1042 Jours de Guerre en Europe

  1. L'emprise de Mélenchon sur les Écologistes
  2. Olivier Faure dit oui à Mélenchon
  3. Barnier, le faux-nez de Macron
  4. L'échelle de perroquet militaire au Moyen-Orient

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1. L'emprise de Mélenchon sur les Écologistes

La clé à gauche, ce sont les Écologistes. Le débat au PS est engagé et il est en passe d'être gagné. La réussite annoncée du rassemblement de Bram le week-end prochain, avec 1700 inscrits autour de Carole Delga, l'atteste. La présence de la mouvance sociale-démocrate, de Cazeneuve à Bouamram, en passant par Hollande ou Delafosse, soutenue par les deux courants Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, le démontre. Il ne manque maintenant qu'une confédération des sociaux-démocrates et un congrès du PS gagnant.

Le PCF est vacciné depuis les relations houleuses entre l'ancien patron du PCF, Pierre Laurent, et Mélenchon. F. Roussel a moyennement apprécié "l'entrisme" de LFI, qui a débouché sur une opposition le contestant au dernier congrès. Les vagues successives de départs et d'exclusions ont atteint leur paroxysme avec la rupture de Ruffin, l'autre visage médiatique des Insoumis. Il ne reste que les Écologistes, totalement mélenchonisés. Ils sont tout à la fois pilier et clé de voûte du système d'« alliance captive » de Mélenchon.

Il ne s'agit pas seulement de Sandrine Rousseau, qui fit quand même 49 % aux primaires Écologistes, même si elle joue les serre-files du mélenchonisme. Les Écologistes dans leur ensemble, et surtout Marine Tondelier, sont sous "emprise" du leader de la France insoumise. Par exemple, les Écologistes n'ont pas eu un mot pour François Ruffin, violemment attaqué par les LFistes, alors qu'ils l'accueillent dans leur groupe parlementaire. Ils ont discrètement emboîté le pas à la France insoumise à propos de la guerre entre Israël et le Hamas.

Au lendemain des Européennes, sèchement battus par R. Glucksmann, leur choix immédiat fut une alliance derrière Mélenchon plutôt que derrière le député européen et le PS. À chaque fois, les Écologistes refusent toute autonomie. Le seul contre-exemple à cette date fut les Européennes (mais les Écologistes pensaient pouvoir refaire le coup de Jadot). Le jeu a d'abord été tactique : utiliser les Insoumis pour pouvoir dominer le PS. Il sera ensuite électoral entre le PS et LFI. Il est aujourd'hui organique, même s'il se pare de la posture d'un trait d'union fictif. Ce qui était un moyen est devenu une fin.

La lourde défaite de Jadot et du courant réaliste à la présidentielle, produit du vote utile pour Mélenchon, a conduit ces derniers à faire du président de la Fondation La Boétie le dépositaire de la gauche. Il n'y a maintenant aucune différence entre le discours de M. Tondelier et de E. Bompard, ou alors à la marge. Seule la veste verte de la porte-parole des écologistes la distingue du T-shirt savamment passé du coordinateur de la France insoumise. Au PS, il y a au moins 50 % de socialistes hostiles à la subordination aux insoumis. Au PCF, Roussel se réclame d'une autonomie conflictuelle dans l'union. Ruffin, Autain et quelques autres ont pris leurs distances. Chez les Écologistes, les Duflotistes comme Jadot et ses amis, les maires des grandes villes écolos, ont mis les pouces. Jadot, esseulé et relégué au dernier rang de la photo de famille du NFP lors de sa constitution, en était la démonstration. J.-L. Mélenchon a réussi son OPA stratégique.

Ceci est décisif, car cette inféodation totale est la garantie de son "pouvoir" sur la gauche. Si les Écologistes sont le cheval de Troie du mélenchonisme, les fauristes ont là un prétexte pour "capituler" devant les exigences politiques de J.-L. Mélenchon. Combien de fois les responsables socialistes ont entendu un O. Faure, dans les cordes, dire : "Oui, mais les Écologistes ont pris position." Les Écologistes verrouillent ainsi, à cette étape, toute possibilité de retourner le Nouveau Front Populaire contre Mélenchon. Et cela en raison d'un électoralisme jamais démenti et d'une radicalité militante toujours prégnante. Les Écologistes ont toujours été tiraillés entre un électoralisme opportuniste et une radicalité rupturiste.

