599 ème jour de guerre en Europe
1/ Pourquoi les services israéliens ont-ils failli ? 2/ Pourquoi Mélenchon a-t-il refusé de condamner le Hamas ? 3/ Pourquoi le Hamas a-t-il attaqué maintenant ? 4/ Pourquoi le PS doit-il quitter la Nupes ? 5/ Pourquoi la situation peut-elle dégénérer ?
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1/Pourquoi les services israéliens ont-ils failli ?
L'offensive terroriste du Hamas contre les populations civiles israéliennes sans anticipation des services de sécurité a interpellé. Et pourtant, c'est un grand classique. Staline ne voulait pas croire ce que ses espions lui disaient de l'opération Barbarossa. Israël n'a pas vu l'offensive de l'Égypte et de la Syrie en 1973. Les États-Unis n'ont pas voulu enregistrer les informations des Français sur la préparation du 11 septembre 2001 ; ou les Européens, les avertissements américains à propos de l'offensive russe en Ukraine. Il y a les informations souvent exactes et les préjugés. Les faits ne s'imposent pas d'eux-mêmes. Ils doivent être interprétés. On ne peut croire la légende distillée par le Gouvernement israélien. La campagne contre la réforme du système judiciaire qui s'apparentait à un coup d'État aurait trop occupé le gouvernement israélien. Outre que faire porter la responsabilité sur le peuple israélien est, pour le moins limité, Netanyahu porte une très grande responsabilité. Et comme Golda Meir ou Sharon en leur temps, il sera sur la sellette, mais ce n'est pas le sujet. Il y a eu un aveuglement dans l'analyse des données. Tout le monde pouvait voir les rencontres au Caire entre le Hezbollah, le Hamas, le Djihad islamiste, et des officiels iraniens. Ils ne se rencontraient pas pour commenter la Coupe du Monde de football. Tout le monde était informé des rencontres entre le Hezbollah et le Hamas à Beyrouth. Tout le monde avait connaissance des manœuvres militaires dans la bande de Gaza. D'ailleurs, le 14 septembre, dans le quotidien Ha'Aretz, le journaliste Amos Harel mettait en garde : l'armée israélienne allait faire face à une guerre non conventionnelle avec le Hamas et le Hezbollah d'une tout autre ampleur que celle de 1973. Tout le monde pouvait comprendre que l'affaiblissement du Gouvernement de Netanyahu offrait une opportunité. Mais voilà, en matière de renseignements comme en politique, la force du préjugé s'impose souvent. La combinaison du Dôme de fer, de la colonisation et des accords d'Abraham d'une part, combinée à des permis de travail et la rente du Qatar, avait réglé la question palestinienne. Cette forme de mépris et de condescendance, pour reprendre les termes du même journal israélien, a été fatale. Combien de fois avons-nous entendu ces raisonnements : "pas même en rêve", "ça n'existe pas", "ils n'en ont pas les moyens", "ils sont trop divisés". Mais la certitude aveugle et conforte les habitudes, abaisse les défenses. Ce n'est pas une faute des renseignements mais une faute politique.
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2/Pourquoi Mélenchon a-t-il refusé de condamner le Hamas ?
