« La France est un petit pays ».

C’est ainsi que le journaliste Loïc de La Mornais traduit de Washington l’état d’esprit de l’administration américaine à propos de la colère française au sujet de l’affaire du marché des sous-marins vendus à l’Australie et chipé par les États-Unis.

Il ajoute un commentaire provenant de nos alliés « la réaction française est comme celle d’un enfant qui fait sa crise, qui se roule par terre et qui finit par se calmer ».

Cruel rappel à la réalité, alors que la France traverse une crise d’hystérie identitaire, un nationalisme d’exclusion. A l’époque du monde apolaire où les États-continents s'entrechoquent, la puissance ne peut être solitaire mais doit procéder d’une stratégie d’influence et d’alliance procédant de nos intérêts. C’est le but qui doit déterminer nos alliances. 

Seuls, nous sommes faibles en termes de PIB, de démographie, de moyens financiers, de crédibilité militaire face aux USA, la Chine, la Russie, l’Inde, etc. 

Mais nous ne devons pas, pour autant, être adepte d’une stratégie Maginot, nous fermant à tout et donc paradoxalement en signant notre perte de leadership. 

Nous ne sommes pas sans influence sur le centre de gravité des décisions stratégiques : d’abord, parce que nous sommes incontournables au conseil de sécurité ; ensuite, en Europe, depuis le départ de la Grande-Bretagne, nous sommes la puissance nucléaire (nous le sommes tout autant en Méditerranée. Nous avons tort de négliger ou de ne pas entretenir cette relation au Sud) ; enfin, nous avons un réseau diplomatique robuste, conséquent et présent partout.

Ce qui fait dire aux Américains « Partout où il y a problème dans le monde, il y a un Français sur place ». Nous sommes présents sur toutes les mers et nos troupes, pour limitées qu’elles soient, sont reconnues pour leur efficacité. Nos réseaux de renseignements sur le terrain sont efficaces. Même les États-Unis le reconnaissent. Nous ne sommes pas les derniers à avoir de grandes oreilles. Et notre industrie d’armement est une des plus fortes au Monde, etc. 

Si nous ne pouvons plus prétendre diriger le monde - il n’y a que Zemmour pour rêver de la France de Louis XIV ou de l’Empereur, voire des empires - nous ne serons jamais un pays acceptant d’être dans le ventre mou des nations. 

Le Général de Gaulle avait fait de la sortie de l’OTAN un acte fondateur, obtenant la fermeture des bases américaines en France. Il avait pris soin de ne pas sortir de l’alliance Atlantique. Nous étions à l’époque d’un monde bipolaire USA/URSS laissant un espace sans grand risque. Bref, la France était le poil à gratter de la guerre froide, sans pour autant rompre avec son camp. 

Aujourd'hui, le monde a implosé, les relations sont instables. La stratégie d’America First ne date pas de Trump. C’est la réponse américaine au monde apolaire.  

Elle prend sa source dans l’épouvantable tragédie du Wall Trade Center, l’intervention en Afghanistan, puis en Irak et la découverte du gaz, du pétrole de schiste aux États-Unis. 

Il s’ensuit une politique commerciale agressive, des pénalités colossales pour des entreprises européennes et une extension sans limites des mises en cause juridiques dans des pays tiers. 

On ne compte plus les écoutes des dirigeants européens. Et l’on se souvient du souverain mépris de Barack Obama pour les Européens, leur faisant la leçon sur l’intégration de la Turquie dans l’Europe ou de l’absence des États-Unis lors de la manifestation « nous sommes tous Charlie ». Quant à la sortie unilatérale des USA de l’Afghanistan où cet acte de flibusterie commerciale et stratégique qui consiste à piquer un marché aux alliés en indiquant que la France est nobody et indésirable dans cette partie du monde, elle a fait bouger plus d’un Européen favorable aux parapluies américains, à commencer par les Allemands. 

La présence dans l’OTAN ne s’impose plus ... Il faut revoir nos fondamentaux stratégiques. Cela vaut, tout autant, pour la route de la soie des Chinois que pour l’ingérence numérique des Russes.

Mitterrand, lors d’une de ses dernières sorties à Washington à l’invitation de Bush père, nous avait délivré cet ultime message : « il faut inventer une théorie des ensembles ».

C’est cela une France puissance d’influence. Le premier cercle, c’est l’Europe. 

Nos valeurs, nos principes, notre histoire ne nous séparent pas des États-Unis. Mais le réalisme nous oblige à reconnaître que la tutelle américaine procède des seuls intérêts américains. Et si nous collaborons avec intelligence au Sahel contre le terrorisme, c’est aussi parce qu’il y va de l’intérêt des USA. 

Le président de la République s’est publiquement interrogé sur l’intérêt stratégique de l’OTAN. Il est vrai qu’il y a beaucoup de devoirs vis-à-vis des États-Unis et bien peu de droits. 

Il ne faut pas maintenir une stratégie de bloc lorsqu'il n’y en a plus, d’autant que les États-Unis appliquent la théorie de Rumsfeld sur les deux Europes : la jeune et la vieille. Les Chinois subordonnent l’ouverture de leurs marchés à des accords nationaux bilatéraux où les Russes tentent l’axe des pays de religion Orthodoxe au sein de l’Europe. 

Bref, nous perdons dans tous les domaines, si nous ne faisons pas porter notre effort sur la défense européenne. Et l’ancienne ministre de la Défense allemande, devenue présidente de la Commission européenne, madame Von der Leyen, n’est pas insensible à cette idée. Le fait qu’elle manifeste un mécontentement visible sur l’affaire des sous-marins australiens, alors que ceci n’est pas de la compétence communautaire, en est une indication. 

Les conditions sont réunies... L’Europe est plutôt bien disposée. Nous pouvons nous draper dans notre orgueil blessé. Toute la classe politique est unanime. Les Français sont, à l’unisson, prêts à communier dans la grandeur de la France. Et sans être trop cynique, cela n’aura pas fait de mal au président – candidat, cherchant à réinvestir le régalien. Mais Jupiter a tout à coup la main qui tremble. 

Le président de la République s’est entretenu avec Joe Biden. Nous ne connaissons pas la teneur de leurs échanges. Il eut été normal que la Nation « humiliée », pour reprendre les propos de Jean-Louis Boulanges, « fût consultée, tout du moins informée ». 

Le « Donjon » élyséen prend des allures de cité interdite où les journalistes accrédités pour leur modération nous font écho de quelques propos autorisés. Le parlement n’existe pas. Et les Français sont priés de s’occuper de leur « passe sanitaire ». 

Passons ! Nous sommes contraints de lire dans le communiqué commun des deux présidents l’indication sur la démarche de la France. 

Comme à son habitude, MACRON fait du « en même temps ». Nous restons dans le commandement intégré de l’OTAN. Nous serons bien là au Sommet de Madrid de l’OTAN. Et, promis, nous allons pousser les feux sur l’Europe de la défense !

Les États-Unis ont concédé ce qu’ils avaient déjà concédé lors de la réintégration de la France dans l’OTAN par Nicolas Sarkozy : le pilier européen de l’OTAN . Ils y ajoutent ce qu’ils font déjà une aide au Sahel. Et puis on se tiendra maintenant au courant. Boris Johnson, jamais en retard d’une vexation, goguenard, nous enjoint de nous tourner vers l’avenir. Pas un mot sur la filière chantier naval et métallurgie. Quant à notre diplomatie, elle réintègre ses pénates. 

Chut ! L’enfant, après avoir trépigné, se calme ...