958 jours de Guerre en Europe
1. Le tournant historique du triomphe populiste ; 2. Que faire ? ; 3. Union pour défendre les libertés ou Union de la Gauche pour un gouvernement de défense républicain ; 4. L'appel des X pour le Front Républicain ; 5. Un tour de France galactique et symbolique ; 6. Trump en passe de l'emporter.
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1. Le tournant historique du triomphe populiste
Le premier tour de l'élection législative s'achève sur 3 anecdotes qui résument où nous en sommes. Le président de la République tente un ultime appel sur le risque de guerre civile à cause des extrêmes. Un ni-ni pour se sauver et non sauver la République en danger, contesté dans son propre camp. Éric Zemmour se filme chantant une chanson raciste à la gloire de la Remigration, vue par des centaines de milliers de personnes. Et Jordan Bardella résume la nature du RN par la proposition de réserver certains emplois dans la fonction publique aux seuls "vrais Français", comme le disait le Maréchal Pétain. Voilà, depuis de très nombreuses années, j'alerte sur la montée d'une nouvelle extrême droite. Dans mon post du 9 septembre 201., je pronostique la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle. Il s'en est fallu de peu. Elle est maintenant probable aux législatives. Il reste seulement à savoir si l'extrême droite obtiendra la majorité absolue. En tout cas, les derniers sondages ne sont pas rassurants. Soit il s'agit d'une vague noire, soit l'extrême droite n'en sera pas loin. Elle progressera encore en termes de voix de près d'un million depuis la présidentielle. J'analysais dans ce texte les blocs politiques, idéologiques, historiques, électoraux et internationaux qui tous militent pour le succès du national populisme fondé en 1972. Dans la vague nationaliste planétaire, le Front national puis le Rassemblement National est le parti le plus ancien. Mais il s'agit surtout du mouvement qui a fait faire sa mutation à l'extrême droite européenne : d'un ordre nouveau antisémite à la préférence nationale contre le grand remplacement. Si le nationalisme d'exclusion gagne, c'est d'abord parce que cette "idéologie" s'est imposée comme produit de substitution à l'"impossible question sociale" par la loi ou la révolution. La tyrannie identitaire s'est emparée du débat politique.
À ce jeu, l'extrême droite a une longueur d'avance car la rhétorique de l'invasion migratoire s'est imposée comme grille de lecture depuis longtemps. Cela est principalement dû à la défaite idéologique de la Gauche qui n'a pas su redéfinir son logiciel très largement issu de la pensée marxienne des années 60. Mais aussi de la droite gaulliste puis libérale gangrénée par l'offre de l'extrême droite. Enfin, E Macron a accéléré les tendances lourdes à l'œuvre, en faisant de l'extrême droite l'opposition repoussoir pour légitimer le "bloc central Macronien". Il a fini par l'installer comme alternative. L'effondrement du bipartisme en 2017, la rhétorique de l'ancien monde, combinée avec l'attaque systématique contre les corps intermédiaires ont libéré les populismes contenus par les vieux partis. L'image de Ciotti, héritier du gaullisme, rouge de honte, courbé, hésitant, perdu sur une scène du RN ne sachant où s'asseoir, résume la situation. Penaud, il interroge du regard Bardella, celui-ci l'invite en tapotant sur le canapé où il a pris place, pendant que Marine Le Pen siège seule dans son fauteuil, le regard ailleurs. Cette scène pathétique, comme le feuilleton grotesque de l'impossible expulsion du renégat et de ses amis du parti Républicains, sont des marqueurs symboliques du triomphe populiste. Tout autant significatif, l'admonestation de JLMelenchon à O Faure, lui faisant remarquer qu'il pourrait appeler à l'abstention dans sa circonscription, sachant que LFI est arrivée en tête aux Européennes. Et pour conjurer ce sort funeste, O Faure le citera en retour dans sa conclusion lors du débat sur la 2. Le leader de la France insoumise aime tempêter pour montrer qui est le propriétaire de la Gauche : "cet accord m'a coûté 100 circonscriptions et le PS s'apprête à le trahir." Avant de