Le discours présidentiel d’entrée en campagne a été balayé en quelques jours par la polémique sur le "pass sanitaire", l’incroyable espionnage via Pegasus, et maintenant l’étrange mobilisation par voie de presse des préfets contre l’imminence d’un attentat d'Al-Qaïda.

C’est dans ce contexte que Valérie Pécresse provoque sa candidature sur une ligne très droitière, identitaire et sécuritaire, crédibilisant une primaire à droite et isolant Xavier Bertrand, qui n’a pas su s’en faire une alliée. 

La primaire fut inventée, non pas pour singer la démocratie américaine mais parce que les partis politiques n’étaient plus capables de sélectionner un candidat en situation de rassembler son camp.

La primaire s’est imposée au fur et à mesure que le bipartisme et les partis s'étiolent. 

Au fond, chaque camp a le choix des armes.

Soit une personnalité s’impose par son histoire, sa situation et son projet. Et il vaut mieux s’unir derrière elle.  

Soit ce n’est pas le cas et il vaut mieux construire un consensus, voire une légitimité via un vote partisan. 

Il y a 18 mois, je définis ma position : « Tous derrière Anne Hidalgo pour rendre sa candidature possible. Si elle n’y va pas, il faut une primaire et je serais candidat. En attendant, je travaille sur un projet utile dans les deux cas ».

A l’époque, le PS s’interrogeait sur une candidature commune avec les écologistes, quitte à s’effacer. Mélenchon n’avait pas encore accéléré. Le PCF n’était pas encore candidat. La primaire citoyenne n’était pas encore lancée. 

Il était probable que Mélenchon sera candidat et provoquera celle du PCF ; que les écologistes ne consentiraient à l’union que derrière eux. 

Comme la question stratégique à gauche est la reconstruction d’un pôle, d’un « mall » responsable ; comme c’est la question incontournable au retour de la Gauche aux responsabilités ; comme il n’est pas irréaliste dans l’éclatement du paysage politique de penser que cette Gauche a ses chances ; il fallait donc, très tôt, afficher la détermination à répondre aux exigences de la situation française et de la Gauche. 

Tel est mon raisonnement. J’y ajoute, plus tard, l’urgence d’un projet dans le moment de désintégration républicaine et de crise politique que nous vivons. 

La primaire n’a pas bonne presse en général, et à gauche en particulier.  

Il est souvent admis que l’annonce de la primaire a fait perdre François Hollande. Répéter paresseusement cette contre vérité ne l’a pas transformé en vérité.  

Ce n’est pas moi qui avais mis la primaire dans les statuts du PS, refusant d’en exclure le président. J’avais même pris position contre. 

Et si j’organise la primaire, c’est précisément parce que la candidature de François Hollande, au plus bas, n’allait pas de soi. Il faut donc restaurer une légitimité par un vote. 

Je ne décide pas seul, mais dans un dialogue avec le Président et le Premier ministre, avec l’assentiment des Présidents de groupes. Le 18 juin 2016, lors d’un Conseil national épique, cette position fut adoptée à l’unanimité alors que les partisans de Montebourg m’assignaient en justice pour ne pas avoir respecté les statuts. 

François Hollande aurait gagné la primaire. Se lançant, il aurait brisé l’élan balbutiant de Macron. Il aurait rassemblé sa majorité. Le contenu de la primaire aurait été : qui peut gagner la Présidentielle ?

Il aurait gagné, comme j’avais gagné le congrès du PS de Poitiers en 2015. Et ceci, d’autant que les frondeurs étaient coupés en deux.

En se retirant, il laissait Macron prospérer et changer la nature de la primaire. On ne pouvait plus gagner. Il s’agissait donc d’un référendum pour ou contre Manuel Valls qui professait les deux gauches irréconciliables et un cours libéral-nationaliste.

A aucun moment, il n’y a eu avant ou après la primaire une prise de position pour s’en passer. On agita auprès du Président François Hollande le risque d’être battu, pour mieux dégager la route à Manuel Valls qui devait sauver la culture de Gouvernement. 

