648 ème jours de Guerre en Europe
1/ West Side Story en Isère : l'avertissement ; 2/ Macron : Réveillez-vous ! ; 3/ Ô Faure président ?; 4/ Changement de climat sur l'Ukraine : 5/ Le Hamas, grand gagnant ? ; 6/ À quoi sert Kim ? ; 7/ Attal-Darmanin, le Match ; 8/ Henry Kissinger “for ever”.
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1. West Side Story en Isère : l'avertissement.
West Side Story, le 26 septembre 1957, avait déjà tout dit des vendettas urbaines, des rivalités claniques des bandes, se terminant par un coup de couteau meurtrier. C'est malheureusement la reproduction de ce drame que nous avons vécu à Crepel avec le meurtre de Thomas. C'est ce que nous vivons dans de nombreux quartiers avec les rendez-vous de la baston. Et si ce n'est pas cela, c'est le deal de la drogue qui ordonne « les violences de hautes intensités », comme on le dit dans la police. À Crepel, pas de règlements de comptes pour la coke de cannabis, seul l'affrontement, pour des raisons dérisoires, entre quartiers. Le RN lui ethnicise le meurtre avec J. Bardella : « des jeunes des quartiers venus pour planter un blanc ». E. Zemmour évoque avec une certaine délectation « la guerre civile en marche ». Les Républicains avec E. Ciotti en appellent « à la France éternelle que Mélenchon et la gauche abîment en couvrant ce type d'actions ». Pendant que des militants d'extrême-droite défilent à Romans-sur-Isère aux cris de « l'Islam hors d'Europe », cherchant quelques Maghrébins à se mettre sous la dent, et se faisant copieusement rosser par les habitants dudit quartier. Le comble qui est le plus inquiétant réside dans le fait que les identitaires étaient en possession des noms et prénoms des agresseurs de Thomas, ce que personne ne sait, mis à part la police, pendant que certains médias jouent la guerre de civilisation. Vous savez en quelques jours ce qui va se passer en France : l'extrême droite donne le la ; la droite chante à l'unisson ; les groupes identitaires défilent ; une partie de l'appareil d'État partage l'obsession identitaire ; une partie des médias joue la mouche du coche ; et les quartiers se défendent. La dynamique électorale du moment et les débordements qui en suivront se révèlent dans ce précipité chimiquement pur. C'est cela la « libanisation » des esprits.
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2. Macron : Réveillez-vous !
Le président de la République est fort mécontent de la situation économique. Il le fait savoir en demandant aux entreprises de se réveiller. Pourtant, Bruno Le Maire ne cesse, depuis la Covid-19, de dire que « tout va bien ». Il vante les performances de l'économie française au regard des autres nations d’Europe et multiplie les communiqués de victoire sur la croissance, l'emploi et l'investissement étranger, cette attractivité chère au président Macron. Qui a raison dans la description de la situation économique de la France ? Les agences de notation vont-elles écouter le ministre de l'Économie ou le président de la République ? En attendant, le chômage monte, la précarité aussi, la part de salariés au SMIC est de 17,3% contre 14,5% l'an dernier, du jamais vu ; l'inflation ne monte pas mais ne baisse pas ; la croissance s'annonce mal ; et la presse se fait l'écho du spleen des parlementaires de la majorité sur le thème « On ne sait où on va », pendant que la Première ministre va multiplier les dîners de travail pour le savoir. Rien ne va en Macronie, qui est rentrée en fin de règne par un sévère « Réveillez-vous ». « On ne parle jamais que de soi », disait Lacan
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3. Olivier Faure président ?
