2094 jours de guerre en Europe !
1. L’Aveu
2. LR : la naissance d’un deuxième RN
3. La guerre pacifique entre la Chine et les États-Unis
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1. L’Aveu !
On cherchait vainement les raisons de l’intervention du président Macron mardi soir sur TF1, quand tout à coup, à une question sur un éventuel retour cinq ans après avoir quitté la présidence, E. Macron répond ne pas y avoir réfléchi. Eh bien, voilà. Il n’a pas dit non, juste un « au revoir » en quelque sorte, moins grotesque que Giscard mais lugubre quand même.
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2. LR : naissance d’un deuxième RN
« La France penche à droite… le parti portera un candidat » : cette formule de Bruno Retailleau sur RTL résume la droite et dit tout de la situation politique.
La campagne pour la présidence de LR a été la plus à droite depuis la fondation du parti gaulliste. Et par là même, le ministre de l’Intérieur et le président du groupe L. Wauquiez ont fixé l’agenda futur de LR : « un deuxième RN » à la présidentielle.
Il s’agit là de l’application du plan Ciotti, le précédent président de LR passé au RN. « La même ligne que le parti lepéniste, mais nous, nous avons une culture de gouvernement » : c’est avec cette orientation que le député des Alpes-Maritimes avait provoqué la surprise lors des primaires pour la présidentielle, puis s’était imposé à la tête de son parti.
Wauquiez et Retailleau ne l’avaient pas suivi après l’avoir discrètement soutenu dans sa conquête. Ils étaient restés silencieux lors du Front républicain contre le RN, puis ont soutenu le « bloc central », refusant formellement l’alliance avec l’extrême droite. Mais aujourd’hui, cette campagne interne marque un tournant ciottiste dans l’histoire de la droite française. B. Retailleau a fait de l’obsession migratoire une identité, au point de ne plus être un ministre de l’Intérieur, mais le ministre des frontières. Il martèle le mantra de toutes les extrêmes droites : « la question migratoire est au cœur de tout ». Et l’homme qui devrait incarner l’État de droit est en guerre contre lui, refusant les décisions de justice européennes et réclamant un référendum modifiant la Constitution parce que la Constitution et l’Europe protègent les flux migratoires. C’est du Le Pen dans le texte. Wauquiez le suit – que dis-je, le précède – en déclarant par exemple à propos du gouvernement Bayrou : « S’il n’y a pas de projet de loi sur l’immigration, on ne peut pas continuer. »
Quel que soit le vainqueur ce dimanche à 18 h, la droite classique est maintenant sans parti, et la vocation de LR est d’être la réserve de voix au second tour pour le RN. C’est le sens de la déclaration de Wauquiez : « Rassembler de Gérald Darmanin à Sarah Knafo ». On imagine aisément le centre de gravité du dit rassemblement. De son côté, B. Retailleau annonce un candidat Les Républicains à la présidentielle. Il confirme les propos du président du groupe LR : « Je ne veux pas que Les Républicains se diluent dans la macronie ». Ils actent donc en chœur la fin du bloc central et leur intégration dans le bloc de la préférence nationale.
Valéry Giscard d’Estaing avait ouvert le bal avec son discours sur l’invasion, J. Chirac l’avait rejoint avec le « bruit et les odeurs », Nicolas Sarkozy sautait le pas avec son discours de Grenoble. Ce qui était des points est devenu une ligne. Le parti gaulliste n’est plus. Il n’y a même plus une résistance : tout le monde rame dans le même sens et joue à la surenchère à saute-mouton. Et ceci au moment où Villepin devient, dans le baromètre IFOP des personnalités pour Sud Radio et Paris Match, la première personnalité devant É. Philippe. L’hebdomadaire fait d’ailleurs sa une sur « La nostalgie J. Chirac » avec une photo du carré des fidèles où l’on trouve entre autres Juppé, Baroin, Villepin, mais ni Wauquiez ni Retailleau. Cherchez l’erreur.
La droite n’a plus de contour propre, elle n’est plus patriote mais nationaliste, elle ne défend plus la République mais l’identité, elle n’est plus sociale mais populiste, elle n’a plus de rivage à droite. L’immigration, rien que l’immigration, toute l’immigration : tel est le programme de LR, ethnicisant l’ordre, la justice, l’éducation et les mœurs. Quelles sont les raisons de ce renoncement ? D’abord l’incapacité à renouveler le logiciel de la droite après la chute du mur de Berlin et la substitution de l’immigration au communisme comme figure ennemie. Ensuite, la droite a enfilé le prêt-à-porter de l’extrême droite idéologique avec son triptyque Immigration–Insécurité–Identité, laissant au marché et au ruissellement la régulation sociale. Enfin, la droite est passée de la proximité idéologique à l’antichambre électorale de l’extrême droite. Et les déboires judiciaires de Marine Le Pen sont venus conforter cet alignement : le rêve, par un discours de proximité, de voir les électeurs du RN effectuer une « remigration » vers LR puisque M. Le Pen sera empêché et Bardella pas à la hauteur.
Le pari est donc l’effondrement de Bardella et… ? Bah, ils ne savent pas en fait ! Siphonner le RN au point d’être au second tour et… ? Demander l’alliance au RN résiduel ? Ou proposer à É. Philippe de faire barrage au RN résiduel ? Et si LR n’est pas au second – ce qui ne semble pas tout à fait délirant – alors ? Soutien au RN ou au candidat républicain ? La pensée stratégique de l’élite LR ne va pas jusque-là.
Un soutien de LR extrême-droitisé au candidat républicain de gauche est pour le moins improbable. Et pour le candidat républicain de droite, vous croyez que l’électorat de gauche va faire quoi face à ce ralliement ?
Cette stratégie de Gribouille est la marque d’une fin de cycle historique.
Le vainqueur du vote va hériter d’un parti sans identité, divisé – car le perdant n’aura de cesse que de remonter sur le ring –, partenaire junior de l’extrême droite. Ce n’est pas pour nous réjouir, car cette capitulation nourrit la vague national-populiste qui ne cesse de grossir et que l’on ne veut pas voir venir.
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3. La guerre pacifique entre la Chine et les États-Unis
Si le président des États-Unis est sans boussole autre que celle de l’argent – et accessoirement la sienne pour son clan familial – il suffit de voir les contrats passés pour des tours Trump, le cadeau d’un avion pour son usage personnel ou qui a profité des coups de Bourse suite aux annonces présidentielles sur les droits de douane. Mais les nouveaux réactionnaires américains (néo-conservateurs chrétiens, nationaux-populistes, techno-autoritaires) ont eu une ligne directrice que Trump applique plus ou moins en fonction de ses foucades : disloquer les BRICS, cheval de Troie de la Chine.
Le point commun entre le deal proposé à Poutine pour « briser la colonne vertébrale de l’Europe », le deal militaro-financier avec l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis signé cette semaine, les négociations secrètes avec l’Iran, ou la question de Panama et du Groenland, ou encore l’invraisemblable guerre commerciale : partout en second plan, nous avons la Chine. Les États-Unis veulent isoler la Chine avant qu’elle ne fasse main basse sur Taïwan et n’ouvre symboliquement ainsi l’ère d’une nouvelle hégémonie. Et la Chine veut isoler les États-Unis. Il faut dire que Trump met du sien. Xi Jinping riposte : un front de défense asiatique face aux hausses de droits de douane punitifs, assiste aux cérémonies du 9 mai au Kremlin manifestant ainsi son soutien à Poutine, s’insère dans le conflit indo-pakistanais, tente de rapprocher l’Iran et l’Arabie Saoudite, multiplie les achats et participations dans les ports de l’Europe, organise avec la Russie la déoccidentalisation de l’Afrique (dans le conflit entre la France et l’Algérie, il faut intégrer la volonté de cette dernière de donner des gages pour intégrer les BRICS) et réussit une spectaculaire percée en Amérique latine où les deux tiers des pays latino-américains ont adhéré à la route de la soie, supplantant en termes d’accords commerciaux les États-Unis.
Mardi, à Pékin, devant la communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), regroupant 33 pays, en présence du président Lula, du président chilien et de son homologue colombien, Xi Jinping a été clair : le « harcèlement et l’hégémonisme ne mènent qu’à l’isolement », plaidant pour « renforcer les liens dans un contexte international marqué par la confrontation, le harcèlement », en ciblant les États-Unis. Et dégainant lui aussi son carnet de chèques avec 8 milliards d’euros pour le soutien à l’économie latino-américaine.
C’est la route de la soie contre la route pour soi.
La Chine veut sécuriser l’exportation de ses produits à bas prix. Les États-Unis veulent rapatrier les flux financiers et industriels au pays. Pendant ce temps, les deux continents se livrent une lutte acharnée dans l’IA.
Dans ce conflit, une armistice a été signée avec la désescalade des droits de douane entre les deux empires… mais pour 90 jours.
Cette guerre pacifique est une des données du nouveau monde.
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URGENCE
La famine comme arme de guerre ou comme contrôle social à Gaza, ce n’est pas acceptable. 75 jours de blocus humanitaire, ça suffit.
Il y a urgence ! Vous ne pourrez pas dire : nous ne savions pas.
Dites partout : « Levée du blocus humanitaire à Gaza »
Lisez mon appel aux consciences, Les Instantanés n° 127.
À dimanche prochain.