1084 jours de guerre en Europe

2025, l'année du PS ?

Jean-Marie Le Pen : un détail de l’histoire de l’extrême droite

Le Nouveau Monde

LA RELÈVE

000000

1. 2025, l'année du PS ?

2025 sera l'année du PS, non que le parti de Jaurès maîtrise le débat politique ou idéologique, loin s'en faut. Là, nous serions plutôt dans l'année zéro. Mais tout simplement parce que le groupe parlementaire PS va être décisif dans l'évolution de la crise politique. 2024 aura été l'année du RN. L'extrême droite fut à l'origine de la dissolution. Elle a failli gagner les législatives après les Européennes où elle est aussi arrivée en tête. Elle a voté la motion de censure du NFP qui conduira à la chute du 1ᵉʳ ministre Barnier : une première depuis 1962. Marine Le Pen et Jordan Bardella en profitent largement dans les sondages où ils dominent. C'est dire que le débat sur la censure ne doit pas nous faire oublier la réalité politique du pays. Mais tout cela est fait, et nous savons que l'extrême droite s'apprête à récidiver lors du vote du budget en février-mars, quelques jours avant le verdict judiciaire pour Marine Le Pen, ce qui implique sa sortie de route ou son sursis. Ceci expliquant cela, la survie du gouvernement Bayrou, l'avenir du président Macron mais surtout de la France tiennent maintenant à l'attitude des socialistes.

Il est peu probable que l'extrême droite vote la censure dès la déclaration de politique générale du Premier ministre le 14 janvier. François Bayrou a toujours été fort civil avec le parti d'extrême droite, il suffit de regarder son tweet sur le décès de Jean-Marie Le Pen. Et sa fille Marine Le Pen est extrêmement sensible aux marques de respect. Le Premier ministre fera les gestes qu'il faut pour que le RN – qui n'en a pas besoin – ne le sanctionne d'emblée. Ce qui laisse aux socialistes une certaine latitude quant à leur choix. Pour autant, la décision de ces derniers dans ce premier rendez-vous sera déterminante. Voter la motion de censure dès la déclaration de politique générale, c'est s'embarquer dans le vote quasi inéluctable de celle qui suivra la proposition du budget. Certes, notre « Spiderman » de ministre de l'Économie et des Finances se propose bien de sauter d'une réduction limitée des dépenses à une croissance réduite. Et il se fait fort d'assainir les comptes pour la présidentielle et de rassembler les partis de gouvernement dans un pacte conjoncturel.

Nous sommes dans la période des vœux, mais dans le moment que nous traversons, le débat est plus politique que budgétaire. La volonté des populistes des deux rives de faire tomber le gouvernement pour atteindre le président Macron est inébranlable. Donc, si les socialistes fixent des lignes rouges inatteignables pour F. Bayrou, pour ne pas voter la censure en janvier, ils sont sûrs de les retrouver en mars. Quant aux « concessions remarquables », cette trouvaille sémantique d'O. Faure résume parfaitement sa tactique. Mélenchon ayant moqué le plat de lentilles servi par les ministres du gouvernement Bayrou, le premier secrétaire pense qu'il faut une belle tranche de lard pour rendre le plat comestible. C'est quand même jouer le destin du pays sur un coup de dés.

Le débat sera-t-il en deux temps autour de deux censures : l'une dès le 14 janvier, laissant place à une négociation sur le budget et un débat sur une nouvelle censure à ce moment ? La non-censure le 14 janvier ne garantit pas l'absence de censure en février-mars. Lors de la déclaration de politique générale, il est probable que F. Bayrou voudra faire le discours de sa vie : tout à la fois celui d'une vision, d'une méthode et d'annonces. Pour tenter de clore le débat ou pour l'ouvrir ? Nul ne le sait à cette étape, donc nul ne peut conclure avant le discours. Mais il est maintenant certain que Bayrou ne sera pas renversé le 14 janvier, contrairement au pronostic de J.-L. Mélenchon.

Quel que soit le sujet : censure le 14 janvier, censure du budget, chute du gouvernement Bayrou, nouveau gouvernement, le PS est au centre du jeu et a envie d'y rester sans rompre avec le Nouveau front populaire et son programme. Bonjour les adducteurs, car il s'agit pour lui de garder les écologistes et le PCF avec lui à chaque étape. La riposte de Marine Tondelier à la bienveillante ouverture de Patrick Kanner en dit long sur les tensions possibles. De son côté, le gouvernement veut passer le 14 janvier (Barnier n'a pas été renversé après son discours de politique générale), puis il s'agira de se maintenir "quoi qu'il en coûte" et le plus longtemps possible en protégeant ainsi les institutions, c'est-à-dire le président, quasiment à son insu. Notons, ce qui ne facilite rien, que le président s'effondre dans les sondages et F. Bayrou est au plus bas, ce qui fait enrager les tenants de la crise systémique : Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui s'estiment à deux doigts du grand KO. Pour le moment, nous sommes dans le "temps et la relance", comme on dit au poker. C'est-à-dire la pause où tout est sur la table, mais rien n'est visible. Le jeu reste à faire.