Nous avons décrit la candidature de Mélenchon à la présidentielle dimanche dernier. Le Figaro du lundi 27 nous fait part de l'ambition nouvelle de O. Faure : le premier secrétaire du PS est aussi candidat. Il est vrai qu'il faut être aveugle pour ne pas voir que ceci lui trottine dans la tête. Il suffit de le regarder et de l'écouter lors du Campus de Blois, de remarquer les mises en scène, les prompteurs lors de ses interventions, ou de comprendre que la sortie de son ouvrage « Le Capital Républicain » vise à lui donner une configuration, une texture, une densité à peu de frais. O. Faure est patient, très patient même. Il lui faut être présidentiable pour gagner son prochain Congrès, et gagner son prochain Congrès pour être présidentiable. La NUPES l'a révélé aux médias. La nouvelle NUPES doit le révéler aux Français. Il ne s'agit pas de gagner cette prochaine échéance. Faure n'a pas cette prétention, mais en politique peut-on dire jamais ? Il s'agit de participer à la désignation du candidat unique d'une gauche sans Mélenchon après avoir espéré le faire grâce à Mélenchon. Il s'agit aussi d'interdire une candidature sociale-démocrate. Pourtant, c'est elle qui peut tout. Donald Tusk a démontré en Pologne qu'une candidature responsable pouvait l'emporter contre l'extrême-droite. Elle pourrait aussi mettre fin au rendez-vous d'O. Faure avec la France d'après, cette France débarrassée des Mélenchons, Hollande, Cazeneuve, etc. Celle que Faure attend doit marquer son heure, tant chez lui la question des générations est décisive. En attendant, si je puis dire, Olivier Faure ne bouge pas, ne construit pas. Il attend avec talent et fait de l'inertie son meilleur argument. Il ne gagne pas, ce sont les autres qui perdent. Il applique la stratégie des Horaces face aux Curiaces. Il attend donc que l'adversaire, le concurrent, tombe de lui-même en campant sur une moitié de PS, s'il le faut. Il pensait, tirant sur sa cigarette électronique, que Mélenchon serait le plus difficile à décrocher. Il s'est décroché tout seul. Les écologistes n'ont plus de présidentiable, même si Jadot n'a pas renoncé. Le PCF lutte contre le déclin décisif. Et Ruffin, l'enfant chéri de la gauche, est dans une terrible tenaille. Hors de LFI, il n'est rien, dans LFI, il n'est pas grand-chose. O. Faure pense enfin que son demi-pas hors de la NUPES lui a valu un autre regard de la gauche anti-Mélenchon. Sa décision contrainte et tardive d'une liste autonome aux Européennes, tout en faisant porter la responsabilité de la division sur les écologistes et le PCF, lui offre la possibilité d'être tout à la fois fidèle à l'esprit de la NUPES et hors de celle-ci. Elle ferme la porte à la critique de ses opposants en interne. Et si le PS arrive en tête de la gauche aux Européennes, il pourra se prévaloir d'avoir lavé l'affront des 1,7 % d’Anne Hidalgo. Si ce n'était pas le cas, il pourra toujours dire hors de l'union, point de salut. Les municipales avec l'union à la base et à la carte ne devraient pas trop contrarier la séquence. Le premier acte de la nouvelle saison : La NUPES sans Mélenchon, sera le rassemblement du 7 décembre à St Ouen avec Garido, Autain, Jadot, Faure, les communistes avec Elsa Faucillon et Fabien Gay, etc., contre la loi immigration. Devant le groupe parlementaire au Sénat, le député de Seine-et-Marne ne s'en est pas caché. Il a plaidé mardi matin pour une NUPES relookée sans Mélenchon. Il n'a pas eu à forcer son talent, Bompard puis Mélenchon ayant constaté « il n'y a plus de NUPES... ce que l'on avait construit est déjà détruit (...), on fait semblant ». Enfin, la tête de liste aux Européennes combine Glucksmann, anti-Mélenchonniste, et, si possible, Emma Rafowicz jusqu'au-boutiste NUPES avec son appel des jeunesses. Ce n'est qu'une étape, Faure fait le pari qu'une fois réélu premier secrétaire dans un an, il sera le candidat naturel du PS préservant sa place dans la séquence suivante et sa circonscription. Car la victoire de Marine Le Pen provoquera l'union à gauche (comme l'anti-fascisme, le Front populaire en 1936) et celle d'Édouard Philippe des triangulaires favorables à la gauche. En tout cas, sa candidature sans contenu autre que lui, légitimée par un PS moribond - il n'en a cure - devrait avoir raison, pense-t-il, de ses oppositions. D'ailleurs, Faure va tenter de le démonter avec le parti radical de gauche aux Européennes. Comme ces derniers ont brûlé leurs vaisseaux en annonçant une liste Radicale de Gauche anti-Nupes, soit ils partiront seuls, sans le soutien de Bernard Cazeneuve (et si l'ancien Premier ministre ne soutient pas Guillaume Lacroix, son allié, Glucksmann ne quittera pas le PS pour rejoindre les Radicaux) ; soit alors, ils se contenteront d'une place dans les 10 premiers de la liste PS avec le soutien de Glucksman. Et le tour sera joué. Bon, il y a un côté Perrette et le pot au lait dans le cheminement de O. Faure. À chaque instant, tout peut s'effondrer. Mais si les réformistes, dans et hors du PS, abordent les événements en ordre dispersé, sans doctrine, ni stratégie, ni leadership, pourquoi O. Faure se gênerait-il ? Une ligne claire pour une refondation inventant un nouveau cycle politique, une primaire de la gauche réformiste pour désigner le candidat, et donc une nouvelle donne à la tête du PS pour le faire. Voilà ce qui pourrait tout changer. Il semble que nous en soyons loin.
