619 jours de guerre en Europe

1/Gaza, l'opinion va se retourner ; 2/Hé oh, le PS ! L'engagement dans l'aide humanitaire, c'est quand ? ; 3/Poutine ouvre le front de la sécurité alimentaire ; 4/Immigration : Réguler, Repartir, Intégrer ; 5/Pourquoi Macron précipite la constitutionalisation de l'avortement ; 6/624 sans-abris morts; 7/De retour du Japon.

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1/ Gaza, l'opinion va se retourner

L'avancée des troupes israéliennes au sol, combinée à d'intenses bombardements, vise d'abord à tester les défenses du Hamas, puis à couper Gaza en deux. Enfin, il est probable que le ratissage, "nettoyage" systématique rue par rue, ira de la barrière de Gaza jusqu'à la mer. La coupure de courant vise à rendre difficile la vie dans les tunnels qui ne sont plus alimentés. Il y a 13 000 tunnels sur 500 km, c'est dire qu'il y a deux villes. On se souvient de l'épouvantable bataille dans les tunnels pendant la guerre du Viêtnam. Quant aux nouveaux bombardements, ils ont pour objectif de réduire tout surplomb permettant de tirer sur les troupes israéliennes. Par ailleurs, la situation devient critique en Jordanie, où les colons se déchaînent, et dans le Nord, le Hezbollah fait état de 40 morts. Les positions d'Israël ont été bombardées en mer Rouge (Dahlac), ainsi que les bases américaines en Syrie et en Irak. L'offensive terrestre va être coûteuse en termes de vies de soldats ou de miliciens du Hamas, mais surtout de victimes civiles. Elle sera longue, et l'opinion va obligatoirement se retourner devant les morts innocents. Il suffit de voir le dernier vote intervenu aux Nations unies. Le cessez-le-feu humanitaire a été voté par 120 voix, dont la France, 14 voix contre, dont Israël et les États-Unis, et 41 abstentions, dont le Royaume-Uni. Comme nous le pressentions, le monde musulman proteste avec véhémence. Le Daghestan le démontre, et les exactions contre les juifs à travers le monde se multiplient. Faut-il citer l'AKP d'Erdogan menaçant d'une guerre du Croissant contre la Croix ? Si avec l'arrivée de 15 nouveaux F16 en Arabie Saoudite, l'Iran est tenu en respect, elle qui voulait que la haine envers Israël relativise les soupçons envers les Perses. Mais l'Iran n'a pas les moyens militaires et le soutien des 2 milliards du monde arabo-musulman pour se lancer dans l'affrontement. Le front intérieur va devenir une confrontation avec les milices du Hamas, du Djihad islamiste, les rebelles houthis, et peut-être le Hezbollah, car pour l'instant, Nasrallah menace fortement et agit peu. Mais le front extérieur, celui de la communication et de la légitime émotion, ne résistera pas aux images. Car dans le monde actuel, une image chasse l'autre. La France est passée de la coalition anti-terroriste avortée au cessez-le-feu humanitaire voté en quelques heures. C'est pour le moins acrobatique et avec de terribles lacunes sur les otages et le Hamas. Mais qui peut faire l'impasse sur la catastrophe humanitaire qui touche les Gazaouis et maintenant, selon l'ONU, des possibles crimes de guerre avec le bombardement du camp de Jabālīya ?

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2/ Hé oh, le PS ! L'engagement dans l'aide humanitaire, c'est quand ?

Joe Biden vient de lancer un appel à la communauté internationale : "Il faut intensifier l'aide humanitaire aux Palestiniens à Gaza". Comment ne pas souscrire à une telle demande ? Mais dans le même temps, l'administration US met son veto à une résolution non contraignante en ce sens. Ceci démontre l'ampleur des désaccords chez les démocrates, pendant que les Républicains se déchirent et paralysent le pays.

