1028 Jours de Guerre en Ukraine
- Russie - Amérique : la paix
- Europe - Amérique : vers la guerre
- Le Pen empêché, Barnier condamné
- Les écologistes : plutôt Mélenchon que le PS
- Mes propositions pour le congrès du PS.
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1. Russie - Amérique : c’est la paix
C’est fait : le chancelier Scholz vient de lâcher l’Ukraine. Après deux ans de récession, la fin de sa dépendance au gaz russe, la hausse du coût de la main-d'œuvre en Europe centrale, la récession en Chine, et maintenant l’éclatement de la grande coalition, l’Allemagne est K.-O. debout. Scholz jette l’éponge et dit clairement qu’il est d’accord avec Trump pour la paix en Ukraine. Il ne voit pas pourquoi il faudrait "fragiliser la nation et faire payer les retraités". Et, toute honte bue, il décroche son téléphone pour discuter seul de la paix avec Poutine, afin de démontrer sa bonne volonté à Trump.
Il est loin le temps où, au lendemain de l’intervention russe en Ukraine, le chancelier déclarait "nous changeons d’époque" et se proposait d’investir 100 milliards dans la défense. L’Allemagne dit tout haut ce que pense l’Europe tout bas : elle n’est pas prête à mourir pour Kiev. En fait, elle n’est prête à mourir pour personne, même pas pour elle-même. Nous l’avons vu au Mali.
J’ai évoqué la possibilité, la semaine dernière, de la stratégie des "bourgeois de Calais" vis-à-vis de Trump. Entre Macron, qui se précipite pour être le premier à saluer Trump, Scholz et sa communication favorable au président américain, et Meloni devenue la chouchou de Trump, tout le monde se bouscule au portillon. Ce n’est pas ma "réf", comme disent les enfants aujourd’hui, mais "ça manque de De Gaulle en Europe".
La crise du modèle allemand, de la politique française, du Brexit anglais, en attendant celle de l’Espagne et de la Pologne, ont eu raison de l’apparent soutien à l’Ukraine, majoritairement porté par les États-Unis. L’égoïsme national en Europe a désarmé l’Ukraine. Et la gauche a été en dessous de tout. Kiev a été contraint à une situation exclusivement défensive.
Pour l’Amérique de Trump, le front ukrainien, et probablement demain israélien (la déclaration de l’Arabie saoudite en défense de l’Iran n’est pas un revers pour Trump, mais une incitation à Netanyahou de conclure vite en arrêtant ce désastre pour tout le monde – Trump s’est engagé, pour ce faire, à soutenir l’annexion de la Cisjordanie), tout cela est secondaire par rapport au front asiatique et à la nécessité de réarmer économiquement l’Amérique.
De toute façon, la défense héroïque des Ukrainiens face à la Russie n’a pas d’issue. Les Ukrainiens sont condamnés à résister sans fin, n’ayant pas l’armement nécessaire et étant en infériorité numérique.
Maintenant, la Russie va jeter toutes ses forces, ainsi que celles de la Corée du Nord, pour réduire la poche de Koursk et avancer le plus loin possible dans le Donbass avant l’installation de Trump à la Maison-Blanche. Le front de l’Est a de sinistres craquements.
Il est probable que l’accord non-dit entre Trump et Poutine soit : le Donbass, rien que le Donbass, mais tout le Donbass, sans marche sur Kiev, car cela obligerait les États-Unis à intervenir. La petite phrase du fils de Trump est sans ambiguïté et sans pitié : "Zelensky est sur le point de perdre son argent de poche."
La base de la négociation sera évidemment la paix contre les territoires conquis. Zelensky aura peu de marges de manœuvre. L’Amérique cherchera à imposer sa vision aux Ukrainiens. Souvenons-nous comment Roosevelt a voulu imposer Giraud après avoir pactisé avec Darlan contre la France libre incarnée par De Gaulle en 1942-1943.