À partir du moment où, dans l'assemblée générale de Lille, Dominique Voynet et Yves Cochet obtiennent la victoire en 1993 de l'écologie politique et s'autorisent des accords électoraux (les Verts étaient auparavant dans le ni droite ni gauche), ils ont été tiraillés entre une écologie électorale plutôt centriste et une écologie militante totalement gauchisante, d'où la fameuse formule "pastèque" : vert à l'extérieur, rouge à l'intérieur. Aujourd'hui, il y a un continuum où ils sont tous radicalement pro-Mélenchon. Ce qui leur permet d'être en résonance avec une mouvance associative engagée dans des combats locaux écologistes et souvent alternatifs, sans perdre leurs gains électoraux. C'est ceinture et bretelles.

Hier, les écologistes s'adressaient à un électorat urbain, largement centriste, partie intégrante du boboland. Daniel Cohn-Bendit fit triompher cette ligne en gagnant des Européennes à gauche. Le sigle "Europe Écologie-Les Verts" résumait d'ailleurs cette dualité. Il n'y a plus de cohabitation entre deux orientations ou sensibilités. L'appareil des Verts est persuadé que le salut électoral est dans la radicalité qu'incarne J.-L. Mélenchon. Et cette orientation permet d'être en résonance avec une base mouvementiste qui est plus à l'aise dans la protestation que dans la gouvernance. Devant l'urgence écologique, les réalos ont été réduits au silence. L'écologie profonde d'Arne Naess est devenue la référence commune de l'écologie. Cette théorie, où l'autonomie des êtres vivants et de la nature est indépendante de leur utilité pour l'humanité, n'est pas seulement une posture idéologique avec la décroissance ou la critique de l'État-providence, mais elle génère une vraie mouvance militante.

LFI, contrairement aux Écologistes, n'est pas un parti qui "agite les luttes". C'est un parti qui agite le débat politique. Vous ne verrez pas Les Insoumis à la tête d'un combat social. Mouche du coche dans les luttes, oui, mais c'est un parti essentiellement électoraliste. On se souviendra de cet appel de Mélenchon aux rassemblements de Nuit Debout : "Utilisez-moi", ce qui résume la situation des Insoumis et leur champ de vision électoral. LFI est populiste dans l'offre électorale ; les Écologistes le sont dans l'action militante. C'est tout le paradoxe de la situation.

Les Écologistes sont, par exemple, parties prenantes de Deep Green Resistance, pour qui la civilisation industrielle est en guerre contre le vivant. On les retrouve dans le "Soulèvement de la Terre", dont vous avez entendu parler (les manifestations contre les "méga-bassines", les autoroutes, etc.). Ou encore dans la diaspora "Extinction Rébellion" : 100 groupes locaux en France. Ils préconisent la désobéissance civile et l'action exemplaire. Enfin, chacun se souvient du féminisme radical porté par Alice Coffin à la Mairie de Paris ; ce n'est pas une exception.

Cette "réalité militante" et le "désir électoral" trouvent dans l'alliance avec les Insoumis un moyen et une fin. On ne veut voir que les concessions des fauristes aux Insoumis. Mais rien ne serait possible, pour l'un ou l'autre, sans l'écolo-populisme des Écologistes. Le courant réaliste - indispensable à la victoire de Jospin et Hollande - n'est pas au rendez-vous de l'Histoire. Pour les Écologistes, la figure ennemie, c'est le PS, tant à cause de son "productivisme", de son attachement à un nouvel État-providence, et même à la croissance, que de son passage au pouvoir.

La rupture de l'aile réformiste-duflotiste avec le PS dans le gouvernement Valls a accentué ce phénomène, malgré la volonté de François Hollande d'ouvrir à des ministres Écologistes au gouvernement. Il faut donc que deux mouvements se constituent : d'une part, une nouvelle offre sociale-démocrate faisant de la social-écologie sa référence et ouvrant un nouveau cycle politique ; d'autre part, qu'un courant « réalo » se reconstitue au sein des Écologistes.