Les retraites ? On discute jusqu'en juin à nouveau de toutes les options, mais sans abroger la réforme : tout juste, et peut-être, suspendre des mesures dans le texte, puis on passe le bébé aux partenaires sociaux dont on peut douter qu'ils se mettent d'accord. On le sait. Le MEDEF et la CGPME sont déjà repartis sur la retraite par répartition. Le budget ? Rien n'est figé, tout est possible. Mais le ministre de l'Économie et des Finances indique qu'il ne faut pas dégrader les comptes. Donc, en attendant la décantation des actes, on achète du temps à coup de mots. Mais le fait même que la discussion se noue est un élément politique majeur. Tout le monde dit avoir envie au moins de passer le discours de politique générale, car le traumatisme de la « censure-chute de Barnier » n'a pas été compris dans le pays. C'est le retour des parlementaires de leur circonscription pendant les congés qui l'atteste.

Mais alors, qu'est-ce qui a bloqué ces derniers jours ? Le PS est au centre, mais sur le programme du Nouveau Front populaire, c'est-à-dire celui de LFI. Il faudrait que le PS rompe avec ce programme, affirme le sien et négocie sur cette base, en sachant qu'il ne peut transformer F. Bayrou en Premier ministre de la gauche. Les Fauristes disent bien vouloir un compromis, mais sur des concessions repérables par l'opinion et défendables devant Mélenchon. Ils ne veulent pas prendre la responsabilité de la rupture, car ils ont étalonné leur identité politique à cette alliance. Ils ont peur de laisser à Mélenchon l'espace de l'anti-Macron et, au pire, espèrent garder le sigle « totémique » du NFP. Donc les socialistes sont dans la situation inconfortable du négociateur par procuration d'un programme qui n'est pas le leur et, en plus, ils doivent garder les écologistes et le PCF. On comprend la déclaration de Fabien Roussel : "Il y a du boulot." En effet, car François Bayrou est lui aussi contraint sur tous les sujets. Il tire les leçons de l'échec de Barnier qui n'a voulu aucun compromis sur quoi que ce soit et s'est subordonné au choix du RN. Il ne peut abroger la réforme de l'ancienne Première ministre E. Borne qui est actuellement dans son gouvernement. Le troc proposé au président, un geste sur les retraites pour terminer le quinquennat, n'est pas stabilisé avec le gardien du temple.

Le 1ᵉʳ ministre doit maintenir une épure budgétaire qui réduise les déficits, car il est sous le regard des marchés, à qui nous devons des milliards, et de l’Europe, qui ne veut pas laisser filer nos finances. Nous venons d’emprunter à un taux supérieur à la Grèce, et la question des retraites pèse un poids décisif dans nos déficits. Depuis la rentrée, souffle sur la planète la bourrasque des rendements des emprunts d’État. En France, nous ne sommes plus à 54,9 milliards de charges de la dette prévues dans le budget Barnier, mais déjà probablement à 72 milliards. Et puis, "accessoirement", Bayrou doit rassurer sa base parlementaire des droites soutenues par l’extrême droite, qui ne veulent pas se faire refiler tout ou partie du programme du NFP sous le manteau. Le problème n’est pas pour eux la censure, mais le vote d’amendements de mauvaise humeur, car le Modem plus le PS, cela ne fait pas une majorité à l’Assemblée. Et ajoutons, pour faire bon poids, que la majorité parlementaire au Sénat a voté un budget "Barnier 2", qui précisément défaisait le budget de l’Assemblée largement reconstruit par la Gauche. La mauvaise humeur de la majorité sénatoriale se fait déjà sentir. G. Larcher a fermé la porte samedi dans Le Parisien à une avancée sur la réforme des retraites : "ni abrogation ni suspension". Il ne conduira pas ce débat au Sénat. Partir du texte de la Commission mixte paritaire, dit-on à Matignon ! Mais c’est déjà figer les recettes et les dépenses. Et dire à la Gauche responsable d’amender le texte reviendrait à dire que Renaissance, Horizons et les Républicains votent les amendements de la Gauche. On voit la complexité de l’exercice.

Pour autant, soyons conscients de l’état psychologique du pays où l’inquiétude est partout, et ce n’est pas le procès Sarkozy et l’accusation d’un pacte de corruption avec un dictateur ou le procès parlementaire via la commission d’enquête sur les dérapages des comptes publics par Macron qui vont rassurer les Français. Le pays est à l’arrêt, tétanisé par les risques et les menaces de toutes sortes, alors qu’il n’est pour ainsi dire pas gouverné depuis 8 mois.

