1100 Jours de Guerre en Europe

1- Les deux Amériques irréconciliables ; 2- PS congrès mode d’emploi ; 3- Le jeu de Go chinois ; 4- Barnier ou la stratégie de la chèvre de monsieur Seguin ; 5- La chute de la Maison Macron ; 6- Zelensky fait tapis !

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1- Les deux Amériques irréconciliables

Entre la sortie de Barack Obama sur les couches de Donald Trump et celle de Kamala Harris indiquant qu’elle prendrait des ministres Républicains, on sent que les Démocrates haussent le ton et tentent de faire basculer le match, tirant le bilan de la fin de campagne de H. Clinton jugée à l’époque trop lisse. Mais ces sorties indiquent aussi une certaine incrédulité devant le constat d’un Trump à touche-touche avec la candidate Démocrate. Il faut le dire, Trump est un symptôme tout autant qu’une offre baroque. Son populisme répond à la demande d’une partie des États-Unis, car nous vivons une nouvelle guerre civile américaine. Elle est plus symbolique dans les mots que militaire, mais a failli basculer dans une autre dimension avec la prise du Capitole par les partisans de Donald Trump.

Deux camps se font face, un mur d’incompréhension les sépare. Ils s’équilibrent électoralement. L’un accuse l’autre de vouloir attenter à la démocratie, l’autre de liquider l’Amérique. Et sur le plan électoral, tout va dépendre des indécis, de moins en moins nombreux. Comme entre 1861-1865, ce sont deux Amériques qui s’opposent. Comme pendant la Guerre de Sécession, il y a un prétexte et un contexte. Alexis de Tocqueville soulignait justement l’arrière-plan du conflit : « Nous n’arrêtons pas de gamberger sur les horreurs de l’esclavage, or nos néophilanthropes nordistes ne jouent-ils pas avec la vie de leurs ouvriers tout comme le font les sudistes avec les esclaves. » Il soulignait ainsi que derrière l’apparence des choses – la lutte contre l’esclavage – il y avait une confrontation matérielle entre le Sud esclavagiste, agricole et nécessairement libre-échangiste, et le Nord abolitionniste, industriel, protectionniste.

L’affrontement actuel entre le trumpisme Républicain et le progressisme Démocrate recouvre là aussi une mutation-confrontation. Les États-Unis ont été le continent du capitalisme industriel par excellence. Le fordisme – au passage antisémite finançant le KKK – a donné l’avantage concurrentiel à celui-ci avec un paternalisme social mais sans droits sociaux, contrairement au capitalisme européen borduré par les conquêtes sociales. L’organisation du travail, fondée sur la flexibilité, sans SMIC ni assurance sociale, dopée par une énergie à bas prix due à l’alliance avec l’Arabie Saoudite, a conduit à une réussite économique à nul autre pareil. Mais cette expansion s’est heurtée à l’atelier du monde chinois et aux « dragons asiatiques » à bas coût. La financiarisation de l’économie, dont on vit les aspects désastreux avec les subprimes, et la révolution de l’immatériel, nouveau stade du capitalisme, mobilisant moins de main-d’œuvre et détruisant du capital industriel et humain, ont conduit à l’émergence d’un néo-capitalisme à l’intelligence artificielle.

La fiscalité faible et le dollar fort ont drainé les capitaux de la planète pour financer ce nouveau stade, provoquant un véritable Mezzogiorno sociologique : l’agriculture réduite à 1,1 % du PIB, l’industrie à 19,4 % alors que les services explosent à 79,5 % du PIB. Comme dans la plupart des pays industrialisés, la densité sociale des ouvriers et l’industrie reculent pendant que l’immatériel domine. Dans le même temps, 1 % des Américains contrôle 45 % des richesses, alors que 15 % de la population, c’est-à-dire 50 millions de personnes, sombrent dans la pauvreté.

