986 Jours de Guerre en Europe
- Le combat incertain de Kamala Harris
- Macron, l'isolé de l'Élysée
- Pourquoi Mélenchon a choisi Lucie Castets ?
- La cérémonie d'ouverture des jeux
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1. Le combat incertain de Kamala Harris
Les sondages sont flatteurs. Kamala Harris battrait Donald Trump. L'espoir renaît. Mais il me semble que Barack Obama a raison d'avertir ses amis Démocrates en leur disant qu'ils allaient "naviguer en terrain inconnu". En effet, au-delà du soulagement de voir Biden jeter l'éponge avant une défaite annoncée, il reste 100 jours pour imposer Kamala Harris, qui semble tenir la corde pour la Convention Démocrate. Le temps est court, très court, et peut-être trop court. Cette candidature, aussi sympathique soit-elle, souffre d'un certain handicap. Si elle s'impose aussi fortement, c'est qu'elle fut la vice-présidente de l'administration Biden, femme et noire. Tout ce que déteste l'électorat trumpiste électrisé par l'attentat raté à l'encontre de l'ancien président. Le pari est donc de convaincre les potentiels abstentionnistes et les indécis. La vice-présidente s'est immédiatement lancée sur deux pistes dangereuses en l'état. Elle traite Trump d'escroc et le bilan de Biden de faramineux. Cela est probablement proche de la vérité, mais elle ne propose pas une nouvelle offre. C'est la continuation de ce que disait Biden par une personne plus jeune et "racisée", comme disent les Wokistes. Alors que les Républicains plaident que c'est la campagne anti-Trump qui a conduit à l'attentat contre lui, et donc ce sont les Démocrates les fauteurs de troubles. Retournement paradoxal, mais qui entame l'argument d'un Trump menaçant la démocratie, ce qui est vrai au regard du sac du Congrès avec la bienveillance d'un Trump battu dans les urnes. Quant au bilan de Biden, il est évidemment bon, mais les Américains ne veulent pas le voir ou le croire. Nous avons connu cela en France en 2002 avec le "bon bilan de Jospin".
Il est un autre domaine où la concurrence va être rude, c'est la politique étrangère. Et en ce domaine, Harris ne peut pas rompre avec Biden. Elle aura évidemment une autre crédibilité que le président à propos des massacres à Gaza, mais n'annonce pas la rupture avec Netanyahou. Elle ne peut pas faire autrement que de condamner les débordements anti-Netanyahou. Reste à voir comment le Parti Démocrate et son aile pro-palestinienne vont se comporter vis-à-vis de cette continuité. D'autant que le Premier ministre israélien peut vouloir utiliser la faiblesse de Biden évincé de la course à la présidentielle pour intervenir au Liban contre le Hezbollah. Le boycott de l'intervention du Premier ministre israélien au Congrès par les Démocrates n'a pas eu de suite, ce qui indique la difficulté de la gestion de ce problème.
La rapidité du soutien à Harris est un atout pour cette dernière. Le fait que l'argument sur l'âge du capitaine tombe en est un autre. Trump n'est pas imbattable. Il a fait moins de voix que Hillary Clinton, a perdu les présidentielles et le Midterm. Mais le pays aspire à une "nouvelle frontière" plutôt qu'à une continuité. Et donc la candidate potentielle du parti Démocrate doit franchir ce rubicon pour espérer créer un choc mobilisateur dans l'opinion. Tout le monde dit que lorsqu'elle était procureure, elle était bosseuse, ne lâchait rien, inventive voire astucieuse. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.
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2. Macron, l'isolé de l'Élysée
Le coup de sang du président au vu des résultats des Européennes a plongé le pays dans l'impasse. La dissolution fut la quintessence de l'irresponsabilité politique. Battu aux élections Européennes, le président a voulu une restauration dans les élections législatives. Il l'a fait au nom de la "clarification nécessaire". On ne sait toujours pas ce que recouvrait la formule, mais vraisemblablement, moi ou le RN. On n'a ni l'un ni l'autre et une Assemblée ingouvernable faute de coalition parlementaire s'imposant au président. On ne sait pas qui a gagné, mais on sait qui a perdu. Le président et sa coalition se retrouvent exsangues. Cela n'a échappé ni à Marine Le Pen ni à Mélenchon, qui cherchent sa démission, ni à Wauquiez, qui ne croit pas en sa rémission. Le président se maintient grâce à des astuces pitoyables. Il fait voter ses ministres pour obtenir la majorité au perchoir. Il renomme son Premier ministre mais ne peut l'empêcher de prendre le groupe parlementaire et tenter de lui dérober son propre parti. Il est affaibli et isolé à l'Élysée, comme aucun autre président de la République sous la 5ème République. Le fait qu'il se soit déplacé à l'hôtel de Lassay, attendant fébrilement le résultat du vote au perchoir, en dit long sur la situation exacte du président. Il refuse de nommer la Première ministre que lui propose le cartel des Gauches qui a en tête un Macron-Millerand. Ce dernier