L’intérêt de la France, mais aussi de la gauche, est la stabilité jusqu’à la fin du quinquennat de Macron. Sans stabilité, le pays va s’enfermer dans la spirale de la crise politique sans les moyens de la conjurer, ou en l’aggravant avec la victoire du RN. Et celle-ci se combinerait avec l’aggravation des déficits, ce qui plomberait l’investissement et la croissance et déboucherait sur une récession coûteuse en emplois, en précarité, en soutien aux services publics et aux collectivités locales.

C’est l’intérêt de la gauche, car l’alternance, c’est dans deux ans, pas maintenant. Et c’est aux macronistes et à la droite d’assumer les conséquences d’une politique libérale désastreuse qui a conduit à l’austérité.

Le PS a besoin de temps pour se préparer aux rendez-vous de la nation, tant sur le plan programmatique, stratégique que de leadership. Il peut, sur une orientation social-démocrate renouvelée, être le porteur du bloc républicain qui fera barrage à l’extrême droite au deuxième tour de la présidentielle.

La stratégie du chaos est celle des populistes et non celle d’une gauche réformiste. Il faut l’assumer. Et la thématique de la responsabilité pour protéger les Français n’est pas un handicap, loin de là, aux municipales. D’autant que les socialistes sont sortants, la droite divisée en plusieurs tronçons entre Ciotti, Wauquiez, Philippe, les macronistes en plein marasme, et les écologistes ne peuvent y aller seuls avec LFI, car ces derniers sont réduits dans l’opinion à leur carré radical. Et Mélenchon est le prisonnier volontaire de la diabolisation.

Alors, c’est le moment. Le PS doit manifester son hostilité à la politique macroniste sans faire tomber Bayrou. C’est la stabilité sans participation. Le ni-ni socialiste du moment doit être "ni soutien ni démission mais responsable dans l’opposition". Ne pas voter la censure, ce n’est pas faire partie de la majorité. Ça, c’est l’argumentaire des populistes. Il faut protéger les Français autant que possible, autant que nécessaire, mais ne pas jouer la politique du pire. Le vote contre le budget après négociations et discussions est possible, voire probable, le battre même dans une conjonction des non, pourquoi pas, mais après un 49.3, faire tomber le gouvernement, sûrement pas. Il ne faut pas voter la censure le 14 janvier, mais cette décision n’est pas un solde de tout compte de la responsabilité. Elle engage un processus de rupture avec LFI qui ne peut se conclure que par le vote de la censure sur le budget dans deux mois. La décision d’une censure, dans la situation du pays, me semble soutenable que si le gouvernement Bayrou portait atteinte aux principes mêmes de la République, sur l’immigration par exemple.

Je dirais pour finir aux sociaux-démocrates du PS qui s’inquiètent du prochain congrès et de la désignation du candidat à la présidentielle : la stabilité est l’ennemi de la radicalité et le meilleur moyen de la marginaliser. C’était déjà le cas lors de la censure du gouvernement Barnier sur son budget. En se dérobant à ce moment de clarification, les sociaux-démocrates ont raté une occasion. C’était une faute. Recommencer, ce serait une ligne. O. Faure a depuis changé de position et kidnappé la thématique du compromis. La belle affaire ! C’est tant mieux pour le PS et le pays, d’autant qu’au bout, il y a le rendez-vous avec le budget, ce qui rend difficile la position de "ni rompre avec Bayrou ni avec Mélenchon".

Surgira inéluctablement la question : Faure joue-t-il la stabilisation ou Mélenchon ? Il vaut mieux qu’il choisisse la stabilité du pays, mais donc il rompra totalement avec le Nouveau Front populaire, si ce n’est pas arrivé avant. Ce serait la victoire stratégique des sociaux-démocrates. C’est dire si cela changera l’eau du bain, qui était celui de Faure depuis la Nupes. Cela ne sera pas sans conséquence. Et s’il retourne dans l’union Mélenchon, alors la question de l’autonomie stratégique du PS reviendrait comme un boomerang. En attendant, nous aurons fait œuvre utile pour le pays.

L’année PS, pour des raisons arithmétiques, deviendra l’année du PS pour des raisons politiques. Si nous rompons avec Mélenchon et son programme tout en construisant, défendant le nôtre et en assurant la stabilité du pays. Le PS a, cette année, rendez-vous avec l’Histoire.

