1000 Jours de Guerre en Europe

1.     Sans proportionnelle, pas de gouvernement durable

2.     Une convention stratégique au PS

3.     Vers une fédération des sociaux-démocrates

4.     Un Premier ministre de droite peut en cacher un autre

5.     Netanyahu veut entraîner l'Occident dans une guerre régionale

6.     Émeutes racistes en Grande-Bretagne.

 

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1. Sans proportionnelle, pas de gouvernement durable

La France, pendant quelques jours, grâce aux performances de ses athlètes lors des Jeux Olympiques, a repris confiance en elle-même. Elle, qui se désole de reculer dans tous les domaines, s'est vue sur le toit du monde sportif. Même les plus blasés, les plus sceptiques, les plus pessimistes militants ont compté les médailles. La France forte, enthousiaste, combative, généreuse dans l'effort et rassembleuse dans l'esprit est apparue en l'espace d'un moment. Mais comme lors de la Coupe du Monde de football en France et son rêve Black-Blanc-Beur, la parenthèse enchantée sera de courte durée. Un gouvernement est à nommer, des déficits à gérer, et le mur de la réalité va s'imposer. Le risque de récession américain a entraîné le plus grave choc boursier au Japon depuis 1997 et un mini-krach sur toutes les places d'Asie. Cette vague à la baisse a percuté les marchés européens. Elle a déjà des conséquences sur les prêts du pays. La crise du blé, où la France récolte 10 millions de tonnes en moins, entraîne des catastrophes en cascade chez les agriculteurs, ainsi que la montée du prix du pain. La France ne peut affronter des difficultés de ce type avec un gouvernement qui expédie les affaires courantes. Et pourtant, Macron ne veut pas se presser alors que les événements le pressent. Il voudra certainement profiter de la fin de la comète des Jeux et de son climat conjoncturellement anesthésiant. 

Une fois le drapeau des Jeux parti pour Los Angeles, il lui faudrait aller vite. Mais rien n'est moins sûr. Le Président a fixé le périmètre de son choix : ce sera un Premier ministre qui aura l'apparence d'une cohabitation mais devra être une continuation. Sur LCI, B. Cazeneuve, dont on évoque le nom dans les couloirs de l'Élysée, déclare : "Cela devrait être un gouvernement technique ou d'entente, ouvert aux préoccupations de la gauche." Autant dire qu'E. Macron ne choisirait pas Lucie Castets, la candidate que le cartel des gauches veut lui imposer. Tout cela est à confirmer. Mais, comme à son habitude, E. Macron va faire comme si la réalité politique n'existait pas. Il se pense toujours le plus malin. Il a arrêté son jugement : "Personne n'a gagné." Munis de ce passeport, il se croit immunisé pour décider. B. Obama a dit à D. Trump lors du passage de pouvoir en guise de conseil : "Toute action produit une réaction", cela est valable pour E. Macron. Sa décision de refuser la gauche, à l'instar de la dissolution, aura des conséquences. Le choix selon son bon plaisir provoquera l'ire de la gauche pour le plus grand plaisir de Mélenchon. Alors qu'il eut été éthiquement juste et politiquement habile d'appeler un Premier ministre du nouveau front populaire. L. Castets n'a ni la majorité absolue pour se maintenir ni la légitimité pour arbitrer qui serait dans son gouvernement. L'hypothèque levée, les conditions seraient changées à gauche pour le plus grand bien du pays. Mais le président n'est pas à un caprice près et l'humilité face aux événements n'est pas tout à fait sa tasse de thé. En imposant "son" candidat au poste de Premier ministre comme s'il avait gagné, il veut croire qu'il est encore le maître des horloges.