fut contraint à la démission par l'obstruction du cartel de gauche. Millerand chercha en 1924 son salut dans un accord avec le bloc national. Macron cherche à obtenir un répit dans un accord avec la Droite Républicaine, bien mal en point à l'Assemblée, mais en position de force au Sénat, ce qui donnerait un peu d'oxygène politique au président déchu de son surplomb. Les conditions posées par la "Droite Républicaine" sont sévères et provoqueront la crise dans le groupe Ensemble et il n'est pas certain que le groupe « Wauquiez" soit unanime sur le soutien. L'idée du rempart macronien face à LFI après avoir dit être le rempart face au RN se heurte à la nécessité que les deux populismes ne mêlent pas leurs voix. Souvenons-nous, l'échec de la 4ème fut largement dû à la tenaille des gaullistes d'une part et des communistes de l'autre. Nous sommes dans la même équation, même si les acteurs sont différents. La décision du RN de voter la PPL de LFI abrogeant la réforme des retraites démontrerait malgré les tollés, s' il en était besoin, la faiblesse du camp présidentiel. Les portes se ferment les unes après les autres. L'idée de lever l'hypothèque de Lucie Castets a de chauds partisans dans son entourage. Échaudé par la dissolution, le président s'en méfie. La candidate du NFP aurait le plus grand mal à composer un gouvernement à la proportionnelle des partis. Et comme dans le film de David Lean "Lawrence d'Arabie", après avoir battu les Turcs, les clans arabes, unis dans le combat par la défaite des Ottomans, arrivent à Damas où ils se désunissent en réclamant chacun son dû : qui la poste, qui l'électricité, qui l'eau, devant un Lawrence d'Arabie incapable de maintenir l'union. Et si elle y arrivait, la motion de censure s'imposerait par le prétexte de la présence des mélenchonistes. Mais tenter cette manœuvre typiquement 4ème République se heurte d'abord à la nature du président et son refus d'accepter qu'il a été battu, mais surtout, ruinerait sa stratégie de centre droit. Retailleau a été clair, la nomination du Front populaire est un casus belli. Elle le serait tout autant pour Édouard Philippe et Bayou, seul G. Attal semble favorable à cette option. Mais simplement, semble-t-il, pour marginaliser Darmanin. La perspective d'une France sans budget, sans gouvernement, ne sera pas pour autant praticable quand on connaît nos déficits et la charge de la dette qui s'accroît jour après jour. Alors il restera la dissolution dans un an. Mais là encore, c'est la victoire possible de l'extrême droite. Car le front républicain a du plomb dans l'aile vu ce que les parlementaires en ont fait. Cette nouvelle défaite, la victoire du RN ou d'une gauche qui changerait son centre de gravité, sonnerait comme l'impossible maintien du président. D'ailleurs, ce dernier s'est précipité pour conjurer ce tragique destin qu'il ne démissionnera et ne dissoudra pas. E. Macron est dans une équation impossible et une solution improbable. C'est bien ce qu'ont compris les populistes, alléchés par l'odeur du sang. En attendant les péripéties à venir, le président s'est mis sous la protection des jeux olympiques, implorant une trêve pendant leur durée. On a connu E. Macron plus flamboyant.
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3. Pourquoi Mélenchon a choisi Lucie Castets ?
Dans une interview à La Républica, le leader de la France Insoumise indique clairement qu'il a un seul objectif et tout le reste lui est subordonné : la présidentielle et l'affrontement au deuxième tour avec Marine Le Pen. Depuis l'échec de la présidentielle et la législative ratée qui s'en est suivie, l'ancien député de Marseille a une question en tête : être le champion de la gauche face à Marine Le Pen et contraindre les Républicains à voter pour lui face à l'extrême droite.
C'est un pari stratégique tout autant qu'une obsession personnelle. Le fait qu'il pave la marche de l'extrême droite au pouvoir ne saurait convaincre LFI, car les Insoumis pensent que la radicalité est la seule solution dans une situation pré-révolutionnaire. Mélenchon voit en Macron un Kerenski qui va céder la place à l'irruption des masses. C'est ce qui présida à la stratégie de bordélisation au Parlement puis à l'instrumentalisation de la question palestinienne dans les Européennes quitte à créer un climat antisémite.
C'est ce qui explique le "prix payé" à propos des sièges lors de la négociation du Nouveau Front Populaire. C'est aussi pourquoi il fait place nette en purgeant les contestataires et, qui sait, ses concurrents. Ce furent les raisons qui le conduisirent à vouloir être nommé Premier ministre. Encore une fois, il ne s'agissait pas pour lui de gouverner. Il savait qu'il serait renversé par une motion de censure LR-RN-Ensemble. Il pouvait même le souhaiter. Mais c'était pour souligner son leadership sur la gauche en vue de la présidentielle qui aurait été reconnu. Et ce vote aurait permis une campagne pour la démission du président.
