951 Jours de Guerre en Europe
1. Netanyahu au bord du gouffre ; 2. RN LFI de la Hiérarchie des risques ; 3. Front Républicain au second tour ; 4. Que veulent Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? ; 5. Ami.e, entends-tu le bruit sourd de nos voix dans la plaine.
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1. Netanyahou au bord du gouffre
En observant le débat français, particulièrement celui de la France insoumise, on finit par se demander s'il n'y aurait pas la paix à Gaza. Disparues les manifestations et le drapeau palestinien affiché partout, mis à part un rassemblement à Montreuil où ils étaient nombreux et on peinait à voir un drapeau français. Les sorties de Rima Hassan se font plus rares si ce n'est dans le même meeting. Mais c'était surtout pour appeler au combat "anti-raciste racisé" et stigmatiser les traîtres à la cause mélenchoniste. La question palestinienne était donc bien une instrumentalisation du malheur des Palestiniens à des fins électorales. Pourtant, le drame continue avec son cortège de souffrances et de morts mais aussi de risques d'élargissement du conflit au Liban. L'armée israélienne vient d'adopter, dit-elle, "des plans opérationnels en vue d'une offensive au Liban" à tel point que les États-Unis ont dépêché en urgence leur représentant Amos Hochstein pour tenter d'arrêter l'engrenage. La fuite en avant meurtrière de Netanyahou continue pendant que le Hamas refuse obstinément le plan de paix de Biden. La démission de Benny Gantz du cabinet de guerre, sa dissolution, le retour donc au centre du dispositif de l'extrême droite israélienne, la publication du rapport de l'unité 8200 du 1er septembre informant le gouvernement Netanyahou de l'imminence d'une offensive du Hamas en vue de capturer 250 Israéliens, les manifestations monstres contre la conduite de la guerre par le Premier ministre israélien menacent son gouvernement et ne présagent rien de bon pour l'avenir de ses membres. Nous ne sommes pas loin du point de bascule en Israël. Netanyahou et son gouvernement sont au bord du gouffre.
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2. RN LFI de la Hiérarchie des risques
C'est E. Macron qui en son temps refusait de mettre sur le même plan LFI et le RN. Le soir de sa réélection, le président déclarait savoir ce qu'il devait à la Gauche en général et aux Insoumis en particulier. Il tancait plus tard la Première ministre E. Borne pour avoir osé dire que le RN était pétainiste. Puis J.-L. Mélenchon créa "un climat antisémite" en instrumentalisant l'émotion légitime des massacres de Netanyahou à Gaza à des fins électorales. Il refusa de caractériser le Hamas de terroriste et le 7 octobre de pogrom antisémite. Et ce fut la dissolution à la suite des résultats de l'élection européenne. La question du Rassemblement National d'une part et de l'antisémitisme n'a pas conduit, comme l'espérait l'Élysée, à une division à gauche, promesse d'un succès des macronistes.
Dans ce récit, la communauté juive, de nombreux intellectuels, des citoyens de gauche se sont divisés. Pour certains, il faut refuser le nouveau Front populaire à cause de l'alliance avec LFI ; pour d'autres, il faut dire ni RN ni LFI ; pour d'autres encore, il faut soutenir le nouveau Front populaire ; et enfin, pour Serge Klarsfeld, il faut voter RN plutôt que LFI au second tour. Prenons cette position extrême pour répondre à cette raison du rejet du nouveau Front populaire. Abordons d'abord la nature du RN. Est-ce qu'un RN qui n'affiche plus son antisémitisme traditionnel suffit à modifier sa nature xénophobe ? Est-ce que dans ces conditions il ne serait plus d'extrême droite ? Est-ce que la nature d'extrême droite est avant tout liée à la seule question de l'antisémitisme ? Nous ne le pensons pas.
