En ce début janvier, chacun y va de ses vœux pour les autres, pour leurs proches, pour lui-même. 

 

Cela n’échappe pas à la liturgie présidentielle. Car le mois de janvier est le mois de tous les dangers qui peut doucher bien des espoirs. 

Le Président de la République a tâté l’eau de l’année 2020 et elle est glacée.

La polémique sur le drapeau européen flottant sur le repos du soldat inconnu est un symptôme de la puissance du courant nationaliste d’exclusion Français. 

Le Président de la République a décidé de draper sa candidature à la présidentielle dans la présidence du Conseil de l’Europe. Une manière de se distinguer, de se définir, de s’imposer, sans avoir à se déclarer.  

Et comme symbole de cette entrée en campagne furtive, il décide de pavoiser l’Arc de Triomphe à ses couleurs. C’est un peu rustique comme allégorie mais le Président aime les symboles pompiers en politique. Souvenons-nous de son interminable traversée de la cour du Louvre le soir de « sa » victoire. 

Pas de quoi s’émouvoir, Nicolas Sarkozy l’avait fait en 2008. La polémique, à l’époque, était de moindre importance. Seul Jean-Marie Le Pen avait beuglé. Le symbole d’une paix européenne perpétuelle est porté par l’ensemble des formations politiques. Et la présence du drapeau français à côté du drapeau européen ne change rien à l’affaire. Elle est le vrai-faux argument de la droite classique pour participer au cœur nationaliste dans une réprobation à laquelle se joint avec enthousiasme Jean-Luc Mélenchon. 

Le Président sortant apprend à cette occasion que la route européenne pour la Présidentielle est moins praticable qu’il ne le croit. A tel point, qu’il dut en rabattre et retirer ledit drapeau nuitamment et piteusement. 

Ce refus d’obstacle fut suffisamment spectaculaire pour interpréter une petite phrase de l’allocution présidentielle lors de ses vœux à la Nation. Déclarant sa flamme à la France, il évoque son engagement auprès de celle-ci « quoi qu’il arrive ». On a connu le Président plus Jupitérien. 

Il faut dire que 3 sondages successifs placent la candidate des Républicains au second tour de la présidentielle. De quoi entamer une dynamique de vote utile pour « battre Macron ». Et cela explique bien la porosité nationaliste de la candidate lors de la polémique de l’Arc de Triomphe. Merci monsieur Ciotti ! chien de berger pour Valérie Pécresse et pour le troupeau nationaliste.

La candidate ne s’appartient pas, elle dépend entièrement de la primaire sauvage entre Marine Le Pen et Éric Zemmour. Si elle se maintient à ce niveau, elle se qualifiera sur une ligne Filloniste nationaliste et ultra-libérale. Ce drapeau sera caché (lui aussi) au profit de « la seule capable de battre Macron ». Mais rien n’est moins sûr ! Car d’autres sondages donnent madame Pécresse dans un mouchoir avec Marine le Pen. Cette incertitude sondagière rend « ouvert » ce premier tour sans pleinement rassurer l’Elysée.

Et ceci d’autant que le Président va devoir gérer le variant Omicron du Covid. La stratégie de l’immunité collective, à partir du moment où le dit variant est réputé moins mortel, n’est pas sans risque. Gageons qu’il y aura d’autres épisodes en ce domaine, vu le nombre de contaminés et notre faible capacité hospitalière. 

La gestion de la « présidence française » de l’Europe est maintenant sous stricte observation des nationalistes de tous poils. Il y a là un front transpartisan qui ne dit pas son nom. Valérie Pécresse en est objectivement le débouché : « la plus crédible des anti-macronistes ». Bref, la droite espère son salut dans « un tout sauf Macron de second tour ».

Et le départ en campagne du Président devient de plus en plus compliqué au-delà du coup de pouce de l’annonce. Tel Valéry Giscard d’Estaing en son temps, il n’est pas impossible que le vrai départ soit un faux départ. En déclarant qu’il veut emmerder les antivax au Parisien, il démontre qu’il peut déraper, blesser, diviser, au nom d’une stratégie, d’une radicalisation des élites contre une petite partie du peuple.

Certes, Macron ne sait pas si Éric Zemmour aura ses 500 signatures. Cette issue inattendue redonnera des couleurs au deuxième tour de Marine Le Pen et donc sur le papier à Macron. Pour ce faire, le polémiste nationaliste de CNEWS a banalisé son discours au point d’apparaître comme une deuxième candidature Le Pen. Et il est probable que Ciotti et Stefanini veillent à ce que le protégé de Monsieur Bolloré ait ses signatures. 