Jean-Luc Mélenchon avait le choix des arguments pour condamner le Hamas. Le droit international ? Souvent évoqué par la France insoumise s'applique au terrorisme (il suffit de lire le rapport des Nations unies dédié à ce sujet). L'humanisme ? Devant des actes barbares contre des civils, des enfants, on ne peut les relativiser au nom d'autres horreurs. La dialectique ? Pour condamner le terrorisme, on n'a pas besoin d'être ami ou de soutenir Israël. C'est un réflexe devant tant d'inhumanité. La cause palestinienne ? Qui pouvait ignorer que l'expédition terroriste et folle de haine déclencherait en retour le malheur des Palestiniens et ferait fuir leurs soutiens. Le Hamas ? La nature de ce mouvement religieux terroriste fanatique ne pouvait avoir échappé à Mélenchon. Lionel Jospin, Premier ministre, a caractérisé le 26 février 2000 le Hezbollah de terroriste, ce qui lui valut d'être caillassé à l'université de Bir Zeit. Jean-Luc Mélenchon avait condamné l'attaque du Premier ministre et le 27 mars était entré dans le Gouvernement "le plus à gauche de la planète", selon ses dires. La culture politique ? Le leader de la France insoumise aime rappeler sa filiation trotskiste. Léon Trotsky s'opposait à ceux qui refusaient de rentrer dans la résistance française au début de la Seconde Guerre mondiale au prétexte que "l'on ne pouvait choisir entre deux bourgeoisies ou deux impérialismes". Se retirer sur l'Aventin est une erreur lorsqu’un peuple, quelles que soient les fautes de ses dirigeants, est agressé, soutenait le fondateur de la 4ème Internationale. Jean-Luc Mélenchon a choisi de n'en choisir aucun. Il y a trois raisons à cela. Pour lui, les crimes de guerre du Hamas répondent au terrorisme d'État d'Israël. Dire que le Hamas est terroriste, c'est relativiser la nature de l'État d'Israël. Raisonnement vicié de la « Netanyahuisation » du peuple d'Israël. Elle nous rappelle le peuple allemand collectivement responsable et ouvre la porte à la rhétorique de la mise à bas de l'État colonial au mépris de la nature de l'État démocratique qui ne se réduit pas à son gouvernement le plus à droite de l'histoire. La troisième raison, c'est surtout un anti-impérialisme désincarné qui l'a déjà conduit à des compagnonnages douteux avec le Venezuela de Chavez et Maduro, la Russie qui "ne menaçait personne". N'oublions pas que Mélenchon s'est opposé à la résolution du TPI sur Poutine. Mais aussi la Chine au Tibet où les défenseurs des droits de l'homme "avaient trop lu Tintin au Tibet". Tout ce qui est contre les États-Unis est légitime pour le leader de la France insoumise.
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3/Pourquoi le Hamas a-t-il attaqué maintenant ?
La guerre russe contre l'Ukraine, le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh, et, si ce n'est pas du même registre, la campagne contre la France en Afrique de l'Ouest, sans oublier la décision de la Chine de récupérer Taïwan, entérinée par le Congrès du PCC, et bien sûr l'agression terroriste du Hamas. Tous ces événements sont des fenêtres d'opportunités barbares dans la nouvelle donne géopolitique mondiale.
Après l'effondrement de l'Union soviétique, la séquence mondiale fut celle de l'hyperpuissance américaine (H. Védrine). Cette domination sans partage fut entamée par la crise des « subprimes » et définitivement close après la victoire des talibans en Afghanistan et le retrait américain dans des conditions qui n'étaient pas sans rappeler celles du Vietnam. Depuis, un monde apolaire s'est installé. Il cachait la montée de la Chine.
Le déclenchement de la guerre de la Russie contre l'Ukraine et le refus du "Sud profond" de le sanctionner ont donné naissance à une nouvelle bipolarisation. La fin de l'hégémonie occidentale, qui domine le monde depuis le 14ème siècle, s'est révélée et a laissé place à une contestation frontale de l'Occident. La Chine discrètement mais activement, la Russie publiquement, avec par exemple le récent discours de Poutine, agresseur de l'Ukraine mais en colère contre l'Occident et en particulier les États-Unis, "qui impose ses normes et dit avoir le droit de les appliquer".
L'Arabie Saoudite, difficilement déchiffrable comme toujours, tout à la fois se réconciliant avec l'Iran sous patronage de la Chine, négociant les accords d'Abraham sous le parapluie américain et dénonçant Israël après les attaques du Hamas, mais clairement dans le camp de la dédollarisation ; sans évoquer l'Inde ou le Brésil, voire l'Afrique du Sud, hostile au monde unipolaire sous domination occidentale et s'engageant dans les BRICS. Le refus de l'Afrique du Sud, qui organise le sommet, d'arrêter Poutine, et l'accueil officiel de la Chine au boucher Bachar Al-Assad sont des refus symboliques de partager les valeurs et les décisions du monde occidental. Il y a clairement un front en ce domaine.