 0000

2. Jean-Marie Le Pen : un détail de l’histoire de l’extrême droite

Jusqu’au bout, il aura provoqué au nom de l’extrême droite réactionnaire et vichyste. Pour son dernier anniversaire, il citait encore Brasillach, fusillé à la Libération pour collaboration. Avec Éric Osmond, dans notre livre sur l’histoire de l’extrême droite La France blafarde, nous avions commencé par le dernier écrit de Brasillach avant de mourir, Manifeste à la classe 60. Le Pen a loué ce livre en marge d’un débat où je l’affrontais. Il était un héritier de cette « classe 60 », pas simplement parce qu’il a édité les chants nazis, mais parce que Brasillach, qui avait trempé sa plume dans le venin de l’antisémitisme, pensait à cette jeunesse qui renouerait avec le nationalisme d’exclusion plus de 20 ans après son exécution.

De fait, dès ses années d’étudiant au Quartier latin, le futur leader de l’extrême droite renoua le fil d’une continuité historique que l’on pensait à jamais disparue dans les poubelles de l’Histoire avec Pétain et la collaboration. Le poujadisme, la décolonisation, la guerre d’Algérie, l’anticommunisme allaient redonner des couleurs à une génération dépositaire d’une histoire qui prend sa source dans la réaction à la Révolution française, s’alimenta à l’antisémitisme de l’affaire Dreyfus, tenta de prendre le pouvoir avec les ligues par un coup de force dans les années 1930, collabora pour certains avec le nazisme, tenta d’assassiner le général de Gaulle avec l’OAS, fit le coup de poing contre l’extrême gauche sur les campus et sortit de la marginalité avec la création du Front national, reprenant comme emblème la flamme du parti fasciste italien, le MSI.

L’extrême droite est bien une histoire française, mais dans sa version blafarde. Et Jean-Marie Le Pen en fut le propagandiste, surgissant dans la réaction de la droite à la victoire de la gauche « socialo-communiste » en 1981. Il n’était pas un théoricien de ce courant réactionnaire et xénophobe, mais le gardien d’une mémoire et d’une maturation politique qui surmonta l’opprobre et, pour tout dire, la disqualification d’une participation idéologique à la Shoah.

La rencontre entre un cheminement intellectuel et une conjoncture post-communiste réunissait les conditions d’une émergence nouvelle dans la création du Front national en 1972. Mais le "menhir", comme il aimait se faire appeler, n’aurait rien été si Poujade s’était présenté à l’Assemblée nationale. Il profita de cette absence, de cet espace ainsi créé, pour s’imposer comme l’orateur d’un groupe sans chef et puisa dans ce mouvement de commerçants les linéaments du populisme.

Directeur de campagne présidentielle en 1965 de Tixier-Vignancourt, il attrapa le virus. Il rompit avec l’ancien secrétaire adjoint à l’information de Vichy et fondateur du Rassemblement national français seulement sur la question du désistement pour F. Mitterrand contre de Gaulle, alors qu’il faisait applaudir dans ses meetings le général Salan et l’Algérie française. Mais il y avait acquis une notoriété qui allait lui être utile pour une extrême droite qui cherchait bientôt un porte-voix "respectable".

Parallèlement, le sillon idéologique était à nouveau tracé et les nouvelles semences plantées à travers les réflexions de Dominique Venner, les actions de Pierre et Jacques Sidos et de Jeune Nation, l’apport idéologique des penseurs allemands Möller van den Bruck, Oswald Spengler, Carl Schmitt, et surtout Jünger, qui enflamma une génération nationaliste et déboucha sur Europe Nation.

C’est là que la matrice du renouveau fut conçue autour de François D’orcival, Alain de Benoist, Roland Gaucher, Jean Mabire et sa fascination pour la Waffen-SS. Pour exister à nouveau, il fallait rompre avec le passé encombrant des fascistes de l’entre-deux-guerres. Et ce fut Occident renouant avec les penseurs comme Maurras, Drumont, Barrès ou Drieu La Rochelle, avec de nouveaux activistes comme A. Robert, Longuet, Madelin ou Devedjian, en soutien à la lutte contre les communistes du FLN vietnamien.

1968 avait marqué la fin des activités illégales, tirant le bilan de l’OAS. La question électorale et la rupture avec le temps des groupuscules furent à l’ordre du jour. Pourtant, Jean-Marie Le Pen faillit ne pas être président du FN, puisque Dominique Venner pressenti le refusa après réflexion : son tempérament de "samouraï" ne s’accommodait pas de la notabilisation nécessaire au poste. Puis, là encore, Le Pen profita des circonstances et des idées des autres, celles de François Duprat qui, pourtant antisémite notoire, imposa une nouvelle grille de lecture : celle de "l’immigration maghrébine", qui immédiatement porta ses fruits. Et ce furent ensuite les apports du GRECE de A. de Benoist et de la Nouvelle Droite, menant le combat culturel à travers les trois "I" : Immigration, Insécurité, Identité. Puis le Club de l’Horloge avec J.-Y. Gallou imposa la "préférence nationale". B. Mégret et les CAR, avec leur triptyque : "Démasquer le socialisme, créer les contre-pouvoirs, promouvoir une extrême droite de gouvernement". Enfin, ce sera, sur le tard, le "grand remplacement" de Camus.

