662 ème Jours de Guerre en Europe

1. Immigration : l'extrême droite a déjà gagné / 2. Une représentation politique en dessous de tout / 3. L'Ukraine : le tournant / 4. Mise au point / 5. COP 28 : l'avancée inattendue / 6. Attal - Bardella s'impose perdreaux de l'année.

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1. Immigration : l'extrême droite a déjà gagné

La motion de rejet du texte Darmanin à l'Assemblée est la manifestation au grand jour de la crise politique nouée lors de la présidentielle et des législatives et contenue à coup de 49.3. Elle intervient sur un sujet qui est l'immigration, mis à l'agenda politique par l'extrême-droite et validé par les Français dans les sondages. Tout se concentre sur la régularisation des métiers en tension et l'âme. Et qui, en ce domaine, avalera son chapeau sous couvert de synthèse et d'aménagement du calendrier ? Puis soit le texte très droitier sera adopté et l'extrême-droite aura remporté une victoire idéologique décisive dans sa marche au pouvoir - ce sera la fin du « en même temps »-, soit le gouvernement retire le texte et l'extrême-droite tirera profit de cette reculade en prenant l'opinion à témoin sur l'impuissance de la « classe politique », soit enfin, le texte durci par le Sénat revient en tenue de camouflage à l'Assemblée avec le risque d’ébranler la majorité, avec peut-être le rejet, voire la dissolution dans les meilleures conditions pour l'extrême-droite. D'ailleurs, Bardella s'est immédiatement proposé comme Premier ministre (voir le point 6). Quel que soit le cas de figure, l'extrême droite a déjà gagné. Quant à E. Macron, il a mis sa majorité relative dans un pat et la France dans la crise.

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2. Une représentation politique en dessous de tout 

Le projet de loi immigration de Darmanin, 18ème en la matière, a été l'occasion de mesurer la déliquescence de la représentation politique nationale où l'habileté politique tient lieu de vision. Darmanin a cru pouvoir utiliser le groupe LR du Sénat pour faire entrer le groupe LR à l'Assemblée dans une négociation. Il s'agissait aussi ainsi, de presser la Gauche Macroniste avec un cadre contraignant. L'idée sous-jacente était que l'on allait faire passer les mesures de droite par la droite au Sénat et les mesures de gauche par la gauche à l'Assemblée. On a voulu obliger les uns et diviser les autres. Comme il se doit, chacun est allé au bout de sa logique. La droite sénatoriale s'est totalement lâchée. Tout y est passé : le durcissement du droit du sol, la fin de L'AME, le durcissement du regroupement familial, etc., et évidemment le rejet de la régularisation des immigrés dans les métiers en tension. Se croyant malin, le groupe Renaissance au Sénat a donné son aval à ce texte. Darmanin n'a pas été en reste. Et patatras, les Macronistes de la société civile de Gauche ont lancé un appel pour revenir au texte initial. Et ceci au moment où les amis d'Édouard Philippe s'allient à ceux de Ciotti sur la question des dérogations pour les Algériens lors d'un débat sur la proposition loi de LR, pendant que Sacha Houlier rétablissait à la commission des lois la question des métiers en tensions grâce à la Gauche. Et alors que le président de la République pestait contre l'empiétement de l'Assemblée sur son domaine réservé à propos de l'Algérie et annonçait doctement quelques heures avant le vote de la motion de renvoi, pour aider on suppose, que jamais on ne remettrait en cause le droit d'asile, l'une des pierres angulaires de la droite au Sénat et à l'Assemblée nationale. À Gauche, le PS tout à sa NUPES sans Mélenchon reprenait à son compte le slogan de Mélenchon sur la régularisation de tous les sans-papiers, une manière sûrement de reconquérir les couches populaires. Le patron du PCF, F. Roussel, se déclarait prêt à discuter sur le texte. On imaginait la tête du MRAP. LFI, qui se refusait de manifester contre l'antisémitisme avec le RN, voulait bien mêler ses voix avec le dit RN dans une motion de rejet. Et les écologistes, ou plutôt Génération.S par la voix de l'inénarrable et facétieux Benjamin Lucas, déposaient une motion de renvoi qui déboucherait en cas d'adoption sur le texte de la droite sénatoriale dont son mentor B. Hamon disait que c'était une horreur. Il le faisait au nom des écologistes et fut immédiatement dénoncé par une autre écologiste, Delphine Batho, que l'on n'avait pas entendue avant. Il n'y a pas un pour racheter l'autre. Et patatras, tout le monde est par terre. Tout le monde perd devant les Français consternés. Et Marine Le Pen, qui vient d'engranger un bond spectaculaire dans les sondages sur sa crédibilité, peut se permettre de revenir à un discours anti-immigration sous le parapluie de LR d'horizon. Au bowling, on appelle cela un strike, toutes les quilles sont par terre.        

