Le spectre de la Gauche israélienne hante la Gauche française

Il est de bon ton de brocarder Anne Hidalgo. Il est vrai que ses résultats ne sont pas, à cette étape, satisfaisants. Mais le « Hidalgo bashing » cache une réalité préoccupante. 

La Gauche va être zappée au premier tour de la Présidentielle et elle sera, si elle reste divisée, marginalisée aux législatives. Du jamais vu sous la 5e République et rarement vu sous la République. 

Le spectre de la Gauche israélienne hante la Gauche française. Cette dernière, après avoir longtemps gouverné Israël, a disparu au profit d’un affrontement centriste/droite dur (Netanyahu/ Liberman). 

Il n’est pas impossible de penser que la Présidentielle accouche d’un nouveau clivage qui lui ressemble. 

Certes, le Président Macron n’a pas fondé un parti dominant, mais il est le contemporain de l’émergence d’un nouveau clivage. Il a été l’instrument d’un dégagisme à Gauche et se veut le vecteur d’une recomposition à droite.

La victoire de François Mitterrand en 1981 fut à l’origine d’un bipartisme Droite/Gauche entamé en 2002 par Jean-Marie le Pen et enterré en 2017 par Emmanuel Macron. 

Rien n’est venu se substituer à l’effondrement du bipartisme. La Présidentielle de 2022 est l’occasion de solder cette question. Macron battu ou gagnant, cela ne changera rien à l’affaire. C’est le nationalisme d’exclusion qui est le moteur de cette recomposition et ceci au moment où les libéraux accentuent leur combat pour l’alignement de la France sur le modèle anglo-saxon. 

Soit Macron l’emporte et les Républicains sont éliminés au premier tour et la recomposition entre un pôle national identitaire et les libéraux sera l’enjeu. Ce nouveau clivage exclura une Gauche elle-même dominée par les radicalités sociales, écologistes ou sociétales ; les écologistes et les socialistes étant réduits au rôle des « radicaux de Gauche » dans les années 80.

Quand on voit le sort réservé à « Territoire et progrès » dans la maison commune macroniste, on imagine aisément ce que serait celle des femmes et des hommes de Gauche chez les libéraux dans ce nouveau clivage. 

Macron ne peut pas être social-démocrate car il ne doit pas laisser partir le centre droit chez Pécresse. Sa logique technocratique et anglo-saxonne le conduit inéluctablement à réduire l'État social. Quand on voit notre amie Marisol Touraine au côté d’Éric Woerth chez Macron, on se dit que ce n’est pas sa réforme des retraites qui va l’emporter car il y aura : et réforme des retraites pilotée par des cabinets de conseils, comme ce fut le cas pour la covid-19 et l’austérité budgétaire. C’est inscrit dans l’explosion des déficits.

Le centre de la vie politique étant à droite où très à droite, personne ne peut imaginer le Président sortant faire beaucoup de place à une Gauche quelle qu’elle soit. 

Le centre de gravité de la vie politique s’est déplacé. Et la Gauche a toujours les neurones dans les années 80.

L’absence du Président sortant dans le débat présidentiel a accentué la visibilité des droites identitaires. Mais la percée d’Eric Zemmour sur une ligne nationaliste d’exclusion, et pour tout dire xénophobe, démontre, s’il en était besoin, que la plaine était sèche et qu’il suffisait d’une étincelle. Il est d’ailleurs celui qui a pensé depuis longtemps ce nouveau clivage. Et il s’emploie à faire exploser les républicains et les lepénistes pour ce faire.  

Marine le Pen est lâchée de toutes parts. Sa campagne a des airs « Chirac » en son temps. Elle fait tapis en refusant de s’identifier pour mieux être l’instrument du rejet au second tour, quitte à être éliminée au premier tour. Mais si elle gagnait, ce n’est pas la Gauche, vu son état d’impréparation qui serait le recours, c’est la droite qui s’érige en rempart. Quant au rêve secret du Président sortant, à savoir de voir Zemmour au second tour, il n’infirmerait pas le pronostic. Il le précipiterait. Certes, Macron écraserait le polémiste d’extrême-droite à plus de 60 %. Tant il est vrai que la prévention à l’encontre de Macron tombera dans ce cas, tant Zemmour a chargé la barque. 

Mais quel que soit le cas de figure, le nouveau clivage se met en place car la Gauche n’a pas su, au-delà des caricatures, porter LA question sociale et la République impartiale.

Les nationalistes dominent le débat politique mais sont divisés. La Présidentielle va commencer à régler cette compétition ; soit Emmanuel Macron va incarner le camp des libéraux, par ailleurs Européens ; soit c’est Pécresse qui le fera, même si en son sein les frondeurs nationalistes existeront. Quant à l’après le Pen, quelle que soit l’issue du premier tour, il ouvre le champ d’une recomposition à droite. 

Au-delà de l’archipellisation du paysage politique après la décomposition, il y a toujours une recomposition. L’absence de la Gauche dessine donc un nouveau clivage politique.

Voilà pourquoi, je ne cesse de dire que le pronostic vital de la Gauche est engagé. Soit la Gauche se refonde sur un cours Social-démocrate, soit la Gauche sera durablement marginalisée.

Le fait que des personnalités, aussi populaires que Christiane Taubira, soient réduits à 3%, au-delà de la pantalonnade de la primaire populaire, en dit long sur le désamour à Gauche. 

On frissonne quand Mélenchon dépasse les 11 %. On évoque un vote utile sans contenu. Mais le Mélenchon de 2022 n’est pas celui de 2017. Ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas les réserves socialistes à siphonner. Et s’il se rapprochait de la zone de qualification, il provoquerait un mouvement de vote utile dans les droites extrêmes pour conjurer ce pronostic. 

On s’ébahit devant le regain du Parti communiste, oubliant que Robert Hue a fait 3,97% en 2002. Et personne n’imagine que la Gauche se refondera ou rassemblera le pays grâce à un bon coup de rouge.

Les écologistes, qui pourtant sont sur une question plébiscitée par les Français, plafonnent entre 5 à 7%. 

Évidemment, l’abstentionnisme est là et il est principalement à Gauche. Il peut modifier, en partie, la donne, mais pas la tendance en cours. Car il n’y a pas de débouché et cet état produira des mouvements sociaux de plus en plus radicaux, parfois violents.

En étant datée, divisée, radicalisée, la Gauche s’engage dans la voie de la marginalité. Elle ne regarde que le score du PS sans voir que le sol se dérobe sous ses pieds.

C’est d’une profonde refondation dont elle a besoin : soit le Parti Socialiste la prend à bras-le-corps, soit il faudra le faire car l’Histoire ne présente pas deux fois les plats. Et le temps pour la Gauche est compté.