Et donc, nous aurons un gouvernement provisoire à la merci d'une censure. Car, comme le dit Agnès Pannier-Runacher dans son interview à L'Express : "Sans le NFP, il n'y a pas de majorité absolue." Nous aurons donc un gouvernement sans assise arithmétique et politique, car le partenaire recherché par l'Élysée, Laurent Wauquiez, a en tête de "fermer la parenthèse Macron". Mais dans ce cas de figure, la gauche sera vent debout, comme je l'ai évoqué la semaine dernière. Et c'est la motion de censure au bout. Ou alors ledit gouvernement évitera tout ce qui fâche, en un mot : ne gouvernera pas. La censure ou l'impuissance, telle serait la feuille de route du gouvernement minoritaire. Toujours le même calcul chez E. Macron : fracturer l'espace politique pour donner l'impression d'être seul à bord. Alors qu'il a été battu, qu'il est isolé avec quasiment personne à bord. Ce n'est pas en prenant les médaillés d'or dans ses bras qu'il va inverser la tendance. E. Macron est un formidable président caméléon, une sorte de Zelig politique : judoka avec T. Riner, footballeur avec Mbappé, nageur avec Marchand, il slam dunk avec Wemby, raffute avec Dupont, devient lutteur avec ses gardes du corps à Brégançon. Boxeur ? Évidemment mieux qu'E. Philippe. Coureur de fond ? Tous les matins. TikTokeur avec les meilleurs, rappeur sans filtre avec Gims, philosophe, acteur, économiste, stratège, commentateur à ses heures, et bien sûr polyglotte, un vrai Pic de la Mirandole des temps modernes. Ce dernier se faisait appeler "comte de la Concorde", là peut-être une petite faiblesse ? Oui ? Bon... Nous aurons probablement un Premier ministre minoritaire désigné par un président minoritaire.

Que doit faire la gauche dans cette situation imposée ? Accepter et collaborer ? Improbable. Faire tomber le gouvernement avec le soutien du RN ? Normalement impossible. Faudra-t-il être dans l'opposition frontale, comme le prépare la France insoumise, ou dans l'opposition constructive, vu la situation du pays ? La gauche doit-elle jouer la politique du pire ou éviter le pire ? L'équation devient complexe si Bernard Cazeneuve est choisi. La difficulté pour la gauche tient au fait que son attitude ne dépend pas totalement d'elle-même. Donc, si elle ne se prépare pas à fixer ses lignes rouges et ses priorités, quel que soit le désigné, elle ne pèsera pas sur le centre de gravité et l'agenda du gouvernement octroyé par le président. C'est le splendide isolement, inutile aux Français et futile pour la gauche. Devant l'impossibilité d'exercer les responsabilités, il faut utiliser le rapport de force dû à l'absence de majorité pour obtenir des mesures d'urgence pour les Français en termes de pouvoir d'achat, de justice sociale dans le redressement des comptes publics, et la proportionnelle.

C'est une occasion historique pour la gauche d'imposer la proportionnelle. Non seulement la gauche ferait globalement plus qu'au scrutin uninominal à deux tours. (La gauche a fait moins aux législatives post-dissolution qu'au total des Européennes.) La proportionnelle permet des coalitions sans réduire les oppositions. Elle déplace mécaniquement le centre de gravité de la vie politique au Parlement. C'est le début d'un rééquilibrage dans nos institutions. En tout cas, une nouvelle respiration qui permet de sortir de la crise politique dans laquelle nous sommes, avec le poids des partis populistes sur les partis de gouvernement. La plupart des formations politiques l'ont réclamée, la faire d'emblée modifierait le climat au Parlement. Pour la gauche, c'est donc soit un gouvernement issu de ses rangs, imposant des mesures d'urgence mais réalistes pour les Français, et la proportionnelle. Macron ne le fera pas, et ledit gouvernement ne tiendra pas huit jours puisque LFI interdit une politique d'accommodement avec les autres formations du Parlement. Et LR, le Rassemblement National et Ensemble ont dit qu'ils voteraient contre un gouvernement qui inclurait LFI. Une opposition constructive alors ? À condition que le gouvernement s'attaque au pouvoir d'achat et qu'il instaure la proportionnelle. Si le PS ne définit pas les conditions d'une opposition constructive, alors qu'il a déjà raté la possibilité d'être le pivot d'un gouvernement de défense républicain, il se dérobera une fois de plus à être un acteur de la crise et restera un partenaire junior du mélenchonisme. Certes, cela nécessite de casser un peu de vaisselle avec la France insoumise. Et alors ? Si on veut mettre la vraie union de la gauche et la France sur de bons rails.