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3. L'Ukraine : le tournant

Nous évoquions, au tournant du conflit Russo-Ukrainien, c'est-à-dire au moment où la Russie s'enterre dans le Donbass, la profondeur stratégique de la Russie : sa démographie. Nous vous disions que la Russie s'était planquée au cœur du Sud global, qui ne veut plus de la domination de l'Occident. Nous analysions que faire la guerre par procuration rend la victoire aléatoire pour ces raisons. Le courage et l'abnégation du peuple Ukrainien se heurtent à la démographie, au nouveau contexte géopolitique et au refus des États-Unis et de l'Europe d'aller au-delà d'une guerre défensive. Tout cela est maintenant manifeste. L'Ukraine vit un moment très difficile.

La question militaire est simple : faut-il tenir coûte que coûte sur des positions non préparées à l'avance, obtenues dans l'offensive contre les Russes, au risque de voir celles-ci enfoncées par ces derniers ? Ou faut-il se replier sur des positions plus sûres, laissant le terrain reconquis aux Russes, au risque de décourager les bailleurs occidentaux ? Les va-t-en-guerre des plateaux médiatiques sont tout à coup sans voix, et les opinions distraites pour le massacre à Gaza. Et tout à coup, les mêmes voient Poutine triompher. Ce dernier n'est fort que des limites que nous nous sommes fixées. Abandonner l'Ukraine serait un Munich militaire. Tant qu'une guerre n'est pas perdue, il est toujours possible d'espérer. Mais sans matériels et munitions, avec l'absence de relève, il est difficile de triompher. Ou alors, si tu veux gagner la guerre, prépare la paix. La question n'a pas changé même si les conditions de l'équation se sont détériorées.

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4. Mise au point 

Après l'Allemagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, c'est au tour des États-Unis de prendre leurs distances avec les bombardements aveugles sur Gaza. Il ne fallait pas être grand clerc pour pronostiquer l'isolement croissant d'Israël dû au massacre à Gaza. Cette analyse m'a valu des rappels à l'ordre plus ou moins amicaux et quelques mises en causes publiques. J'en ai connu d'autres, mais cela me permet de revenir sur ma position depuis le début du conflit.

D'abord, soyons clairs : aucun musulman de France ne peut être tenu pour responsable des crimes du Hamas. Aucun juif de France ne peut être tenu pour responsable des massacres de Netanyahou. La responsabilité collective d'un peuple ou d'une religion n'existe pas. Et en avant-propos : "Il ne faut jamais laisser ses convictions instrumentaliser les faits". Ce n'est pas faire de la politique, mais faire tourner le moulin à prières.

1/ Les tueries barbares du Hamas du 7 octobre constituent des crimes contre l'humanité. 

2/ Il ne s'agissait pas de combattre un gouvernement, celui de Netanyahou et de ses alliés suprématistes, mais les Israéliens parce que Israéliens et même juifs parce que juifs. 

3/ On ne peut euphémiser ces faits par la politique indigne de colonisation de la droite israélienne, les bombardements, et le refus acharné d'une solution à deux États. Où a-t-on vu que la Shoah était compréhensible au regard du traité de Versailles ?

4/ Le Hamas n'est pas la résistance palestinienne, mais son dévoiement en une milice religieuse intégriste donc totalitaire. Son mode d'action est terroriste. 

5/ Israël était en droit de se défendre, mais pas de faire n'importe quoi, c'est-à-dire "remodeler le Proche-Orient" pour complaire à l'extrême-droite israélienne et les colons. 

6/ Briser les infrastructures militaires du Hamas était légitime, s'en prendre aux populations civiles de Gaza ne l'était pas. Et tout cela, pour quoi faire ? Quel est le but de paix pour un plus jamais cela ? Israël n'échappera pas au "Que faire de la question palestinienne ?"

