« Il y a des gens qui se croient le talent de gouverner par la seule raison qu’ils gouvernent » Napoléon
En perdant Charles de Gaulle et Raymond Aron, la droite a perdu son étoile et sa boussole, dans un monde qui n’a plus l’anticommunisme pour constituer l’alliage d’airain de la droite.
Déjà la victoire de Valéry Giscard d'Estaing sur Jacques Chaban-Delmas, avec l’aide active de Jacques Chirac, puis le soutien souterrain du même Chirac contre VGE au profit de François Mitterrand, affaiblit considérablement l’unicité gaulliste.
Quant au dernier piège de François Mitterrand contre le gaullisme, il est mortel. Il donne vue et sens à la cohabitation. Il retire à la droite sa dimension gaullo-bonapartiste. Il fait du RPR un parti comme les autres. Mitterrand a toujours dit que la Gauche est minoritaire en France et qu’elle n’accède au pouvoir que lorsque la droite est divisée. Il s’en fournit donc par la cohabitation les moyens. Dans ces conditions, les gaullistes ne peuvent plus être le parti de toutes les droites, subordonnée à l’impérieuse nécessité d’incarner la nation et les institutions. Chaque « courant » va bientôt reprendre ses billes.
La grande stagnation chiraquienne pendant 12 ans ne provoque aucune refondation. La droite gouverne et administre les choses. Elle commence à se fondre en 3 tronçons : l’extrême-droite qui prend son envol sous le regard bienveillant des gaullistes après 1983 ; la droite souveraino-bonapartiste atteint son apogée sur la question européenne avec la triplette Pasqua, Seguin, De Villiers ; la droite libérale, d’abord autour de Madelin-Léotard puis vite rejoint par Balladur et enfin Juppé.
L’accélération du démembrement du parti gaulliste est en marche.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy résume, à lui seul, l’équation insoluble de la droite. Il débute par une voie libérale dé-régulatrice, pratiquant l’ouverture à gauche, au détriment de ses amis. Nicolas Sarkozy termine son mandat en « nationaliste sécuritaire », obsédé par l’identité. Il provoque un rejet des centristes, particulièrement François Bayrou, déjà hostile au parti unique de la droite censé précisément surmonter les contradictions.
Mais il n’y a toujours pas de redéfinition. Si ce n’est « savoir gouverner ».
Et l’arrivée à la présidence de la République d’Emmanuel Macron ne simplifie pas le problème. Le RPR-UMP-les Républicains et ses électeurs sont dans la tenaille.
Le parti d’extrême-droite, le RN, est plus crédible dans le nationalisme xénophobe et le macronisme plus crédible dans le libéralisme.
La droite classique, les Républicains sont sur la faille, sur la ligne de démarcation, du nouveau clivage politique entre les nationalistes et les libéraux. Chaque fois suiviste ou dans la surenchère mais jamais producteur de sens. L’épisode actuel de la fin des 35h dans l’artisanat via Retailleau en est la manifestation.
La droite n’est plus actrice mais mouche du coche nationaliste ou libérale.
Si le parti reste une force locale indéniable, la première en fait, cela est dû au retard du RN en ce domaine et à l’incapacité des macronistes de s’implanter.
Les Républicains sont donc un parti de notables sans offre politique spécifique nationale.
La primaire de la droite en 2017 permet d’esquisser une réponse à cette question avec l’offre de Fillon qui règle, l’espace d’un moment, le fameux conflit incarné à cet instant par Sarkozy et Juppé. La ligne Fillon « ultra », « ultra libérale », « ultra-nationale » donne un semblant de cohérence. « L’affaire Fillon » ruinera l’aventure. Mais toujours pas de redéfinition sur le thème : Qu’est-ce qu’être de droite, dans la fin du communisme et le règne de la mondialisation ?
En 2022, nous sommes dans la caricature. Le clivage resurgit avec force. Le score de Ciotti sur une ligne compatible avec Zemmour contraint Valérie Pécresse, dont on parle pour être 1er ministre de Macron, à se coller au député de « la Côte d’Azur ». Mais cette ligne est déjà encombrée par le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan.
Valérie Pécresse candidate à la Présidentielle ne peut tracer une voie originale, coincée entre la primaire, le Pen, Zemmour jusqu’à l’extrême-droite et la course d’attente d’Emmanuel Macron qui finit par préempter le libéralisme. Même si le score d’Emmanuel Macron est le produit du vote utile pour Macron.
Les moins de 5 % à la Présidentielle marque la désagrégation de cette famille politique. Elle est devenue une variable d’ajustement d’un macronisme recentré à droite.