Samedi, un pas décisif a été fait en ce sens. Une brèche a été ouverte dans le système Mélenchon de captation. Les Rencontres de la Social-Écologie à Angers, à l'initiative des sénateurs Écologistes Gregory Blanc et Ronan Dantec, en partenariat avec la fondation Jean-Jaurès, la fondation de l'écologie politique, et en présence de Glucksman, Pompili, Tubiana, Jadot, Duflot, avec la participation de Laurent Berger et A. Pannier-Runacher, sont l'amorce de cette recomposition d'un pôle réaliste et social-démocrate chez les Écologistes. Il faut espérer que ce renouveau prospère. Il ne restera plus qu'à challenger l'hégémonie des Insoumis dans les quartiers. Par petites touches, un courant culturel social-démocrate est à l'œuvre.

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2. Faure dit oui à Mélenchon

Il y avait trois raisons pour ne pas voter la résolution Mélenchon - Panot - Bompard de destitution du président. D'abord, sur le plan juridique, la référence à la trahison ne s'applique pas au cas d'espèce. Ensuite, par opportunité : la question politique n'est pas la destitution de Macron, mais la constitution d'un gouvernement de bloc républicain parlementaire contre le RN et face à la crise financière du pays. Enfin, obtenir la destitution - ce qui est impossible - c'est aboutir à une présidentielle dans 20 jours, totalement profitable à Marine Le Pen. Eh bien, non ! Les fauristes ont fait passer le respect de la ligne Mélenchon avant toute autre considération. La victoire de Mélenchon n'est pas la mise en accusation du Président, mais la rupture du PS avec sa culture de gouvernement et son respect des institutions. Les Insoumis entraînent la gauche dans le populisme de gauche, sachant que Mélenchon en sera le débouché. Et Faure entraîne le PS dans le gaucho-socialisme, tentant de changer l'ADN du PS. Et ceci au prix d'une pitoyable palinodie où le PS vote pour l'examen du texte – ce qui est l'essentiel – mais sera contre l'adoption de celui-ci, ce qui est accessoire au regard du rapport de force au Parlement et de la charge symbolique politique dudit débat. Une politique de gribouille qui marque un peu plus l'inféodation à Mélenchon. Dire oui pour mieux dire non, c'est – pensez-y – le résumé in vivo de la stratégie fauriste vis-à-vis de Mélenchon. C'est surtout le destin des feuilles mortes qui voguent au gré du vent.

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3. Barnier, le faux-nez de Macron

Michel Barnier pensait l'équation politique difficile, mais il va constater celle du budget, impossible. L'épreuve que traverse le pays en termes budgétaires nécessiterait un gouvernement de concorde nationale. C'est une des raisons du gouvernement de bloc républicain que nous avancions. Là, nous allons avoir un Premier ministre sans base parlementaire à la tête d'un gouvernement de droite minoritaire (28 % des sièges), tentant de faire passer un budget d'austérité dirigé contre les services publics, l'État social et les collectivités locales. Le Premier ministre Barnier est dans une crise de ciseaux : la nécessité de réduire les déficits, soutenue par Bruxelles, et la décomposition politique, stimulée par la perspective présidentielle où chacun étalonne ses positions en fonction de son agenda. Le refus de Wauquiez d'être ministre de l'Économie, vu les difficultés financières, en est la démonstration. La droite, déjà durement éprouvée par la dynamique du RN, va être le faux nez d'un gouvernement macroniste avec 10 ministres issus du camp présidentiel sur les 16 ministres qui comptent.