C’est la tension entre ces deux formes de mode de production capitaliste et leurs conséquences qui poussent une grande partie de la population à détester les élites urbaines, les WASP et leur mode de vie, tandis que ces derniers ne les intègrent plus dans leur champ de vision. Trump est l’expression de ce profond ressentiment. C’est pour cela que les performances économiques en termes de croissance de l’administration Biden ne touchent pas une grande partie de l’électorat de Trump. Et ces derniers sont dans une lutte à mort pour protéger ce que fut pour eux le siècle américain.

Trump n’a pas créé ce séisme. Il en est le réceptacle, sa manifestation spectaculaire. Et le soutien de E. Musk ne change rien à l’affaire. Au mieux, il tempérera les passions belliqueuses anti-chinoises de l’ancien président vu ses usines en Chine. Trump, comme l’étaient Berlusconi ou B. Johnson en Angleterre, s’est installé sur une faille et lui a donné de la visibilité. Tout à la fois vecteur et révélateur de ce qu’elle recouvre.

Le film Apprentice d’Ali Abbasi sur la jeunesse de Trump et son pacte faustien avec Roy Cohn, l’avocat du maccarthysme, nous donne une clé. Ce dernier inculque à un fils de milliardaire, inculte, décervelé, fasciné par les élites, les rudiments de la pensée nationaliste et anticommuniste qui avait sévi dans l’après-guerre. Il lui apprend le cynisme absolu au seul service de l’Amérique, dénaturée par toutes sortes de choses. Premièrement, ne jamais abandonner. Deuxièmement, contre-attaquer immédiatement. Troisièmement, revendiquer toujours la victoire. La créature Trump lui échappera, car il fera de "lui" même la finalité de cet apprentissage.

Il n’empêche, R. Cohn est l’homme qui a requis la peine de mort pour les époux Rosenberg en 1947 et vit en contrepoint l’émergence du courant progressiste. Il est une composante de cette Amérique nationaliste comprimée par l’extension des Trente Glorieuses. Cette Amérique profonde que l’on voit dans Easy Rider. Ce courant s’exprima avec George Corley Wallace Jr, premier vrai populiste instrumentalisant le racisme comme moyen électoral. Ils eurent comme héros Nixon, Reagan et les Bush. Il a été symboliquement et politiquement défait par la victoire d’un Noir : Barack Obama. Et ce succès a provoqué un retour du refoulé issu de la guerre de Sécession, du KKK et du refus de l’émancipation et des droits civiques.

On se souvient que le premier « succès » dans l’opinion de D. Trump fut la mise en cause de l’acte de naissance américain de B. Obama. Ce populisme réactionnaire mais préexistant à Trump a pris son envol en rencontrant les frustrations et l’amertume d’une Amérique qui voit s’éloigner ses valeurs agricoles et ouvrières, et les petits blancs relativisés par la pression migratoire. Elle regrette sa puissance d’antan et le recul du monde occidental. Comme les failles sismiques dues au choc de deux plaques, elles provoquent séisme et jet de magma. Il est assez aisé d’en faire la sociologie. Le populisme trumpien n’est populaire que parce qu’il catalyse les résistances d’une vieille Amérique à la modernité.

Nous sommes dans un moment de bascule où le mort saisit le vif. Si D. Trump annonce l’Amérique d’abord et le retour des entreprises pour conforter sa base électorale, K. Harris et ses équipes de campagne viennent de prononcer à Philadelphie l’idée d’un « capitalisme bienveillant ». Ils ont compris, semble-t-il, la nature du problème. Trump est une « passion américaine » portée par sa caricature. Ce n’est pas un individu délirant, en tout cas pas seulement, c’est la force matérielle de tous les perdants du monde nouveau. Il s’agit du paradoxe du moment américain. Le continent du Nouveau Monde est rétif à se voir imposer le monde nouveau.

Et la combinaison d’un irresponsable pour qui « ce qui est bon pour le business est bon pour l’Amérique », de néoconservateurs de retour, poussés par une partie d’un pays transcendé par la certitude de défendre l’identité américaine peut précipiter le monde dans l’abîme. Le 5 novembre se joue une étape dans cette « guerre civile ». D’abord, le résultat sera la base d’une contestation et c’est déjà un sujet, mais ses répercussions seront planétaires.