La France envoie un navire hôpital de campagne. Déjà 102 camions arrivent dans le Sud de Gaza pour soutenir 1,5 million de déplacés, avec peu d'eau, de nourriture, sans abris ni où aller. Un tiers des hôpitaux ont été détruits, alors que MSF annonce plus de 20 000 blessés. Certes, le Hamas se cache dessous, mais au-dessus, il y a des civils blessés. Qu'est-ce que la direction actuelle du PS attend pour mobiliser ses collectivités locales pour la solidarité ? Car si on peut rêver d'une paix à deux États une fois le Hamas mis hors d'état de nuire, l'abandon de la population Gazaouie à son triste sort provoquera les morts israéliens de demain. Souvenons-nous du Cambodge, les Khmers rouges basculèrent dans la folie meurtrière après des mois et des mois de bombardements US intenses. Les conditions de la guerre de Gaza, de sa conquête, et tout autant la suite donnée par Israël à celle-ci seront déterminantes, soit pour une paix durable, soit pour une guerre permanente.

Il y a urgence, le PS à gauche a la capacité d'organiser la solidarité concrète. Seul à gauche, le PS a été clairement contre l'islamisation de la résistance palestinienne et a condamné l'orgie terroriste du 7 octobre. Seul le PS a clairement soutenu le mouvement anti-réforme de la justice de Netanyahu et sa coalition d'extrême droite. Nous avons été clairs : Israël a le droit de briser le Hamas, mais pas de faire n'importe quoi en punissant collectivement les Palestiniens de Gaza. Nous sommes libres ! Alors maintenant, des actes ! C'est à la direction des socialistes de le faire, pas à la FNESER ni aux groupes parlementaires. PS, combien de camions ?

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3/ Poutine ouvre le front de la sécurité alimentaire

La Russie profite de la guerre entre Israël et le Hamas. Mais d'un certain point de vue, l'Ukraine aussi, car la pression pour le résultat est moins forte. D'autant que la guerre de tranchées ne donne pour l'instant aucun vainqueur, même si elle provoque beaucoup de morts. Le chef d'état-major ukrainien, Valéri Zaloujny, vient de le déclarer à The Economist : "Il n'y aura pas la percée escomptée". Les Russes, quant à eux, ont tenté la semaine dernière de gagner du terrain à Avdiivka, c'est-à-dire le verrou de Bakhmout. Ils ont un peu avancé au prix de centaines de morts. Mais globalement, le front est stable sur mille kilomètres. En même temps, V. Poutine fait pilonner les infrastructures des exploitations céréalières ukrainiennes. Il s'agit d'une question cruciale pour la sécurité alimentaire mondiale. À tel point que le G7 s'en alarme. C'est un nouveau front dont personne ne parle, mais qui va être dans quelques semaines déterminant.

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4/ Immigration : Réguler, Repartir, Intégrer.

Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'on avait connu plus péremptoire, fait 6 constats dans la Tribune du dimanche à propos du débat sur l'immigration, sans un mot sur la réforme Darmanin, sans une proposition, et sans une phrase sur l'intégration. Il illustre, s'il en était besoin, l'hébétude collective devant la question. Les mouvements migratoires sont un vrai sujet qui est vicié par la domination idéologique du "grand remplacement". Didier Leschi - qui a des souvenirs de jeunesse - partage aujourd'hui cette hantise, mais la camoufle derrière les risques pour le modèle social français. Après le "grand remplacement", la grande déflagration. Très bien ! On fait quoi ?

Le constat est unanime : l'explosion des demandes d'asile et son corollaire, l'augmentation des déboutés. La question n'est pas une réforme de plus, mais l'efficacité des mesures proposées. Nous avons déjà voté 18 textes depuis 1997. Alors reprenons : l'accueil est un devoir, mais nous n'avons pas vocation à accueillir toute la misère du monde, juste notre part. Ce qui explique que l'Europe n'est pas le problème, mais la solution. Le nouveau pacte sur la régularisation et l'asile en voie d'adoption par les 27, loin d'être suffisant, est un pas significatif. Il commence à mettre de la régularisation, de la solidarité dans ce problème réel. Aucun pays ne pourra fermer les frontières de manière hermétique. Et s'installer où on veut, quand on veut, n'est pas un droit. La réponse ne peut être : soit la fermeture, soit l'ouverture, mais la régulation.

