1091 Jours de guerre en Europe
1.La soumission du PS à Mélenchon s'achève, l'alternative commence
2.La proportionnelle va tout changer
3.Le cessez-le-feu à Gaza, et après ?
4.La relève au PS aujourd'hui : Michaël Delafosse
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1/ La soumission du PS à Mélenchon s'achève, l'alternative commence
Que ce fut long, laborieux et confus, mais cela est fait. Les fauristes du PS ont décidé – enfin une majorité d'entre eux – de ne pas voter la censure proposée par LFI. Un petit pas pour Faure, un pas de géant pour la gauche. Car l'enjeu était moins de faire chuter le gouvernement Bayrou, qui avait assuré l'essentiel avec la décision du RN, que de marquer l'autonomie du PS, dont le champ de vision procédait jusque-là des oukases de Mélenchon, et non de l'intérêt du pays ou, accessoirement, de la gauche.
Il est vrai que Faure s'était avancé au point de donner l'impression de co-élaborer la position du Premier ministre tout en s'enfermant dans l'exigence de la « suspension de la réforme des retraites », que Bayrou ne pouvait octroyer. Autant lui proposer d'adhérer au PS. Alors évidemment, à la fin, la chanson "le compte n'y est pas" ne pouvait qu'être étonnée. Quand vous appuyez en même temps sur l'accélérateur et le frein, vous faites chauffer le moteur, qui risque la casse dans une fumée noire.
Il restait, dans ces conditions, au Premier secrétaire deux attitudes : Voter la censure et offrir une victoire décisive à LFI ; ne pas la voter, et fâcher les "ultra-mélenchonistes", tout en voyant les écologistes et le PCF partir vers un Mélenchon furieux et fier de l'être.
Au point que même Marine Tondelier, qui jour après jour se "Panotise", s'alarma du vocabulaire du patron des Insoumis. Mais signe que les temps changent, les Verts et le PCF, après avoir voté la censure, décident de reprendre aussi leur autonomie et ouvrent les discussions avec le gouvernement sur le budget.
Pour en arriver là, François Bayrou y a mis du sien. Il jeta par-dessus bord tout ce qui permettait à sa montgolfière gouvernementale de s'élever, sans antagoniser ses soutiens parlementaires et un président mutique sur la scène nationale. Il habilla au maximum ses positions pour qu'elles puissent apparaître comme des « concessions visibles ». Enfin, avec l'ouverture du « conclave social » sur la réforme des retraites le vendredi, il rendit visible le front de la négociation contre le front du refus de toute négociation. Même la CGT, en traînant des pieds, y était favorable.
Dans ces conditions, un pas de côté aurait été ravageur pour l'image de Faure et son rapport au mouvement syndical. Car la demande de rouvrir le dialogue social sur la réforme des retraites fut la dernière exigence de l'intersyndicale en fin de mouvement. Faure aurait offert un boulevard aux sociaux-démocrates (Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, soutenus, contrairement à la censure Barnier, efficacement par F. Hollande), qui ferraillent discrètement, à bas bruit mais fermement, pour la non-censure.
Et ceci dans une situation où le groupe socialiste évoluait contre la censure malgré les interventions de Faure et de Vallaud, favorables à celle-ci. Position qu'ils réitéreront au bureau national. Fait nouveau : ils auraient été battus s'ils avaient mis leur position au vote. Faure a donc franchi le Rubicon, l'épée dans les reins. Mais on sait que l'art de la politique, depuis Talleyrand, c'est aussi de savoir signer les événements.
Cette rupture va maintenant s'élargir, moins par la volonté stratégique du Premier secrétaire que par l'effet mécanique de la mise en cause des socialistes par les Insoumis. Ils adoptent depuis quelques jours le fameux « classe contre classe » porté par les communistes allemands dans les années 30 contre les sociaux-démocrates, dans la montée au pouvoir de Hitler.
Le déchaînement sur les réseaux sociaux et les plateaux TV, la passe d'armes à l'Assemblée entre le toujours aimable E. Bompard et O. Faure se drapant dans la "gauche qui avance" sous le regard goguenard du Premier ministre, l'attestent. Les Insoumis se mettent à dresser des listes de traîtres, comme autant de bûchers. On croyait cette obsession de dresser des listes réservées à l'extrême droite. Le Pen et National Hebdo m'avaient mis dans "les 10 à abattre". J'avais répondu publiquement : "C'est un honneur." Je les encourage à faire de même.