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2- PS congrès mode d’emploi

Faure laisse entendre que le Congrès du PS aura lieu en mai. La date ne laisse rien au hasard, elle est suffisamment proche d’une possible dissolution pour permettre d’y surseoir pour cause électorale, ou encore après la chute du gouvernement Barnier. O. Faure ne désespère pas de s’y substituer. Il suffit de voir sa boulimie de com’ tout azimut et très recentrée, comme par exemple des accents pasquaistes qu’on ne lui connaissait pas, contre le trafic de drogue. En attendant, le Premier secrétaire et ses amis font rouler les tambours à propos d’un Congrès déjà plié grâce à « une promotion Mélenchon ». Cette vague d’adhésions qui conforterait O. Faure. Ces annonces sont à mettre en rapport avec les deux derniers Congrès où les fauristes fanfaronnaient, annonçant urbi et orbi que les opposants étaient défaits, réduits, avant que le Congrès commence. Il est probable que nous serons très loin des 10 000 adhésions annoncées tout simplement parce qu’il n’y a aucune raison spécifique d’adhérer au PS, puisque tout le monde est pour l’union et tout le monde partage la quête de radicalité au NFP. Ce haka avant congrès est usé jusqu’à la corde. Le Congrès du PS sera difficile pour la direction sortante pour trois raisons. D’abord, l’identification de celle-ci à J.-L. Mélenchon, qui n’est plus au meilleur de sa forme. Ensuite, parce que la primaire "unitaire" sans Mélenchon se heurte à la primaire unitaire avec Mélenchon voulue par les écologistes. Enfin, parce que Mélenchon ne veut pas de primaire.

La question de l’efficacité de l’union sous pavillon insoumis sera au centre du Congrès. Tout simplement parce que l’argument « Il n’y a pas de plan B » au NFP ne tient pas, car il n’y aura pas de plan A. Le NFP ne désignera pas un candidat commun à la présidentielle, c’est maintenant une certitude. La question stratégique, la seule qui vaille, est simple : qui, au second tour, peut rassembler les Français pour battre Marine Le Pen ? Il faut donc revoir la stratégie, d’autant que les municipales ne nécessitent pas d’accord global : « à élection locale, accord local ». Déjà chez les amis de Faure, on s’interroge sur l’alliance avec Mélenchon : Bouamrane, Payan, Guedj, Carvounas, Brun ou même Sébastien Vincini. Il faut ajouter Patrick Kanner et Boris Vallaud qui sortent du soutien inconditionnel à Faure. Cela commence à faire beaucoup et un gros trou dans la coque fauriste. Il est d’ailleurs probable que le président du groupe à l’Assemblée se mette sur les rangs pour devenir Premier secrétaire. Et dans ces conditions, O. Faure préférera ne pas y aller ou repousser le Congrès. D’autant que l’union des courants sociaux-démocrates est en marche, tant à l’extérieur du PS au vu des invitations réciproques dans les initiatives de chacun qu’à l’intérieur du PS, où l’union pour une nouvelle direction du PS dépasse le rassemblement de Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, plébiscité dans chacune des sensibilités. Enfin, dans l’écosystème réformiste, tout le monde a compris que le changement de direction au PS est utile pour tout le monde. Nous sommes dans une conjonction objective et subjective qui rend le changement possible, si ce n’est probable. Ce Congrès peut être gagné. Jamais les conditions n’ont été à ce point réunies. Déjà, nombre d’anciens reprennent leur carte pour un dernier coup d’épaule permettant à la famille socialiste de reprendre son autonomie stratégique. La présidentielle est dans toutes les têtes, vu le chaos français. Le PS ne peut être le seul parti à s’y dérober. Le Congrès du PS doit dire qu’il y aura un candidat socialiste, pour moi social-démocrate, pour la présidentielle. Ensuite, il faut s’en donner les moyens par un Épinay 2. Comme en 1971, il faut rassembler les gauches qui partagent la volonté de refonder une gauche de gouvernement dans une formation commune, à la fois dans la continuité historique du PS mais dans la rupture politique, comme le fut le passage de la SFIO au PS. Tous ceux qui sont partis chez Macron, chez Mélenchon et en sont revenus ou sont déçus ont vocation à se retrouver avec ceux qui ont gardé la vieille maison, mais veulent revoir les fondations. L’objectif est de renouveler les réponses aux défis qui assaillent la France et les Français, de tenter d’être au deuxième tour de la présidentielle – ce n’est pas impossible vu l’émiettement du centre-droit et du discrédit de Mélenchon – pour affronter et battre Marine Le Pen. En tout cas, de retrouver une masse critique au Parlement en cas de désastre, et devenir le pivot d’une alternative crédible. Autant dire que ce Congrès a le parfum du rendez-vous avec l’histoire…