Pour autant, Trump n’est pas totalement le maître du jeu. On ne sait ce que sera l’attitude de Poutine : en rester là ou pousser son avantage ? Veut-il la biélorussification de l’Ukraine ? Veut-il aussi la Moldavie et la Géorgie ? Bref, un nouveau Yalta ?
Mais d’ici là, les Ukrainiens ne se rendront pas sans combat. On évoque même une bombe nucléaire en voie de finalisation.
Cependant, cette pression russe ne gêne pas le nouveau président américain. Elle va pousser l’Europe à se réassurer en achetant du matériel militaire américain et en cotisant un peu plus à l’OTAN. Poutine et Trump ont donc un intérêt objectif à une présence forte de la Russie aux frontières de l’Europe.
Le deal russo-américain, c’est : "L’Europe payera !" Depuis 70 ans, les Européens vivent dans la quiétude du parapluie militaire américain. La réduction des dépenses militaires au strict minimum – à part la France – permet des marges budgétaires. L’Europe n’a pas voulu de défense commune : son horizon est celui d’une grande Suisse, et l’Europe puissance n’est que celle du marché. Ce n’est pas le commissaire européen à la défense, proposé depuis 1950 et nommé seulement cette année, qui changera les choses. Il est trop tard.
Construire une armée commune de 400 000 hommes, équipés et opérationnels, prendra 10 ou 20 ans. L’Ukraine n’est pas notre Espagne de 1936, mais ça y ressemble.
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2. Europe - Amérique : c’est la guerre
Trump se met en ordre de marche : aller vite sur l’Ukraine, puis ouvrir la guerre commerciale. Parce que "c’est la plus facile à gagner", dit-il. Dans l’intervalle, il installe le gouvernement le plus à droite de la planète. Tous ceux qui comptent comme réactionnaires et fiers de l’être, néoconservateurs délirants, identitaires xénophobes, complotistes frénétiques, ont rendez-vous autour de la table de Trump. Ce dernier a demandé aux prétendants à la chefferie des Républicains au Sénat et au Congrès de s’engager à ne pas bloquer ou faire traîner les nominations. Et, dans un touchant ensemble, lesdits candidats ont abandonné les prérogatives du législatif de contrôler l’exécutif. Ça commence fort !
Le casting de l’exécutif est ahurissant : Stephen Miller à la politique migratoire – vous savez, celui qui séparait les enfants des parents migrants dans des camps. Son acolyte, Tom Homan, va chapeauter les efforts de déportation. Pete Hegseth, lui, est un animateur de la télé d’extrême droite Fox News ; il sera à la Défense. Le charmant garçon s’est fait tatouer une croix avec une épée au centre, en souvenir de la phrase de l’évangile selon Matthieu : "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée." Quant à l’ambassadeur trumpiste Mike Huckabee en Israël, il déclare tranquillement : "La Cisjordanie n’existe pas, c’est la Judée et la Samarie. Il n’existe pas de colonies." C’est-à-dire la thèse de l’extrême droite israélienne. Sans oublier R. Kennedy, l’anti-vax, à la Santé. On se dit que la suite va être rock’n’roll.
D’autant qu’il y a aussi Elon Musk, ministre de l’Efficacité gouvernementale. Bon, lui, il a payé 200 millions de dollars pour son job. Quand on pense au plan de licenciement sur X, on imagine ce que le "Dark Vador" de l’empire Trump – le côté obscur du trumpisme selon ses propres termes – va vouloir faire. Il sera vraisemblablement inspiré par le projet 2025 Nouvelle Fenêtre de The Heritage Foundation, qui dictait déjà, en 1973, la politique ultralibérale de Ronald Reagan. Ils sont aujourd’hui les inspirateurs de Trump et proposent rien de moins qu’un "coup d’État administratif", réduisant l’État fédéral à ce qu’il était avant le New Deal.
Mais le pompon est peut-être Tulsi Gabbard, à la tête du renseignement américain, qui chapeaute 17 agences d’espionnage (CIA, NSA, etc., et même le FBI). Le problème, c’est qu’elle défend publiquement les positions et le narratif des Russes tout en soutenant Bachar el-Assad. Fermez le ban.
