On le voit, la gauche non mélenchoniste a bien du mal à s’unir. L’initiative salvatrice de Place publique intervient dans une conjoncture pour le moins redoutable : la crise politique existentielle que traverse la France, et les européennes peu propices à l’union, une France divisée fractionnée, en protestations multiples et une gauche hors-jeu.

Le week-end dernier, nous avons eu une manif jaune, une verte, une rouge et la gauche faisait des ronds dans l’eau. La gauche en est réduite à regarder passer les trains en mugissant.

Petit à petit, faute d’alternative, se dessine à nouveau le paysage de la dernière présidentielle : entre le Rassemblement national et Emmanuel Macron, il n’y aurait que poussière semblent dire les deux protagonistes.

Fort de cette analyse, à l’Élysée, on fanfaronne : « la crise est derrière nous ».

Et, passé le débat, la recension de celui-ci deviendrait la feuille de route du deuxième souffle du quinquennat d’Emmanuel Macron. 

Et, il y a fort à parier que celle-ci ressemblera, comme un frère, à celle d’avant crise. Cela s’appellera la constance. Modulo une réforme de nos institutions qui devrait renforcer le verticalisme. Tant il est vrai que le bilan que le président tire de la crise française, réside dans la nécessité de parfaire le dialogue direct entre lui et le peuple.

Alors que, ce qu’il manque, c’est le rassemblement des Français, ce qu’il manque encore, c’est précisément le consensus démocratique où chacun est représenté et se sent représenté. Enfin, ce qui manque, c’est le chemin du compromis à partir de positions définies.

Bon, Emmanuel Macron croit être remonté sur son cheval. S’il en est tombé, la faute en incombe à des médias naïfs et des Russes maléfiques. Et, comme on ne se refait pas, il enfile le gilet jaune et estime que le boxeur ne parle pas comme un boxeur gitan, sous-entendu son propos était trop intelligent !!

Emporté par son nouvel élan, il envisage de se passer de dissolution, et même de changer de gouvernement. Il laisse sur la table le référendum à questions multiples, si cela lui semble praticable. À moins que, le résultat des européenne puisse lui permettre de s’en passer. 

C’est une cruelle erreur, mais l’apparence du moment est ainsi. Et, les éditorialistes à moitié rassurés, mais surtout fatigués des gilets jaunes, sifflent la fin de la récré. Pendant que les représentants de la République en marche clament ensemble et sur tous les tons : « nous inventions une nouvelle démocratie ».

Certes, il faut faire respirer la démocratie, revenir à l’équilibre des pouvoirs entre le président et le parlement. Il faut un nouveau compromis historique entre l’état jacobin et les régions, et réduire la toute-puissance de l’aristocratie technocratique.

Certes, certes, mais la crise n’est pas que démocratique, même si la temporalité médiatique, réseautane et sondagière n’est pas celle de la gouvernance. Mais, elle est pour moi une crise de rejet d’Emmanuel Macron. Elle est aussi politique et surtout fiscale et sociale.

Il faut un nouveau contrat social. 

La gauche, divisée et inerte, n’a pas pu ou su offrir cette alternative, voire une issue à la crise. Elle avait là l’occasion, au parlement et dans le pays, d’offrir un visage uni pour une autre politique. 

Tout est là… une autre politique... un autre dessein.

Mélenchon n’a pas voulu et la gauche non mélenchoniste avait la tête dans les européennes. Elle payera le prix fort de ce rendez-vous manqué. 

Le syndrome de la gauche israélienne hante les gauches et les écologistes. Le néant après avoir dirigé un pays. 

Et, il en sera ainsi, tant que la gauche sera incapable de faire rimer renouveau des idées du projet et rassemblement du peuple de gauche et de ses représentants. 

L’initiative de Place publique est confrontée malgré son évidente bonne volonté, à une deuxième difficulté.

Les élections européennes ne sont pas propices à l’union. Les désaccords européens combinés à la proportionnelle, rendent compliqués les forces centrifuges. 

Il est urgent de s’unir !

Mais la gauche ne s’est jamais unie lors des européennes. Ce fut même le prétexte aux plus grandes divisions.

Il aurait fallu d’abord s’unir pour sortir de la crise des gilets jaunes, proposer quatre ou cinq idées forces ensemble. Les défendre, peut-être dans le grand débat, voire organiser les débats sur un autre ordre du jour que celui du président et, les lui porter.

La CFDT, mutualité, mouvements associatifs le font bien, avec leur propre questionnaire, dans le cadre de leur association Place de la République.  

La gauche sociale sauve l’honneur de la gauche.

Si la gauche politique s’était lancée dans la bataille de la sortie de crise, unie, elle pouvait prolonger ce combat dans les européennes ...

Au lieu de cela, la gauche, à court d’idées nouvelles, ressasse sa débâcle. Elle fait du pour ou contre les années Hollande-Ayrault-Valls-Cazeneuve, la ligne de démarcation ...

Déjà, nostalgique des heures glorieuses d’avant-hier, elle se complait dans les combats du passé, aujourd’hui dépassés.

Et donc, Yannick Jadot voit son salut dans le retour du « ni droite-ni gauche » waechtérien. Benoit Hamon ne veut ni du PS ni de Mélenchon, le PCF ne veut à peu près personne d’autre que lui-même, et le PS veut tout le monde y compris Varoufakis, ce que personne ne veut croire.

Tout cela ne tiendra pas. La gauche va droit dans le mur. Emmanuel Macron siphonne la droite : Wauquiez a passé symboliquement le flambeau de la droite en rencontrant Emmanuel Macron. Et, à gauche on est complètement siphonné.

Et, pendant ce temps, nous sommes à la XIIe saison des gilets jaunes, toujours soutenus par une majorité des Français. 

La division est forte dans les boucles Facebook. Mais, l’unité dans la rue contre les pouvoirs et la police est toujours grande.

Le désordre français ne cesse pas et celui de la gauche tout autant.

On ne peut espérer que le sursaut.