1007 jours de Guerre en Europe

1-     La stratégie criminelle de Mélenchon

2-     Que restera-t-il des JO ?

3-     Lucie in the Sky...

4-     Bernard Cazeneuve, forcément

5-     L'offensive Zelensky change la nature de la guerre

6-     Fin de partie pour Maduro ?

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1.   La stratégie criminelle de Mélenchon

Dans un texte publié dans le journal La Tribune du Dimanche, Jean-Luc Mélenchon et son état-major lancent une offensive hors du Nouveau Front populaire, révélant ainsi sa stratégie. Je vous l'avais expliqué, et là, Mélenchon tombe le masque. Il s'agit d'exiger que Macron nomme Lucie Castets ou se démette. Mélenchon espère dominer la gauche en cas de démission du président, ou, en cas de refus, l'entraîner dans une opposition frontale et quasi factieuse.

Dans l'état actuel du pays, où la droite est en décomposition, le macronisme en perdition et la gauche inféodée à Mélenchon (LFI a piégé le PS et les Verts en imposant une délégation commune le 23 août chez le président, et en lui donnant maintenant ce contenu). Cette stratégie conduit soit à accentuer la crise politique dans le pays, soit à la victoire de Marine Le Pen.

Criminel !

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2.  Que restera-t-il des JO ?

D'abord, qu'ils aient eu lieu. J'ai eu peur, je le confesse, qu'un attentat vienne les endeuiller. Le contexte international était redoutable et l'idée d'une paix planétaire pour quelques jours était fragile. J'ai, comme beaucoup, en mémoire les Jeux de Munich en 1972. Je ne sais si ce résultat positif est dû à une organisation sécuritaire optimale, ou à la décision des commanditaires potentiels, vu la réprobation qui s'en serait suivie ; ou encore au mot glissé à Xi Jinping par Macron pour Poutine, plaidant une trêve. Il est vrai que les Chinois voulaient terminer en tête en nombre de médailles d'or. Ce fut un moment de "grâce suspendue" où la France a pu aller jusqu'au bout de ses rêves, avec des jeux ouverts et inclusifs dans la ville et hors de la ville. Dès l'ouverture des Jeux, la séance inaugurale a donné à voir un modèle culturel français des jeux de la fraternité où le sport est vecteur d'ouverture intimement lié à la culture. Et la montée sur la plus haute marche dans la séance de clôture de la marathonienne musulmane Sifan Hassan des Pays-Bas, foulard sur la tête, image d'une Zatopek féminine qui a gagné 5000 m, 10 000 m et marathon, fut à rebours de l'histoire qui s'écrit partout dans le monde avec la montée des nationalismes d'exclusion. Cela a fait sursauter bien des féministes, des laïcs, mais dans l'olympisme, tu viens comme tu es. Alors ? Début d'une nouvelle ère ou dernier feu d'une culture d'égalité, de liberté et de fraternité ? En tout état de cause, ces jeux du "Care" feront date, pas seulement à cause du nombre de médailles françaises ; pas non plus en raison de l'enchantement du monde entier et de la presse unanime ; mais parce qu'ils furent une histoire d'histoires sportives ancrées dans l'histoire d'une vieille ville, "d'un vieux pays dans un vieux continent". L'idée de faire sortir les dieux du stade de leur Olympe pour les plonger dans l'histoire d'un pays – la Concorde, les Invalides, Montmartre, le Louvre – à l'instar de l'ouverture sur la Seine a immédiatement rendu le rendez-vous "populaire". Les jeux tournés vers la ville réintégrèrent le public dans le récit. La séquence sur le Pont des Arts en face du vieux palais Conti, aujourd'hui Académie française, avec Aya Nakamura dansant au milieu de la Garde républicaine est devenue virale. Elle illustre parfaitement le concept de ces jeux français : le sport – l’ouverture – la culture. "On n'a rien inventé, on a juste donné à voir ce qui était", dit Leïla Slimani, co-autrice de la cérémonie. Les organisateurs des JO ont renoué avec le "Paris est une fête" que décrivait dans les années 20 dans ses cahiers Ernest Hemingway. On a retrouvé à travers l'interaction des jeux et de la ville une respiration qui semblait perdue dans Paris, ville musée martyrisée par la lutte contre le tout-automobile. L'arrivée des courses devant la Tour Eiffel, le marathon public avant le marathon visitant les monuments de Paris, viendra au final souligner l'objectif. L'idée de faire une séance dans les jardins de Versailles, qui avait chiffonné certains avec les statues de Joseph Beuys, participait de la même veine : l'irruption de la modernité dans l'histoire figée de la mémoire. Mais pour que le jacobinisme parisien n'absorbe pas tout, Saint-Denis – Saint-Ouen, Marseille, Lille et Tahiti sont venus en contrepoint girondin. Le public fut donc au rendez-vous, les grincheux partis, les guincheurs ont applaudi. Les exploits sportifs français ont provoqué une spirale chauvine, bien dans l'air du temps. Cette quinzaine fraternelle autour d'une France enracinée, universaliste et inclusive va-t-elle marquer la vie française ? Le Président de la République le demande, on comprend pourquoi. Il est à la recherche d'une fidélité électorale, et souhaite faire des jeux sa tunique de Nessus. On pourrait aisément trouver un point commun entre la semaine du Front républicain et cette quinzaine de la fraternité. Mais avec E. Macron, rien n'est moins sûr. Il est fort décrié et maladroit avec la symbolique fraternelle. Et puis, comme le veut la légende, la tunique brûle celui qui la porte. Et les Français, revenus sur terre, vont modérément apprécier les tourments de la gestion macronienne à venir.

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3.  Lucie in the Sky...

Lucie Castets a écrit aux parlementaires pour les informer de sa méthode si elle était nommée Première ministre. Le texte est une apparente concession à ceux qui, à gauche, soulignent que n'étant pas majoritaire, cette dernière devait négocier. La missive annonce plusieurs points d'urgence en évitant les sujets qui fâchent comme le budget, les déficits ou la retraite, et plus étonnant, la question de la proportionnelle. Le refus de mettre à l'ordre du jour ce sujet clé est significatif. LFI ne veut pas lâcher la bride au PS et aux Écologistes. Et dans Le Parisien, la candidate abandonne dans son interview le programme qui devient une visée, un objectif, un horizon : exit le SMIC et la taxation à tout va. J'ai en mémoire quelques débats sur les chaînes de radio à ce sujet qui me font sourire. Mais elle fut immédiatement rappelée à l'ordre par LFI et dut rétropédaler. La Première ministre putative se déclare en revanche prête à convaincre sur les arêtes de sa lettre. Et là, on retombe dans une difficulté de méthode. Demander aux autres groupes d'être convaincus du bien-fondé des propositions de la gauche, ce n'est pas entrer dans des négociations pour soit élargir la coalition, soit négocier lesdites propositions. On en reste donc à une concession de forme. Le cartel refuse le débat de fond : "Comment faire vivre le Front Républicain" plébiscité par les Français. Ce forcing de dernière minute ressemble à un baroud d'honneur avant la campagne "Macron a trahi le vote des Français". Comme je l'ai expliqué la semaine dernière, cela n'aura qu'un temps. Il faudra ensuite trancher : opposition frontale ou opposition constructive, voire soutien sans participation à tout pas en avant aux "préoccupations de la gauche", pour paraphraser B. Cazeneuve.

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4.  Bernard Cazeneuve, forcément

L'hypothèque Lucie Castets levée, du fait de sa propre volonté ou par la dérobade du président Macron, les Républicains de l'Assemblée nationale et le président seront devant un problème. Comment concilier le fait que la gauche soit arrivée en tête au deuxième tour et le refus de Lucie Castets ? Et par voie de conséquence, comment éviter un gouvernement minoritaire de gauche ou de droite ? Un gouvernement de gauche minoritaire, car LFI refuse la coalition et les droites s'opposent au programme ou à la composition du Nouveau Front populaire. Un gouvernement de droite minoritaire, parce que même sans majorité, la gauche ne veut pas passer son tour et refuse les préconisations de la droite. Les gouvernements minoritaires sont des solutions de facilité sans lendemain. Ils tournent le dos à l'esprit du Front Républicain et ne prennent pas en compte les urgences du pays. Mais il s'agit aussi d'une dramatique erreur politique. Tout gouvernement minoritaire se place dans les mains du RN. L'extrême droite peut ainsi, à sa guise, devenir l'arbitre du Parlement. Elle peut censurer l'un ou tolérer l'autre. Elle peut gouverner par procuration en faisant la différence dans les votes. Elle peut décider du budget ou des lois qui lui sied. L'effet paradoxal des gouvernements minoritaires dans une Assemblée issue d'un Front Républicain contre l'extrême droite est de réintroduire par la porte l'extrême droite éjectée par la fenêtre. Pire, cette situation ruinerait le Front Républicain pour d'autres échéances sans que l'extrême droite ait eu à gouverner. Il faut donc que l'esprit de responsabilité souffle sur l'Assemblée et à l'Élysée. Alors, comment concilier le fait que la gauche soit arrivée en tête, qu'il n'y ait que des majorités de rejet, sans laisser la main à l'extrême droite ? Seul un Premier ministre venant de la gauche, ouvert aux préoccupations de celle-ci et suffisamment républicain pour ne pas être rejeté d'emblée par Ensemble et la Droite républicaine, peut répondre à l'équation. La gauche sociale-démocrate doit être lucide et prendre ses responsabilités. Ils ne sont pas nombreux à gauche à cocher les cases. Il y a surtout Bernard Cazeneuve. C'est même l'évidence Cazeneuve. L'homme s'impose, quoi qu'on en pense, parce qu'il est de gauche sans en être, et républicain sans être de droite. Cela ne peut fonctionner que si ce gouvernement n'est pas le faux-nez de l'un des deux blocs à l'Assemblée, et s'il fait vivre le Front Républicain, rien que le Front Républicain, tout le Front Républicain. La tâche est rude, mais l'homme a l'expérience des moments délicats. Cette sortie de crise nécessite d'abord que la démonstration soit faite de l'impossibilité pour la gauche de gouverner faute de majorité. Puis, le Président ne doit pas jouer à gagner du temps pour mieux casser la gauche et émietter la droite, comme sa proposition de rencontrer les groupes parlementaires le 23 août semble l'indiquer. Ce gouvernement n'est pas fait pour le rétablir mais pour rétablir la France. Ce gouvernement doit être un gouvernement d'entente, plus technique que l'addition politique. Enfin, surtout et avant tout, sa feuille de route républicaine doit créer d'emblée un chemin de crête. Celle-ci doit traiter trois urgences : l'urgence sociale en augmentant le pouvoir d'achat, l'urgence budgétaire en remettant de l'ordre dans les finances publiques, et l'urgence politique en dénouant la crise par la proportionnelle. Dans ces conditions, le gouvernement Cazeneuve serait un gouvernement de Concorde républicaine grâce au "soutien aux mesures sans participation" des groupes parlementaires. Le Front Républicain serait respecté, l'extrême droite ne pourrait pas peser, et les futures législatives seraient débarrassées de l'hypothèque populiste.

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5.  L'offensive Zelensky change la nature de la guerre