Et pour tenir en laisse ce joli petit monde, Trump annonce qu’il pourrait se représenter. Le président américain a besoin d’avoir les mains libres pour conduire ses batailles majeures : l’immigration, la réduction de l’État fédéral, le protectionnisme pour l’Amérique, mais aussi le libre accès des produits américains au marché européen ou chinois.
La guerre commerciale sera autre chose que le deal avec la Russie sur l’Ukraine, même s’il doit faire vite dans ce domaine pour faire peur. L’Europe traverse une crise de stagflation (inflation et récession), même si on pronostique le ralentissement de l’inflation. La vague de licenciements (terrible chez les fournisseurs de l’automobile), après la crise du bâtiment, en est la preuve en France. Ceci est valable à des niveaux divers dans toute l’Europe.
La combinaison récession-guerre commerciale est redoutable pour les économies européennes. S’intégrer dans la route de la soie chinoise pour résister n’est pas envisageable. Certains se sont bien engagés sur ce chemin, mais les droits de douane avec Pékin sont en train de créer une nouvelle muraille de Chine. Alors, devant leurs opinions, les gouvernements européens ne pourront se coucher sans combat.
La réaction de Marine Le Pen, tout à coup favorable à une "Europe puissance", est une indication. Elle ne veut pas être identifiée comme pro-américaine dans la guerre commerciale qui va commencer. D’autant que Trump n’est pas vraiment connu pour proportionner ses réponses. Il va vite "monter dans les tours". La devise de Trump doit être quelque chose comme : "Si la violence ne résout rien, c’est qu’on n’a pas tapé assez fort."
Souvenons-nous, à la veille du sommet du G7 de Biarritz en 2019, il avait baissé la durée des visas de 5 ans à 1,5 an et surtaxé le vin français, mais pas l’italien, pour mieux diviser les Européens. Son objectif et son engagement, c’est la baisse des impôts, financée par la hausse tarifaire douanière.
La combinaison de l’IRA subventionnant massivement l’industrie américaine, des hausses des barrières douanières aux États-Unis, mais aussi le leitmotiv des trumpistes sur l’euro sous-évalué, conduira à drainer les investissements aux USA, à un recul du PIB en Europe de 9 % selon la BCE, et à un choc inflationniste de 30 %. Il a été de 15 % avec les mesures contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Il va y avoir des morts industriels un peu partout. Voilà pourquoi Bruxelles rêve d’une négociation rapide.
Mais la tenaille est terrible, car la négociation ne peut conduire qu’à la réduction des déficits commerciaux des États-Unis vis-à-vis de l’Europe et de la Chine. Il s’agit quand même de 1 000 milliards de dollars pour la Chine cette année : du jamais vu. L’Empire du Milieu menace même l’arrière-cour des États-Unis avec l’inauguration d’un port au Pérou.
Pour l’Europe, c’est 23,8 milliards de dollars. Même la France, pourtant à la traîne, a sa petite cote-part. Mais, à l’inverse, les déficits de l’Europe vis-à-vis de la Chine sont colossaux.
Et je n’évoque pas la situation économique si la Chine voulait, dans le même temps, régler définitivement la question de Taïwan. Nous n’en sommes pas là. Trump, en revanche, va être devant un choix : s’attaquer à l’Europe divisée en ménageant la Chine, ou, à l’inverse, épargner un temps l’Europe pour se concentrer sur la Chine, ou s’attaquer à tout le monde.
Mais la charge de l’éléphant républicain dans le jeu de quilles du commerce mondial va faire mal. Trump évoque des taxes de 60 % pour la Chine et 20 % pour l’Europe. Ces mesures vont accentuer les tendances lourdes (chômage, précarité, impôts), provoquant de gros dégâts sociaux. Et les nationaux-populistes sont malheureusement les mieux outillés pour y répondre.