Ce n'est pas négligeable au vu de l'histoire du 20ème siècle, évidemment. Cela distingue les partis fascistes antisémites de l'entre-deux-guerres du national-populisme contemporain. Mais nul ne peut ignorer que le nationalisme d'exclusion remplace, tout du moins en apparence, la communauté juive par le grand remplacement arabo-musulman. La préférence nationale, devenue priorité nationale, ADN du pétainisme, est la source de cette extrême droite contemporaine. La discrimination qui s'en suit remet en cause l'égalité des droits et nos principes républicains. Elle tente de s'imposer au cœur de l'État avec l'instauration d'un différentialisme selon les origines des Français ou des migrants. Il n'est pas impossible de penser qu'un corps dédié dans la police s’occupera des migrants et que des mesures d'exception seront instituées pour ces derniers, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui contrairement à ce que disent les wokistes. Et cette logique débouchera immanquablement sur l'antisémitisme. D'ailleurs, Marine Le Pen dit défendre Israël et les Juifs alors que son proche entourage manifeste avec les identitaires antisémites. Et son parti investit des antisémites notoires comme Joseph Martin dans le Morbihan, qui déclare sur X : "le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah" puis le désinvestit en urgence.
Mais le chasseur des criminels nazis nous donne une clé pour une position étayée. En effet, son jugement tient à l'urgence du danger. Il n'adhère pas, me semble-t-il, aux thèses de l'extrême droite et n'a pas succombé au charme de Louis Aliot. Pas plus que nous adhérons à la radicalité intersectionnelle de Jean-Luc Mélenchon. Pour Serge Klarsfeld, le populisme de gauche réactive un danger antisémite dans les banlieues. L'urgence principale est là pour lui. Et il faut combattre ce risque, fût-ce avec des anti maghrébins xénophobes. On comprend que nombre de Français le pensent. Et à l'évidence, l'antisémitisme n'est pas résiduel. Le viol d'une jeune fille à Courbevoie parce qu'elle était juive est un acte épouvantable qui le confirme. C'est donc l'urgence du risque qui sous-tend le raisonnement.
Laissons de côté le débat sur LFI, « premier parti antisémite de France », même si avec le candidat insoumis envoyé contre R. Guarrido dressant des listes de Juifs, Mélenchon aurait voulu qu'on le pense, il ne s'y serait pas pris autrement. Mais concentrons-nous sur l'urgence pour la République. Qui risque d'être majoritaire et de gouverner la France demain ? Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen ? LFI aura-t-elle autant de députés que le RN ? LFI c'est 10% aux Européennes et le RN 32 avec 5% de réserve de Reconquête et les deux tiers de l'électorat de LR. Le RN peut gouverner alors que LFI ne peut même pas gouverner la gauche et n'aura jamais le vote de confiance de la totalité de la gauche, contrairement à Bardella-Ciotti-Maréchal pour le RN. Le total gauche aux Européennes est de 31,67%, le meilleur sondage aujourd'hui est de 28%. Où est la vague qui va l'imposer ? Il y a donc une hiérarchie des risques. Il y a une urgence à bloquer les uns et à contenir les autres selon un principe simple : ne jamais laisser la France à Marine Le Pen ni laisser la gauche à Jean-Luc Mélenchon. Ce qui, vous avouerez, n'est pas de même nature. Défaire le RN, ce n'est pas mettre la France insoumise au pouvoir, c'est sauver la République. Il ne faudrait pas que occupés à débusquer les antisémites, et ils existent, nous laissions passer les xénophobes. Après, il y a un parti qui menace la République et des candidatures LFI non conformes à l'éthique de la gauche. Ce n'est ni du même registre ni de la même urgence. Si E. Macron a mis une partie de la France dans ce choix cornélien et doit être sanctionné pour cela, la réponse est dans "l'urgence" de repousser ce qui menace concrètement et prioritairement la République.
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3. Front Républicain au second tour : retrait du candidat républicain arrivé deuxième
À 8 jours d’un scrutin qui peut voir l’extrême droite au pouvoir ou rendre la France ingouvernable, ce sont les deux issues possibles suite à cette folie présidentielle. Trois blocs se sont constitués et la participation est en progression. A priori, en ce jour, l’extrême droite est quatre ou cinq points devant le nouveau front populaire qui ne fait pas le total gauche aux Européennes et donc moins que le standard de celle-ci. Enfin, le parti présidentiel ferme la marche, sonné par une dissolution à laquelle il ne s’attendait pas, emprunté comme toutes forces au pouvoir et lesté par l’impopularité présidentielle. Ce rapport de force induit un RN au deuxième tour dans la quasi-totalité des circonscriptions. Le nouveau front populaire et l’alliance macroniste se partagent les secondes places. Alors si l’on ne veut pas de l’extrême droite au pouvoir, il faut tout à la fois un front républicain au deuxième tour et bannir les triangulaires qui ne peuvent que conduire à l’élection de l’extrême droite.
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4. Que veulent Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ?