réclamer le droit de rigoler sur la phrase "un flic mort c'est un vote RN en moins". Consternant ! Le tournant historique n'est pas seulement la possible majorité lepéniste et sa préférence nationale, c'est la nouvelle donne populiste. Ils ne sont pas de même nature, ils ne sont pas équivalents, ils ne représentent pas la même urgence. Mais ce sont des perturbateurs endocriniens de la démocratie. Ils tiennent le haut du pavé et matricent la vie politique. Tout le monde se détermine par rapport à eux. E. Macron voulait être jugé sur sa capacité à rassembler les Français. Ils sont divisés comme jamais et l'ère des populismes commence. A De Benoist, le pape de l'extrême droite, l'avait parfaitement analysé dans son livre du même nom. C'est le double choc historique : la possible victoire de l'extrême droite, mais d'ores et déjà la réalité d'une majorité absolue des populistes - RN et LFI - au parlement. Celle-ci aura de nombreuses conséquences. Elle marque la mort clinique du scrutin majoritaire à deux tours. Il était depuis 1958 censé produire de la stabilité, même si cela était au prix d'un parlement croupion. Cette digue est aujourd'hui emportée. L'instabilité va à nouveau s'installer au cœur du parlement, tout autant que dans la société. Les partis institutionnels d'hier se sont sclérosés et accrochés à la rente de situation du scrutin majoritaire. Pendant que le Président Macron usait et abusait du "moi ou le chaos" sans autres définitions, il récoltait le KO dans le chaos. Nous voilà dans une crise de régime. Non seulement le risque d'une présidence d'extrême droite est inscrit dans la poussée de celle-ci pour Matignon, mais la question de la gouvernabilité de la France se trouve posée comme elle le fut à la fin de la IVème République. La question de la proportionnelle devient donc la question stratégique pour remédier à cet état. Elle seule peut contenir les populistes et offrir un espace de coalition des partis Républicains. L'enjeu politique, et cela n'est pas mince, sera la colonne vertébrale de cet accord conjoncturel de gouvernement : l'union de la Gauche sociale écologiste ou les libéraux. Sinon, la coalition de la Gauche et du populisme de gauche sera le seul moyen de faire barrage à l'extrême droite. Et l'alliance de la droite avec l'extrême droite apparaît comme le seul moyen de faire barrage au populisme de Gauche. Quant au ni-ni au milieu, s'il peut s'entendre au premier tour, il se révèle au second comme un "peu importe que le RN l'emporte du moment que LFI est battue ». Je veux bien, comme Léon Blum, ne pas monopoliser la vérité, mais enfin, pour un socialiste comme moi qui combat le RN depuis des années et a combattu la mélenchonisation de la Gauche dès les premiers jours, cela n'est pas probant et même un peu déprimant. La proportionnelle est donc une condition nécessaire pour sortir le pays de la crise. C'est une révolution copernicienne dans les stratégies et comportements des partis de l'arc républicain. Car son débouché, c'est le bloc Républicain. Pour l'instant, la Gauche ne le veut pas et les macronistes ne le conçoivent que comme un ralliement au président ou présidentiable de leur camp. Une coalition, ce n'est pas le syndicat des sortants protégeant quelques privilèges. C'est le compromis entre le marché et l'impératif social écologique, dans le respect de notre droit fondamental et de l'Europe. Un ralliement de la Gauche responsable au libéralisme économique à un macronisme sans Macron est illusoire. Tout autant que l'appel des 100 économistes à un gouvernement basé sur l'emploi et la productivité. Il faut se réveiller, il y aura soit un gouvernement d'extrême droite, soit une majorité absolue de populistes à l'assemblée. Et la lutte contre l'extrême droite au pouvoir ou pouvant le conquérir va à Gauche surplomber les débats. Il faut donc un mode de scrutin qui permette la distinction et oblige à la coalition... Surtout à la négociation, au compromis historique vu l'histoire du clivage Gauche droite dans notre pays. C'est le seul moyen de gouverner et faire respirer la République.
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2. Que faire ?
