7000 morts, 185 000 infectés dans le monde. La pandémie coronarienne bouscule tout sur son passage : le mode de vie, les certitudes libérales, la production, les échanges, la diplomatie 

C’est le plus grand bouleversement anthropologique depuis l’après-guerre ou les guerres de décolonisation

Au fait redoutable de la maladie, s’est ajouté une panique planétaire face à un virus inconnu, volatile, mortel.

Mais les hôpitaux engorgés rendent son traitement difficile pour les plus faibles.  

L’épidémie avance invisible et se répand via ce qu’il y a de plus humain, les relations sociales.  

Les pays sont en guerre ou, tout du moins, adoptent des mesures de guerre. Si hier la France a connu l’exode, elle est aujourd’hui confrontée à l’exode intérieur « Restez chez vous ». 

Le monde se claquemur dans des appartements en espérant que le mal ne viendra pas frapper à la porte. Les rues se vident, les rayons des magasins tout autant, pendant que les citoyens incrédules sont rivés sur leurs écrans pour lire informations ou désinformations qui inondent la planète. Certains prévoient des millions d’infectés et de centaines de milliers de morts sur la foi de courbes statistiques. 

Le monde est bousculé voire terrifié. Nous sommes entrés dans la terreur invisible. 

Et ce fait, au-delà du fait médical inquiétant, est une donnée du monde actuel. 

Le président des États-Unis vient de réaliser qu’on ne combat pas cette infection par sms. Et tout à coup les mesures d'État viennent se substituer au libre marché. Les Etats-Unis se réveillent sans système de santé, obligeant les plus pauvres à ne rien dire, faute de moyens, contribuant ainsi à la propagation de la maladie.

Madame Merkel a rompu spectaculairement avec le dogme économique autoritaire et la préservation du faramineux pactole dû à ses excédents commerciaux.

Elle vient de déclarer un soutien sans limite à l’économie. Elle qui rechignait à l’investissement dans les infrastructures. 

Elle ferme unilatéralement et sans consultation ses frontières avec la France et refuse de donner du matériel à l’Italie dans la détresse. Cela laissera des traces pour l’avenir. 

L’Italie déploie des mesures coercitives sans précédent dans un pays réputé ingouvernable. Et l’Espagne et son autonomie régionale font appel au pouvoir central.  

La Chine, atelier du monde, se trouve copiée de celui-ci. 

En France, le président Emmanuel Macron trouve des accents rooseveltien pendant que les plus libéraux de la classe politique, pourfendeurs de la dépendance publique, réclament des collectifs budgétaires. 

Les services publics, hier frein à la compétitivité, sont devenus les joyaux de la Nation. Tous ces bouleversements sont en cours. Ils ne sont pas finis.

Lénine disait " la guerre est un accélérateur de l’Histoire » ajoutant que « c’est le temps qui dissout tout ».

La crise sanitaire, pour prégnante qu’elle soit, cache, à cette étape, les autres crises qui, elles aussi après incubation, éclateront. 

En une journée, Wall Street a « lâché » 5000 milliards de capitalisation boursière, une chute de 20 % comme on en a peu connu dans le siècle. 

Cette chute s’est accompagnée de - 12 ,8 à Paris, -12,24 à Francfort, - 16, 92 à Milan, - 14 % à Madrid. Et ceci continue jour après jour. 

Il y a peu d’exemples de ce Bear Market, où les bourses s’effondrent, où les mots d’ordre sont : Vendez ! Vendez ! Vendez ! .... 1930, 1973, 1987, 2000, 2007. Ce fameux moment où les acteurs n’ont plus confiance dans les fondamentaux de l’économie, comme le dit le Wall Street Journal. 

L’économie va ralentir, et petit à petit se mettre à l’arrêt. Les Etats vont se déclarer garants de prêts bancaires provoquant la crise de la dette de demain. Sans la certitude que les banques prêtent ou ont les moyens de le faire. On peut se demander si le financement de la dette, de sa nécessaire aggravation, ne sera pas confronté à une hausse vertigineuse des taux. 

L’industrie, l’économie, sous respiration artificielle, ne tiendra pas longtemps. L’État a décidé 15 jours de confinement clairement reconductibles. Les investisseurs qui n’aiment pas la non-visibilité à 48h vont détester le brouillard à 15 jours voire plus. 