Dans un monde et une Europe confrontés à une vague nationaliste, à la montée de l’illibéralisme, à des guerres, la France, très affaiblie sur le plan économique, abîmée sur le plan social, et déchirée sur le plan républicain, voit venir la possibilité d’un gouvernement d’extrême droite ou le spectre du chaos. Nombreux sont ceux qui ne prennent pas la mesure de ce diagnostic et ne pensent qu’à faire, pour paraphraser le général de Gaulle, "leur petite soupe dans leur petit coin". Tout le monde suppute sur les résultats possibles. Tout le monde court en tous sens, les ressentiments, les amertumes et les peurs en bandoulière. Tout le monde redoute le choc mais, fasciné par celui-ci, multiplie les raisons de ne pas agir pour le conjurer, mâchouillant sans cesse le vieux chewing-gum sans goût de leurs ressentiments. Les républicains n’ont ni feuille de route ni de route tout court pendant que les populistes campent sur les marges. Cela ressemble à s’y méprendre à la crise de la IVe République. Le RN et la France Insoumise ont pris la place des gaullistes et des communistes, prenant en tenaille une impossible troisième force qui se déchire. Ici, après la décomposition du PS et des néo-gaullistes, c’est le centre qui implose. La Ve République ne contient plus la crise politique, elle la précipite, laissant une classe politique hagarde dans un sauve-qui-peut général.
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont eux un point commun : ils pensent déjà à la suite dans le vortex de la situation française. Pour l’inspiratrice de l’extrême droite française, il faut mobiliser et anticiper. Mobiliser son camp, c’est le sens du nouveau discours de Jordan Bardella : une majorité absolue sinon rien. Elle a peur de gagner mais elle ne veut pas perdre alors que se réactive à toute vitesse l’anti-lepénisme qui pourrait gangrener sa présidentielle. Elle voit en même temps l’absence de marge de manœuvre économique avec l’ardoise des déficits colossaux dont le Président Macron pourrait lui faire à terme porter la responsabilité devant l’Histoire. La décision de Bruxelles d’instruire une procédure de déficit excessif pour la France, la dégradation des notes des agences de notation, les secousses de la bourse ne laissent pas beaucoup de place à autre chose que la rigueur budgétaire. Pour tenir pendant trois ans sans trop contrarier son élection à la présidence de la République, il lui faut une majorité forte et stable. Elle sait tout autant l’impossibilité d’organiser un référendum sur la modification de la Constitution pour imposer sa politique xénophobe vis-à-vis de l’immigration. Enfin, le risque pour son protégé Bardella, c’est la dialectique de la violence entre les ultra-libérés par sa victoire et les radicaux à gauche mobilisés par celle-ci. Mais elle n’est pas maîtresse des horloges électorales. Les portes du pouvoir s’entrouvrent quoi qu’elle en pense, quoi qu’elle dise, quoi qu’elle espère. Comme on dit parfois au football, elle n’est pas maîtresse de son destin... Elle anticipe donc en réduisant la voilure programmatique. Il s’agit de préparer "la melonisation au pouvoir" en cas de victoire. Mais aussi de construire une cohabitation de combat pour, pendant trois ans, faire porter la responsabilité de tout à Emmanuel Macron. En attendant, il s’agit par une déroute du président de créer les conditions de sa démission. Résumons, à partir du moment où le RN ne maîtrise pas le résultat, il faut la déroute du camp présidentiel pour que se pose clairement la question de la démission ou que le maintien du président apparaisse comme une volonté de pourrissement. Se maintenir après avoir installé l’extrême droite, cela sera politiquement et moralement très difficile pour le Président Macron. Mais démissionner ouvrirait une présidentielle sur une dynamique de l’extrême droite. Si le président jetait l’éponge, la majorité d’extrême droite servirait Marine Le Pen présidente puisqu’elle ne pourrait dissoudre. C’est donc pour elle soit la démission et la route du pouvoir, soit le refus de démissionner du Président et le sauf-conduit l'explication de l’avenir et d’un pouvoir contraint. Elle a sa martingale en cas de victoire, car si elle n’a pas de majorité absolue, sa progression spectaculaire et la difficulté de trouver une majorité lui offrent un terrain pour alterner appel au peuple et fausse responsabilité idéale pour atteindre la présidentielle.
