Poutine a patiemment attendu son heure
Jamais depuis la Guerre de Bosnie de 1992 à 1995, avec son cortège de purification ethnique au cœur de l’Europe, ou peut-être la crise de Berlin de 1958 à 1963 qui vit s’ériger le mur au cœur de l’Europe en 1961, la Guerre ne fut à ce point imminente avec peu de moyens de la conjurer. Jamais une classe politique française rejoua la drôle de guerre, vaquant à ses préoccupations domestiques et dansant sur un volcan.
Poutine a patiemment attendu son heure. Il a déjà mis la main sur la Crimée sans que l’on ait trop trouvé à redire. Il a toujours indiqué que le monde occidental n’avait pas respecté la parole donnée à Gorbatchev au moment du démantèlement de l’ex-URSS, à savoir de ne pas encercler la Russie. Il a toujours demandé l’application des accords de Minsk, même s’il est oublieux de l’amendement Steinmeier instaurant leurs séquençages pour une application totale.
Il connaît mieux que tout autre la situation de son pays, « petro » et « gazo » puissance au PNB de l’Espagne, un peuple qui souffre et aux libertés réduites. Une nation remilitarisée, un géant pauvre entre l’Europe et l’Asie qui veut retrouver une place digne de son statut de membre du conseil de sécurité.
On n’a pas fait attention aux signaux faibles du discours de Poutine lors de ses vœux indiquant avoir rétabli l’honneur de la nation Russe, le nationalisme russe étant le moyen de contenir, tout à la fois, la pression de son peuple et de l’Otan à ses portes.
Le problème de Poutine n’est pas la peur d’être menacé par l’Otan. Il a bien vu que la France et l’Allemagne avaient en 2008 refusé de signer l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan.
Le Président russe a estimé que c’était le moment d’affirmer son double espace vital extérieur et intérieur. Il a défait les oppositions internes en arrêtant les leaders et en déportant Alexeï Navalny. Il est sur tous les fronts au Kazakhstan ou en Biélorussie. Il est en Afrique, au Mali mais pas seulement. Il a testé avec succès les limites américano-européennes en Crimée et surtout en Syrie.
La fenêtre de tir, si on veut me passer l’expression, était ouverte : madame Merkel partie, une coalition peut être instable en Allemagne ; les élections françaises où l’extrême droite pro Poutine pèse ; la sortie de l’Angleterre de l’Europe ; les tensions entre Bruxelles, la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie ; la Chine tout à ses jeux olympiques, à la réduction des Ouïghours pour sa route de la soie, avec sa croissance toussotante ; et surtout une Amérique divisée avec un Président Biden affaibli par l’affrontement dans son propre parti entre démocrates libéraux et démocrates Radicaux à quelques mois des élections de mi-mandat.
En massant massivement des troupes sur la Frontière de l’Ukraine et en annexant militairement la Biélorussie en crise à travers les manœuvres « Résolutions alliés », tout un programme, Poutine a marqué un point décisif, sans pour autant être concluant.
Le point dur du conflit est malheureusement le point dur des deux parties. Le refus de l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan pour les Russes et cette possibilité ouverte comme le stipule l’article 10 du traité de l’Otan pour les Occidentaux.
La solution serait celle suggérée par Jacques Chirac après l’élargissement de l’Europe en 2006 : la protection croisée de la Russie et de L’Otan de l’Ukraine.
Mais les Ukrainiens ne veulent pas entendre parler du retour de la Russie. Par ce fait, ce précédent serait fâcheux pour les pays limitrophes. Et c’est ici que le rôle des États-Unis vient tout compliquer.
La surenchère de Biden, menaçant en pleine discussion entre Poutine et Macron de couper l’alimentation en gaz de l’Europe via le gazoduc de Nord Stream 2 ou les menaces sur le yacht de Poutine stationné en mer Noire, relève d’une autre stratégie que la désescalade chère au Président français.
En effet, un conflit, même limité, en Ukraine ne renforcerait-il pas la nécessité du parapluie américain en Europe centrale et une solidarité bien utile dans la confrontation qui s’avance vis-à-vis de la Chine ?
En diplomatie rien n’est réglé, tant que tout n’est pas réglé.
Il n’y a aucune raison de chipoter au Président Macron ses démarches pour la Paix. Il ne le fait pas au nom de la France ou de l’Europe mais au nom de partenaire du « format Normandie » (France, Allemagne, Russie, Ukraine). Il est de « bonne guerre » en cette période Présidentielle de faire croire qu’il incarne l’Europe ou la France. Il n’a pas échappé au Président l’atout, la force de l’évidence que représente l’incarnation de la nation dans cette confrontation. Cela ne changera pas le vrai rapport de force dans le pays et ses conséquences un jour ou l’autre. Mais cela peut permettre un « hold-up » comme on dit au football.
Mais ce n’est pas l’essentiel. Nous allons potentiellement au conflit, car si l’Otan ne peut offrir de garanties, la Russie ne peut renoncer maintenant à se les obtenir.
La Russie a plusieurs options militaires. Elle emploiera, vraisemblablement, le bombardement comme en Syrie. Même si l’état-major Russe et Poutine, l’ancien du MKVD, n’a pas oublié la guerre russo-japonaise dont la défaite déboucha sur la révolution de 1905 ou « le Miracle de la Vistule » en 1920 où l’armée polonaise arrêta l’invasion des « Soviétiques » ; ce miracle jouant d’ailleurs un rôle majeur dans l’imaginaire du jeune instructeur de Gaulle. Et ce revers fut pour Lénine l’intuition d’un retournement stratégique.
Mais qui peut croire que Poutine va rapatrier ses troupes sans avoir rien obtenu ? L’expérience de l’Afghanistan et sa défaite hante l’armée Russe. Alors abandonner l’Ukraine tant chantée par Tolstoï dans toutes les écoles russes, c’est ouvrir la fin du régime. Au même titre qu'ils apprennent que le duché de Kiev fut à l'origine de la création de la Russie.
Voilà pourquoi le conflit est sûrement devant nous. La diplomatie européenne, pour une fois unie, n’est pas sans arguments. Mais elle peut être aussi vaine que fut celle de Chamberlain en 1939. Pour autant, elle doit être tentée car ni l’Europe, ni la Russie n'ont intérêt au basculement de cette dernière vers l’Asie et la Chine.
Mais, pour incroyable que cela puisse paraître, la Guerre semble être la seule issue pour trouver une issue.
Espérons être démenti car celle-ci conduira à des morts, des destructions, mais aussi à l’accélération du nationalisme belliqueux.
Il faut, à cette étape, l’intervention des peuples pour dire NON à la Guerre. On sait toujours comment cela commence, jamais ce qu’elle produit ou comment elle se déroule.
Nos peuples sont suffisamment nationalistes comme cela. Et comme le disait Mitterrand : « le nationalisme c’est la guerre ».
La faiblesse de la Gauche est là. Elle devrait manifester contre la Guerre et entraîner un mouvement dans toute l’Europe.
Son anémie peut coûter cher dans ce triste épisode.
Voilà pourquoi, il ne faudra pas manifester après, mais le faire pour éviter la Guerre.
C’est Poutine et la Russie qui sont menaçants, indépendamment de la nature du régime Russe.
Les troupes sont à l’Est et les pacifistes à l’Ouest. C’est donc le bras de Poutine qu’il faut arrêter.
Qu’est-ce que la Gauche attend pour prendre la tête du camp de la Paix ?