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2- Une convention stratégique pour le PS

De retour du terrain au lendemain des élections, les parlementaires socialistes étaient unanimes à vouloir prendre leurs distances vis-à-vis de LFI, tant ils furent pris à partie à propos de ce cartel dominé, animé, encadré par Jean-Luc Mélenchon. Et ce ne sont pas les 15 jours qui ont suivi le 2ᵉ tour qui ont réjoui les élus, comme le corroborent les sondages en chute libre pour les têtes d'affiche de la gauche. Entre Mélenchon Premier ministre, l'éviction sans ménagement ni explication de la candidature de O. Faure, les jours sans nom, les sociaux-démocrates réduits à des punaises de lit pour LFI, et la décision pour Lucie Castets une heure avant la conférence de presse du Président de la République. Tout cela met en cause la crédibilité du PS et d'une alliance qui sait qu'elle serait défaite le jour même de l'annonce de son gouvernement. Si on veut se rendre compte de l'état d'exaspération des parlementaires, il suffit de se reporter au refus quasi unanime du groupe socialiste pour la candidature de Huguette Bello au poste de Premier ministre. Pour clarifier l'orientation, Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, les deux courants organisant 50 % du PS, ont proposé une convention des socialistes sur la stratégie. Il aurait fallu un congrès, mais Faure a tellement peur de le perdre, maintenant que son leadership est contesté dans son propre courant, qu'il s'y refuse. Comme il maîtrise, de par les statuts, l'ordre du jour et qu'un congrès prend du temps, une convention qui ne remet pas en cause la "chefferie" du PS s'impose. O. Faure a consacré sa réponse lors du dernier Conseil National, à la veille des congés olympiques, à refuser ce débat. D'abord avec un argument massue : "cela apparaîtrait comme une division dans la gauche". Donc, on ne peut plus débattre dans le PS sinon on divise l'union de la gauche. On voudrait démontrer aux socialistes qu'ils sont pieds et poings liés au NFP mélenchonisé, que l'on n'aurait pas répondu autrement. Il y eut ensuite la fable du rééquilibrage avec LFI. Comme le PS a progressé en termes de députés et LFI a stagné, la tactique est la bonne. On oublie volontairement que sans les 14 % de la liste Glucksmann aux Européennes, le PS n'aurait pu revendiquer de doubler ses demandes de circonscriptions et les obtenir de la France insoumise. C'est donc l'affirmation qui permet de modifier le rapport de force, pas la dissimulation. Cette vision purement comptable ne parle qu'à l'appareil socialiste. Il n'est que le paravent des renoncements.

Sinon, O. Faure aurait proposé R. Glucksmann comme Premier ministre vu qu'il a gagné le plus de députés lors des élections européennes. Avec son "Caresser ma bosse, mon bon monsieur Mélenchon". Faure propose un double "je" : d'un côté, la lutte à mort pour l'union avec Mélenchon ; de l'autre, la lutte à mort contre Mélenchon, comme il l'a exposé à la direction du PS selon le Canard enchaîné. Hélène Geoffroy, la présidente de la fédération des élus, a été parfaitement claire lors dudit conseil national du PS. Elle a énoncé un à un les renoncements et les décisions imposés au PS par le triumvirat mélenchoniste : Mélenchon, Panot, Bompard. Ce que ne supporte plus une part croissante de socialistes, c'est ce que voient les Français : Mélenchon décide, le PS exécute. Il n'y a aucune autonomie stratégique du parti de Jaurès. La direction de LFI peut balayer la candidature de Faure sans aucune conséquence. Cette tactique du "ravi de la crèche" oblige la direction du PS à attendre que les écologistes prennent position pour se positionner lorsque la pression est trop forte et qu'il faut prendre ses distances. Ce fut le cas lors des Européennes, lors de la proposition des candidats au poste de Premier ministre, et lors de la polémique autour de la publication sur son compte Instagram par Chikirou de la prise de position du fils de Haniyeh en l'honneur de la mémoire de son père, chef du Hamas. Il en va de même pour condamner Maduro, le dictateur vénézuélien. Le PS se glisse seulement dans un texte commun comme une dizaine d’organisations. La direction du PS ne souhaite pas se singulariser et fâcher LFI et son soutien historique à la Révolution bolivarienne. 

