612ème jour de Guerre en Europe

1/Le tournant à Gaza ; 2/La bourde de Macron ; 3/Les États-Unis paralysés ; 4/N'oublions pas l'Arménie ; 5/Mélenchon vole la Nupes ; 6/Darmanin - Attal, le combat douteux.

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1.     Le tournant à Gaza

L'intervention militaire de l'armée israélienne à Gaza a commencé. C'est un tournant dans la guerre pour Israël avec le mouvement terroriste Hamas, après sa tuerie barbare. La situation de la population gazaouie devient maintenant un enjeu majeur, car le bombardement massif combiné aux incursions terrestres vont causer des dégâts. Le bombardement de Gaza City a pour but de briser les capacités militaires du Hamas, de faire fuir au Sud la population pour qu'elle ne puisse être utilisée comme bouclier. Cependant, nul ne saurait détourner le regard des morts palestiniens et de la situation humanitaire des Gazaouis. Israël, dans sa légitime réplique, "ne peut pas faire n'importe quoi", prévient à juste raison le président de la commission des Affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges, dans une intervention remarquée à l'Assemblée nationale. Au bout du compte, il y a la situation des Gazaouis. On imagine mal l'Égypte accepter que ces derniers puissent s'installer chez elle, comme cherche à l'imposer Israël, avec le soutien des États-Unis. On dit souvent que les interventions des États-Unis, tant sur le plan stratégique que militaire, ont été catastrophiques au Moyen-Orient. Ceci a été élevé au niveau paroxystique avec Donald Trump. Mais on ne peut plus le dire de Joe Biden. La gestion du conflit par les États-Unis est jusqu'à présent au cordeau. Au cœur de la stratégie américaine, qui s'apparente à un retour au Moyen-Orient, il y a les deux paramètres que nous venons de citer : soutenir Israël dans son entreprise contre le Hamas en tentant de protéger le maximum de Gazaouis. Joe Biden connaît parfaitement la chaîne du conflit. Derrière le Hamas, il y a le Hezbollah, derrière il y a la Syrie (d'où la mise hors-service de ses aéroports), derrière il y a l'Iran, et derrière la Russie et la Chine. Sous le regard du "monde arabe" et du "Sud profond", telle est la réalité du nouveau monde. Les États-Unis ont fait très rapidement mouvement avec leurs porte-avions pour garantir la sécurité d'Israël, peser sur les conditions de l'offensive de l'armée israélienne et tenir en respect ceux qui voudraient prêter main-forte au Hamas, à commencer par l'Iran. Ils ont mis tout leur poids pour obtenir des couloirs humanitaires, ce qui leur a permis de sauver deux otages en guise de remerciements. La situation faite à la population palestinienne de la bande de Gaza sera déterminante, tant humainement que politiquement et militairement pour la "suite arabe" du conflit. Plus il y aura de morts dans la population civile, moins il sera possible de reprendre le dialogue avec les États arabes séduits par les accords d'Abraham. Plus la situation sanitaire et humanitaire sera catastrophique et médiatisée, plus la "rue arabe" se mobilisera, entraînant une grande partie du Sud, et sera prétexte à un nouveau djihad global. Les conséquences dans les pays occidentaux seront redoutables ; en France, il y a déjà 719 actes à caractère antisémite, selon les statistiques du ministère de l'Intérieur. Mais il y a un autre paramètre : c'est la possible héroïsation du Hamas et le nombre de morts dans l'armée israélienne. Autant dire que, dans la réorganisation du monde, cette séquence combinée à la guerre en Ukraine sera déterminante. Car nous ne perdons pas de vue que la Chine est attentive pour fondre sur Taïwan.              *

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2.     La bourde de Macron

Le président de la République s'est vu obligé de se rendre en Israël. Après Justin Trudeau, Olaf Scholz, Giorgia Meloni, Rishi Sunak et Joe Biden, il lui était impossible de ne pas y aller pour l'image qu'il se fait de lui-même. Il résistait en se disant qu'il irait seulement s'il avait quelque chose d'utile à dire. Ce fut la « coalition antiterroriste » unanimement considérée comme une bourde et qui a commencé par le Quai d'Orsay. La bévue de E. Macron lors de son discours à Tel Aviv n'est pas seulement cette perspective même si l'on peut être stupéfait par l'improvisation. C'est la spécialité du président : l'improvisation approximative. On l'a vu au Liban ou dans ses déclarations avec J. Trudeau à la suite des décisions commerciales de Trump. Faut-il citer le dialogue avec Poutine au-delà du temps nécessaire, ou les propos sur Taïwan et la Chine à la suite de son entretien avec Xi Jinping, etc. Bref, le président nous a fait une rechute. Et le fait de proposer une trêve humanitaire après avoir proposé la guerre internationale au terrorisme du Hamas ne va pas arranger la lisibilité de la France, surtout la veille de l'offensive terrestre de l'armée israélienne. Si E. Macron le savait, la déclaration est pathétique. Si le président l'ignorait, la France n'est pas considérée par Israël. Et enfin, si l'orientation était celle d'un cessez-le-feu humanitaire, alors il fallait le dire avec d'autres. En se rendant en Israël, E. Macron avait l'idée de faire plus que les autres, mais surtout de faire seul. Et c'est ici le sujet. Seule l'Europe, par son poids économique dans le soutien à Gaza, est combien nécessaire pour Israël dans son commerce, peut exercer une influence. La France seule, au-delà de l'aspect humanitaire (et encore), a une capacité limitée. La voix de la France se doit d'être la voix européenne. Si E. Macron s'était vraiment posé la question de comment être utile, il aurait cherché la coopération européenne et donc se serait évité ce bide lamentable.