Les déplacements vont se limiter, les achats de voitures, d’électroménager vont s’arrêter. Même si la télévision continue de manière surréaliste à diffuser les spots. 

Les industries du tourisme, de la restauration, ou l’hôtellerie vont s’effondrer.

Cette crise différée ou tout de moins cachée va rencontrer en France la crise politique.  

Les dernières municipales ont codifié de manière spectaculaire le rejet du pouvoir. Le dégagisme n’est plus de mise. Les partis traditionnels de droite et de gauche sont réélus, ou en situation de l’être, pendant que les Français pressentent que la prochaine crise sera écologique. Et c’est donc un Emmanuel Macron affaibli, ne tenant que sur les institutions, qui doit gérer cette crise majeure. Et les révélations d’Agnès Buzyn dans Le Monde affirmant avoir alerté Edouard Philippe et Emmanuel Macron dès janvier de l'ampleur de la crise ou le communiqué du conseil constitutionnel estimant le report du 2ème tour inconstitutionnel ne vont pas arranger les choses. 

Le discours rooseveltien annonce les mesures propres à entretenir la concorde nationale : l’arrêt de la réforme des retraites, les mots frontières prononcés même si elles sont européennes, 300 milliards de garanties pour l’économie, héroïsation des services publics principalement de santé, jusqu’au mode de vie en famille et les liens avec les plus faibles. Tout concourt à transformer Emmanuel Macron en père de la Nation. Sous la gestion plutôt correcte, sans être toujours cohérente, de l’épidémie par l’exécutif, pointe l’idée du jour suivant. 

Le grand dynamiteur se veut déjà le grand réparateur.  

D’où la communication en deux temps. A Macron l’exaltation de la Nation, au premier ministre voire aux ministres les mesures dures. Cette communication a deux lames, se heurte à une double critique, pour l’instant, de basse intensité. Elle ne demande qu’à s’enflammer. C’est trop flou ou trop fort ; en tout cas, pas cohérent. Le problème n’est pas la pertinence de ses critiques ou chacun a un avis sur tout mais ce qu’elles révèlent du rapport de l’opinion au président. Et il est peu probable que cela s’estompe.

Lorsqu’on observe l'opinion et les élections, on est certain que sous la nécessaire union et la confiance, couve la défiance. 

La fin de la guerre sanitaire, que nous espérons courte, va être plus profonde qu’un jeu subtil de positionnement. 

La gauche s’est retirée aux européennes, la droite aux municipales, et l’opinion sera dans le « plus jamais cela ». 

Car cette épreuve passée - et nous allons la passer tous ensemble - nous allons non seulement pleurer nos morts et mais louer aussi ceux qui ont combattu en première ligne. Le monde va s’interroger sur la mondialisation, le marché libre et non faussé, la toute-puissance de celui-ci face aux services publics. Le libéralisme, déjà mis à mal par la crise des subprimes, questionné par les peuples, sera mis en cause. 

Le consensus de Washington qui régit nos économies depuis le milieu des années 70, (stricte discipline budgétaire, réorientation de la dépense publique vers les secteurs rentables, fiscalité favorisant les plus aisés pour permettre l’investissement et la consommation, libéralisation du commerce extérieur, privatisation, dérégulation) sera bouleversé sous une forme ou une autre. 

Mais c’est tout autant le mode de vie qui sera impacté. J’ai la faiblesse de croire que le concept d’intégrité humaine prendra la place de la frénésie d’accumulation.  

Deux positions vont trouver dans les événements leur légitimation. Le nationalisme, qui verra les raisons de la crise dans l’ouverture des frontières, la circulation des hommes voire la libération des mœurs ou la démocratie trop dispersive. La tentation nationale voire nationaliste sera un réflexe de sortie de crise. Mais les valeurs de gauche, la solidarité, la justice pour faire société, les services publics, l’égalité réelle, la fraternité laïque, le bien commun, l’urgence écologique ou l’intégrité humaine vont tout à coup retrouver des couleurs.

Et ceci d’autant qu’après la redoutable crise sanitaire, les crises économiques et politiques vont se nourrir...

 

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