Une fois que Mélenchon a compris que Macron ne le nommerait pas, il a fait le choix qu'il n'y en aurait pas d'autres, ou alors une personnalité compatible avec sa stratégie. Le président de la Fondation La Boétie a refusé avec acharnement toute solution hors du NFP. Il tente d'ailleurs de donner un contenu politique à ce refus. Dans cette même interview, il dit : "L'alliance avec Macron favoriserait de fait Marine Le Pen". Comme s'il s'agissait d'une union avec Macron. Un gouvernement de défense républicaine était une solution parlementaire qui s'imposait à Macron et traitait des urgences.
Peu importe la retraite, les salaires, la rentrée scolaire, ni même les bassines, etc. La question est pour Mélenchon purement politique et subordonnée à son agenda : la démission de Macron. Et donc il refuse Faure, il refuse L. Tubiana car ils sont trop Macron compatibles. Reste Huguette Bello, qui était dans l'épure, et surtout Lucie Castets, qui accompagne LFI depuis des années tout en cheminant avec les socialistes.
Elle est pour le programme et accepte le conflit direct avec le président, comme sa première interview à France Inter l'a démontré. La tâche assignée par Mélenchon à "sa" Première ministre est d'animer la bataille pour réduire le président. Dès l'intervention de Macron repoussant la nomination de la Première ministre, Mélenchon s'est chargé dans un tweet de mettre les points sur les i : "Macron veut nous obliger à renoncer à notre programme (...). Respectez le vote des Français. Il doit se soumettre ou se démettre." Immédiatement suivi par le président de la commission des finances, Coquerel, sur BFM, qui se verrait ministre des Finances.
Plus étonnant, la pétition du PS pour imposer Lucie Castets au Président ; Mélenchon n'en demandait pas tant. Et on attend bien sûr la manifestation sur l'Élysée préconisée par l'ex-député A. Quatennens. Cette stratégie du chaos est très bien menée. Elle enferme le PS et les écologistes. Elle les coupe de leur électorat naturel de centre gauche. Elle aura des conséquences aux municipales et assèche la possibilité pour ces derniers d'avoir une candidature crédible à la présidentielle. Évidemment, Mélenchon ne se pliera pas à la primaire du NFP. Il est déjà candidat. Et voilà comment, en cas de démission ou demain lors de la présidentielle, il compte être au second tour en rejouant le vote utile.
Cette stratégie de la rupture affaiblit une solution crédible pour la France et efficace pour battre l'extrême droite. Si les socialistes restent collés à Mélenchon comme les moules sur le rocher, ils seront ballotés par la mer des événements. Les mélenchonistes vont mettre le feu à l'Assemblée et dans le pays sur tous les sujets. La thématique du boycott des athlètes israéliens pour les jeux a ce but : entraîner les réformistes dans la sarabande de la conflictualité et systématiquement couper les partis réformistes de toute base arrière. Et je ne donne pas cher d'un candidat socialiste dans ces conditions.
Comment ne pas comprendre que les Français sont contre cette "bordélisation" et ne veulent pas de la stratégie de rupture ? La gauche est en pleine hallucination collective. Nous ne sommes pas en 1981, mais 40 ans plus tard. Le paysage politique et idéologique a changé. Réveillez-vous, 11 millions de Français ont voté pour le RN. Le fait que les deux courants du PS - Hélène Geoffroy et N. Mayer-Rossignol - qui font 50 % du Parti aient défendu ensemble une demande de convention du PS sur la stratégie est la marche à la clarification et au retour à l'autonomie stratégique des socialistes.
Le PS doit sortir au plus vite de la toile d'araignée de Mélenchon. Le macronisme sclérosant n'est plus en capacité de structurer le champ politique. Le PS doit se hisser au niveau du destin du pays. Il faut être clair : il n'y aura ni réussite de Castets ni gouvernemental à gauche si on ne cherche pas à élargir la base parlementaire dans une coalition sur des mesures d'urgence pour la France et les Français. Il faut ainsi tenir la dragée haute à Mélenchon et à ceux qui s'y subordonnent sur la question. Évidemment, les tenants d'une stratégie de sortie de crise sont accusés de pactiser avec Macron. O. Faure ne s'est pas privé de cet argument contre ses opposants. Un peu court, jeune homme ! Qui conforte Macron si ce ne sont ceux qui, par l'enfermement dans une stratégie de confrontation, s'interdisent de capitaliser sur la crise du macronisme ? Les bénéficiaires de la grande confrontation mélenchonienne sont Macron et demain Marine Le Pen. Une stratégie de sortie de crise passe au-delà des mesures d'urgence par la proportionnelle, celle qui permet les coalitions et l'émancipation des populistes.
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4. La cérémonie d'ouverture des jeux
Entre la Marseillaise sous la pluie, l'émouvant hymne à l'amour malgré les vicissitudes de la vie, et un président surpris par la clameur hostile de la ville, la cérémonie d'ouverture des jeux de Paris a montré au monde de quoi la France est capable et ce qu'elle porte de sublime malgré l'adversité des éléments et du moment. Decouflé avait déjà séduit le monde lors des Jeux d’Albertville. Le bicentenaire de la Révolution française avait, en son temps, sidéré. Les Gaulois réfractaires ont le génie de se penser le monde, ce qui fait la créativité française.
À dimanche prochain.