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4. Changement de climat sur l'Ukraine.
Insensiblement, le climat change dans la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Poutine peut parler, certes, en visioconférence au G20. Il y délivre benoîtement un message sur la tragédie de la guerre. Blinken et Lavrov devaient se croiser au sommet d'une organisation mondiale (OSCE) sans que cela pose un problème, à part pour le vice-premier ministre luxembourgeois. Poutine s'installe dans une guerre longue en décidant de consacrer 6 % du budget russe à l'armée. Il délivre lors du sommet des peuples russes un discours nationaliste russo-slave, propose un pacte de loyauté vis-à-vis des étrangers en Russie et annonce une répression pour les homosexuels. Bref, pendant que le président russe multiplie les déclarations et s'installe dans le temps long, voire très long, le monde banalise la Russie de Poutine. Et Zelenski a le plus grand mal à faire le tempo médiatique ou à obtenir que la communauté internationale endigue Poutine. Un peu comme si on avait pris acte que rien ne bougerait sur le plan militaire et qu'il fallait faire avec. « Si on avait à choisir un jour, on lâcherait une partie du Donbass mais pas la Crimée », dit Zelenski à bout de forces devant des étudiants, révélé par la chaîne LCI. Il prépare l'opinion et confirme ainsi ce changement de climat.
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5. Le Hamas, le grand gagnant ?
Les grands gagnants de la période d'échange des otages à Gaza sont les otages libérés. Peut-on dire comme nous l'entendons ici ou là que le Hamas a gagné car il est incontournable ? Ne l'était-il pas avant ? Ne détenait-il pas la plus grande partie des otages et donc était nécessairement au centre des négociations ? Il est certain que hors de Gaza, dans le monde arabe, il y a un succès d'estime. Mais il est peu probable que les Gazaouis chassés de chez eux par les bombardements israéliens, ayant tout perdu, vivant dans des camps de fortune applaudissent la situation qui leur est faite. La libération des Palestiniens emprisonnés peut être considérée comme un succès pour le Hamas par les habitants de Gaza. Mais on peut aussi concevoir que l'amertume est grande vu le prix à payer. Quant à la tache indélébile de la barbarie du 7 octobre, elle rend impossible pour Israël, mais aussi pour les États-Unis, le fait d'accepter que le Hamas administre Gaza à l'avenir. Ces faits rendent le Hamas difficilement fréquentable dans le monde occidental et même dans le Sud global. La libération des otages a duré plus longtemps qu'annoncé. La présence à Doha des chefs de la CIA et du Mossad n'est pas seulement consacrée aux noms à mettre sur une liste. Il a été évoqué la suite et l'implication des États arabes dans le contrôle de Gaza ; en tout cas, pour une période de transition. On parle même de l'exemple de l'OLP et Arafat exfiltré à Tunis lors de l'intervention d'Israël au Liban. Ce serait la solution pour ce qui reste du Hamas. Pas certain que le Hamas considère ceci comme une victoire. Quant à Israël, Netanyahou a une marge de manœuvre pour le moins étroite. Entre une opinion bouleversée par le retour des otages qui souhaite leur libération, des militaires qui estiment que le travail n'est pas fini, la promesse après le 7 octobre d'éradiquer le Hamas soutenu par l'extrême-droite qui irait elle jusqu'à « tous les Palestiniens ». La Cisjordanie au bord d'une nouvelle Intifada. La question de l'armement des colons qui peut faire sauter le gouvernement alors que le Likoud est en chute libre dans les sondages. Et enfin, Joe Biden, qui voit l'électorat d'origine arabe et la jeunesse démocrate fondre comme neige au soleil à un an de l'élection présidentielle. Le Premier ministre israélien est dos au mur. Les États-Unis accélèrent donc les livraisons de vivres, 500 camions par jour à Gaza, et suggèrent doucement un cessez-le-feu. Netanyahu ne peut l'accepter. Il a déjà démontré sous Obama qu'il pouvait s'opposer aux États-Unis à propos de l'Iran, qui continue à tirer les ficelles. Mais Netanyahu ne peut pas jouer ouvertement le retour de Trump via des bombardements intensifs du Sud de Gaza et le silence de Joe Biden. Il ne peut non plus ne rien faire à la fin de la trêve. D'autant que le cabinet de Guerre est pour reprendre les hostilités car 3 des 5 divisions du Hamas seraient au Sud. Il continue donc la guerre à ses risques et périls. C’est une fuite en avant sans solution de sortie de crise. Le nœud gordien est là. Et il n'y a pas d'Alexandre à l'horizon pour trancher et remercier les Dieux. Si le Hamas n'est pas nécessairement gagnant, Netanyahu ne l'est pas non plus.