Elle ne peut ni revendiquer une coalition avec Macron d’une part, comme le fait seul Jean François Copé – une sorte de double cohabitation du premier ministre Républicain avec Macron – et de l’autre, une sorte de cohabitation avec la majorité relative de Macron. Cette ligne n’est pas praticable car le Rassemblement national, lui, souffle sur la nuque. Les républicains ne peuvent non plus faire bloc avec le Rassemblement national car la 2ème droite de Macron est là avec un redoutable candidat de droite hors les murs à la présidentielle : Édouard Philippe.
Macron, tout à sa volonté de réimposer la primauté de l’exécutif, pousse le parlement à la faute et la droite à l’opposition.
Le refus de la session extraordinaire en septembre décidée par l’Élysée et la reprise de la session le jour de la clôture des candidats au congrès de LR exigent donc pour ces derniers la distinction plutôt que la coalition.
Les candidats à la succession de Christian Jacob, pape de la transition sans transition, sont fort nombreux : Bruno Retailleau, Rachida Dati, David Lisnard, Michel Barnier, Aurélien Pradié, Anne Genward, Éric Ciotti et le dernier en date FX Bellamy.
Celui-ci confie sur France Info le 19 juillet « je pense que la démocratie française a besoin d’une formation politique de droite qui assume ses idées et sa ligne ».
« Voilà pourquoi ma fille est muette » aurait dit Molière mais là, la maladie de la droite n’est pas imaginaire.
On pense à cette formule de Stefan Szweig « la raison et la politique suivent rarement le même chemin ».
Ceci d’autant qu’Eric Ciotti annonce quelques jours plus tard dans le JDD du 23 juillet « la droite doit rompre son lien de dépendance avec Nicolas Sarkozy ».
L’ancien président est en effet bien encombrant, non en raison de ses multiples affaires qui iront bien un jour mais par sa volonté de voir sa famille politique être dans le soutien sans participation à Macron. Il a en tête, tout à la fois, la fin de ses ennuis mais son possible rebond dans une crise nationale ou une succession de Macron.
Il fait partie des « fantômes de la droite » qui la hantent et l’empêche de se refonder.
Et là aussi, ils sont fort nombreux : Laurent Wauquier en réserve des Républicains ; Xavier Bertrand qui va fonder son propre parti à St Quentin le samedi 1er octobre « Nous France » ; Jean-Pierre Raffarin qui réussit à encourager Valérie Pécresse et soutenir Macron ; Ou encore Gérard Larcher, président du Sénat, qui veut une vraie cohabitation où la droite sénatoriale est moteur. Il contraint ainsi les parlementaires LR a l’Assemblée de suivre cette forme originale de bon office qui ne dit pas son nom. Il ne faut pas oublier Mr Castex. Il est mieux sorti de Matignon qu’il n’y ait rentré. Il cherche à être populaire loin des élites. Et ce n’est sûrement pas pour refaire constamment ses portes et ses fenêtres.
C’est le trop-plein aurait dit le président Charles de Gaulle.
Le parti gaulliste, un homme, un destin, une ligne n’est plus. La conjoncture française est bonapartiste sans Bonaparte.
La proposition de Zemmour/Marion Maréchal de l’union des droites se heurte à cet état. L’accepter pour les Républicains c’est disparaître. Le refuser c’est refuser de renaître d’autant que l’électorat de droite n’a plus de frontières et que le tropisme nationaliste majoritaire à droite est porté par le RN : redoutable conjoncture pour la droite à la recherche du temps perdu.
Jusqu'à son congrès en décembre, les Républicains sont dans la tactique et la surenchère, sans pouvoir passer à l’acte. Car ils sont les moins bien placés pour une dissolution. Et le président a l’arme du 49.3 budgétaire pour passer ce cap.
Si l’explosion sociale surgit, le « parti » sera coincé entre le besoin d’ordre, porté par Marine le Pen et l’ordre institutionnel porté par le président. Voilà qui est ennuyeux pour le parti de l’ordre ou alors il faut se saborder dans « une coalition de l’ordre ». Pas certain que la droite ait cette bonté d’âme.
La droite est plus taraudée par la recherche du chef que d’une offre spécifique. Et donc les sondages sont plus importants que les débats parlementaires.
A cette étape, même abâtardi, c’est Macron qui occupe la case.
Le conflit entre le parti des « prétendants » des « fantômes » rend la recherche « compliquée » tant qu’une offre politique nouvelle ne sera pas définie. La droite française, dans un pays pourtant à plus de 70 % à droite, est condamnée à regarder passer les trains et se voir imposer la grande recomposition : derrière Edouard Philippe ? ou Marine le Pen ?
Dans les 2 cas, il s’agit d’un crève-cœur pour les petits enfants du Général de Gaulle.
A la semaine prochaine pour le texte du feuilleton de l’été :
Où va la gauche ?