Comment s'en étonner ? C'était l'objectif de Macron pendant ces négociations : obtenir la sanctuarisation de son bilan et reprendre sur le tapis vert ce qu'il avait perdu dans les urnes. La clarification tant souhaitée par le Président avec la dissolution est, in fine, intervenue : le macronisme, c’est clairement la 2ᵉ droite tolérée par l’extrême droite. La grande gagnante est Marine Le Pen. Elle s'était heurtée au mur du front républicain auquel elle ne croyait plus au 2ᵉ tour des législatives. Elle était marginalisée. Moins d'un trimestre plus tard, elle est au centre du jeu. Elle est traitée par le Président, courtisée par toutes les droites, et espérée par la gauche pour une motion de censure. Madame Veto tient le gouvernement, et le front républicain s'est désagrégé. Elle peut remercier E. Macron et Jean-Luc Mélenchon, qui n'ont eu de cesse de briser un gouvernement parlementaire de bloc républicain. C'est le grand retournement. Dans ces conditions, non seulement il ne peut y avoir de consensus politique – alors que le pays mériterait un "tous ensemble" autour de décisions budgétaires intelligentes et équilibrées –, mais la droite, dans les cordes, a pensé que participer au "hard landing" budgétaire macronien était le prix à payer pour ne pas être zappée par les Français. Le calcul va s'avérer catastrophique pour LR et pour la France, car faute de consensus, le dissensus parlementaire va occuper toute la place. Wauquiez, dehors, c'est assurément pour être candidat à la présidentielle, et il ne voudra pas être enrôlé de force dans cette galère. Il est peu probable que Horizons se satisfasse d'un seul ministre. Il suffisait de voir la tête d'Édouard Philippe à la sortie de Matignon. Le Modem boude sous cape et invite Cazeneuve à son université, pariant sur la suite. Quant à G. Attal et G. Darmanin, ils sont déjà dans l'hostilité au Premier ministre. C'est l'instabilité institutionalisée. La scène des partis se mettant plus ou moins d'accord avec Matignon pour la composition du gouvernement, alors que le président poireautait à l'Élysée, semblait tout droit sortie des actualités de la 4e République... La descente aux Enfers continue.

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4. L'échelle de perroquet militaire au Moyen-Orient

Israël vient d'inventer l'attentat en série. On aurait mis dans un film l'épisode de l'explosion de 2000 bipeurs, blessant 3500 personnes et tuant 35 responsables du Hezbollah ; tout le monde aurait crié au n'importe quoi. Israël n'est pas la nation de la Tech pour rien. Sa supériorité technologique dans la guerre avec les Palestiniens et leurs sponsors iraniens est totale. Non seulement l'État hébreu interdit aux missiles iraniens de s'écraser sur son sol ou ses villes, mais il est capable d'atteindre, au même moment, la nomenklatura de la milice chiite au Liban. Ce fait de guerre, cet attentat collectif, a tout de même causé des dégâts dans la société civile, dont des enfants, ne l'oublions pas. Avec l'assassinat du commandant des brigades d'élite du Hezbollah vendredi, tout démontre une fois encore qu'Israël a les moyens d'atteindre ses ennemis sans détruire complètement Gaza. Maintenant, il est peu probable, vu les dates d'acquisition par le Hezbollah des bipeurs, que cette opération ait été conçue après le massacre antisémite du 7 octobre et la prise d'otages par le Hamas. Elle confirme la stratégie du gouvernement israélien, tenu par l'extrême droite : le but ne sera jamais la paix, mais la sécurité d'Israël. C'est la grande différence stratégique avec un Rabbin, par exemple. Et la sécurité induit de réduire l'Iran, de lui interdire d'avoir accès au nucléaire militaire et de construire un espace sécuritaire autour d'Israël en brisant les milices iraniennes et en colonisant les terres octroyées aux Palestiniens. Cette orientation était à l'œuvre avant le 7 octobre. C'est d'ailleurs elle qui a conduit à minorer les préparatifs du Hamas. Au Liban, il ne s'agit pas de défaire le Hezbollah, mais de le faire reculer, comme le prévoit la Résolution 1701 des Nations-Unies. Israël estime que c'est aux Libanais, aux États-Unis et à la France de régler ce problème de la milice chiite. La grande question du gouvernement Netanyahou depuis sa réélection, c'est la Cisjordanie. C'est là que vivent trois millions de Palestiniens et résident les colons israéliens, base électorale de l'extrême droite israélienne. Conquérir la Cisjordanie, c'est de cela dont il s'agit.

