on dans la Constitution le prix, le salaire, l'amortissement, le prix de revient, les coûts ? Qui fixe ? À quel niveau ? Avec quel critère ? Un jeune qui débute n'est pas équivalent à une exploitation où l'agriculteur a amorti ses investissements. Décidée dans l'urgence sous la pression des manifestants, cela ressemble à de la fausse monnaie et n'est pas à la hauteur de notre crise de modèle où l'on passe de l'urgence des prix bas pour nourrir l'Europe à l'urgence d'une « agriculture écologiquement responsable ». Où l'on doit passer de salaires bas à des salaires décents. Donc, réforme globale et aides à l'exploitation : telle est la solution.

A Dimanche prochain !

Ma tribune : Nous sommes condamnés à nous entendre !

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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental. 

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LE POUVOIR D’AGIR

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :