3022 jours de Guerre en Europe
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La guerre qui vient.
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La dissolution, la grande catastrophe.
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Netanyahou démission.
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1- La guerre qui vient.
Le secrétaire général de l'OTAN, Rutte, exhorte les membres à réaliser un bond en avant dans leurs capacités de défense, notamment en augmentant de 400 % leurs défenses aériennes et antimissiles pour contrer la menace croissante de la Russie.
Dans le dérèglement du monde, l'engrenage de la guerre est là.
Mark Rutte, ancien Premier ministre libéral des Pays-Bas, n'est ni un démagogue ni un excité. Il mesure simplement deux risques : celui du désengagement américain et de l'engagement russe.
L'économie de guerre russe, produit du déclenchement du conflit en Ukraine et de la réaction des Ukrainiens soutenus par l'OTAN, auto-alimente la dynamique de la guerre. Le nationalisme guerrier d'Hitler était tout autant dû à l'idée d'un espace vital qu'à la militarisation de l'économie dès son accession au pouvoir.
Devant l'avancée à pas de tortue russe dans le Donbass, les Ukrainiens, sans moyens de frapper dans la profondeur de l'agresseur, se projettent, multipliant les coups de main et portant la guerre en Russie même. Il faisait peu de doute que Poutine allait frapper avec force après ces revers. Nous ne sommes pas dans la désescalade mais dans l'escalade au-delà de la ligne de front.
Dans la désoccidentalisation du monde, les ingrédients de la guerre se coagulent : du nationalisme d'exclusion à la précarité de masse, de la pression migratoire à la guerre commerciale, sur fond de réarmement du monde.
Les instances de régulation mondiale sont grippées ou bafouées. Une déliaison sociétale — nous dirions en France républicaine — est en marche dans une planète chaque jour plus abîmée.
Catastrophisme ? Comme l’étaient ceux qui prévoyaient la guerre en 1912 ou 1938.
Poutine tire au maximum la corde sans rompre avec Trump. Le temps joue pour lui, pense-t-il. Il observe le président américain en chute libre dans 15 pays sur 24, selon le sondage du Pew Research Center. Si 91 % des Mexicains n'ont pas confiance dans D. Trump, ce qui est explicable, ils sont 79 % en Suède qui vient de rentrer dans l’OTAN. Poutine observe ce qui se passe dans le monde, où 147 pays sur 193 sont favorables à la reconnaissance d’un État palestinien, et le soutien inconditionnel de Trump à Netanyahou. Poutine voit que Trump est capable d’envoyer une lettre à Khamenei pour 5 rounds de négociations avec les Iraniens… et incapable de retenir le bras d’Israël, qui organise des frappes préventives. Il enregistre que la Corée du Nord se déclare au côté de l’Iran et que l’Arabie saoudite, le Qatar condamnent l’attaque. Le Pakistan, qui appelle à l’union des nations islamistes « contre le bombardement de l’Iran, Gaza et le Yémen », ne lui a pas échappé. Il constate que l’Iran menace la France, clef de voûte du soutien à l’Ukraine, si elle s’engage au soutien d’Israël.
Poutine ne peut pas ne pas voir que l’Amérique de Trump avance dans le Pacifique deux super porte-avions — le Nimitz et le George Washington — face à la Chine. Il observe tout autant l’affrontement entre les deux Amériques : l’état de siège de Los Angeles, le rêve d’arrêter le gouverneur de Californie, l’expulsion du sénateur démocrate Alex Padilla menotté dans un point de presse d’une ministre de Trump, la situation financière de l’Amérique, endettée et qui va s’endetter, et la montée des démocrates dans les sondages en vue des midterms, alors que pour la première fois les mécontents l’emportent sur les soutiens à Trump.
Bref, il constate la dégradation du leadership américain, son caractère peu fiable, et le désarmement unilatéral de Trump accédant à quasiment toutes les demandes de la Russie en termes de territoires ou de non-présence de l’Ukraine dans l’OTAN, allant même jusqu’à une sorte de retrait militaire américain.
La crise identitaire du monde occidental, tout autant que la faiblesse de Trump, nourrit la détermination de Poutine. D’autant que la montée des nationalismes, de moins en moins favorables au soutien à l’Ukraine — comme en Pologne — ou les percées russes en Moldavie, Géorgie, Roumanie, voire les émeutes racistes à Ballymena en Irlande, indiquent l’état des sociétés européennes.