L’extrême droite a ainsi fait sa mue, du fascisme des années 30 au national-populisme des années 2000, précédant de quelques années une vague planétaire autour du même concept. Ce remembrement idéologique finit même par structurer la droite classique, orpheline de l’anticommunisme et du gaullisme. Jean-Marie Le Pen fut donc un acteur du retour de l’extrême droite, mais sur des textes écrits par d’autres.

Il partageait avec elle l’antisémitisme, comme l’atteste son calembour révélant son inconscient : "Durafour crématoire" en 1988, mais on a oublié celui de 1958 : "Monsieur Mendès France, vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques presque physiques." Il participa à lui substituer, facialement, un racisme anti-maghrébin virulent. Il haïssait le progressisme, et la "Ripoublique" était sa cible préférée, passant allègrement sur ses turpitudes financières et ce qu’il fit à Alger comme officier de renseignement, torturant les militants du FLN.

Il n’avait pas hésité à lever la main et à bousculer une maire candidate aux législatives, Annette Peulvast-Bergeaud, multiplia les déclarations contre les homosexuels, préconisa les sidatoriums pour ce qu’il appelait les "sidaïques", et il fut condamné de nombreuses reprises par la justice : pour apologie de crime de guerre, pour contestation de crime contre l’humanité, pour incitation à la haine, à la discrimination et à la violence raciales, pour injure publique et violence, pour défense de l’inégalité des races, et pour la déclaration : "Les chambres à gaz étaient un détail de l’Histoire."

Eh bien, cet homme-là, avec ce discours-là, s’imposa en 2002 au deuxième tour de la présidentielle, malgré la scission de son "Brutus", de Mégret, comme il le dira lors d’un meeting, se couvrant symboliquement la tête tel que le fit César avec sa toge. C’est dire la mégalomanie du personnage.

Cette détestable performance, obtenue à cause de l’effondrement et de la division de la gauche, installa durablement l’extrême droite dans le paysage politique et la met aujourd’hui aux portes du pouvoir. Car la banalisation de l’extrême droite a commencé avec la création du Front national. C’est précisément pour cela que Le Pen fut choisi, et la longue marche vers l’institutionnalisation fut rendue crédible par la "rupture" avec les excès de son leader, au point où, pour certains, la distance affichée, réelle ou cachée, avec l’antisémitisme permet de ne plus être d’extrême droite.

C’est dire si Jean-Marie Le Pen rendit service à son courant politique par deux fois. Mais n’oublions jamais que Le Pen n’est qu’un moment de l’histoire de l’extrême droite française, dont le nationalisme d’exclusion est un danger mortel pour la République et l’Europe.

Au moment de son décès, j’ai eu une pensée pour tous ceux qui ont été des premiers, les pionniers du combat au manifeste contre le FN. Et à ceux, comme François Mitterrand, qui me disaient voir en Le Pen seulement un faluchard folklorique, ou encore ceux qui me combattaient parce que le danger était Mitterrand, pas Le Pen. La bataille continue, elle est simplement devenue planétaire.

DIMANCHE SOIR SUR LA 5 : DOCUMENTAIRE EN 3 PARTIES "JEAN-MARIE LE PEN À L’EXTRÊME" (EN PRIME TIME), OÙ JE SUIS UN DES INTERVIEWÉS DE RÉFÉRENCE.

 0000

3. Le Nouveau Monde

La conférence de presse de Donald Trump sur les questions internationales a été un festival. Nous allons vivre pendant son mandat avec ce type de bombardement verbal loufoque. Remarquez, notre président s’est illustré en ce domaine en tentant de faire croire que notre retrait militaire des pays d’Afrique de l’Ouest était dû à une stratégie mûrement réfléchie, dont nous aurions laissé la primauté de l’annonce au Sénégal, à la Côte d’Ivoire, au Tchad, après le Burkina ou le Mali. Démenti par les intéressés, nous avons eu honte pour la France. Comment un président peut-il dire cela ?

Revenons à D. Trump, lui, y va carrément, cela ne le gêne pas. Et ce n’est pas Meta, qui rejoint X dans le refus de contrôler les contenus des messages sur les réseaux sociaux, qui va le contredire. « Le Canada doit devenir le 51ᵉ État des États-Unis », « Le Groenland doit devenir un État américain », « Le Panama doit traiter les États-Unis d’une manière équitable, le golfe du Mexique sera renommé golfe des États-Unis », « Gaza et le Moyen-Orient connaîtront l’enfer si les otages israéliens ne sont pas libérés » avant son arrivée au pouvoir.

Cela manque un peu de "vision globale", et il peut paraître paradoxal de déployer une stratégie d’annexion, voire impérialiste, alors que l’on professe l’isolationnisme, que l’on condamne la Chine dans sa volonté d’annexer Taïwan ou la Russie dans sa tentative de faire main basse, au choix, sur l’est de l’Ukraine, les pays baltes, la Géorgie ou la Moldavie. Les États-Unis ont une base militaire de sous-marins nucléaires depuis la fin des années 50 au Groenland, et avec les fontes des glaces, cette route devient stratégique, sans évoquer le sous-sol qui l’est tout autant. Pour autant, le « pousse-toi de là que je m’y mette » inaugure l’ère de « monsieur sans-gêne ». Trump fait les gros yeux avec un gros bâton dans le dos pour obtenir le meilleur deal.

Pendant que son chien de garde, E. Musk, fait de la pax americana une nouvelle ligne d’attaque, stigmatisant le Premier ministre travailliste anglais ou le chancelier allemand en soutenant l’extrême droite. Au fond, le monde est devenu une nouvelle jungle remplie de prédateurs sans régulation.

Dans ce fort moment de déconstruction planétaire, où l’Occident et le Sud s’affrontent, mais où, dans chaque bloc, c’est aussi chacun pour soi, le Moyen-Orient est en pleine recomposition. Si Israël a perdu la bataille planétaire de la communication - jamais l’État hébreu n’a été à ce point critiqué, condamné et même marginalisé - Tel-Aviv a gagné la guerre "d’octobre" contre l’Iran. Sur la base du recul des chiites iraniens et de leurs alliés, la carte bouge. Ceci d’autant que Trump a annoncé que les États-Unis ne se mêleraient pas de l’évolution en Syrie.

Alors, une course de vitesse entre la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite s’est engagée, sous le regard suspicieux d’Israël qui ne peut pas faire grand-chose sur ce sujet. Riyad s’avance après son fiasco au Yémen et l’affaire Jamal Khashoggi, qui scandalisa le monde. L’Arabie saoudite est à l’initiative de tous azimuts : après avoir maintenu ses relations avec l’Iran grâce à la Chine, condamné Israël pour ses bombardements à Gaza, indiqué qu’elle ne peut renouer les accords d’Abraham en l’état d’impasse sur la question palestinienne.

Elle avance ses pions : une délégation de l’Arabie saoudite s’est immédiatement rendue à Damas suite à la chute de Bachar. Puis, la première visite du nouveau ministre des Affaires étrangères syrien, Assad Hassan el-Chibani, a été pour Riyad. Yassin Bin Farhan, le chef des services secrets du royaume, est venu rencontrer le général libanais Joseph Aoun, qui vient d’être élu président, même si le Hezbollah a négocié son retrait en bon ordre dans l’entre-deux-tours de son élection parlementaire. Mais le même Aoun avait été reçu à Riyad.

L’Arabie saoudite a renouvelé son influence auprès de l’Autorité palestinienne et regarde avec intérêt la répression qui s’intensifie par l’"Autorité" de Ramallah depuis mi-décembre contre les groupes armés dissidents, particulièrement dans le camp de Jénine. L’Arabie saoudite a développé l’idée qu’elle ne peut défendre un État palestinien s’il était une menace contre Israël. D’ailleurs, les États-Unis soutiennent tout autant ces initiatives en Cisjordanie pour les mêmes raisons.

L’Arabie saoudite est de retour après le protectorat iranien. La stratégie d’une stabilisation régionale sunnite est claire mais, pour autant, un peu prématurée, d’autant que le Liban est toujours déstabilisé, le Hezbollah n’est pas démantelé et la situation en Syrie est encore précaire, malgré le forcing diplomatique de son chef al-Joulani, qui a même mis la cravate, mais n’a quand même pas serré la main d’une femme ministre des Affaires étrangères d’Allemagne.

Le conflit entre les pro-Turcs, autres vainqueurs de l’effondrement chiite, et les Kurdes s’envenime dans le nord du pays. Israël continue à bombarder les bases de l’armée syrienne, et les Russes sont encore là. Dans le même temps, un autre acteur régional a jeté son dévolu sur la Syrie. Il s’agit du Qatar : le chef de la Sécurité du pays et le ministre des Affaires étrangères ont fait plusieurs fois l’aller-retour à Damas en déclarant qu’ils estimaient que leur pays avait un rôle à jouer en Syrie.

Toujours est-il que les pays du Golfe et l’Arabie saoudite sont bien décidés à se faire une place dans le "retrait" iranien, qui garde une carte avec le Hezbollah au Liban et les otages israéliens détenus par son allié du Hamas. On comprend pourquoi D. Trump, dans un fatras de déclarations pitrales, a envoyé un message clair pour la libération des otages.