Si l'extrême droite s'empare du pouvoir, l'examen de conscience à Gauche sera une nécessité. Il l'est déjà. Comment en sommes-nous arrivés là ? Que faire maintenant ? Et l'explication par la porte d'entrée Mélenchon sera un peu courte, tout comme celle de la trahison de la Gauche au gouvernement. La perte de sens au profit de la seule culture du gouvernement, avec le marché comme seul dessin ? Le mépris des élites de gauche pour tout ce qui est régalien ? L'abandon de la question sociale au profit des questions sociétales ? Le refus de penser doctrine et le règne de la pensée magique de la communication ? Le sinistrisme moral et l'entre-soi ? La professionnalisation des représentants politiques et son « tacticisme ». C'est là qu'il faudra travailler pour espérer se refonder. Il n'y a pas de raccourcis ni de substitut provisoire dans l'union radicalisée ou le champion octroyé. Cette victoire de l'extrême droite, une première depuis la Seconde Guerre mondiale, sera un choc terrible pour la Gauche. Il ne s'agit pas d'un coup d'État contre le peuple, mais de la décision souveraine du peuple. Depuis plus de 30 ans, je l'annonce à la gauche comme inéluctable faute d'une refondation politique et stratégique de celle-ci. La victoire à froid de l'extrême droite est une défaite de la gauche. La question de la fondation de la social-démocratie pour un nouveau cycle à Gauche est historiquement posée. Soit le PS peut assumer ce rôle, soit il faudra créer les conditions pour l'assumer. Les conditions sont réunies, elles commencent à pourrir. Fonder une social-démocratie et lever l'hypothèque du populisme par une union de la Gauche capable de penser le compromis et la coalition devient la tâche de l'heure.
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3. Union pour défendre les libertés ou Union de la Gauche pour un gouvernement de défense républicain
La question de la défense des libertés, de l'état de droit et de l'égalité des droits surgira en conséquence du programme de l'extrême droite. Mais avec qui sera le deuxième sujet ? Ce sera moins simple qu'il n'y paraît. Immédiatement, Mélenchon appelle à manifester place de la République et joue les Lénine du 3 avril 1917 de retour de Finlande. Il appellera à la résistance du peuple de gauche, sous-entendu la rue entraînera les écolos et les socialistes, et déniera aux républicains de l'autre rive le droit moral d'incarner ladite résistance. Il suffit de lire le tweet de Quattenens contre Rufin, c'est un avant-goût de ce qui va s'échanger. Et de l'autre côté, on défendra certes les libertés, mais "jamais avec le Nouveau front populaire à cause de La France insoumise et singulièrement Mélenchon". Ce qui peut se comprendre, mais assurera dans un premier temps une certaine quiétude à l'extrême droite jouant sur cette division. Puis, les premières mesures tomberont et cristalliseront l'opposition, pendant que les marges de manœuvre économiques déjà très entamées se réduiront, les taux d'intérêt s'envoleront, les dérapages se multiplieront, sur fond de campagne pour la démission de Macron. Ce sera un calvaire pour la France, une épreuve pour la République, un drame quotidien pour les Français.
Rien n'est certain dans ces 7 jours qui vont ébranler la France. Cela dépend du sens des responsabilités et de la hiérarchie des urgences. On peut faire barrage au national-populisme. La Pologne ou l'Espagne viennent de nous démontrer qu'il est possible de stopper le PiS ou Vox. Pour autant, l'absence de majorité absolue ne réglera pas la question de la montée du RN jusqu'à la présidentielle. Elle en différera seulement le choc final. Cela ne nous émancipera pas non plus du PS de penser sa refondation dans la perspective de l'échéance décisive. En attendant, il n'est pas impossible que le deuxième tour accouche d'une situation ingouvernable où l'extrême droite sera à plus de 200 députés et La France insoumise près de 100. Sans être de même nature, ils ne joueront pas la stabilité, espérant bien s'affronter à la présidentielle. On évoque face à cela un gouvernement d'union nationale, ce qui est une ânerie puisque le RN et La France insoumise en seront exclus. Et un gouvernement Renaissance - Ensemble ne tiendra pas 48h. Édouard Philippe a ouvert la porte à une nouvelle majorité qui ne soit pas la majorité présidentielle. C'est la démonstration que la recherche d'une nouvelle équation est en marche. J'évoque ici-même et dans la presse un gouvernement de défense républicain comme celui de Waldeck-Rousseau, dont la tâche historique fut de régler l'affaire Dreyfus et de légaliser les syndicats. Un gouvernement, encore une fois soutenu par Jaurès et toléré dans un premier temps par Jules Guesde et Édouard Vaillant. Si j'insiste, c'est que cette question sera posée d'abord à la Gauche en général et au PS en particulier. Ce serait au PS de le proposer. Évidemment, Mélenchon dira non, et alors ? Faut-il alors reproduire l'erreur de la fondation du Nouveau front populaire ? Les écologistes seront-ils aussi dans le refus ? Et alors ? Cela dépend du PS ou d'une part significative des députés du PS et des sociaux-démocrates. La tâche de ce gouvernement serait de remettre de l'ordre dans les finances de la France. Mais sa mission historique sera l'instauration de la proportionnelle, qui permettra aux partis de gouvernement de se dégager de la tutelle populiste et l'instauration d'un régime de coalition. Cela donnera à l'Assemblée une autonomie vis-à-vis de la toute-puissance de l'exécutif. Ce qui serait une bonne chose en soi, mais surtout en cas de victoire de Marine Le Pen à la Présidentielle.