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3- Le jeu de Go chinois

L’opération "Épées unies - 2024 B" visait à un blocus de Taïwan par la Chine lundi 14 octobre. Xi Jinping suit ce qu’il a dit au congrès du Parti communiste chinois : « la réunification de la Chine est l’horizon de notre génération. » La seule question pour le Comité politique du Bureau politique du PCC est : quand ? 2027, pour l’anniversaire de la création de l’Armée rouge, ou 2030, pour celui de la République de Chine. Cette stratégie devrait durer vu le tournant nationaliste chinois, qui est un bon dérivatif aux conséquences du ralentissement économique, mais aussi une sécurisation de la route de la soie. Encore une fois, les Chinois font le pari que les Américains, vaccinés par la Corée et le Vietnam, mais aussi défaits en Afghanistan, ne risqueront pas la 3e guerre mondiale pour Taipei. Il s’agit donc lentement, mais sûrement, d’étouffer la proie. Et la violente intervention de D. Trump ce 16 juillet contre Taïwan, accusée de concurrence déloyale sur les composants électroniques – influence de Musk ? – démontre aux cercles du pouvoir chinois qu’il y aurait « moyen de monnayer », comme dirait Trump. Mais nous ne sommes pas à l’abri de gesticulations de part et d’autre faisant exploser la poudrière asiatique. En tout cas, la Chine vient de marquer un point dans ce jeu de GO. Elle a bloqué tous les ports de Taïwan, déployé 150 avions sans que les États-Unis puissent dire, mais…

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4- Barnier ou la stratégie de la chèvre de monsieur Seguin

Spontanément, dans notre enfance, la chèvre de Monsieur Seguin attirait notre bienveillance. On avait compris que le loup allait la dévorer. Et c'est pour cela qu'elle était sympathique, parce que courageuse de vouloir affronter le loup jusqu'au petit matin. Si Barnier ne transcende pas les données politiques avec son faible soutien dans les sondages, il n'est soutenu par personne, mais ne tient que parce que personne ne veut sa place. Et le RN a pour l'instant d'autres chats à fouetter. Il provoque chez les Français une forme de compassion au milieu de ce monde de brutes, sachant que Marine Le Pen y mettra fin un petit matin. Alors, le Premier ministre s'accroche à l'image de l'homme de bonne volonté qui écope les bêtises de Macron et tente d'éviter que tout le monde se mette sur la gueule. Il calme les uns, rassure les autres, espérant déclencher la sympathie. Au fond, il n'a qu'une tête à claques : G. Attal, qui veut à tout prix le maintenir attaché au piquet de son bilan : « On ne touche pas aux baisses d'impôts. » Le résultat est catastrophique, mais ce totem est tabou. Le flamboyant ancien Premier ministre, seul en sa principauté avec ses maigres 8 500 adhérents, a installé G. Darmanin à ses côtés sur les bancs de l'Assemblée pour faire bon poids. Alors il est le poil à gratter du Premier ministre. Ce faisant, il endosse le mauvais rôle macroniste et rehausse le bon rôle du Père tranquille, style "Noël-Noël" de Barnier. Il est vrai qu'il y a de quoi être consterné par le spectacle. La gauche cherche où est passé l'argent, Renaissance ne veut pas le rendre par une augmentation de l'impôt, LR veut des frappes ciblées mais refuse toutes celles qui sont proposées, le RN cherche le meilleur angle pour ne pas voter le budget. Le ministre de la Justice, Migaud D., menace de démissionner, celui de l'Intérieur, B. Retailleau, se balade avec sa loi Immigration en bandoulière sous les applaudissements de CNews. C'est le grand foutoir avec, au milieu, un Premier ministre tiré à hue et à dia qui semble dépassé. Et c'est précisément cette faiblesse qui fait pitié. Les Français identifient la France à ce Premier ministre, la mèche de plus en plus en berne, martyrisé, qui ne sait où aller, ânonnant « Calmez-vous ». Dans quelques semaines, ce sont les Français qui voudront abréger ses souffrances.