Enfin, il est à noter que l’Ukraine et la Russie sont à la limite de la rupture à la veille de négociations inéluctables. Après l’Allemagne, c’est aujourd’hui la France qui lâche l’Ukraine, lui demandant d’être responsable. Décidément, E. Macron aura défendu dans cette affaire, successivement et avec morgue, toutes les positions. Il y a encore peu, il choquait ses partenaires européens en préconisant l’envoi de troupes au sol.

Mais c’est sur le terrain que la situation est critique. L’Ukraine lutte pied à pied, mais perd inéluctablement du terrain, pendant que sa percée à Koursk, en Russie, piétine. Mais le colosse russe est confronté à ses pieds d’argile, c’est-à-dire l’économie. L’économie de guerre, qui a contrarié les sanctions du monde occidental, a atteint ses limites. Malgré un taux directeur de la Banque centrale russe à 21 %, l’inflation est galopante. Et dans le même temps, les dépenses liées à la guerre s’envolent: elles sont de 145 milliards de dollars, c’est-à-dire 6,5 % du PIB.

Il ne s’agit pas seulement de l’industrie d’armement ou des salaires des militaires, mais aussi des subventions au peuple russe, dont les indemnités pour les familles des soldats tués, une dépense essentielle à la paix intérieure. Mais ces largesses sont dévorées par l’inflation et menacées par le prix du baril Brent de pétrole, qui devrait passer à 73 dollars au lieu de 100. Cette rente essentielle va s’effondrer, d’autant que les Russes vendaient déjà à des prix cassés pour contourner l’embargo. Donc, Poutine va devoir obtenir rapidement, dans l’année, la levée des sanctions. Voilà la double condition, militaire pour les uns, économique pour les autres, qui permet d’espérer la fin de cette boucherie imbécile.

Un petit mot enfin, pour la route de la semaine, à tous ceux qui s’imaginent que le rapport de force est favorable aux progressistes comme dans les années 60/70. L’extrême droite autrichienne vient d’être chargée de constituer un gouvernement et le parti conservateur est prêt à y participer. Pendant ce temps, l’extrême droite anglaise double les conservateurs et se trouve à la hauteur des travaillistes dans les sondages, tandis qu’elle est en forte dynamique en Allemagne. À suivre !

 0000

4. LA RELÈVE

Chaque semaine, je dresse le portrait d’une dirigeante socialiste ou d’un dirigeant dont j’estime, en l’observant, qu’il fera partie de la relève au Parti socialiste. Après Hélène Geoffroy, Nicolas Mayer-Rossignol, Philippe Brun, Ericka Bareigts, Jérôme Guedj, c’est au tour de Valérie Rabault.

Valérie Rabault

La militante

Le 12 juin 2014, Valérie Rabault déboule au ministère des Finances et saisit sur pièces les documents nécessaires à la clarté budgétaire. L’opinion publique découvre cette première émancipation du Parlement de la tutelle de l’État bonapartiste sous la Ve République et, par là même, la première femme rapporteuse pour avis sur le budget de la nation. Seule la regrettée Nicole Bricq l’avait devancée à ce poste, mais c’était au Sénat.

« Ce n’est pas à Bercy de dicter la politique de la nation », semble dire la députée du Tarn-et-Garonne. Elle reprend ainsi à son compte un discours de Pierre Mendès France, le 17 janvier 1957 :
« L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes : soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure qui, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique. Car, au nom d’une saine économie, on en vient aisément à dicter une politique. »

Pour la rapporteure pour avis sur le budget, les élus de la Nation sont majeurs et doivent décider souverainement au nom du peuple. Voilà ce que signifiait cet acte, signifiant et signifié. La dame a du caractère, du savoir-faire, et pas du tout la langue dans sa poche, sous une apparence réservée.

Il en faut pour décliner de rentrer dans le gouvernement de Manuel Valls et refuser de devenir Première ministre d’E. Macron quand celui-ci la sonde après le passage au pouvoir d’Édouard Philippe. J’ai éprouvé ce fameux caractère lors de nos discussions pour un accord de direction lors du congrès de Poitiers, où elle représentait, avec Karine Berger et une brillante étoile filante qui quitta rapidement le PS, Nicolas Brienne, une motion intitulée « La Fabrique ». Ceci se termina bien puisque nous écrasâmes ensemble les frondeurs, 70 % à 30 %, alors que l’exécutif redoutait leur victoire.

Elles faisaient partie des rares à avoir travaillé sur le fond, bâti une pensée originale que l’on retrouve dans un ouvrage commun :« Les 30 Glorieuses sont devant nous ».  Loin du pessimisme militant de la fronde au PS, elles défendaient l’idée d’une France dont les ressources permettraient de relever les défis. Elles militaient déjà pour le nouvel équilibre du fameux modèle français, ce qui est au cœur de la pensée social-démocrate aujourd’hui.