Le président de la commission des finances, E. Coquerel, visiblement dépité, enfonce le clou le lendemain sur LCI, annonçant d'une voix lugubre : « À ce stade, le PS n'est plus notre partenaire : fermez le ban. »
Faure est gagnant médiatiquement, car les médias encensent toujours, dans un premier temps, ce qu’ils ont tant redouté. Et en sursis politiquement eu égard aux dégâts chez ses amis, ce que fut son identité unioniste et l’agenda du budget, car Mélenchon va exercer une pression maximum sur le thème : « ne signez pas, respectez le mandat du Nouveau Front populaire. »
Mais le grand gagnant est d’abord le pays, qui a un peu de répit, et espère une stabilité retrouvée après le choc de la folle dissolution et la non moins folle chute de Barnier grâce à un vote NFP – Extrême Droite RN – Ciotti.
On aurait tort de sous-estimer aussi le succès des sociaux-démocrates, qui engrangent et imposent au premier secrétaire de rejoindre leur position. C’est fondateur : la fracture interne au « courant Faure » ne peut que s’accentuer si le premier secrétaire continue dans cette voie. Et s’il en changeait lors du vote du budget, ce serait la « double fracture ».
Enfin, F. Bayrou, en obtenant cette non-censure du PS et la « rupture » dans le NFP, se donne un peu d’air vis-à-vis de Macron – Attal – Wauquiez – Larcher, dans le débat budgétaire à venir, et diffère les ardeurs « Néo RN » de son ministre de l’Intérieur. Maintenant, sa stratégie « durer pour espérer » (la présidentielle) peut commencer à prendre forme dans sa tête, alors qu’il peut chuter à chaque pas. Le Premier ministre a sûrement dû, en secret, goûter la revanche de l’histoire en ce jour anniversaire de l’immense manifestation laïque du 16 janvier 1994 contre le ministre de l’Éducation nationale de l’époque à propos de la loi Falloux… un certain F. Bayrou.
Le grand perdant est donc Mélenchon : son numéro de « raminagrobis » et la menace sur les circonscriptions n’ont pas fonctionné. D’abord parce que les retours du terrain et les sondages des municipales démontrent que la dynamique mélenchoniste n’est plus. L’agressivité permanente, la radicalité constante, ont fini par lasser ou faire peur. La tentation « rouge-brun », avec le passage de LFI au RN de candidats aux législatives comme Maxence Laurent après d’autres, interroge à voix basse dans les travées de l’Assemblée. Ensuite, parce que la menace de faire tomber des candidats socialistes avait sa réciprocité, à savoir la présence socialiste dans les circonscriptions LFI, ce qui aurait eu un coût pour les députés insoumis sortants. Enfin, parce que la proportionnelle qui arrive rassure beaucoup de députés socialistes et libère la parole.
Mais il convient de noter la situation perdante du Rassemblement national en ce moment, alors que l’extrême droite caracole en tête dans les sondages. Marine Le Pen n’est plus au centre de l’équation parlementaire. Cette position, elle l’avait obtenue dans la séquence Barnier. Ce n’est plus le cas. Les menaces sur le budget du parti d’extrême droite seront inopérantes pour peu que la nouvelle séquence ouvre un cercle vertueux pour le PS. Les socialistes doivent saisir la nouvelle situation en faisant vivre la ligne de crête de l’opposition responsable et préparer l’alternative. Cela nécessite de se défaire du programme du Nouveau Front populaire élaboré par les Insoumis, dont la radicalité était impraticable et qui est totalement obsolète au regard de la nouvelle donne financière du pays. Soit le PS étaye le moment de rupture par une pensée programmatique propre, qui lui permettrait de juger les avancées du budget avec son thermomètre ; soit la tentation sera forte de recoller au NFP au moment du budget. Le PS doit donc tirer les conclusions de son émancipation et se saisir de l’occasion d’imposer une nouvelle direction.
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2/ La proportionnelle va tout changer
Il est un sujet qui a été peu commenté tant nous avons été obnubilés par la censure : l’engagement du Premier ministre pour la proportionnelle, qu’il veut doubler du retour du cumul des mandats. Voilà qui va faire plaisir à François Rebsamen qui, président du groupe socialiste au Sénat, s’était opposé violemment à François Hollande sur cette question. La combinaison des deux facteurs va modifier la vie politique française. Nous ne connaissons pas les modalités de la proportionnelle évoquée. Ce n’est pas secondaire dans les effets induits, mais c’est la combinaison proportionnelle - cumul des mandats qui va impacter la sociologie politique du pays.
Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours est complémentaire de la Ve République, car il structure le fait majoritaire par le désistement au second tour. C’était, jusqu’à la dévitalisation de l’exécutif avec E. Macron, un puissant levier pour verrouiller le Parlement. « Au premier tour, on choisit ; au second, on élimine », disait François Mitterrand.
Il avait bâti sa stratégie d’union de la gauche en retournant la logique du scrutin contre la droite, qui se voyait, grâce à elle, « au pouvoir pour 100 ans », comme disaient les barons du gaullisme. Dans la proportionnelle, on choisit au premier tour et on se coalise dans l’hémicycle. Le temps des coalitions choisies vient se substituer aux coalitions imposées par le mode de scrutin. Les gaullistes ont moralement et politiquement disqualifié la proportionnelle, rendue responsable de l’échec de la IVe République. Ce n’est pas tout à fait exact. Par contre, le régime des partis n’est pas une vue de l’esprit. Ou plutôt, le régime des députés-maires constituant des féodalités dans les partis pour être incontournables sur les listes soumises à la proportionnelle.
Si incontestablement la proportionnelle permet une meilleure représentation des femmes au Parlement via la stricte parité ; si ce mode de scrutin induit quasiment obligatoirement une négociation avec d’autres groupes pour pouvoir gouverner ; si la coalition est plus efficace pour faire face à la complexité des problèmes à gérer et à l’absence de majorité naturelle sur chacun d’entre eux ; si ce scrutin est plus en phase avec la fin du bipartisme et la montée de l’individualisme consommateur jaloux de ses choix ; si enfin ce mode de scrutin libère les partis de gouvernement de la tutelle des partis populistes, la combinaison proportionnelle et cumul des mandats tend à donner plus de force à l’appareil central des formations politiques qui constituent les listes.
Mécaniquement, le choix ira vers celui qui « pèse », comme on dit chez les apparatchiks, et ce sera celui qui a déjà un mandat. Le poids des collectivités locales va réduire l’espace interne au renouvellement et surdéterminera le poids géographique par rapport au poids politique. C’est le retour des notables et des « professionnels » de la politique. Le PS s’est débarrassé de la SFIO, c’est-à-dire d’une formation dominée par les barons et leurs fédérations, en introduisant la proportionnelle des courants dans son mode d’organisation interne. Les écologistes ont poussé le système à l’extrême, rendant souvent leur formation ingouvernable.
Dans un premier temps, cette nouvelle sociologie va changer l’ambiance au Parlement. Puis, comme il sera moins possible de passer par l’intérieur des partis, la tentation sera grande de passer par l’extérieur en créant de nouvelles formations. En attendant, la plupart des socialistes responsables de collectivités locales vont se retrouver au Parlement. C’est nouveau et important, car cette évolution sociologique et politique, et le temps des coalitions, va renforcer la « social-démocratisation » du PS.
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3/ Cessez-le-feu à Gaza et après
C’est un soulagement pour les Gazaouis bombardés sans relâche, même après que Netanyahu a annoncé la destruction militaire du Hamas. L’espoir, le soulagement, mais aussi l’angoisse doivent être grands dans les familles des otages israéliennes. Pour autant, cet accord en trois temps et autant de sous-sections est tributaire de ceux qui ne l’acceptent pas dans les deux camps. Tout simplement parce que la question politique n’est pas réglée.
Le retour de 1 000 prisonniers palestiniens, même si ce ne sont pas les chefs palestiniens, va redorer le blason de la milice islamo-intégriste. On est loin de l’éradication du Hamas prônée par le gouvernement israélien. La prévention de l’extrême droite israélienne au gouvernement vis-à-vis de l’accord est grande. Elle parle même de reddition. Pour sauver son gouvernement et sa majorité, Netanyahu leur propose quoi ? L’annexion de la Cisjordanie ? Avec l’accord de l’administration Trump ? Souvenons-nous que, lors de la campagne, ce fut une des promesses du Républicain à des donateurs de sa campagne. Est-ce le deal ?
Quant au Hamas, il n’a pas changé sa charte. Il n’est pas question de deux États, et la presse américaine évoque une vague d’adhésion à la milice islamo-terroriste équivalente à ses pertes. Alors, le troisième volet sur l’organisation administrative de Gaza semble un mirage. Netanyahu fera tout pour obtenir la libération des otages et les images afférentes pour l’investiture de Donald Trump. Et après… ? Après, les problèmes sont têtus.