Ce fut la défaite et la victoire de Benoît Hamon qui, lui, crut qu’il ne fallait pas rassembler mais s’éloigner du PS après avoir participé à sa primaire. 

C’est de cette défaite que l’on tire l’aversion contre la primaire. 

Et c’est de la défaite de Juppé et Sarkozy que la droite tire le même rejet de la primaire. Mais sans l’affaire Fillon, opportunément révélée et promptement menée, ce dernier était en passe d’être qualifié au second tour. Et même, avec sa mise en examen, son score n’était pas anecdotique, alors qu’une part des électeurs de droite et de gauche faisait mouvement vers Macron, de peur que Marine Le Pen ne l’emportât face à Fillon.

L’idée répandue est que la primaire renforce les extrémistes de chaque camp et qu’il vaut mieux s’en passer. L’élection de François Hollande comme candidat face à Sarkozy démontre l’inverse.

Les électeurs répondent à la question qui est posée : la nature de la candidature, celle de l’orientation, la ligne pour s’imposer, voire qui peut rassembler et gagner.

C’est ainsi que Lionel Jospin l’a emporté face à Henri Emmanuelli dans la primaire interne du PS en 1996. Pourtant, ce dernier venait d’être élu, triomphalement, Premier secrétaire du PS. Il était plus à gauche qu’un Jospin lui-même très isolé. 

Il est souvent avancé que l’âpreté du combat dans la primaire est un handicap pour la suite. On peut parfaitement plaider que cela a, au contraire, valeur de « Crashtest ». 

La mobilisation pour la primaire prépare la mobilisation pour la Présidentielle dans un moment où les partis manquent de bras et de voix.

Donc, soit une candidature est possible avec un minimum de consensus et il faut faire en sorte qu’elle réussisse, dans ce cas, la primaire ne s’impose pas, car la personnalité s’impose, ce qui n’exclut, ni le vote des militants, ni le débat sur le projet ; soit ce n’est pas le cas et la primaire n’est pas l’abomination que l’on décrit. 

Car à contrario si plusieurs personnalités s’opposent, comment les départage-t-on ? 

Les sondages, vu leur bévue lors des régionales, ne peuvent être juges de paix. Et puis, ils sont une photographie d’un moment ou d’une humeur. Tant que Ségolène Royal n’était pas désignée candidate, elle battait Nicolas Sarkozy dans tous les sondages, contrairement à Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn. Le jour où elle triomphait dans la primaire, elle perdait dans les sondages. Un sondage ne mesure en aucun cas un projet pour la France ou la garantie de gagner. 

Ce qui se passe à droite est l’instrumentalisation de la primaire pour faire céder Xavier Bertrand. Ce dernier à 18 % dans les sondages ne veut pas passer par une primaire. Il veut que son ancien parti le soutienne dans la tradition gaulliste.  

Mais il n’écrase pas dans les sondages la concurrence à droite, surtout si les candidats ont eux-mêmes été élus Présidents de Régions.  

Et donc, il lui faut faire vite pour s’imposer et rassembler. Mais, il laisse ses adversaires se grouper et il permet à Valérie Pécresse de lui porter l’estocade.  

Alors, maintenant, qui va céder, les tenants de la primaire qui l’utilisent pour dire non à Xavier Bertrand ou Xavier Bertrand qui veut faire plier les républicains et ses adversaires ?

Nous pouvons aller à trois candidats à droite : Xavier Bertrand, le candidat de la Primaire et Emmanuel Macron.  

Dans ces conditions un peu étranges, c’est l’auto-élimination de la droite du deuxième tour de la Présidentielle, une qualification pour le second tour, extrêmement basse, comme ce fut le cas en 2002. 

Nous n’en sommes pas là. Mais cela me renforce dans l’idée que dans la décomposition, c’est le projet qui va faire la différence.