Non seulement elle n’était pas frondeuse, tout en exerçant une distance certaine vis-à-vis de Manuel Valls, mais elle récidivera plus tard en refusant l’inféodation à Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de la NUPES, puis du Nouveau Front populaire.

Celle que le journal Financial News classait parmi les 100 femmes les plus influentes de la finance européenne paiera le prix de ce refus de s’aligner. Elle a cette nuque raide qui fait les dirigeants.

Elle avait remplacé O. Faure à la présidence du groupe socialiste après avoir été réélue en 2017, dans la débâcle du PS. Mais le premier secrétaire du PS ne lui a pas pardonné son refus de la NUPES et son soutien à Carole Delga sur le sujet. Il lui préféra Boris Vallaud et la poursuivra de sa vindicte, laissant É. Coquerel devenir président de la commission des finances, alors que chacun reconnaissait dans cette commission qu’elle était en capacité de faire le job.

Il faut dire que son parcours, à la fois atypique et de grande qualité, la qualifiait pour devenir la spécialiste des finances publiques de la gauche. Diplômée des Ponts et chaussées, MBA Collège des Ingénieurs, elle ne fait pas partie de ces assistants parlementaires n’ayant jamais connu la vie professionnelle, dont Lionel Jospin disait à juste titre que cela définit les traits d’une génération hors-sol, qui pèse beaucoup sur le tacticienisme du PS.

Elle commença donc comme conductrice de travaux dans le BTP, puis bourlingua dans la banque, inspectrice et chargée de la prospective à Londres, où elle entra au PS.

Une qualification donc immédiatement reconnue dans la banque, puis au PS, où elle ne dédaignera pas relever les manches en devenant première fédérale du Tarn-et-Garonne, où elle avait des attaches par la famille de sa mère originaire de Linced. Sur cette terre radicale de gauche, elle se heurta à M. Baylet, le patron de la puissante Dépêche, peu disposé, malgré sa faconde, à lui faire une place.

Dans ce pays de rugby, il jouait plutôt en mêlée fermée. Mais ce petit département entre Montauban et Castelsarrasin est la patrie de naissance d’Olympe de Gouges : cette filiation ne ment pas. Valérie Rabault ne plia pas et installa le PS dans le département, tout en s’activant au Parlement sur les questions budgétaires.

C’est donc une militante, une qualité à mon avis déterminante pour diriger en politique. Très active auprès de Bernard Cazeneuve, après avoir été un soutien de la candidature de Vincent Peillon lors de la primaire de la Belle Alliance populaire. Ce qui dit quelque chose sur ses choix politiques, elle qui, comme l’ancien député européen, a fait de la lutte contre l’évasion fiscale un de ses thèmes de prédilection.

Puis, Valérie Rabault est encore choisie par Anne Hidalgo, candidate à la présidentielle, pour plancher sur les problèmes de finances et de budget. C’est dire que sa compétence est unanimement reconnue. On fit d’ailleurs appel à elle, malgré ses préventions, pour chiffrer le programme du Nouveau Front populaire.

Sûrement désœuvrée à la vice-présidence du Parlement, où elle avait fini par atterrir, elle accepta. Cette BA ne lui porta pas chance, puisqu’elle fut battue lors de la dissolution par Brigitte Barèges, élue grâce au soutien de l’extrême droite du Rassemblement national dans une assemblée qui consacra le Front républicain contre l’extrême droite.

Le dicton dit : « Un arbre en bonne santé a de belles racines. » Loin d’être abattue par ce coup du sort, elle ne quitta pas le PS, qui aurait bien eu besoin de ses lumières en ce moment d’intense débat budgétaire. Ni ne s’éloigna des Tarn-et-Garonnais, qui ont vraiment perdu au change.

Souvent, les battus s’en vont sur la pointe des pieds. Valérie Rabault s’accrocha au terrain. Elle ne fait pas partie de ces dirigeants qui ne voient que le mandat suivant et œuvrent dans l’appareil pour l’obtenir. Elle continue le combat au niveau local et départemental, là où elle habite.

Elle préside l’association Tarn-et-Garonne Art et Culture, multiplie les initiatives pour la culture du plus grand nombre, défendant le spectacle vivant. Et nul doute que cette attitude humble, militante, tenace et fière, qui ne plie pas au vent des événements, préfigure une reconquête.

Elle remontera sur son cheval en vue du nouvel épisode de sa vie militante, qui la mènera au sommet d’un nouveau Parti socialiste. Michel Rocard disait : « Il y a trop peu de responsables socialistes qui comprennent quelque chose à l’économie. Il faut les soutenir. » Et d’autant plus s’ils ont l’âme militante.

Prochain portrait : Michaël Delafosse

À dimanche prochain.