Les vœux et espoirs sont grands à droite, pendant que le Président voit arriver l’iceberg et que l’orchestre de la majorité joue sur le pont « ensemble citoyens ».

La Gauche, quant à elle, est déjà dans les eaux glacées de la relégation. 

Il est maintenant peu probable que la primaire populaire rassemble toute la Gauche. Chacun aura remarqué que Madame Taubira n’en parle jamais. Même si le très controversé porte-parole de la primaire populaire, Samuel Grzybowski a indiqué que de toute façon son nom serait soumis au vote. On imagine déjà le pataquès. Avant cela, Taubira est soutenue et même portée à bout de bras par un Guillaume Lacroix (PRG), un temps fusionné avec les Radicaux valoisiens sous le drapeau (encore) d’Emmanuel Macron. Les Radicaux font donc course commune avec l’ancien patron des frondeurs du PS, Christian Paul, et l’appui, maintenant acquis, d’Arnaud Montebourg. 

L’alliance entre l’universalisme anticolonial de Christiane Taubira et le souverainisme anti-mondialisation d’Arnaud Montebourg serait l’avenir de la Gauche.  

On ne voit pas comment Jadot céderait à cette demande. Le ralliement de Montebourg à Taubira la leste négativement chez les écologistes.  

Alors, malgré les signes unitaires de Madame Rousseau qui entrave le cours réaliste du candidat écologiste, malgré le silence poli de « l’appareil duflotiste » comme l’appel Jadot en privé, malgré une petite glissade dans les sondages, Monsieur Jadot devrait tenir, jusqu’au 30 janvier, date de la primaire populaire, sans se déclarer à celle-ci.

Avec le soutien du bout des lèvres de Madame Taubira, les refus polis de Jadot, l’hostilité franche de Mélenchon, la primaire de toute la Gauche n’aura pas lieu.

Restent les conséquences pour chacun étant entendu que sans un rebondissement de campagne la Gauche est éliminée du premier tour de la présidentielle.  

Taubira a déjà bravé l’interdit en 2002, provoquant avec Chevènement l’élimination de Jospin. Elle peut tenter de rallier, par « la pression ou la dynamique » (pour reprendre la confidence de Christian Paul à Ouest France), Anne Hidalgo et Jadot. 

Mais tout le monde semble résister à ladite pression et la dynamique n’est pas là, en tout cas dans les sondages. Dans ces conditions, le ticket d'entrée Taubira sera-t-il valable au-delà du 15 janvier? 60 jours pour trouver 500 signatures, sans le PS ou les écologistes cela semble compliqué. Être une candidate en plus ou à la place de Montebourg ne clarifie pas le sujet. Quant aux moyens financiers le « on verra » de Guillaume Lacroix est déjà une réponse.  

Si Anne Hidalgo est la première à avoir envisagé la primaire pour imposer l’union, elle a été claire : pas question « de me retirer devant un homme » lorsqu’on évoquait son retrait derrière Jadot.  Et « pas question de me retirer derrière Taubira » lorsque celle-ci se fit pressante. Son orientation : « la primaire sinon rien » ne lui tient lieu de ligne de crête. La présentation de son programme le 11 janvier 2022, suivi de son meeting le 22 janvier sont là pour souligner cette volonté.  

Quelles seront les conséquences sur chaque acteur de cet échec de l’union annoncé ? Nul ne sait, malgré les souhaits et les spéculations des états-majors. En tout cas, la désunion ne va pas enrôler un électorat déjà passablement agacé.

Le « money time », comme on dit pour le dernier tiers temps au basket, aura lieu entre le 15 et le 30 janvier 2022, avec, à la clé, la certitude d'être éliminé au premier tour de la Présidentielle. 

La perspective d’être dans ces conditions le champion du petit bain ne sera pas une compensation car elle ne débouchera sur aucune recomposition.  

En attendant ce dénouement dans quelques jours, il faut bien mobiliser la Gauche contre ce qui reste quand même du facteur structurant de l’époque qui est la montée du nationalisme d’exclusion. Même si ce passeport est nécessaire mais pas suffisant, il faut déjà penser à la refondation de la Gauche et son pilier socialiste qui fait objectivement défaut à une candidature socialiste.

Tel est mon vœu en ce mois de janvier 2022 et ce à quoi je vais m’attacher. 

En attendant, recevez (vous êtes maintenant 25 000 à recevoir mes publications chaque semaine) mes meilleurs vœux.