À l'autre bout de l’échiquier, le "raminagrobis" de la vie politique française a sauvé l'essentiel et réglé l'accessoire. Il peut rentrer dans sa tanière pour lécher ses plaies. Jean-Luc Mélenchon a eu très peur au soir de la dissolution. Il suffisait d'un geste de Raphaël Glucksmann et Olivier Faure et le leader de la France Insoumise partait dans le décor. Avec 14 % aux Européennes, le PS était en droit de proposer une union autour de lui, les écologistes et le PCF auraient suivi ou se seraient divisés. Mélenchon aurait été une victime collatérale de cette union autour des réformistes de la gauche. La campagne acharnée contre Glucksmann lui interdisait un tournant unitaire crédible. Et l'angle d'attaque de Renaissance contre la gauche « tout sauf LFI antisémite » tombait à l'eau, enclenchant une dynamique pour la gauche réformiste. Mais sauvé par le gong écologiste, conforté par le ralliement enthousiaste d’Olivier Faure, qui voulait sauver son siège et se débarrasser de Glucksmann, Jean-Luc Mélenchon a sauvé un groupe LFI au parlement. Il en a profité pour faire le ménage dans ses opposants internes. Il s’agissait moins de les faire battre que de les exclure de fait de la France Insoumise. Mélenchon recule en bon ordre pour affronter la période de longs désordres qu’il attend avec un groupe parlementaire de moines-soldats prêts à manœuvrer au clairon. Le président de la Fondation La Boétie a par ailleurs lancé des ponts pour construire un pôle des radicalités dans ou hors du nouveau front populaire auquel il ne croit pas du tout. Il a arrimé à lui les frères ennemis du trotskisme, le POI et le NPA, ainsi que tout ce qui traîne comme "anti-faf" et pro-palestinien plus ou moins antisémite jusqu’à des fichés S. Il observe de son fortin bolivarien, ainsi sécurisé, le jeu se mettre en place à gauche : d’abord le triumvirat Tondelier-Ruffin-Faure, agrémenté de quelques-uns de ses anciens généraux félons. Notons au passage qu’Olivier Faure a changé une fois de plus de tête de gondole en troquant Glucksmann pour Ruffin. Ensuite, François Hollande va tenter de cristalliser la gauche responsable parlementaire. Mais rien ici, pense-t-il, ne devrait contrarier son leadership sur la rue, les quartiers ou la radicalité. L’avènement de l’extrême droite lui offrirait un terrain idéal d’un affrontement frontal. Il a maintenant les troupes pour cela. Pourtant, lui aussi n’est plus capable de jauger son rapport à la gauche et au pays. Il croit à la martingale populiste de Trump et à son hégémonie sur les couches populaires protestataires. C’est une stratégie de citadelle assiégée, délaissant de fait ce qui fit son succès : la possibilité d’être le vote utile pour la gauche. Le voilà durablement cornerisé par ses excès. Mais il a fixé sa stratégie pour "la période" : nourrir et se nourrir du chaos et camper sur les 10 % à 12 % de l’électorat qui le rend, pense-t-il, incontournable, par exemple pour les municipales dans les villes des écologistes. Il fera le bruit nécessaire pour cela. Il en est persuadé : entre lui et le RN, il n’y a rien d’autre que de la limaille qui devra choisir entre Marine Le Pen et lui. Pourtant, les Européennes ont signé la fin programmée du mélenchonisme. Il n’a pas réussi à supplanter le PS et son maintien via la question palestinienne lui a énormément coûté dans la gauche hors la gauche. Si Marine Le Pen s’est banalisée, Jean-Luc Mélenchon s’est diabolisé. Et dans ces conditions, il ne sera incontournable que si on va le chercher. Ils sont de moins en moins nombreux à vouloir le faire et de plus en plus nombreux à vouloir faire leur vie sans lui. Il ne fascine plus, il fait peur. Il était le prêcheur du peuple. Il est devenu l’empêcheur du peuple. Et la gauche est à la recherche d’un repreneur. Il se forgera dans les événements qui vont secouer la France.
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5. Ami.e, entends-tu le bruit sourd de nos voix dans la plaine ?
Un quarteron d'anciens socialistes macronistes lance un appel aux sociaux-démocrates du PS : "Ami, comment as-tu pu ?" pour s'étonner de leur soutien ou participation au nouveau front populaire. Mes amis exigent une gauche tellement pure qu'ils l'ont depuis longtemps quittée.
