Les migrants, une arme politique

Loukachenko, dictateur comme il n’en existe plus en Europe, tout à la fois chien fou et faux nez de Poutine, a décidé de faire des migrants une arme politique. Il n’est pas le seul à utiliser cette errance miséreuse à des fins politiques, mais, lui, règne sur un pays stratégique entre l’Europe et la Russie : la Biélorussie. Et au moment où l’Europe et le Monde ont les yeux rivés sur la Frontière polonaise, le ministre des affaires étrangères français et le secrétaire d’État américain s’inquiètent des mouvements de troupes russes aux marges de l’Ukraine.  

Voilà une coïncidence qui s’apparente à une évidence. Minsk rentre bien dans le jeu de Moscou. D’ailleurs, Emmanuel Macron ne s’est pas entretenu avec l’homme à la casquette de Minsk mais avec la tête de cette affaire : Poutine. Et ceci pendant 2h nous dit-on. Ils n’ont donc pas fait que compter les migrants.

Et il faut dire que les Russes jouent sur du velours. Les opinions européennes sont échaudées par la vague syrienne accueillie par madame Merkel sans concertation avec les Européens. Partout, les nationalistes xénophobes font des cartons sur ce sujet. L’Europe a démontré sa fragilité en négociant avec l’autre dictateur, Erdogan, des milliards contre la fermeture du robinet migratoire, pendant qu'Orban avait déjà en son temps fermé sa frontière hongroise. C’est la raison pour laquelle tous les nationaux populistes se rendent à Budapest, Zemmour en tête. 

Souvenez-vous de l’Europe détournant son regard lorsque Kadhafi, dictateur Libyen, faisait barrage sur la route vers les vitrines de l’Europe. 

La France tremble devant le risque d’effondrement du régime algérien ou d’une guerre civile ouvrant les vannes vers l’Espagne, la France et l‘Italie. Et remballe vite fait ses caractérisations à l’emporte-pièce sur la rente mémorielle du régime FLN. 

Le Maréchal Sissi en Égypte a toute notre attention. Il réprime les Frères musulmans, pourchasse les terroristes. Il en profite, au passage, pour réduire le mouvement démocratique. Et si l’on s’offusque du traitement de ces derniers, il dit à ses interlocuteurs Français, par exemple, sans se cacher : « je peux lâcher 90 millions d’égyptiens sur l’Europe ». Alors, la mansuétude de l’Europe à son égard est grande. 

Le Maroc, mécontent de l’accueil d’un dirigeant du Front Polisario dans un hôpital madrilène, a ouvert ses frontières, laissant passer des migrants qui ont littéralement pris d’assaut l’enclave espagnole de Cueta pour montrer son courroux. 

L’Angleterre manifeste son mécontentement à l’égard d’une France jugée poreuse en matière de flux migratoires en sa direction. Pendant que la France, elle, s’agace de n’avoir pas encore reçu son chèque pour faire face à la gestion des afghans qui s’amassent sur ses côtes.

Le faire-savoir, en ce domaine, fait partie du savoir-faire par temps de vague nationalisme d’exclusion. 

La pression migratoire est devenue une arme de dissuasion. Et pas seulement en termes de « gestion des flux », comme disent de façon horrible les commentateurs, oubliant qu’il s’agit d’êtres humains. Mais l’instrumentalisation des frontières et des migrations se fait à des fins politiques. Il ne s’agit pas de nier les faits mais de constater ce qu’on en fait .

Si nous revenons à la Pologne, le gouvernement Morawiecki, conservateur, n’est en fait pas mécontent de trouver là un dérivatif vis-à-vis de Bruxelles qui fait les gros yeux à propos de l’idée d’ériger la loi constitutionnelle polonaise au-dessus des droits européens. Et le mouvement spectaculaire en faveur de l’Europe dans les rues de Varsovie puis partout en Pologne a pris de court ledit gouvernement. 

En France même, il suffit de regarder le débat de LR pour son congrès où chacun veut rétablir le rideau de fer pour mesurer combien ce sujet est un enjeu pour la droite qui se radicalise à Droite. 

On oublie que la France ne peut décider pour la Pologne. Et le boomerang risque d’être terrible lorsque l’Angleterre exigera un nouveau mur de l’Atlantique pour endiguer des mouvements indésirables sur son territoire. 

Et comment la droite résistera à la pression de l’extrême-droite exigeant que l’on fasse de même sur l’arc méditerranéen. 

Marine le Pen a usé et abusé de l’invasion,  Zemmour y a ajouté le grand remplacement et la hantise de l’Islam...A l’évidence, le prochain proposera la fermeture des frontières, l’installation des murs et l’interdiction de l’Islam. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête. Et la gauche se désagrège un peu plus à travers ce sujet . Entre le patron des écologistes Bayou qui appelle à la régularisation de tous les sans-papiers et le candidat à la présidentielle Arnaud Montebourg qui propose de bloquer les envois financiers des immigrés dans leur pays d’origine, le « gap » est pour le moins important. 

Si la Gauche doit mettre la question sociale comme préoccupation centrale de son discours, l’endiguement n’est pas un sujet tabou. Aucun angélisme là-dessus ! Le droit de s'installer où on veut, quand on veut, pour vivre comme on veut. Ce n’est pas un droit mais la négation de l’État de droit. 

La Gauche ne doit pas être adepte du « sans patrie, ni frontière » et encore moins d’un souverainisme ethnique. 

Et en ce domaine, il n’y a pas de ligne Maginot qui vaille. Elle est irréalisable et évidemment contournable. Elle sert de prétexte à attiser la xénophobie. La Gauche doit donc bâtir "sa" stratégie...J’ai déjà évoqué dans mes mémorandums les conférences internationales sur les migrations, à l’instar des Cop sur le climat, pour codifier, au-delà des Nations-Unies, de nouvelles règles .L’objectif doit être "tarir, contenir, répartir." Avec, en tête, bien accueillir, bien reconduire. 

En attendant, en Biélorussie, l’exigence du moment est le couloir humanitaire européen pour soigner, protéger, aider, puis accueillir ou reconduire ces malheureux. Et des sanctions pour les compagnies qui ont affrété ce pont migratoire profitant du désespoir des gens.

Qu’il me soit enfin permis de dire, à propos du régime de Minsk, que les sanctions financières plus ou moins ciblées n’ont jamais fait tomber les dictatures mais le soutien aux mouvements démocratiques d’opposition, oui .

Il ne faut pas se l’interdire au nom des frontières.