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3.     Les États-Unis paralysés

Le Républicain Tom Emmer a dû, à son tour, renoncer à se porter candidat pour être le speaker de la Chambre des représentants aux États-Unis. Une minorité, composée de 20 représentants, lui reproche d'avoir certifié l'élection présidentielle de Joe Biden. On en est là ! La crise du Parti républicain est le symptôme de la crise de la démocratie américaine. Multi fracassée, travaillée par le populisme, rongée par la perte relative de sa puissance économique, stratégique et monétaire, incapable de se réinventer, les États-Unis sont maintenant paralysés par une minorité qui continue à soutenir la marche sur le Congrès contestée lors des élections. Les États-Unis ne peuvent pas voter les 100 milliards de dollars nécessaires à l'Ukraine et à Israël et seront bientôt dans l'impossibilité de faire fonctionner l'administration. C'est l'autre aspect le plus spectaculaire de la période que nous traversons. Pendant ce temps, Poutine liquide à tour de bras les oligarques qui pourraient le mettre en cause, et Xi Jinping jette dans les "oubliettes" les ministres qui s'interrogent, voire meurent de crise cardiaque, comme l'ancien Premier ministre Li Keqiang, un proche de Hu Jintao, qui avait en son temps critiqué les statistiques économiques chinoises.

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4.     N'oublions pas l'Arménie

On devrait suivre de près les manœuvres militaires conjointes entre la Turquie et l'Azerbaïdjan. Elles mobilisent 3000 soldats entre le Haut-Karabakh reconquis et le Nakhitchevan azerbaïdjanais. Il s'agit de l'amorce d'une seconde phase pour finir le travail, à savoir la constitution d'une continuité géographique amputant le Sud de l'Arménie. La France a décidé d'apporter son soutien, y compris militaire, au Premier ministre arménien Nikol Pachinian. La question arménienne, déjà oubliée, risque de refaire surface dans la ligne de front entre l'Occident et les pays qui s'y opposent.

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5.     Mélenchon vole la Nupes

M. Bompard a écrit une lettre contenant 14 questions adressées au PS, dans ce que LFI appelle "une rupture qui ne veut pas dire son nom", concernant le moratoire sur la présence du PS dans la Nupes. Le statut de ces questions rappelle les 21 conditions d'adhésion à l'International communiste après le congrès de Tours. Mélenchon accentue la différenciation. Après avoir capté de manière déloyale le sigle Nupes, Manon Aubry annonce qu'elle sera candidate aux Européennes sur le programme de la Nupes. LFI utilise le refus de sortir de la Nupes et la critique réduite à la seule méthode Mélenchon par le PS. Les Insoumis en profitent donc pour articuler un récit où ils seraient les dépositaires de l'alliance que le PS a quittée en s'alignant sur Macron, qui se subordonne à Netanyahou. Le faux-semblant de la position des Fauristes est une catastrophe. Le moratoire se transformera en expulsion de la Nupes, maintenue au profit de LFI sans l'avantage d'une politisation claire de la rupture. Alors qu'il fallait sortir, poser la responsabilité de LFI devant l'histoire et proposer une nouvelle alliance PS-PCF-Écologistes comme alternative à l'extrême droite. On aurait même pu imaginer une position commune de ces trois formations sur le conflit israélo-hamas, ce qui aurait isolé LFI. Ni même, soyons audacieux, un mouvement pour la paix qui aurait inclus les frondeurs de LFI. On est resté dans la demi-mesure et l'attentisme. La direction du PS est grandement responsable, mais aussi les écologistes qui veulent maintenir "le dialogue avec la France insoumise" et le PCF, qui diagnostique l'impasse mais reste à l'Assemblée dans le cadre de la Nupes. Le piège se referme sur les Fauristes, qui ne sont pas crédités d'une rupture tout en se refusant à réunir la famille socialiste.                 *

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6.     Darmanin - Attal, le combat douteux

La compétition entre G. Attal et G. Darmanin à coup de symboles censés combattre l'islamisation de la société française affaiblit chaque jour un peu plus le Gouvernement Borne et pave la marche triomphale du RN vers le pouvoir. Ce dernier s'envole dans les sondages des Européennes, alors que le total de l'extrême-droite dépasse les 40%. Le basculement de la politique française sur les thèmes et obsessions identitaires de l'extrême-droite est spectaculaire. La préférence nationale structure le champ politique français, pendant que la Gauche n'arrive pas à incarner la question sociale détournée au profit d'un nationalisme d'exclusion par l'extrême droite. Le futur débat sur l'immigration ne fera que renforcer ce mouvement. LR et le RN comptent bien extrême-droitiser symboliquement encore plus le texte. Et ceci pour mieux refuser de le voter au nom de la régularisation des immigrés dans les métiers dits en tensions. Sans vouloir tout mélanger, ce cocktail est dangereux lorsqu'on le rapproche des conséquences en France du conflit au Moyen-Orient. Alors la petite "compét à deux balles" des jeunes premiers du Gouvernement Borne semble bien dérisoire.

 

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