Cher.e ami.e ! En fait, on ne parle jamais que de soi, disait Mauriac pour l'écriture, Lacan pour l'inconscient, et Deleuze pour la philosophie. En un mot, si je puis dire, j'ai l'impression que cette missive est un tardif remords de votre départ. J'étais votre premier secrétaire du PS lorsque vous l'avez quitté pour rejoindre E. Macron. Ce n’est pas le cas de tous les signataires, j'en conviens, mais pour la plupart, j'étais malheureux et étonné de votre fuite devant la défaite, vous qui deviez tout à ce parti. Il vous avait fait et vous le quittiez sans un regard. Mais bon, je vous imaginais préoccupés par un second tour Fillon-Le Pen et fidèles à vos valeurs. Je décidais de mon côté de garder la vieille maison en faisant voter le 1er juillet 2017 un "ni Macron ni Mélenchon", certain que le PS se referait dans ce double refus. Puis, j’aidais les premiers pas d'une nouvelle génération dont je regrettais publiquement sa subordination à Mélenchon aux législatives de 2024. Mais vous ne pouviez m'aider, à part F. Rebsamen, vous voguiez déjà sur d'autres rivages ensoleillés. Je vous imaginais macronistes de gauche. Je fus déçu qu'aucun d'entre vous ne manifestât sa réprobation contre la loi de notre regretté Gérard Collomb sur l'immigration. Je me disais que la loi Darmanin sur le même sujet aurait mérité une rupture car je ne vous imaginais quand même pas voter avec l'extrême droite. Je fus tout autant hébété de ne pas vous voir réagir au refus du président Macron de manifester contre l'antisémitisme après le 7 octobre, donnant l'impression que l'État s'en lavait les mains, et ouvrant ainsi une brèche où d'autres allaient s'engouffrer. Cela faisait beaucoup pour des "sociaux-démocrates" même marranes. Mais bon, je pensais que vous aviez été habiles à changer de cheval, que vous cédiez souvent à l'air du temps et à la nécessité de ne pas contrarier le président... sûrement une vieille habitude de courtisans. Par contre, pour le social, je me disais que, vu le parcours de certains d'entre vous venant de la gauche des socialistes, vous feriez contrepoids à la droite macronienne, Édouard Philippe, Bruno Le Maire ou G. Darmanin avec qui vous siégez et qui avaient durement combattu la gauche à laquelle vous apparteniez. Je pensais cela possible et utile, si ce n’est pour la gauche, au moins pour les Français les plus en difficulté de notre pays. J'ai été pour le moins perplexe face à une politique fiscale pour les plus riches, les 450 milliards de cadeaux fiscaux. Pourtant, vous aviez de très nombreuses fois expliqué en tant que socialistes que cela ne marchait pas économiquement, mais politiquement cela fait marcher le RN. Honnêtement, je ne vous connaissais pas cette appétence pour la théorie du ruissellement chère aux ultra-libéraux. Mais je n'étais pas au bout de mes peines lorsque je vous ai vus avaler tout rond la réforme des prud'hommes qui facilite les licenciements sans créer d'emplois, la réforme des retraites qui ne règle rien mais jette dans la rue les syndicats réformistes, et la réforme de l'assurance chômage qui réduit un peu plus l'assurance sans pour autant régler notre problème budgétaire. Je sollicitais par ailleurs certains d'entre vous espérant un front républicain contre l'extrême droite et je constatais tristement que vous utilisiez votre gloire passée à gauche pour faire la leçon avant de vous ranger, je suppose, derrière E. Philippe. Il s'agit certainement d'un homme d'État, mais j'ai du mal à percevoir l'attache avec Blum, Mendès ou Mitterrand. Mais bon, il vient de rompre spectaculairement avec E. Macron, alors peut-être ? Vous n'allez quand même pas être le dernier carré du macronisme. B. Le Maire parle des cloportes autour du président, Bayrou demande de démacroniser les législatives, pendant que G. Attal le zappe littéralement, le macronisme vit ses dernières heures. Franchement, il ne faut pas s'accrocher. D'ailleurs, je prends votre lettre ouverte comme une contrition et peut-être même comme l'amorce d'une main tendue. Ne vous inquiétez pas, il y aura toujours une bonne soupe à la maison. Mais ne tardez pas trop. Le mauvais temps menace et il ne permettra bientôt plus une sortie, même sous le manteau.
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