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5- La chute de la Maison Macron

La France insoumise obtient grâce à E. Ciotti la mise en accusation du président Macron, qu'ils n'ont pu imposer via une procédure parlementaire de destitution. La Commission d'enquête budgétaire est la machine de guerre d'un Parlement unanime se dressant de fait contre le président Macron. Il fait peu de doute que les révélations seront explosives et souligneront le « tel est mon bon plaisir » du monarque républicain. Il n'y a aussi peu de doute que B. Lemaire passera la patate chaude à l'Élysée, trop content d'avoir proposé en avril un collectif budgétaire rectificatif refusé par le Président. Mais ira-t-il plus loin sur les raisons de l'insincérité des comptes ? Chargera-t-il G. Attal pour protéger le Président qui, en contrepartie, l'épargnera… ? Redoutable ! Et donc, dans et autour de cette Commission, tout le monde fera le procès des années Macron et de sa philosophie libérale du ruissellement, sans oublier les soupçons de mensonges, de tromperies. La mise en cause va durer des semaines… Chaque déposition sera le moyen de mettre à nu le "régime" Macron, du jamais vu sous la Ve République. Ce procès de l'exécutif aura de lourdes conséquences. Il réduit un peu plus la légitimité du président, déjà très entamée après la présidentielle avortée, les législatives sans majorité absolue et le bilan définitivement ruiné avec la dissolution ratée. Elle va faire monter d'un cran la thèse de l'inéluctable démission de E. Macron. La charge de Manuel Valls, un peu coup de pied de l'âne (il est vrai, due à l'exil intérieur que lui a fait vivre Macron), fait image : « Il ne comprend rien à Israël », dit-il, mâchoire serrée, œil noir, rouge au cou, sur BFM, à propos du rappel par le président à Netanyahou du vote des Nations Unies créant l'État d'Israël. Il n'a pas totalement tort, le président, mais il passe allègrement sur la Shoah et la guerre des États arabes dès les premiers jours de cette décision. Pire, la sortie semble dire qu'Israël n'a qu'une légitimité de papier. Mauvaise querelle, surtout au mauvais moment, qui permet à Netanyahou de se draper dans la défense de l'État d'Israël, faisant oublier les massacres de Gaza, les tirs sur la Finul ou l'utilisation de boucliers humains qualifiée de méthode « incroyablement troublante » par les États-Unis. Manuel Valls, toujours avocat d'Israël, souligne, dans une déclaration dont il lit les flèches, que depuis le 7 octobre, le président de la République fait n'importe quoi, ruinant l'aura de la France à l'étranger. Cette attaque vient d'un ancien Premier ministre et délégitime le domaine réservé du Président en politique étrangère. Quant aux tentatives, 8 jours plus tard, de mettre cela sur le dos de ministres malfaisants, ce fut pathétique. Si tel était le cas, on imagine l'Élysée réagir dans l'heure qui suit ces révélations. La politique étrangère de Macron est une catastrophe qui ne saurait sauver son quinquennat. On pourrait évoquer une collection de bévues : le serment de défendre le président Bazoum au Niger, toujours en prison, le dialogue lunaire avec Poutine, les rebuffades de l'Algérie, ou la pantalonnade au Liban après l'explosion du port de Beyrouth, l'invraisemblable cécité face à la campagne anti-néocoloniale française en Afrique de l'Ouest et dans les outre-mer, etc. Le réquisitoire de Nicolas Baverez dans Le Figaro du 14 octobre, "La diplomatie, l'autre faille de E. Macron", est d'une terrible vérité. En fait, tout se passe comme si une procédure tous azimuts d'impeachment était « en marche ». Personne, absolument personne ne monte en défense du Président. Et surtout, Macron ne voit rien venir pour lui et pour la France. C'est fascinant, Zeus rend aveugles ceux qu'il veut perdre. C'est pourtant à son encontre un procès en légitimité à propos de la fin de son quinquennat. Et pour la France, la manifestation d'une décomposition politique qui touche la clé de voûte de la 5e République. De l'égratignure au risque de gangrène, car l'accusation d'incompétence et de mensonges touchera en retour tous les politiques, voilà qui ne saurait déplaire à l'extrême droite. Autant dire que cet épisode a une apparence, les déficits et l'insincérité des chiffres, mais une réalité : la chute de la Maison Macron et l'affaissement de nos institutions.