Le Hamas cherchait lui à remettre la question palestinienne à l'agenda. Il constate que le Qatar, candidat aux accords d'Abraham, a retiré une partie de son soutien financier. Le Hamas n'est pas une organisation terroriste comme les autres. Elle est islamiste et mafieuse. Elle perçoit un impôt "révolutionnaire" et sa nomenclature est soit à l'étranger, soit dans une villa sur le bord de la mer. Elle préparait son offensive en laissant croire ce qu'Israël voulait croire. La prison à ciel ouvert administrée par le Hamas ne nécessitait plus l'intérêt stratégique qui était devenu la colonisation. Le Hamas a vu la fenêtre d'action dans cette nouvelle conjoncture internationale et l'affaiblissement de Netanyahu. Comme sur d'autres cieux, l'Azerbaïdjan a vu la faille.
Dans le clair-obscur de cette réorganisation du monde surgissent des monstres, pendant que les États-Unis traversent une crise politique inouïe avec un Parlement paralysé qui ne peut plus voter un budget ou le soutien financier à l'Ukraine ou Israël, et que l'Europe affaiblie par la déflation et les conséquences de la guerre en Ukraine doit faire face à la montée sans précédent du nationalisme d'exclusion.
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4/Pourquoi le PS doit-il quitter la Nupes ?
La Nupes, il ne fallait pas y entrer, mais en sortir sans hésiter pour ceux qui l'avaient portée. Et ceci à cause des déclarations du triumvirat Mélenchon, Bompard, Panot relativisant l'horreur et refusant de caractériser de terroristes le Hamas. Les hésitations des Fauristes à le faire tiennent à la confusion sur l'unité et la prétendue puissance électorale de LFI. Il ne faut pas confondre les électeurs qui soutiennent LFI et le clan Mélenchon, puisque Ruffin, Autain, Corbière et bien d'autres ont pris leurs distances. La volonté unitaire du peuple de gauche n'est pas un blanc-seing excusant ou relativisant toutes les prises de position, même celles opposées aux valeurs humanistes de la gauche. Des récents sondages viennent de le démontrer.
Lorsqu'on rencontre l'Histoire et la barbarie, l'honneur de la gauche et du PS est d'être à la hauteur, et non dans le froid calcul égoïste électoral s'il y avait une dissolution. Pour ceux qui croyaient en la Nupes, quoi qu'il en coûte, la prise de position de Mélenchon modifiait la donne. D'emblée, Jérôme Guedj s'interroge publiquement, lui qui plaidait il y a encore peu pour une liste unitaire de la Nupes aux Européennes. Corinne Narassiguin, sénatrice et officiellement no2 du PS, exprime son dégoût. Partout, les prises de position se multipliaient, Carole Delga, Hélène Geoffroy, Anne Hidalgo, Lamia el Aaraje, Nicolas Mayer Rossignol, ou moi-même dans une interview au Point. La tonalité est la même chez les écologistes et même chez Sandrine Rousseau. Le PCF est vent debout, lui qui a toujours été "pro-palestinien" comme on dit.
Mélenchon, isolé, tente de se sortir par un subterfuge sémantique "crimes de guerre". Mais les voix se font plus fortes : il faut sortir de la Nupes. Le groupe socialiste au Sénat puis à l'Assemblée, ou le groupe socialiste au conseil régional d'Île-de-France, décide de suspendre sa participation à la Nupes. Olivier Faure a beau tenter de sauver le camarade Mélenchon en proposant une autre méthode sans Mélenchon, la sanction est implacable. La Nupes est entachée de cette faute devant l'histoire. La gauche et le PS ne peuvent, dans le monde tel qu'il se profile, agir sous l'égide de Mélenchon. F. Ruffin et C. Autain à la France insoumise se désolidarisent. Après l'assassinat d'un enseignant à Arras par un jeune d'origine tchétchène, Olivier Faure a décidé de reporter le Conseil national du PS qui s'apprêtait à voter pour la suspension de sa présence dans la Nupes, malgré l'opposition des Fauristes affaiblis dans leur soutien à une Nupes, frappés d'indignité morale et politique par la position de Mélenchon et de ses amis. Cette péripétie peu glorieuse ne changera rien au choc déflagratoire des prises de position des leaders de la France insoumise. Le maintien en l'état de la forme et du fond de cette alliance rendra difficile, voire impossible, la refondation du PS et d'une nouvelle Gauche de gouvernement, de transformation et responsable. Donc, la bataille pour mettre un terme à cette entreprise sous quelque forme que ce soit est un préalable à tout redressement. Il va falloir imposer ce retrait.