Cette démarche en crabe des fauristes est très discutable en termes d'appareil, pour les paraphraser. Mais pas seulement, cette attitude procède du seul jeu tactique interne à la gauche et non de l'intérêt général du pays et des Français. Le tout est tactique, rien n'est stratégique, ce qui induit évidemment une certaine dose de cynisme dans ce cheminement à double face. Dans cette servitude volontaire, on peut aisément dire à 10 jours d'intervalle pendant les Européennes "l'union n'est plus possible avec Mélenchon vu son comportement", évoquer la fin de la Nupes avec une formule alambiquée, et se précipiter pour faire l'union avec le même Mélenchon le lendemain d'une dissolution. La crise française nécessite bien autre chose : déployer des solutions sociales-démocrates et non se dissoudre dans des ensembles dirigés par d'autres, plus radicaux. Et c'est ici qu'intervient un autre argument fauriste : la gauche française est radicalisée et il n'y a pas d'autre choix que de la subir, l'accompagner voire l'adouber. Et ceci d'autant que les écologistes font de l'alliance avec Mélenchon un axe prioritaire, nous dit-on. Si on n'offre pas un choix alternatif dans la gauche, pourquoi voulez-vous que les écologistes ne choisissent pas Mélenchon qui les fascine comme le serpent "Kaa" dans le Livre de la jungle de Disney ? Et donc le PS est réduit à être un des frères Ripolin de cette vieille "réclame" où chaque frère peignait Ripolin sur le dos de son prédécesseur. 

Cette orientation mine le PS dans l'opinion et le rend électoralement dépendant de Mélenchon. Elle aura ses conséquences aux municipales et à la présidentielle : Mélenchon partira seul, délaissant une petite gauche extrémisée et exténuée dont il sera électoralement le débouché. Quant à la radicalité elle-même dans la gauche ? Elle a toujours existé en France. Elle a un poids moyen de 10 à 12 %. Elle n'est pas dominante. Elle est active. Mais lorsque qu'une solution "réformiste" conséquente est articulée, que ce soit lors des Européennes ou à propos de la réforme des retraites, elle est plébiscitée. 

C'est en refusant d'affirmer une autonomie stratégique où la gauche se subordonne à un tiers de l'électorat de la gauche qu'elle s'interdit de conquérir les Français. Il est enfin une dernière fiction dans le raisonnement des fauristes : le PS serait, grâce à sa tenue de camouflage, au cœur de la gauche. Le Graal sacré pour Faure, c'est être accepté par la fraction "populiste" de la gauche, car c'est elle qui délivre le brevet de gauche. Être au cœur de la gauche radicalisée, c'est être au cœur des marges électorales de la gauche. Être au cœur de la gauche, c'est précisément refuser la radicalité et attirer par des solutions de gauche réalistes d'autres courants se réclamant de la gauche à tort ou à raison mais qui ne sont pas dans le pôle des radicalités. C'est faire ce que fit Jaurès avec le ministérialisme d'un Millerand et son refus par J. Guesde ; Blum avec le parti radical et les communistes en 1936 ; Mitterrand avec le parti radical de gauche de R. Fabre et le PCF de G. Marchais ; comme Jospin avec la gauche plurielle ou François Hollande dans l'alliance avec les écologistes. 

On voit bien qu'il y a là matière à débat stratégique. Il faut faire vite car seule une gauche réformiste décomplexée, social-démocrate assumée, peut gagner la grande confrontation avec l'extrême droite qui reste la menace principale. Nous le verrons aux municipales dont personne ne parle. Le syndrome Perpignan menace nos villes avant de fondre sur le pays selon la stratégie de la périphérie vers le centre. Nous en reparlerons.