Comme pousser les Palestiniens hors de Gaza, c'est pour le gouvernement Netanyahou régler définitivement, en tout cas pour un temps, la question palestinienne. Pendant le conflit meurtrier à Gaza, l'offensive en Cisjordanie a continué avec 700 morts et 10 000 Palestiniens arrêtés. L'opération "camp d'été" le 28 août à Jénine, Jubas ou Tulkarem, au prétexte de poursuivre les terroristes dans les camps de réfugiés, a été particulièrement sévère. Elle s'est combinée avec les incendies de cultures et d'arbres fruitiers par les colons, particulièrement à Bethléem ou Naplouse. La Cisjordanie, ce fut le commencement ; ce sera le but final de Netanyahou. C'est en quelque sorte un impératif stratégique, celui du grand Israël, une nécessité électorale, le ciment de sa coalition avec l'extrême droite, et un sauf-conduit personnel pour faire oublier ou relativiser ses turpitudes. Ce n'est pas un hasard si l'Assemblée générale de l'ONU a voté une résolution par 124 pour, 14 contre et 43 abstentions demandant la fin de l'occupation en Cisjordanie. L'opération bipeur a vraisemblablement été déclenchée plus tôt que prévu. Elle visait évidemment à désorganiser le Hezbollah dans une phase d'offensive militaire. Elle oblige maintenant l'armée israélienne à faire mouvement de toute urgence sur la frontière libanaise. La question de l'intervention est inscrite, mais elle se heurte au veto des Américains, aux signaux des Russes, à l'agitation turque et au refus de l'Iran et surtout du Hezbollah de s'engager frontalement dans le conflit. Et Netanyahou sait que son rapport conflictuel avec l'administration Biden ne doit pas dépasser certaines limites. Il a besoin d'une faute iranienne pour entraîner les États-Unis et la communauté internationale, de plus en plus réticente. Les Russes que Netanyahou ménage font pression, peu enclins à un embrasement. Le tournant vers les assassinats ciblés avait un but d'engrenage, l'élimination du général Zahedi en avril, puis le voyage aux États-Unis en juillet, ont débouché sur l'assassinat du chef du Hamas et d'un membre fondateur du Hezbollah. Mais l'Iran, humilié, n'a pas réagi de manière frontale. Certes, l'Iran a bombardé Tel Aviv, mais en sachant qu'aucun missile n'atteindrait pas sa cible. L'Iran intervient via ses milices, le Hamas ou le Djihad islamique à Gaza, le Hachd irakien, les Houthis au Yémen. Mais les réponses sont graduées, en tout cas mesurées sur l'échelle d'une guerre. L'Iran n'est pas pressé. Elle avait attendu après l'assassinat du général Soleimani. Mais ce n'est pas l'essentiel. Si elle a quelques problèmes domestiques avec le mouvement héroïque des femmes et la solidarité de la population des villes, elle ne souhaite pas voir son programme nucléaire détruit par l'aviation israélienne. Quant au Hezbollah, il a des intérêts propres. Il est évidemment inféodé à l'Iran, mais il est partie prenante de la société libanaise avec des députés et des ministres. Détesté par les Libanais, il a toujours pris soin de ne pas être expulsé par un mouvement de résistance nationale que les élites libanaises ont, elles, pris soin de ne pas construire au-delà d'une hostilité de bon aloi. Le Hezbollah est donc à la fois vindicatif et prudent, et le récent discours de Nasrallah le confirme. Les mots sont durs : "Israël sera châtié", mais la riposte est différée. Au fond, la milice se sait moins solide qu'on le dit. Nous sommes donc dans une phase d'échelle de perroquet militaire. Chacun monte d'un cran, mais ne déclenche pas l'irréparable sans totalement maîtriser le processus. Car les objectifs vitaux des belligérants seraient bousculés par une déflagration régionale (la Cisjordanie pour Israël, le programme nucléaire pour l'Iran). Mais à ce jeu, nul ne peut prévoir les résultats de la stratégie de la tension ; elle peut à chaque instant déraper d'un côté ou de l'autre. En tout cas, les États-Unis ne veulent pas ouvrir un nouveau front au moment où les manœuvres militaires se font plus fortes en mer de Chine, où la tension est maximale avec les missiles de la Corée du Nord sur la Corée du Sud. Là, pour le coup, les États-Unis seraient en première ligne, vu leurs accords militaires. Mais cette configuration de fronts multiples pour les Américains peut être propice à une certaine autonomie des acteurs au Moyen-Orient et conduire mécaniquement à l'affrontement régional, prélude à une confrontation générale ? Chaque semaine, nous faisons un pas de plus en ce sens.

À dimanche prochain.