On se souvient de cette pièce de théâtre de Samuel Beckett : « En attendant Godot ».

Les deux héros Estragon et Vladimir attendent une figure transcendante pour les sauver. Elle ne viendra jamais.  

Le Président de la République a décidé de jouer les « Godot ». On l'attend, mais il ne vient pas. 

A moins que ce soit le Désert des Tartares, roman de Dino Buzzati, où une petite garnison attend l’arrivée de l’ennemi qui ne viendra pas. Le temps passe et les soldats se consument en délires ou amertumes. 

En tout état de cause, la Présidentielle a son étoile du berger : celle du Président sortant. Et il se cache donc dans les nuages de la présidence. 

Il est probable que le Président va faire durer cette drôle de Présidentielle jusqu’à la mi-février. 

En son absence, les candidats s’écharpent, se combattent. Lui est relativement protégé par la fonction Présidentielle, rendue indispensable par le nouvel épisode de la covid-19, Omicron.

Il n'a pas échappé au Président que, par temps de covid-19, la prime va au sortant. Ce fut le cas lors des municipales et des régionales.  

Donc pour le locataire de l'Élysée, rien ne presse. Il laisse le paysage se décomposer en mille querelles subalternes, faites de polémiques aussi éruptives que fugaces. 

Pendant ce temps, personne n’a eu l'idée de faire son bilan. 

Ayant lu Tite-Live et son Horace et Curiace, Emmanuel Macron prend son temps pour ne pas combattre ses adversaires ensemble mais séparément, après une course de pré-campagne qui les a endommagés et pour certains blessés à mort.

Le Président sait que le jour où il se présente le paysage passe du combat des uns contre les autres à la bataille de tous contre lui.

Et les sondages flatteurs de premier tour peuvent être contredits par un tassement. Cela peut déboucher sur un doute, puis une tendance baissière. Comme ce fut le cas lors de la tentative de réélection de Valéry Giscard D’Estaing en février 1981.

Car Emmanuel Macron n’est pas fort de son bilan mais d’un trop-plein de candidats qui se marchent sur les pieds.

Contrairement à ses challengers qui ont un premier tour duraille et un second surfant sur un « tout sauf Macron », le Président a besoin de tuer le match dès le premier tour. Sinon, il sera difficile de l’emporter au second même si c’est Marine le Pen. D’autant que Zemmour, qui est censé permettre de qualifier Madame Pécresse, aura réussi à banaliser la candidate du RN, à tel point qu’entre cette dernière et la candidate des Républicains les frontières s’évanouissent sous l’impulsion d’un Ciotti fort de ses 40%.

Emmanuel Macron sait que la martingale de 2017 ne se représentera pas deux fois. Il ne peut l’emporter sur une promesse de renouveau. Il ne peut triompher que sur la division des autres.

Après ? Il n'en a cure. Il se débrouillera avec ce que le Parlement lui donnera. Il a toujours l’arme de la dissolution. Et la Gauche politique marginalisée n'y sera pas insensible. 

Bref, prendre son temps pour en gagner, même si cela pousse à la décomposition. Les Bonaparte ont toujours été élus dans ces conditions. Quand les couches possédantes, affolées par tant de désordre, cherchent un sabre ou un bouclier.

Évidemment, il ne faudra pas glisser au premier tour. Rien ne permet dans le bilan du Président de se grouper sous le drapeau élyséen.  Et le second tour ? Quand on est aussi réprouvé dans les sondages que Marine le Pen, il faut se souvenir de la prophétie de François Mitterrand « au 1er tour on choisit, au second on élimine ».  

Et il sera un peu tard pour dire comme Nicolas Sarkozy en son temps : « j’aurais  dû y aller plus tôt ».