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3- La fédération des gauches social-démocrates

Il semble qu'E. Glucksmann ait décidé de construire son propre parti lors d'un rassemblement le 1er octobre. Il est vrai que le PS s'est particulièrement mal comporté avec son chef de file aux élections européennes. Les fauristes l'ont littéralement zappé en une heure, après l'avoir sollicité pour se sauver. Le soir des élections européennes et de la dissolution, le PS officiel rompait les fiançailles et se préparait à filer en douce pour se pacser à nouveau avec Mélenchon, bien aidé en cela par les écologistes qui voulaient tenir la chandelle. On peut s'étonner que le député européen - qui n'a pas non plus saisi sa chance le soir de la dissolution - cherche à construire sa propre offre. Le 1er octobre, c'est dans une éternité politique. Le paysage aura été bien labouré. Il y aura eu le débat autour du nouveau gouvernement. En réaction à l'alliance avec LR, un groupe social-démocrate dans l'espace macronien verra possiblement le jour. Les différentes réunions d'été de la gauche auront eu lieu : le rendez-vous autour de Carole Delga à Brames, les journées des sociaux-démocrates écologistes à Angers, le festival des idées à La Charité-sur-Loire, les rendez-vous des courants du PS à Blois, et bien sûr, la rencontre champêtre de Ruffin, etc. Autant dire que le paysage se sera installé et absorbé, même avec le renfort, paraît-il, d'Anne Hidalgo ou de Bernard Cazeneuve, cela ne va pas être simple pour R. Glucksmann et A. Lalucq. À défaut d'être le pivot d'une nouvelle donne, Place Publique peut être un partenaire pour une nouvelle donne. Ce foisonnement, ce bouillonnement d'initiatives démontre que la solution sociale-démocrate est en gestation. La gauche réformiste-sociale-démocrate est une puissance en préparation. Elle est seulement entravée par son émiettement. Il faut donc ouvrir la perspective d'une fédération des gauches sociales-démocrates. Des assises sociale-démocrates au printemps 2025 pourraient permettre de rassembler les mille et un ruisseaux. On objecte à cette perspective l'absence de leadership programmatique et d'incarnation. Cela ne se décrète pas. Cela se construit. Le laboratoire de la social-démocratie a élaboré un programme fondamental. Il est ignoré de beaucoup, mais il est le produit d'un sérieux débat de fond sur près de deux ans. Chaque entité a fait peu ou prou de même. Ce rendez-vous pourrait être celui d'une confrontation sur le fond en vue d'une coopération. Quant à l'incarnation, elle est bornée par l'ambition bien légitime de chacun. Il suffirait de dire : il y aura un candidat unique des sociaux-démocrates à la présidentielle. Puis les présents se donneront les moyens de le sélectionner, une primaire par exemple. Évidemment, cela serait plus simple si le PS changeait de stratégie, de direction, c'est un combat à mener, mais cela ne doit pas interdire le processus de fédération des sociaux-démocrates. Il est temps, que dis-je, urgent, de construire un "tous ensemble social-démocrate."

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4- Un candidat Premier ministre de droite peut en cacher un autre