Alors Poutine fait de la politique comme on lui a appris au MKVD, puis au FSB, alors que Trump veut faire des deals. Le maître du Kremlin empoche les gains politiques, ménage Trump, mais ne cède rien, ne rompant ni avec la Chine ni dans son désir de désenclaver Kaliningrad. Il avance tant qu’il peut.
Le fait que le leader pro-russe en Lituanie ait fini son discours en russe au parlement pour défendre la minorité russophone en dit long sur ce qui se joue pour une Russie dont l’accès à la mer Baltique est vital pour ses sous-marins — d’où, d’ailleurs, les manœuvres militaires russes à proximité de la frontière des pays baltes.
La pression militaire russe va donc être constante sur l’Europe, avec l’accumulation des conditions d’un conflit armé. Poutine n’attaquera pas l’OTAN, mais il grignotera jusqu’au moment où il ne sera plus possible d’accepter.
Il y a comme un bruit de bottes aux frontières de l’Europe, dans un monde devenu une poudrière.
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2- La grande catastrophe de la dissolution.
Ce dont on se souviendra du double quinquennat de E. Macron, c’est son accident industriel où, dans un même mouvement, le président a dissous sa majorité relative et provoqué un 1968 parlementaire, au point de créer les conditions d’un 1958 national-populiste.
Entre bévue monumentale et cynisme politique, on ne sait toujours pas si le président a parié sur la désunion de la gauche ou la venue aux responsabilités de l’extrême droite pour purger l’affaire et se dresser en rempart de la République. Il y avait sûrement un peu des deux. Le résultat fut cataclysmique. Le président, enfermé à l’Élysée, perdra son parti et sa mainmise sur le gouvernement, ramenant la droite au pouvoir via Michel Barnier et B. Retailleau. Des gouvernements d’ailleurs à la merci du RN, même si l’extrême droite fut stoppée dans son élan par un Front républicain. Il déboucha sur une victoire en sièges de la gauche que Macron, ébahi par ce "retour", ne voulut pas honorer. Macron semblait envisager une possible cohabitation avec l’extrême droite mais repoussa celle avec la gauche. Il faut dire que Mélenchon y a mis du sien. Il se précipita pour s’avancer autour d’un triptyque : "le programme, rien que le programme, tout programme" du Nouveau Front populaire.
Évidemment, la bourse s’affola, le Parlement menaça d’une censure a priori. La gauche était minoritaire, ce qui semblait avoir échappé aux chefs du NFP. Pire : elle ferma la porte à un bloc républicain. Personne ne voulut prendre en compte le mandat populaire de ce front républicain, au point de le ruiner pour les échéances à venir. Dès la dissolution, le PS préféra pactiser avec LFI plutôt qu’avec Place publique; Mélenchon plutôt que Glucksmann, qui pourtant avait propulsé le PS en tête de la gauche aux élections européennes. Le PS zappa son premier de cordée, qui, médusé, ne sut réagir. Faure en profita quand même pour négocier sa place au soleil de Mélenchon en termes de sièges. Une fois chose faite, il s’aligna sur une motion de censure agitatoire de LFI contre Barnier, qui accentua la crise et déboucha sur un gouvernement Bayrou. Et là ! Virage à 180°, le soutien sans participation du PS au bloc central, rompant avec Mélenchon mais pas avec le NFP (tout le monde suit ?). Ce fut la "lune acidulée" avec Bayrou. Depuis la fin du congrès du PS, c’est le retour aux menaces de censure et une alliance envisageable avec LFI là où il y aurait une menace de l’extrême droite. C’est-à-dire quand même dans 300 circonscriptions et 500 villes.
Eh oui, l’extrême droite, libérée par la dissolution de ses chaînes de la marginalité parlementaire, caracole aujourd’hui à plus de 30 % dans tous les sondages, sans compter les quelques points d’Éric Zemmour et ceux de Dupont-Aignan. Ce score du RN est à ce point solide qu’il n’est pas perturbé sondagièrement par l’éviction possible de sa cheffe par la justice et se transmet allègrement au jeune premier de l’extrême droite, "Jordan Bardella". Dans le même temps, cet anticyclone nationaliste provoque dans la droite classique une embardée à l’extrême droite. Soyons clairs : Le Figaro et le groupe Bolloré militent pour Retailleau, espérant ainsi tourner la page du piège mitterrandien, comme le dit Ciotti, criminalisant l’alliance avec l’extrême droite. La droite classique est maintenant sur le thème d’une primaire des droites, de préférence nationale, entre Retailleau et Bardella, puis l’union de celles-ci. Jean-Luc Mélenchon jouant l’idiot utile de cette stratégie. Bref, la ligne de Zemmour est devenue le mantra de la droite.