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6- Zelensky fait tapis !

Le mercredi 2 octobre, les troupes ukrainiennes se retirent de la ville de Vouhledar. Cette cité de 15 000 habitants est un carrefour stratégique pour les deux camps, car elle commande à l’est la route de Loubansk et de Donetsk, et au sud celle de Zaporijia et Kherson. Les Russes avancent à pas de tortue, mais avancent au prix d’une véritable saignée pour le contingent, au point, paraît-il, de faire appel à 10 000 soldats nord-coréens. Au point aussi où la Russie doit augmenter ses dépenses militaires à plus de 30 %. La défense héroïque des Ukrainiens n’est pas suffisante pour endiguer la marche russe. Et l’ouverture d’un nouveau front en Russie en direction de Koursk n’a pas déstabilisé les troupes de Poutine.

Devant l’inquiétude de tous, V. Zelensky fait tapis et décide de lancer son plan de paix, qui s’apparente à un plan de victoire. Il demande en conséquence un effort accru des capitales européennes et à Washington. Ce plan se heurte à de nombreux problèmes, d’abord sur le terrain où la position ukrainienne tient à un fil et la défense de Pokrovsk. Mais aussi au résultat des élections américaines. En effet, en cas de victoire de Trump, qui traite le président ukrainien de "plus grand vendeur de la planète", ce dernier appliquera le dernier conseil de H. Kissinger : la paix contre les territoires, c’est-à-dire ceux conquis par Poutine.

La situation internationale — Taïwan, la Corée du Nord, et la guerre au Moyen-Orient — requiert l’attention et les moyens américains. Et l’Europe n’est pas en capacité économique, budgétaire et militaire de s’y substituer. Cela n’a pas échappé à V. Poutine. Pour la deuxième fois en quelques mois, les services secrets allemands alertent sur la menace russe contre l’OTAN. Bruno Kahl, le patron des services d’espionnage et contre-espionnage allemand (BND), explique : "Le conflit militaire direct avec l’OTAN devient une option pour la Russie." Et quelques jours plus tard, comme par hasard, le chancelier O. Scholtz annonce qu’il est prêt à discuter avec V. Poutine pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. Zelinsky et Macron apprécieront. Il y a un mois, le même se proposait de réduire de moitié les dépenses afférentes à Kiev.

Personne ne croit à un affrontement direct avec la Russie, même si tout le monde voit que les Russes se préparent en Moldavie et en Géorgie. Il n’y aura pas d’offensive terrestre contre l’OTAN, ce n’est pas l’option de Moscou, même si le Kremlin veut récupérer les pays baltes pour soutenir Kaliningrad. Mais pour cela, les Russes peuvent privilégier la "guerre cognitive" : la déstabilisation, la subversion via les nouvelles technologies.

Une certitude, Zelensky est dans une grande difficulté militaire et diplomatique. Mais c’est l’avenir de l’Europe qui se joue sur les bords du Dniepr.