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3. Le Pen empêchée, Barnier condamné
Je vous avais dit en septembre que le réquisitoire du parquet dans l’affaire des assistants du FN (RN) serait un moment clé de l’accélération ou pas de la vie politique française. Il fut à la hauteur de la défense lepéniste : "circulez, il n’y a rien à voir". Prendre de haut l’institution judiciaire au nom de la non-rétroactivité des lois (les faits étaient antérieurs aux lois qui codifient aujourd’hui l’infraction), défendre que les assistants n’étaient pas des fonctionnaires de Bruxelles, c’était méconnaître le règlement spécifique du Parlement européen en la matière pour un système qu’il était difficile de nier. Ce fut un ball-trap pour le parquet vu l’absence de preuves de travail effectué. Nous verrons en février-mars le jugement définitif.
Les réquisitions du parquet dans l’affaire Bayrou, où il préconisait une condamnation, et la décision de la justice fut plutôt un non-lieu. Marine Le Pen sait que le calendrier judiciaire est mal engagé. Elle n’avait sûrement pas prévu la demande du parquet d’une inéligibilité effective même si elle faisait appel. On s’est focalisé à raison sur l’inéligibilité, mais 5 ans de prison dont 3 avec sursis, même aménagés à demeure, cela rend compliquée une campagne présidentielle. La maison Le Pen est ébranlée, d’autant que Jean-Marie Le Pen est au plus mal, hospitalisé depuis 15 jours. Le tribunal peut trouver les réquisitions excessives, mais rien n’est sûr. L’extrême droite va tout faire pour que la main du tribunal tremble. La mobilisation populaire commence par une pétition en ligne.
Marine Le Pen crie à l’assassinat politique. Les parlementaires RN redoublent de petites phrases. Ils vont bientôt jeter leurs costumes-cravates pour remettre leurs blousons de cuir. B. Gollnisch a été clair au sortir du prétoire : "Nous allons nous battre." Et J. Bardella, qui ne pensait qu’à cela le matin en se rasant, a dû décréter la mobilisation générale. Marine Le Pen va porter le débat sur le plan politique avant d’envisager de céder sa place à son numéro 2. C’est le retour du refoulé de la banalisation : le complot du parquet, du pouvoir des élites, de "l’establishment".
Le gouvernement Barnier est maintenant condamné. La crise politique, avec la tentation de la crise de régime via la démission du président à la clé, est l’objectif du RN. Elle va rencontrer l’orientation de J.-L. Mélenchon, qui s’est publiquement plaint de la demande d’une peine effective malgré les appels. Les deux partis populistes vont converger, au moins sur une question : la démission de Macron. Et la confidence de Barnier, vite retirée, d’un candidat commun du bloc central à la présidentielle, est un lapsus révélateur.
Ce réquisitoire du parquet est donc le battement de l’aile du papillon qui provoque à l’autre bout du monde l’orage. Il va accélérer la décomposition politique. La France entre dans l’inconnu, entre la déstabilisation de la politique intérieure et la déstabilisation de la politique extérieure, sur fond de vague de licenciements et de fermetures d’entreprises.
Attention, ça va secouer. Le sang-froid va être de mise, mais les sociaux-démocrates n’ont plus beaucoup de temps. La partie a commencé sans eux.
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4. Les Écologistes plutôt Mélenchon que le PS
Je me suis déjà longuement exprimé dans les instantanés sur la mélenchonisation des écologistes. Je suis d’ailleurs sidéré de l’extraordinaire mansuétude médiatique dont profitent ces derniers. Cette intégration à la stratégie des Insoumis n’est pas une vue de l’esprit. Il s’agit d’une réalité concrète qui s’exprime dans la préparation des municipales.