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4/ LA RELÈVE au PS
Chaque semaine, je dresse le portrait d’une dirigeante ou d’un dirigeant du PS dont j’estime, en l’observant, qu’il fera partie de la relève au PS. Après Hélène Geoffroy, Nicolas Mayer-Rossignol, Philippe Brun, Érika Bareigts, Jérôme Guedj, Valérie Rabault, c’est au tour de Michaël Delafosse.
Michaël Delafosse
La République, c’est lui !
Il y a du Aristide Briand chez Michaël Delafosse, qui est le plus républicain de la nouvelle vague au PS. Au moins le Briand des débuts, l’ami de Fernand Pelloutier, secrétaire de la fédération des Bourses du travail, le proche, à l’époque, de Jaurès, et bien sûr le rapporteur de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État, fondant la laïcité française constitutive de la République. Le maire de Montpellier est d’abord un grand laïque.
Comme le "père" de la laïcité, qui aimait citer l’Évangile selon Marc, il veut "rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Il défend avec passion l’espace libre du citoyen et veut empêcher l’emprise de toute confession sur la société, c’est-à-dire l’imposition d’une religion civile par la politique. Il fait sienne cette citation de Ferdinand Buisson : "L’État ne s’adosse à aucune religion officielle ni ne suppose quelque fonction divine."
C’est le professeur d’histoire qu’il continue à être, deux heures par semaine, qui ainsi s’exprime : "Transmettre aux élèves l’héritage des Lumières, de Voltaire, de la Révolution, de Jaurès et de Clemenceau", plaide-t-il dans un petit livre sur la laïcité publié à la fondation Jaurès. Il souhaite ainsi permettre la liberté de conscience, qui émancipe dans la lutte contre l’obscurantisme ou le fanatisme religieux, d’où qu’il vienne.
Le maire de Montpellier est un laïque sans concession, mais pas pour un laïcisme qui veut laïciser la société. Il n’est pas de ces laïcards et leurs "À bas la calotte", comme on le disait en 1900 jusqu’aux années 50 contre les catholiques. Il ne mène pas la guerre contre les religions, pas même l’islam, contrairement à ce que disent ses détracteurs. Il souhaite d’ailleurs un islam de France dans sa charte laïque.
Dans un pays qui a connu les guerres de religions et dans une ville qui fut "Montpellier la protestante", on le sait, le droit de croire ou de ne pas croire est sacré. La séparation de l’Église et de l’État est dialectiquement un moment de l’unité. C’est ce que j’ai appelé la fraternité laïque. Michaël Delafosse est donc un républicain orthodoxe, mais non intégriste.
C’est peut-être là qu’il faut trouver les raisons de sa distance, encore renouvelée il y a peu, avec Manuel Valls et son combat intraitable avec les contempteurs électoralistes de l’islam politique. Ici s’arrête la comparaison avec l’illustre républicain que l’on appelait "Briand le Breton", comme on dit "Delafosse de Montpellier".
Le premier devient l’homme d’État en quittant Nantes, le second l’est, pour l’instant, à travers Montpellier, avec qui il fait corps. Une anecdote résume cette passion pour la ville. "Monté" à Paris, car il a intégré le Bureau national de l’UNEF, il vit dans une colocation et l’un d’entre eux raconte : "Nous parlions jusque tard dans la nuit de la politique nationale, et à chaque fois, Michaël ne parlait que de Montpellier, ce qui nous barbait." Et cette passion, Montpellier la lui rendra bien.
Évidemment, le jeune Delafosse propose que le congrès du syndicat étudiant ait lieu dans la ville de ses amours. En 1997, une délégation de la direction se rend à Montpellier pour préparer l’assemblée militante. Ils sont reçus par le maire de la ville, le truculent et passionnant helléniste Georges Frêche, qui a fait de sa cité, qui jusque-là n’était pas plus qu’une banlieue de Nîmes, une métropole dont il me disait : « Elle doit être la réponse à Barcelone. » Théâtral, ce dernier se lève devant la délégation estudiantine et déclare devant les jeunes ébahis : "Je vous présente mon successeur," désignant Michaël Delafosse.
D’un naturel réservé et bienveillant, on imagine l’effet produit sur le futur maire. Mais l’UNEF occupait à l’époque son esprit, et il y a loin, on le sait, de la coupe aux lèvres. Le syndicalisme étudiant, après celui des lycéens, le liera amicalement avec le Benoît Hamon de "période rocardienne", qui était aussi celle de O. Faure et Christophe Clergeau.
