La crise politique était déjà dans la présidentielle
Le premier tour fut marqué par une abstention de masse, expression de la déconstruction républicaine que nous vivons. Mais il fut, tout autant, marqué par un vote utile, devenu mode d’expression politique.
Le vote utile pour Mélenchon, après l’échec de la primaire populaire, a déclenché le vote utile pour Marine Le Pen, qui a siphonné Zemmour, et cela a produit un vote utile pour Macron réduisant Valérie Pécresse.
Cette dynamique des votes utiles n’est pas une cristallisation mais un opportunisme électoral qui ne fait pas un cap.
Et ceci, dans une élection écrasée par la Covid et la Guerre en Ukraine ; une élection où rien ne fut débattu ni tranché.
Le second tour n’a pas clarifié le débat. Il fallait faire barrage au nationalisme d’exclusion. Et d’ailleurs, ce dernier a très largement progressé.
La fin du bipartisme entre LR et le PS n’a pas donné lieu à un nouvel équilibre mais à un centre hétérogène se maintenant par le rejet des extrêmes.
Le soir de son élection, le président semble sans cap, presque sans force et sans dynamique. Emmanuel Macron semblait comme frappé par le syndrome du second mandat sous la 5e République : De Gaulle, Mitterrand, Chirac. Cela s’est toujours mal terminé.
Le temps pour constituer le gouvernement fut en résonance avec cet état ; le président hésitant sur le premier ministre et les signes à envoyer au pays.
Il tranchera pour le « en même temps » : une première ministre rebaptisée de gauche ; un signe envoyé aux « quartiers » avec l’éviction de Blanquer et de Schiappa et la venue de Pap Ndiaye. Le tout, équilibré par des ministres sortants de droite trustant les ministères régaliens.
Et puis, plus rien, tant la macronie était sûr de son fait, de la logique de l’inversion du calendrier et de la majorité mécanique.
Et le pays médiatique s’embrasa pour la Nupes et la façon dont Mélenchon a réussi à tordre le bras à la Gauche et aux écologistes au point, non seulement de ne pas voir l’abstention du premier tour des législatives mais aussi le score du Rassemblement national.
Il était clair, comme je l’avais écrit : « le pays ne voulait pas donner tous les pouvoirs à Macron et pour autant pas les donner à Mélenchon ».
Le premier tour fut en trompe-l'œil ; le second tour cristallise la crise politique rampante ; l’abstention progresse de façon spectaculaire.
Mais la défaite du camp présidentiel est marquante et patente : sans majorité absolue ; des ministres - le président de l’Assemblée, le président du groupe parlementaire - battus.
C’est, selon les mots même d’Élisabeth Borne, Première ministre, « inédit sous la 5ème République » et c’est le KO en attendant le chaos.
La légitimité présidentielle se heurte à la légitimité parlementaire. C’est dans la 5ème République la forme de la crise politique hors cohabitation. `
Et précisément, il n’y a pas de cohabitation. Et il n’y a pas de majorité alternative.
Le dégagisme a fini par toucher le parti présidentiel lui-même. Le parlement est introuvable. Le vote de confiance pour le premier ministre s’avère complexe et la dissolution risquée. Le RN rôde et tout le monde a compris à gauche qu’il faut une autre union pour répondre à la crise institutionnelle et française qui s’ouvre.
Il est probable que le débat parlementaire sera chaotique ; l’extrême-droite disputant à la France insoumise le monopole de l’opposition ; et Mélenchon qui tente d’imposer l’opposition frontale pour garder toutes les composantes dans la NUPES alors que le PCF veut déjà s’en aller.
Il n’y a plus d’équation électorale majoritaire. Toutes les représentations sont minoritaires. La 5ème République est déstabilisée par la crise politique. Il faut penser à une sortie de crise par une refonte institutionnelle qui donne le pouvoir au parlement et une forme de proportionnelle.
Ce qui donne à cette crise sa dimension historique, c’est la percée de l’extrême-droite s’installant à des niveaux inégalés sous la 5ème République.
Elle est maintenant candidate au pouvoir et va peser sur tous les débats ; ce qui explique la relative modération de Marine Le Pen le soir du second tour.
La NUPES devient la première coalition d’opposition du parlement mais ne gagne pas les législatives.
Pourtant, la Gauche pouvait l’emporter avec une architecture plus respectueuse et un programme plus responsable. En effet, il n’y avait pas de dynamique de Macron, la droite n’avait pas de chef et l’extrême-droite était divisée.
La radicalité à Gauche n’a pas entraîné l’abstentionnisme du pays qui est, soyons conscients après ces élections, très à droite.
La crise politique est donc là. Elle pose la question de l’offre politique.
Il faut construire une nouvelle offre à Gauche. C’est le sens de notre Manifeste social-démocrate : "Etre social-démocrate en 2022".
Nous y reviendrons !