La ligne de l’écologie de rupture, "anti-tout", tranche avec l’aggiornamento des maires des grandes villes qui, après avoir refusé des étapes du Tour de France ou les sapins à Noël, décident sans sourciller de renforcer la police municipale et même de l’armer, comme à Bordeaux. Mais la social-démocratisation de l’écologie par la pratique des collectivités locales n’est pas le mainstream écologiste. Il sera intéressant de noter laquelle des deux lignes aura été sanctionnée par les électeurs.
Car les "radicaux" au pouvoir chez les écologistes veulent faire le ménage dans le parti en ouvrant la chasse aux tenants d’une ligne réaliste. M. Reynaud, président du groupe écologiste au conseil municipal de Montpellier, se voit par exemple reprocher de ne pas être dans la ligne pour "expression publique et persistance contre le parti". Cela fleure bon le procès de Moscou des années 30.
Quel est l’objet de cette soudaine conversion au centralisme démocratique vert ? Julia Mignacca, la porte-parole des écologistes de Montpellier et par ailleurs présidente du "conseil fédéral", le parlement en quelque sorte du parti écologiste, reproche à son camarade de soutenir le maire socialiste M. Delafosse. Et moi qui croyais que le nouveau Front populaire était le stade ultime de l’union, tellement vanté par les fauristes.
L’idée qui circule dans les rangs des Verts est simple : "Une alliance Vert - LFI, cela bat Delafosse". Mais bien sûr ! Dans le monde tel qu’il est et tel qu’il va venir, il n’y a rien de plus urgent que battre un maire de gauche sortant. On n’ose imaginer ce que va donner l’assemblée annuelle des écologistes à Montpellier le 7 décembre.
Dans toute la France, nous assistons au même schéma, à l’initiative de LFI bien sûr, qui, mine de rien, veut utiliser les écologistes comme cheval de Troie pour casser l’émergence des sociaux-démocrates dans le PS et rendre impossible une primaire présidentielle Vert - PS - frondeurs LFI, telle que la rêve Faure.
À Lille, les écologistes ont déjà désigné leur tête de liste pour aller à la conquête du beffroi. À Nantes, il en est de même, ainsi qu’à Rennes, au Mans, et bien sûr, LFI est partout prête à participer à la fête. À Lyon et la communauté, l’axe Vert - LFI est sur l’établi. À Marseille, c’est une variante : LFI veut rassembler contre la gauche qui administre la ville.
Il fut un temps où ces annonces auraient fait les gros titres et quelques plateaux de télévision. Où le PS en aurait profité pour lancer la campagne "Pas une candidature de gauche contre un maire de gauche sortant". Mais là, personne n’en parle, et les fauristes, mutiques, sont attachés au nouveau Front populaire comme la moule à son rocher.
Évoquer cette offensive, c’est acter publiquement la fin du nouveau Front populaire, déjà mis à mal par le refus de Bompart d’une primaire de la gauche pour la présidentielle ou l’oukase des écologistes à la candidature de O. Faure au poste de Premier ministre, car "Mélenchon ne l’acceptera jamais".
Tout cela est la démonstration que le NFP n’existe plus politiquement. C’est un cartel électoral au cas où. Alors que sous la table, c’est une véritable bataille de coups de pieds. Mais nous sommes bien face à un axe Écologistes - France Insoumise.
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5. Mes propositions pour le congrès du PS
Ayant appris par quelques tweets que j’ai présenté une contribution au début de l’AG de "Debout les socialistes", le courant animé par Hélène Geoffroy, la présidente de la FNESER, vous m’avez demandé de la publier. Cela va vous paraître parfois redondant avec ce que vous venez de lire. Mais je vous la livre telle quelle.
Avant de vous présenter mes notes, sachez que ces "rencontres d’automne" furent une réussite, tant par le nombre de participants venus de tous les départements de France que par la qualité des débats, avec des moments forts comme le plateau entre les ex-fauristes Karim Bouamrane, Philippe Brun, Jérôme Guedj, l’ex-macroniste Kimenfeld, et le sénateur socialiste Rachid Temal. Ou encore les interventions de Nicolas Mayer-Rossignol sur les utopies, de François Hollande, très en forme, sur la situation, et celle de Hélène Geoffroy réaffirmant l’objectif de réarmer les socialistes en imposant une nouvelle donne où elle entend bien occuper toute sa place.