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4. L'appel des 100 pour le Front Républicain
Appel de 100 citoyens pour le Front Républicain.
"Il faut bien que la liberté nous coûte quelque chose", nous dit Sénèque.
Ce sera donc le front républicain pour des députés qu'on n'aimait pas, voire que l'on combattait, mais pour éviter un gouvernement d'extrême droite.
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5. Un tour de France galactique et symbolique
Si le seul absent est le récent vainqueur du Tour d'Espagne, Sepp Kuss, ils seront tous là dans le Tour de France Galactique : le dernier vainqueur Jonas Vingegaard, Primoz Roglic, Remco Evenepoel, Mathieu van der Poel, Wout Van Aert, Matteo Jorgenson, Egan Bernal, et bien sûr Tadej Pogacar. Le récent vainqueur du Tour d'Italie avec 10 minutes d'avance sur le second. Il a impressionné au point qu'on ne sait pas s'il est un nouveau Eddy Merckx ou un nouveau Lance Armstrong qui vient sur le Tour. Il a une équipe puissante avec Nils Politt, Tim Wellens, Pavel Sivakov, Marc Soler, Juan Ayuso, João Almeida et Adam Yates, que des grands noms du cyclisme, qui pourraient être les stars d'une autre équipe. Comme l'était l'US Postal du Texan ayant perdu ses titres pour dopage. Et précisément, des rumeurs de prises de produits illicites courent autour du Slovène déjà vainqueur du Tour de France. Ce dernier se comporte comme Armstrong en patron, délivrant des bons de sortie, c'est-à-dire le droit de s'échapper. Le Français Romain Bardet en sait quelque chose, lui qui fut constamment contré par l'équipe UAE sur le Tour d'Italie et même par leur leader "Poggy" en personne. Il avait un peu trop encensé Remco Evenepoel comme le meilleur coureur du monde lors d'une échappée commune lors du Tour d'Espagne. Et Pogacar est chatouilleux sur son leadership. Pire, il a laissé entendre que le dopage était toujours présent sur le circuit. Là, cela ne pardonne pas. Poggy veut tout gagner comme le "cannibale" E. Merckx. Et l'enjeu est considérable pour Pogacar, car gagner le Tour de France après le Tour d'Italie, c'est rentrer dans la légende des Coppi, Anquetil, Merckx, Hinault, Roche, Indurain ou Pantani en 1998. Ce Tour est donc alléchant. Même si les Français dans la compétition ne risquent pas d'enflammer les supporters. Il y a peu de chance que la nouvelle génération, David Gaudu, Romain Grégoire, Kévin Vauquelin ou Leny Martinez, gagne le Tour. Mais ce dernier peut, avec Warren Barguil ou Romain Bardet, envisager le maillot de meilleur grimpeur. Romain Bardet en gagnant la première étape à Rimini endosse le maillot jaune, lui que l'on attendait en Auvergne peut rêver de quelques jours avec la Tunique pour son dernier Tour. Voilà qui va éclipser un peu pour la France populaire l'autre Tour, le second, celui-là où la France joue son destin. Le Tour de France a toujours, à sa manière, illustré le Roman national. Une fois de plus, il n'y manquera pas. Si le départ sera donné à Florence, la ville du double vainqueur du Tour G. Bartali, reconnu "Sauveur des Juifs" pendant la Seconde Guerre mondiale, il se terminera non à Paris mais à Nice, ville du député Ciotti, chef de la droite qui a prêté allégeance à l'extrême droite.
A dimanche prochain !
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