Ce carambolage politique, produit de la dissolution, intervient au pire moment politique : entre des déficits publics colossaux — la France emprunte tous les 15 jours 12 à 15 milliards d’euros —, une économie en berne, les faillites se multiplient, et une désagrégation républicaine où la France perd l’esprit même d’une communauté nationale. Si vous voulez toucher du doigt l’hégémonisme culturel de l’extrême droite : un sondage CSA (évidemment pour le JDD) indique que 68 % des Français estiment que l’islam est incompatible avec les valeurs de la République. Au passage, nous avons donc un pays qui pense que les musulmans sont hors la République et une majorité de la gauche qui estime que les juifs sont solidaires d’un "Israël génocidaire". À part cela, la démocratie française va bien.
Et c’est ici que se noue le 58 sans De Gaulle : c’est-à-dire un changement de régime avec un pas vers l’illibéralisme plus ou moins xénophobe. Toutes les quilles sont à terre. Chapeau l’artiste !
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3- Netanyahu démission.
Jeudi 12 juin, la Knesset n’a pas renversé le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Sauvé par le parti Shass, parti religieux d’extrême droite, sous les applaudissements des ministres eux-mêmes suprémacistes d’extrême droite le caractérisant de "parti frère".
Voilà qui est pour le moins symbolique de qui gouverne Israël.
Pour autant, Netanyahu aurait dû être renversé du simple point de vue de la conduite de la guerre où, depuis 18 mois, il pilonne, détruit et maintenant affame sans avoir réussi à éliminer le Hamas, sauver les otages ou trouver une solution politique.
Frédéric Encel, qui est loin d’être un pro-palestinien échevelé, écrit dans Le Figaro : "une grande majorité des Israéliens sont contre Benjamin Netanyahu". Les deux anciens Premiers ministres israéliens E. Barak et E. Olmert expliquent que le Premier ministre poursuit la guerre "à des fins personnelles". Le leader du Parti travailliste Yaïr Golan estime que le "gouvernement ne représente pas la grande majorité des Israéliens" et met en lumière le petit clan de fanatiques qui menacent la démocratie israélienne, tout en appelant à la paix, meilleur moyen de retrouver les otages, et réclamant avec E. Olmert une solution à deux États.
Des voix attachées à l’État d’Israël, de plus en plus nombreuses, s’élèvent devant ce qu’ils estiment être une monstruosité pour des Juifs : à savoir la déportation d’un peuple.
Devant la réprobation internationale qui voit dans la guerre d’anéantissement des Gazaouis une horreur humanitaire, et une défaite morale de l’État hébreu.
Devant la contestation en Israël même, Benjamin Netanyahu attaque l’Iran une fois sauvé à la Knesset. Il sait qu’il y aura en ce domaine moins de réprobation. Tant il est vrai que l’Iran a armé le Hezbollah, le Hamas, les Houthis, supervisé le 7 octobre, et dont le régime de terreur interne est honni par toute la planète.
Aujourd’hui, l’Iran, est la grande perdante de la guerre au Moyen-Orient par milices interposées. L’État religieux est au bord de l’effondrement, et c’est tant mieux. Les installations nucléaires n’ont pas été détruites selon l’AIEA, mais l’état-major militaire et des Gardiens de la Révolution a été décapité.
Mais on n’impose pas la démocratie par les bombes, et la riposte peut être la fermeture du détroit d’Ormuz, ruinant un peu plus l’économie mondiale.
En tout cas, le consensus occidental contre l’Iran ne cachera pas le dissensus massif et planétaire à propos de Gaza. D’autant que les 120 morts samedi lors de la distribution de nourriture vont accentuer la légitime réprobation. La question de la levée du blocus humanitaire reste entière.
Et continuer dans cette voie ne protège pas Israël, qui a gagné la guerre grâce à son armée dominante, forte du soutien des États-Unis et de la menace de l’arme nucléaire.
Mais le choc en retour a créé une vague montante d’antisémitisme sans précédent. Netanyahu ne s’en préoccupe pas. Si les Juifs ont partout peur, cela ne peut que les conduire à peupler Israël, pense-t-il.
La politique de Netanyahu n’est pas seulement criminelle à Gaza : elle abandonne les Juifs dans le monde.
La question de sa démission est posée pour obtenir la protection des Juifs, qui sont abusivement assimilés à sa politique dans un nouvel antisémitisme, pour obtenir la levée du blocus humanitaire, le retour des otages, et la fin de la guerre devenue illégitime comme le dit Ehud Olmert.
À dimanche prochain.