La volatilité est grande

Phil Murphy a été réélu gouverneur du New Jersey à 50,1 % contre son adversaire Républicain. Il ne s’agit pas d’analyser ici le rapport de forces entre Démocrates et Républicains dans l’Amérique de Biden. Nous avions dit, au soir de son élection, qu’il était engagé dans une course de vitesse avant les « Mid terms » entre les Républicains et sa gauche qui le prenaient en ciseaux.  

La défaite de Trump n’a pas effacé la vague nationale populiste américaine, pendant que la gauche s’adonne au wokisme. 

Non, ce qui nous intéresse, c’est que la veille, les sondages donnaient le gouverneur démocrate 8 à 10 points devant son challenger Républicain. Il ne l’emporte que de 0,1 point.

Dans nos démocraties déboussolées et éclatées, la volatilité est grande. 

L’opinion a, certes, ses points stables mais une part de plus en plus importante de l’électorat se décide dans la toute dernière ligne droite.  

C’est le résultat de la désaffiliation partisane, elle-même produit de l’éclatement sociologique, mais aussi de la dépolitisation, donnant à la politique le statut d’un produit de consommation éphémère.

Les médias présentent une série de mini-récits, ayant pour but de produire de la conflictualité propre à générer de la fascination consommatrice d’une petite partie de l’opinion, pendant que la majorité de celle-ci s’en désintéresse. 

Les campagnes électorales sont une série de bulles récidivantes. 

Dans une France démoralisée, inquiète de son identité et malade de sa désindustrialisation, le débat politique n’a pas de sens. C’est-à-dire qu’il n’est pas articulé par les faits mais par les effets.

L’intuition des situationnistes et de Guy Debord dans les années 60 sur la société du spectacle se trouve totalement confirmée.

Il s’agit de produire un spectacle à sensation, souvent hors-sol vis-à-vis de la réalité quotidienne des citoyens.  

Tout ce qui n’est pas montrable comme conflictualité ne vaut pas la peine d’être exposé, car cela fait perdre des parts de marché. Tel est la réalité des sites de journaux, des chaînes d’infos ou du « marché » de l’info des réseaux sociaux. 

Les rédactions, à la recherche de sujets éruptifs, puisent leur mise en scène sur les réseaux sociaux, qui sont eux-mêmes hystérisés par des algorithmes dépendants de l’intérêt au conflit.

Le récent scandale de Facebook révélant les algorithmes propres à induire une consommation addictive à travers la manifestation quotidienne d’un côté obscur de l’humanité démontre que nous vivons une autonomie artificielle du spectacle politique vis-à-vis de la réalité politique de nos concitoyens.  

La question sociale a toutes les peines du monde à se frayer un chemin car elle n’est pas montrable, démontrable et surtout elle n’est pas représentable mis à part des séquences spectaculaires comme les Gilets jaunes. 

Sans être marxiste, vulgaire et totalement complotiste, il y a aussi une raison objective à cette mise sous le boisseau :  l’idéologie dominante de la main invisible du marché et donc la pression sur les salaires comme vecteur de compétitivité.  

On va même jusqu’à trouver dans l’explosion du travail partiel, en dessous du salaire médian, une source de modernité, la France trouvant enfin le chemin de la raison à l’instar de l’Allemagne.  

Mais la réalité de cette blessure sociale profonde est évacuée car le misérabilisme n’est pas vendeur.

Nous en revenons donc à nos débats imposés par l’agenda de l’extrême droite illibérale, xénophobe, communément appelée identitaire.  

Ils ne sont pas loin de 35 % à vibrer littéralement à l’évocation de toutes les formes de remplacement et d’abord à la montée inexorable de l’Islam. Car chacun aura constaté que nous sommes passés de l’Islam politique à l’Islam tout court. C’est la nouveauté du débat de l'automne. 

Dans ce sens, la récente polémique sur la campagne publicitaire du Conseil de l’Europe sur la liberté de porter le voile est, si j'ose dire, du pain béni. 

Il est plus que probable que le mois de novembre va être entièrement dominé par cette question à travers la primaire de LR .

Chaque candidat rivalisant de radicalité sur le sujet, avec le secret espoir de dégonfler la météorite Zemmour. 

Il ne s’agit plus de penser la France mais de se positionner vis-à-vis des sondages qui sont, comme nous venons de le voir, extrêmement volatiles.

Indépendamment du caractère daté, divisé, radicalisé de la Gauche, ce n’est pas ce mois-ci que celle-ci va pouvoir ordonner le débat politique français.  

Ce que l’on peut dire, c’est que la réalité sondagière de novembre ne sera pas la réalité de mars 2022. 

Et dans ce bazar sondagio-médiatique, il faut tracer un sillon à partir d’une analyse concrète, d’une situation concrète en résonance avec les problèmes principaux des Français : la précarité, les salaires, le niveau de vie, le logement, la sécurité du quotidien, l’éducation, les retraites ou la fin de vie.

Bref, la question sociale. 

Car au final les Français chercheront à répondre à cette simple question : « Qui ? Et pour quoi faire?

Mais cela, c’est en mars 2022.