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5/Pourquoi la situation peut-elle dégénérer ?
La déclaration de Netanyahu de vouloir remodeler le Proche-Orient pour les 50 ans à venir rappelle évidemment celle de Sharon avant son intervention contre le Hezbollah. Mais elle interroge, d'autant qu'elle intervient au moment où Joe Biden déclare qu'"Israël doit se défendre", "elle a le devoir de le faire" et dépêche son porte-avions dernier cri, le G. Ford. Fort de l'union sacrée, d'une opinion meurtrie et déterminée à détruire le Hamas quoi qu'il en coûte, Netanyahu veut frapper, mais aucune solution n'est bonne et certaines sont dangereuses. Mener une offensive contre le Hezbollah a été implicitement condamné par Emmanuel Macron lors de son allocution, où le président a eu des mots forts et des propositions faibles. L'offensive au Liban est à la fois périlleuse et enclencherait la solidarité de l'Iran et de la Syrie.
Quant à l'entrée des troupes au sol dans Gaza, maintenant que le Gouvernement d'union sacrée s'est installé, elle s'impose. Mais comment éviter que cela tourne au massacre ? Le siège de fer autour de Gaza vise à réduire les capacités de ravitaillement militaires du Hamas, ce qui n'est pas contraire au droit de la guerre, mais le deviendra si cela dure, car la population de Gaza ne peut vivre dans ces conditions. L'idée que le blocus se terminera le jour où les otages seront libérés n'a aucune chance de se réaliser, et le coup en termes d'images sera déplorable pour Israël. Réduire Gaza en un champ de ruines n'est pas une option. L'état-major du Hamas est déjà à l'étranger. S'il faut briser le Hamas, il ne faut pas lui fournir de nouveaux soldats. Et le piège du Hamas est d'utiliser la destruction, les morts comme bouclier politique pour unir le monde arabo-musulman autour de la destruction d'Israël. À court terme, l'état-major de l'État hébreu sait qu'à tout moment la Cisjordanie peut s'embraser, ouvrant un troisième front. Quant au déplacement de la population gazaouie, il ne sera pas tenable, d'autant que le Hamas ne le permet pas et Israël refuse les couloirs humanitaires. Qu’est-ce que Netanyahu avait en tête ? L’Iran ? Au coeur de toute sa politique.
Les récentes déclarations du président iranien Ebrahim Raisi appelant les nations arabes à se coordonner pour "protéger le peuple palestinien agressé par l'État sioniste", le fait que ce dernier se soit entretenu avant ces mots avec Mohammed ben Salmane, et bien sûr Bachar el-Assad, démontrent que le message a été reçu et leurs craintes sont palpables. Mais là, ce serait l'extension du conflit. Comment sortir de cette impasse ? Raymond Aron disait : "L'armée sans la diplomatie, ce n’est rien. La diplomatie sans l'armée, ce n’est rien." Si la perspective diplomatique de deux États se heurte aux extrémistes des deux camps, c'est ce verrou qu'il faut faire sauter. C'est la seule voie possible. La guerre finie, c'est d'Israël que viendra l'espoir. Personne d'autre que le peuple israélien peut briser l'islamisation de la cause palestinienne et réduire en leur pays l'extrême droite israélienne et la toute-puissance des religieux, tout en permettant une représentation démocratique des Palestiniens. On ne peut faire la paix à leur place. Changer le visage du Proche-Orient par la seule guerre est une impasse dangereuse. La puissante Amérique ne l'a pas obtenu au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak. Ce serait la certitude de la guerre pour 50 ans et l'embrasement à tout moment.
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Le Programme Fondamental
En quoi la pensée social-démocrate peut-elle être utile pour comprendre le siècle et pour agir?
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