Sachant que la meilleure défense, c'est l'attaque, le président ukrainien a décidé de sortir du tête-à-tête où il peine à tenir dans le Donbass, pour une percée dans la région de Koursk, moins bien défendue par les Russes. Il ne s'agit pas d'une incursion, mais d'une vraie manœuvre militaire. Elle a surpris les troupes de Poutine, ce qui signifie que son renseignement est bien défaillant, ce qui est étonnant dans un État policier. C'est dans ce secteur que des milices russes pro-Ukraine avaient tenté d'ouvrir un deuxième front. Et pourtant, les militaires russes n'ont pas jugé bon de le renforcer, ce qui indique une sacrée faiblesse tactique de l'état-major. Les Russes semblent complètement pris au dépourvu et sans, pour l'instant, de ligne directrice. Poutine a beau caractériser l'événement de provocation, le dispositif russe a une grosse voie d'eau. Le maître du Kremlin veut dépêcher sur place son ancien garde du corps, Alexeï Dioumine, c'est tout dire. Cette offensive se combine avec un bombardement intensif de la région voisine de Belgorod. Une initiative de cette ampleur n'a pu se faire sans que l'OTAN et les États-Unis soient informés. Nous sommes loin des déclarations de Zelensky à un quotidien italien il y a quelques mois, indiquant qu'il se préparait à continuer seul. Et c'est dire aussi que la fameuse théorie du sanctuaire russe pour les États-Unis et l'OTAN n'est plus de mise. L'arrivée, venant de l'Europe du Nord et des États-Unis, des avions F-16 et des chars a permis de dégager des troupes et du matériel pour cette attaque. Si l'Ukraine cherche évidemment un choc psychologique dans le peuple russe et quelques règlements de comptes dans l'état-major, si l'objectif est le nœud ferroviaire et de munitions de Koursk, il s'agit tout à la fois de tenter de désorganiser l'offensive russe dans le Donbass et de conquérir des territoires bien utiles dans une négociation. Mais surtout, la démonstration est maintenant faite : la ligne rouge fixée par Poutine pour l'utilisation de l'arme nucléaire tactique si l'intégrité du sol russe est touchée tombe à l'eau. Cela va avoir des conséquences dans les anticipations stratégiques des Occidentaux sur le déploiement des troupes "d'instructeurs" ou le soutien logistique. Mais une tête de pont de 10 km de profondeur et 30 km de large, englobant 84 communes, dont le gros bourg cosaque de Soudja, et ayant conduit au déplacement de 110 000 Russes, doit être tenue si l'on ne veut pas produire un effet boomerang en Ukraine et dans la communauté internationale. Car la réserve russe, pour l'instant en état de sidération, est suffisamment puissante pour contre-attaquer. Sans que nous y prenions garde, occupés que nous étions à compter les médailles, il s'agit d'un moment décisif dans cette guerre où nous sommes passés d'une guerre de position à une guerre de mouvement, où il y aura un vainqueur et un vaincu.

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6.  Fin de partie pour Maduro ?

Il semble maintenant certain que Maduro a largement perdu les élections au Venezuela le mois dernier. Harcelé par une opposition de plus en plus massive, les États-Unis en profitent pour tenter de négocier avec Maduro un sauf-conduit en abandonnant toutes les poursuites à son encontre. Accusé de narco-terrorisme par Washington, les Nations Unies ont démontré qu'il était redevable de crimes contre l'humanité. Il a fait torturer et assassiner ceux qui refusaient ses diktats pendant une épouvantable répression digne de Pinochet. Ses opposants, Maria Corina Machado et Edmundo Gonzalez Urrutia, ont dû passer dans la clandestinité. L'ancien conducteur de bus et ministre des Affaires étrangères, qui a soutenu M. Kadhafi et Bachar el-Assad jusqu'au bout, est en outre poursuivi par la Colombie pour corruption et divers pots-de-vin. Il en est de même dans son propre pays, où on l'accuse d'avoir reçu 30 millions de dollars d'entreprises. Le successeur d'Hugo Chavez a gardé les méthodes autoritaires et le culte de la personnalité du "grand homme", comme le surnommait Jean-Luc Mélenchon. Mais Maduro n'a ni son charisme ni ses références intellectuelles pour la révolution bolivarienne. Le régime" madurien" est une simple dictature soutenue seulement par l'armée et la manne financière du pétrole ainsi que par la présence cubaine dans le domaine de la santé et de l'éducation. Le Venezuela traverse, sous son règne, une crise économique et sociale terrible. Le PIB s'est contracté de 80 % entre 2014 et 2021, la monnaie, le bolivar, a perdu 99 % de sa valeur, et 53,3 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. La référence à un Bolivar prolétarien de Chavez a cessé depuis longtemps de mobiliser les foules, le résultat des élections en a été la preuve. Malgré une fraude massive, les dernières élections ne lui ont pas donné la majorité, comme l'a démontré l'opposition. Son départ est de plus en plus évoqué à Caracas. S'il s'exilait, le Mouvement pour la 5ème République, devenu le Parti socialiste, s'effondrerait, et l'opposition, constituée d'un ensemble de partis unifiés par la lutte contre le régime, devra maintenir son unité dans le difficile combat pour sortir le pays de l'ornière sous le regard d'une armée chaviste.

A dimanche prochain.