"Hélène m’a demandé de vous présenter un rapport sur la stratégie, la tactique et la situation politique en un quart d’heure : une gageure...
- La stratégie et la tactique : voilà une clarification bien nécessaire dans un parti où, pour sa direction, tout est tactique. "Un coup chasse l’autre", sans cohérence ni ligne directrice si ce n’est le paravent de l’union.
- La tactique doit toujours être subordonnée à une stratégie.
- La stratégie pour les socialistes, c’est la conquête du pouvoir pour transformer, par la loi et la justice, la vie des Français et de la France. Et donc, sous la Ve République, c’est la présidentielle. Nous devons partir de là. Et même répondre aux événements, mouvements divers, défis de la France et exigences des Français avec cet horizon en tête.
- Nous pouvons gagner la présidentielle ! Certes à contre-cycle, mais il y a un chemin. Une présidentielle, c’est un programme articulé sur des "utopies concrètes". Une stratégie électorale autour d’un retour à l’hégémonie de la culture de gouvernement comme trait d’union à gauche. Et une incarnation crédible, audible, capable de rassembler au deuxième tour pour défaire l’extrême droite.
Nous pouvons gagner car, au premier tour, la droite est divisée en plusieurs tronçons, le macronisme le sera tout autant, et nous pouvons maîtriser Mélenchon. Pourquoi ? Parce que les sociaux-démocrates sont les seuls capables, au second tour, de réunir le pays contre la vague national-populiste de l’extrême droite. La droite divisée ne le peut pas. Le macronisme ne le peut plus. Et le mélenchonisme ne l’a jamais pu.
- Après la victoire du national-populisme aux États-Unis, le prochain rendez-vous de cette déferlante, c’est la France. Car la crise politique allemande peut se dénouer, après une élection, par une nouvelle coalition. Elle aurait ainsi raison de la poussée de l’extrême droite (AfD).
En France, soit l’extrême droite l’emporte, soit elle sera battue, ce qui donne à l’élection présidentielle une portée historique. - Et ce combat va se déployer dans une situation internationale et française chaotique :
- La crise politique est en train de muter en crise de régime.
- Nous assistons à une décomposition politique accélérée par la dissolution.
- Une déconstruction républicaine dans tous les domaines.
- Nous avons devant nous la mise en accusation du président avec une commission d’enquête parlementaire sur les déficits : du jamais vu sous la Ve République.
- Nous avons une crise des finances publiques doublée d’une saignée de licenciements due à un taux de défaillance des entreprises en hausse, des carnets de commandes vides et une inflation des prix alimentaires.
- Enfin, le réquisitoire du parquet dans l’affaire des assistants parlementaires du RN va accélérer la crise politique, car le soutien de l’extrême droite au gouvernement Barnier dépend de l’inéligibilité requise ou non de Marine Le Pen.
L’extrême droite n’attendra pas, l’arme au pied, le rendez-vous judiciaire final du tribunal. Elle jouera la crise de régime et la démission du président, en tout cas la censure de tous les gouvernements. Cela rencontrera la stratégie de Jean-Luc Mélenchon de destitution de Macron. La tenaille des populistes sur un bloc central factice, désuni, sans colonne vertébrale et déjà dans la présidentielle, le fera exploser.
- La clé de la situation politique, c’est le congrès du Parti socialiste. Soit il libérera une solution sociale-démocrate, soit il faudra l’imposer.
L’enjeu du congrès est une "nouvelle direction", dans les deux dimensions du terme :
- Tant sur le plan électoral, avec l’autonomie stratégique du PS et l’affirmation par le congrès qu’il y aura un candidat à la présidentielle.
- Que sur le plan d’une nouvelle équipe de direction qui corresponde à cet objectif.
Le congrès s’impose au vu de la situation politique française et internationale mais aussi à cause de l’explosion du nouveau Front populaire.