Cette jeunesse militante mais aussi mutualiste forgea la passion politique du jeune prometteur. La politique, pour ceux qui la pratiquent professionnellement, c’est-à-dire avec sérieux, est une "drogue dure". Elle habite les accros quasiment 24h sur 24, et ils sont souvent des solitaires dans une gauche toujours grégaire.
Chez Delafosse, la politique a un but : "sa ville". Non qu’elle serait sa propriété, mais parce qu’il fait corps avec elle, il vibre avec et par elle. Il en connaît tous les aspects : ses rues médiévales, ses hôtels particuliers du XVIe ou XVIIe siècle. Il est instruit des humeurs d’une cité où habitaient Rabelais et Jean Moulin, ce qui est pour le moins une double signature.
Il n’ignore pas que cette métropole est une capitale économique et culturelle peuplée de très nombreux étudiants. Il a été tour à tour assistant, adjoint à différents postes, chef du groupe d’opposition avant de devenir maire. Cela n’a pas été simple après ce chemin semé d’embûches où il n’a jamais lâché tout en continuant à exercer sa « profession de prof ». Le sénateur Hussein Bourgi, ancien premier fédéral comme on n’en fait plus, a de la vista. Sur la route entre l’aéroport et Montpellier, il me décrira, village par village, ville par ville, l’avenir électoral de chacun. Et me prédira, cinq ans avant l’élection de Michael : "Ça sera lui." Mais les derniers mètres auront été encore plus difficiles que les premiers.
Lors des municipales, O. Faure, qui rechigne au déplacement, est venu en personne exiger qu’il renonce à être candidat tête de liste et laisse sa place aux écologistes. C’était sans compter que Michael Delafosse voulait être le premier maire social-écologiste de France. Et son réseau universitaire allait convaincre les écologistes eux-mêmes qu’il était l’homme de la situation, capable de ravir la ville au « frécho-macroniste » un peu lunaire Philippe Saurel. Et au deuxième tour, il eut à affronter une coalition baroque entre le fameux chef d’entreprise Altrad, dont le nom floque les maillots de rugby, la France insoumise et un clown local se prenant pour Beppe Grillo. Il l’emporta, et ce succès fonda beaucoup d’espoirs dans le PS où il fut immédiatement vu comme l’anti-Faure.
« Quand la gauche est dans l’outrance, elle s’égare », déclara-t-il, et il refusa, avec son « binôme occitan », Carole Delga, présidente de la région, la Nupes et la subordination à Mélenchon. Ce qui en fit immédiatement un héros – et, je ne résiste pas, un héraut – de l’autre PS. Évidemment, E. Macron tenta de le débaucher, mais il refusa de faire n’importe quoi pour un "marocain". Michael, c’est "Montpellier d’abord", dit-on dans la ville. Au point, d’ailleurs, d’être obsessionnel dans le respect de ses engagements, au point d’installer dans son bureau une horloge lui rappelant le nombre de jours qu’il lui reste dans son mandat pour honorer ses engagements.
Il rejoint ainsi le concept de Lionel Jospin : « Faire ce que je dis, dire ce que je fais… et être fidèle à ses engagements. » Et évidemment, une telle éthique fonctionne : les sondages pour les prochaines municipales démontrent que, malgré les velléités des écologistes et de la France insoumise, il est, à cette étape, quasiment sans challenger.
De même, il n’a pas pris la tête de l’opposition à O. Faure. Au PS, ils sont nombreux à espérer le voir sortir de sa zone de confort, à voir en lui le premier secrétaire idéal, capable de rassembler anciens et modernes, les unionistes et les refondateurs, de défendre des valeurs mais aussi des solutions, des réussites déjà visibles à Montpellier. La gratuité des transports, la sécurité contre les trafiquants de drogue, la question cruciale du logement, les inégalités de destins, le bouclier social pour les parents isolés, la destruction de tours verrues architecturales et criminogènes, le soutien à la culture, au sport, mais aussi aux devoirs scolaires disputant le terrain aux communautés religieuses et donc, bien sûr, la laïcité : ce bilan, qui est en lui-même un projet, est en un mot la République éco-sociale que les Français plébiscitent.
Alors, qu’est-ce que cela sera quand "Delafosse s’éveillera" ?
La semaine prochaine la relève avec : Benoît Payan.
À dimanche prochain.