Le constat catastrophiste, la hantise du métissage, le laisser-faire migratoire ne sont pas des solutions, mais l'instrumentalisation du sujet à des fins électorales. C'est ce que nous expliquons dans le programme fondamental. Il faut une stratégie de régulation et des propositions efficaces. Il faut trancher dans le vif. Il faut réguler, repartir, intégrer. Oui, nous avons besoin d'immigration vu notre démographie vieillissante. Ce qu'on appelle les "métiers en tensions", n'en déplaise à nos tartuffes, représentent 30 % d'immigrés dans le BTP, 30 à 40 % dans les services à la personne, 20 à 30 % dans la logistique, 15 % chez les médecins hospitaliers. Bref, une grande partie des travailleurs de première ligne pendant le COVID. Et la solution est simple : le travail pour la nation vaut régularisation. Le RN et LR font front uni sur ce sujet et voteront ensemble la motion de censure. Motion qui sera rédigée de telle manière que la gauche ne puisse la voter. Si nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde, il faut donc bien accueillir, bien repartir, bien reconduire, avec un Office européen de l'immigration qui en a les moyens. Oui, les migrants s'entassent là où la pauvreté est déjà grande. Alors, oui, il faut des aides contre la localisation, comme cela se pratique en Allemagne ou au Danemark. Oui, les sans-papiers doivent être accueillis dans des conditions décentes, dans des lieux de transit. Mais une fois les recours épuisés, oui, ils doivent être reconduits. Oui, l'apprentissage du français est nécessaire au titre de séjour. Quant à l'intégration, dont plus personne ne parle, elle n'est pas en panne. C'est d'ailleurs contre cela que l'islamisme radical combat et évoque la nécessaire séparation de la République. Un chiffre : le taux d'exogamie des "filles Maghrébines", comme disent les rapports, c'est-à-dire le fait de trouver un conjoint hors de sa communauté, est de 42 %. Alors que ceci n'est pas bien vu par les plus traditionalistes et encore moins par les salafistes. Ça marche donc ! Mais tant qu'une partie de la France dira "on est chez nous" devant les Français "arabo-musulmans", tant que les jeunes Maghrébins de la deuxième génération, donc Français, se trouveront sans emploi, sans diplôme, sans formation professionnelle (ils sont 25 % dans ce cas), l'intégration sera contrariée. Contrairement à ce qu'on pense, pour s'intégrer, il faut être deux à le souhaiter.

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5/ Pourquoi Macron précipite la constitutionalisation de l'avortement          

Emmanuel Macron précipite la proposition de constitutionaliser le droit à l'avortement. Au-delà du débat juridique sur l'intérêt de constitutionnaliser ce droit fondamental, dont on dit qu'il est déjà couvert par la Constitution, indépendamment de la formule retenue (droit ou liberté), l'accélération présidentielle procède du "en même temps". Au moment où le débat sur l'immigration va occuper les esprits et enfermer le gouvernement dans un tête-à-tête avec la droite et l'extrême droite, l'exécutif veut envoyer un signe à la gauche qui milite en ce sens depuis longtemps. Mais la ficelle est tellement grosse que la démarche ne va satisfaire ni les uns ni les autres.

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6/ 624 sans-abris morts

 

624 sans-abris sont morts cette année. Ils sont relativement jeunes, 46 ans pour les femmes, 50 ans pour les hommes. Le nombre des sans-abris a doublé depuis 10 ans. Selon la Croix-Rouge, il y en aurait 330 000 sur 4,5 millions de pauvres en France. Cela devrait être une cause nationale... enfin pour la gauche.