7/La guerre est une épouvantable tuerie. En 1944, les populations civiles de Londres, de Normandie ou de Dresde en savent quelque chose. Mais le but de la guerre commande toujours les moyens dans les nations modernes, même si cela n'a pas toujours été le cas. D'où la théorie de la riposte proportionnée, ce qui ici n'est pas le cas quand on voit les pillonage barbares, les morts dans la population civile particulièrement les enfants. Cela n'est plus acceptable.

8/ Netanyahou est passé du droit à briser le Hamas au droit à briser les populations civiles Palestiniennes, "bouclier du Hamas".

9/ Cette politique aveugle conduit à un massacre, à "un enfer, passible de crime de guerre" selon les dires des Nations unies. Ces bombardements chassent les Palestiniens de Gaza et les tueries cherchent à les chasser de Cisjordanie, les réduisant à des camps de fortunes et de misère.

10/ Cette stratégie, amplement médiatisée avec des photos aussi épouvantables que invérifiables mais avec des morts civiles bien réels, isole Israël et lui fait perdre son statut dans l'histoire. Elle cristallise les différentes formes de l'antisémitisme hors d'Israël et permet l'installation du relativisme vis-à-vis du 7 octobre.

Voilà pourquoi je persiste : au nom des populations civiles, d'un simple humanisme, mais aussi pour des raisons politiques et stratégiques. Il faut condamner les bombardements aveugles et exiger un cessez-le-feu immédiat et la libération de tous les otages, ou au moins des couloirs humanitaires tout de suite. Il faut que cesse le bombardement des civils, comme le défend Pedro Sanchez et l'a déclaré E. Macron.

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5. COP 28 : l'avancée inattendue

Une transition sans énergies fossiles, c'est le dénouement inattendu de la Cop 28, 48 heures après le tollé provoqué par la première résolution qui mentionnait à peine le sujet. Ce qui fait dire à F. Gemenne que cette Cop est : "quasi historique". Et ceci alors que la Chine explose les quotas de CO2 avec l'Australie et la Corée du Sud à cause de la production de charbon. Ce qui donne au nucléaire une chance inespérée. Pour la première fois, le nucléaire est cité comme participant à la lutte contre le réchauffement climatique. Après la prise de conscience planétaire de la Cop 21 à Paris, la Cop de Dubaï rentre dans le cœur du sujet. Un petit pas pour la Cop, un grand pas pour l'humanité.

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6. Attal - Bardella s'imposent perdreaux de l'année

Ça y est ! Attal - Bardella, les perdreaux de l'année ! Le ministre de l'Éducation nationale devance E. Philippe dans les sondages. Et le président du Rassemblement National dépasse Marine Le Pen. Si la route est longue et difficile pour Attal car il gouverne, Darmanin en sait quelque chose ; si son succès est dû à sa capacité à caresser l'opinion dans ses pulsions ;

si Attal incarne parfaitement ces nouveaux politiques "capteurs des moments", collés aux sondages et funambules de la com. Pour Bardella, c'est tout à fait autre chose. Il est touché par le syndrome Mégret, une tradition au FN - RN depuis Duprat puis Stirbois avant Mégret et... Marine Le Pen. C'est-à-dire un numéro 2 qui challenge le numéro 1. J'en avais fait des tartines sur ce sujet, à propos de Bardella, dans ces colonnes. Et de fait, sa précipitation à se déclarer Premier ministre de cohabitation fait immédiatement penser à Balladur vis-à-vis de Chirac. JB est ravi de lui-même et l'hubris n'attend pas le nombre des années. Il est vrai qu'à 28 ans, il rentre d'après Paris Match dans les 10 dirigeants préférés des Français et devant Marine Le Pen s'il vous plaît. Il se voit Premier ministre, vous remarquerez qu'il n'a pas dit "j'en discuterais avec Marine Le Pen" mais il s'est auto désigné, ce qui relève de l'exploit car sans alliés, il faudrait qu'il soit majoritaire absolu. Mais bon, ça pose son homme. Mélenchon en sait aussi quelque chose. Il n'est pas dans la charrette dont Marine Le Pen, renvoyée devant le tribunal correctionnel à propos des assistants parlementaires au Parlement Européen. Cette dernière risque maintenant l'inéligibilité. Et voilà que Bardella y pense en se rasant. Cette situation va comme toujours produire des tensions en interne. La crise est inscrite car Bardella, certes de la famille Le Pen par alliance, se drape un peu vite en repreneur sous l'œil gourmand de Marion Maréchal Le Pen.

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