Olivier Faure le dit : "Mélenchon ne peut représenter ou rassembler la gauche à la prochaine présidentielle". Et il propose même un produit de substitution : "une primaire du NFP sans Mélenchon", c’est-à-dire une dépossession des socialistes quant à leur candidat à la présidentielle. Et, évidemment, elle vient de recevoir un niet de Bompart, les écologistes et le PCF accueillant la "chose" dans un silence poli.
Si ce n’est pas Mélenchon, et si les Insoumis refusent la primaire, le NFP est, pour ses défenseurs, caduc. Le PS doit réfléchir à une alternative. Car Mélenchon est d’ores et déjà candidat.
- La préparation des municipales confirme ce diagnostic. Les écologistes, aiguillonnés par La France Insoumise, montent partout à l’assaut des maires socialistes sortants. Nous devrions ne pas attendre et dire dès maintenant : "Pas de candidats de gauche face à un maire sortant de gauche."
- Les élections présidentielles ne se joueront pas sur une union d'appareils de sigles démonétisés ou l’union des gauches militantes, mais sur un rassemblement des électorats autour d’une offre nouvelle. C’est la leçon politique de l’élection américaine. La construction de l’offre politique devient vitale pour le PS, nécessaire pour la gauche, essentielle pour le pays. C’est le projet qui fera l’union des électorats. Le nouveau PS ne doit pas avoir peur d’affronter, sur le plan électoral, les unionistes sans contenu ou la radicalité sans but. Le projet ne peut, dans ces conditions, être une restauration de ce que nous avons déjà fait, mais doit être une révolution de ce que nous voulons faire de façon crédible et soutenable. Il faut partir des problèmes du pays à résoudre, des réponses aux revendications et aspirations des Français, et non de l’union se substituant au projet ou en se déterminant vis-à-vis de Mélenchon.
- Il faut aborder le congrès en procédant de nous. Lorsque les historiens se pencheront sur l’histoire du PS dans la période 2017-2023, ils diront que vous - et particulièrement Hélène Geoffroy - avez été le fil de la continuité historique du PS, de sa culture de gouvernement.
- Il ne s’agit pas de nous dissoudre, mais de donner un débouché à ce travail, à cette énergie, à cette abnégation parfois dans l’anonymat.
- Il faut passer de la résistance à l’esprit de coalition.
- Balisons notre chemin.
- Notre but, c’est un candidat social-démocrate à la présidentielle.
- Le moyen, c’est un congrès qui change de direction.
- Notre agenda pour y parvenir :
- Une contribution générale préparée par des ateliers qui traite du récit, du programme, de la stratégie électorale.
- Un caucus de tous ceux qui veulent un changement de direction pour un texte d’orientation commun.
- Nous devons avoir deux exigences : un ou une première signataire qui permette de gagner et l’organisation d’un Épinay 2. Il s’agit, comme Épinay en 1971, d’ouvrir un nouveau cycle. Il était à l’époque la rupture et l’union de la gauche. Il sera aujourd’hui l’avènement de la social-démocratie, le remembrement de "tous" au PS, et une candidature à la présidentielle.
- Faure n’est pas trop favorable au congrès. La preuve : il dit qu’il le gagnera parce qu’il y a 10 000 nouveaux adhérents. C’est donc que sans ces "10 000", il a perdu. Et comme il n’y aura pas 10 000 nouveaux adhérents, son intoxication le découvre. Son courant se réduit comme peau de chagrin. Cette fuite des cerveaux s’accélère, car Faure est indexé sur Mélenchon. Ce fut son bouclier, c’est aujourd’hui son boulet. Bref, le congrès est gagnable. Et je suis persuadé qu’O. Faure y réfléchit.
Il faut maintenant crédibiliser le fait que le congrès va avoir lieu et se mettre en état de marche.
Nous avons rendez-vous avec l’histoire, nous sommes l’histoire.
A dimanche prochain !