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 7/ De retour du Japon

J'ai écrit les instantanés du dimanche depuis le Japon. Un beau cadeau que l'on m'a fait là. Incroyable de pouvoir travailler et suivre en temps réel à près de 10 000 km, comme dans son salon, l'actualité mondiale et française. Le Japon fascine la France tout autant que la France fascine le Japon. La culture japonaise est arrivée à nous par la littérature, entre autres, Kenzaburō Ōe, Kōbō Abe, ou autre Takeshi Kitano, voire les livres de Susan Buirge qui vit à Kyoto. C'est aussi le cinéma, le voyage à Tokyo d'Ozu, les 7 samouraïs de Kurosawa, l'Île nue de Shindo et combien d'autres, dont 5 Palmes d'Or à Cannes. Le théâtre Nô où Kabuki n'ont pas fait recette, sauf chez Jerzy Grotowski ou Peter Brook. Il y eut en revanche les zengakuren, le suicide de l'ultra-nationaliste Yukio Mishima, dernier seppuku (hara-kiri), ou l'auto-liquidation du groupuscule "Armée Rouge Japonaise", et bien sûr le tremblement de terre de Tohoku qui provoqua l'accident nucléaire de Fukushima. Voilà pour l'imaginaire japonisant en y ajoutant les sushis et les sumos chers à Jacques Chirac. Mais rien ne vaut de voir Tokyo la moderne, Kyoto la traditionnelle, Osaka la fière futuriste, qui résument à elles trois le Japon, sans occulter la punition collective par les Américains du peuple japonais à Hiroshima et Nagasaki. Ce deuxième séjour - j'avais visité le parti et le gouvernement social-démocrate brièvement au pouvoir - confirme mon intuition. "Le peuple bambou", comme je le surnomme, est solide par les fibres de sa tradition et flexible à la modernité. Un étrange alliage rendu possible par la religion shintoïste, où chaque chose recèle du divin, et la spiritualité bouddhiste. Il faut avoir contemplé bien des choses dans le monde pour embrasser la réalité de celui-ci. Et chaque peuple recèle une part du génie de l'humanité, même si sa patrie est à nulle autre pareille. Le Japon est le pays des contrastes. Entre l'univers nostalgique des samouraïs et les parcs robotiques futuristes à deux pas de la cérémonie du thé. Jusqu'au 8 juillet 1853 et l'arrivée de la flotte de l'amiral Perry dans la baie de Tokyo, l'isolement a permis des développements uniques, par exemple dans la littérature. Ce passé est toujours vivace, mais la modernité connectée ne semble pas avoir aujourd'hui de limites au Japon. Le tout dans une cohabitation pacifique qui ne se veut pas comme en France, concurrence.

Pour comprendre le Japon, il faut avoir vu le sanctuaire Meiji à Tokyo, à la mémoire de l'empereur sorte d'Atatürk japonais, l'hallucinant carrefour du quartier Roppongi où se croisent des centaines, des milliers de personnes au milieu d'immeubles-médias comme à Shanghai, l'iris d'Ogota Kōrin de 1715 d'une étonnante modernité, le Fushimi Inari-Taisha à Kyoto avec ses centaines de portiques rouges sur 4 km dédiés au dieu du riz et du saké, le reflet du Kinkaku-ji, ce pavillon d'or, dans les eaux d'un jardin japonais, enfin j'en oublie, mais je ne peux pas ne pas citer le magnifique château Nijō-jō à Kyoto, le Vaux-le-Vicomte japonais du dernier shogun Tokugawa qui semble tout droit sorti de "Ran," le film de Kurosawa. Dans ce pays tout en retenue et en respect, où un pourboire est une insulte et les rues d'une propreté à faire pâlir d'envie nos maires, affleure la fierté insulaire. Si ce peuple est résilient, sous le silence poli des apparences, bouillonne "l'empire des sens". C'est le nationalisme japonais porté par une myriade de factions. Il puise sa source dans les blessures et humiliations infligées par les "occidentaux" et la mise à genoux de la nation par deux bombes atomiques. Mais aussi le refoulé des massacres de Canton et les razzias barbares en Corée pendant la Seconde Guerre mondiale. L'attachement à l'empereur fait nation pour le plus grand nombre, entre tradition et modernité. Mais de nouveaux défis se profilent pour le Japon. La réussite technologique n'est plus la même, même si la robotique tente de prendre le relais. Le Japon vient de quitter la 3ème place économique à cause de la chute vertigineuse de sa démographie. On évoque une dégringolade de 125,7 millions à 85 millions dans dix ans, avec une population vieillissante. Le déficit de main-d'œuvre va provoquer un choc culturel dans un pays fermé à l'immigration. Enfin, on n'est pas depuis trois décennies la 3ème ou 4ème puissance économique du monde, avec des avoirs à l'étranger colossaux, quasiment les premiers, via les fonds de pension, sans se poser la question du retour de la puissance. La question du réarmement japonais et de la reconstitution de son armée est inéluctable vu l'agressivité de la Corée du Nord, l'hégémonisme chinois et l'affaiblissement relatif des États-Unis. Déjà, il s'exprime dans la politique japonaise. Cette question et les conséquences géopolitiques asiatiques et pacifiques seront tôt ou tard un nouveau front de la confrontation entre l'Occident et le Sud global. Car le Japon se considère unique mais occidentalisé. En attendant, la France devrait renforcer son partenariat à tout point de vue.

 

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