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6. À quoi sert Kim ?
L'opposition en Corée du Nord fait 0,13 % dans des élections locales, mais sans isoloir quand même. Kim Jong-un s'est fait filmer glissant son vote dans l'urne, dans une pièce déserte, arborant un manteau de cuir noir du plus bel effet et de triste mémoire. Plus sérieusement, les Coréens ont réussi à mettre sur orbite un satellite espion après deux essais infructueux. Entre-temps, la rencontre avec Poutine semble positive pour Pyongyang. En contrepartie d'un million de munitions pour Moscou, on peut raisonnablement penser que les Russes ont été aidants. Vladimir Poutine, comme Xi Jinping, ont intérêt à des fronts secondaires. C'est le sens des manœuvres militaires conjointes, et ils peuvent compter sur le fantasque dictateur nord-coréen pour jouer la dangereuse diversion et occuper la communauté internationale.
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7. Attal-Darmanin, le Match.
Gabriel Attal, qui vient de s'installer en deuxième position dans les sondages, a refusé de s'organiser alors que des parlementaires venaient de lui en faire la demande. Il s'agit d'une prudence calculée au moment où le remaniement est dans l'air. La bataille fait rage pour se maintenir mais aussi pour évincer la Première ministre E. Borne. Son destin et peut-être celui de G. Attal sont subordonnés à celui de Darmanin, et celui de ce dernier à la loi sur l'immigration. Si le ministre de l'Intérieur parvenait à faire voter la loi en détachant une partie de LR et sans trop de casse dans la Gauche Macroniste, c'est le sens de la manœuvre au Sénat impliquant LR et le groupe Renaissance et de l'appel d'une quinzaine de députés LR prêts à discuter le texte, alors pour Darmanin s'ouvrirait les portes de Matignon avec la fiction d'une nouvelle équation parlementaire. Il est vrai que LR est en voie de décomposition entre les sénateurs exigeant que « l'on vire Pradié » et le pataquès de la position de LR - Sénat - Assemblée sur la loi immigration. On comprend que Attal soit prudent car dans le cas contraire, c'est-à-dire le Xème 49.3, E. Macron se ferait un plaisir de le pousser pour organiser... son propre retour dans les années 30.
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8. Henry Kissinger « for ever ».
H. Kissinger n'est plus. Il ne fit pas que signer les événements comme Talleyrand. D'ailleurs, il lui préférait Metternich. Peut-être à cause de cette citation du diplomate autrichien : "Le plus grand don de n'importe quel homme d'État n'est pas de savoir quelles concessions faire mais de reconnaître quand le faire." Et donc, sa capacité à contenir les révolutions ou Napoléon pour la défense de l'Empire. Il ouvrit le chemin de la détente nucléaire avec Moscou et la route de la Chine après le Général De Gaulle. La realpolitik - "les droits de l'homme, combien de divisions" - pour le compte de l'Empire américain fut sa doctrine. Ce qui l'a conduit à participer à l'opération Condor au Chili, à bombarder le Cambodge et à soutenir les massacres au Timor oriental. Prix Nobel avec Le Duc Tho pour la fin de la Guerre au Vietnam, il n'alla pas le chercher. Il voulut même le rendre, ce qui lui fut refusé. Il pratiquait la fermeté courtoise, l'humour corrosif, le cynisme cortiqué. Il se voulait avant tout lucide. Il ne cessa jamais d'analyser les événements avec ses lunettes du monde. Il déclarait, il y a encore peu, à près de cent ans, que la paix en Ukraine passait par l'abandon à Moscou du Donbass et de la Crimée. Dans une époque où les politiques préfèrent leurs "likes" sur les réseaux sociaux à la géopolitique, il manquera.
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