Xavier Bertrand s'est avancé comme un possible Premier ministre. La presse a embrayé. Il a été immédiatement contré par Lucie Guérets, suivie du socialiste Arthur Delaporte, estimant que c'était "une aberration". L'argument de l'absence de représentativité laisse perplexe, venant d'une candidate dont la légitimité est issue d'un quarteron de chefs de parti en l'absence de vote parlementaire du NFP. Autre chose est de discuter de l'orientation du président de la région des Hauts-de-France. Il n'est évidemment pas de gauche, et c'est d'ailleurs pour cela qu'il serait choisi par E. Macron. Xavier Bertrand est indéniablement un républicain qui a battu Marine Le Pen aux régionales, et toujours grâce au Parti socialiste. Le PS ne le mettait donc pas sur le même plan que l'extrême droite. S'il s'agit de faire vivre le front républicain, il n'est pas à droite le plus mal placé. Mais l'homme de Saint-Quentin se heurte à une série de problèmes. Il entretient des relations musclées avec le président de la République. Ce n'est pas pour nous déplaire. Ils se sont souvent heurtés. L'ancien ministre de la Santé a fait les poches du président à l'occasion du contrat de plan. Il s'est prononcé pour une "cohabitation de combat" lors des législatives. Mais cela est peut-être surmontable puisque Macron cherche l'image d'une cohabitation. Plus compliquées sont les relations que le président de région entretient avec sa famille politique. Il l'a quittée puis réintégrée pour participer à des primaires perdues dès le premier tour au profit de V. Pécresse et E. Ciotti. Le nouveau patron de ce qui reste de LR, Laurent Wauquiez, ne va pas tout de suite voir l'intérêt de réinstaller un concurrent dans la chambre à coucher républicaine. Et pourtant, il faut l'acceptation de ce dernier pour qu'il y ait cohabitation et fiction d'une coalition. Il vaudrait mieux, à l'air d'estimer le président du groupe droite républicaine, un Premier ministre qui ne pense pas à son avenir présidentiel. Mais alors qui à droite ? C'est ici que peuvent intervenir d'autres noms comme Barnier, très apprécié dans la droite, aussi européen que le président, écologiste reconnu, soutien évident des Jeux Olympiques d'hiver en Savoie. Le fin négociateur du Brexit n'a jamais eu à se coltiner avec la gauche. Il entretient les meilleures relations avec F. Bayrou et E. Philippe. Sarkozy, toujours présent dans les coulisses, milite pour l'alliance mais le déteste. Il le traite même de buse politique. Et il n'avait pas fait un tabac lors des primaires de la droite. Il y en a d'autres comme David Lisnard, le maire de Cannes, encensé par les stars du festival. Il veut mettre de l'oxygène dans la vie politique. C'est l'anti-Ciotti par excellence, même s'il a fait quelques sorties anti-immigration, mais dans la région, qui n'en fait pas. Il a l'immense avantage de présider l'Association des maires de France, ce qui élargirait immédiatement la base d'un gouvernement minoritaire à l'Assemblée. Mais tant qu'à faire, alors il y a quelqu'un souvent cité puis oublié. Il a rencontré le président début juillet et nous a déclaré : "Il n'y aura rien avant fin août". Il avait donc discuté avec E. Macron de la chose. Président de la Chambre des représentants des collectivités, européen convaincu, il apporte à la faible coalition parlementaire la majorité du Sénat, ce qui déplace la question de la légitimité. Gérard Larcher, vous l'avez reconnu, peut aussi offrir à Retailleau la présidence de la chambre haute, ce qui est un argument de poids pour le tandem Retailleau-L. Wauquiez qui a repris le fond de commerce en ruine de LR. Et puis G. Larcher n'est pas candidat à la présidentielle, ça ne gâche rien. On le voit, un candidat Premier ministre de droite peut en cacher un autre. Et Macron a dans sa manche quelques technos de droite qui peuvent faire l'affaire. Il l'a démontré avec Castex. Cela ne transcende pas l'absence de majorité absolue et ne met pas à l'abri d'une majorité des contraires ou d'une motion de censure. Cela ne règle pas la décomposition en marche. Mais pour Macron, il s'agit de ne pas défaire ce qu'il a fait et de passer le débat budgétaire à coup de 49.3 s'il le faut. Après, on verra...

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5-Netanyahou veut entraîner l'Occident dans un conflit régional

Il ne se passe pas un jour sans que l'armée, les services secrets, ou la presse ne mettent en garde le Premier ministre israélien. Sa fuite en avant a conduit à un désastre, et nous allons vers une catastrophe. Le chef d'une coalition d'extrême droite, qui s'est illustré par des propos indignes, comme ceux de Bezalel Smotrich, ministre, déclarant "il est moralement juste d'affamer Gaza pour obtenir la libération des otages", croit maîtriser la situation et voit dans l'écrasement de Gaza la manifestation de la suprématie militaire israélienne. Elle est indéniable, tout comme l'était celle des États-Unis au Vietnam ou de l'URSS en Afghanistan à l'époque de ces conflits. Mais dans les guerres asymétriques, tout ne se réduit pas à la puissance militaire. Depuis les études de Bernard Fall sur la stratégie militaire au Vietnam, on sait que l'issue du conflit est multidimensionnelle. La France l'a vécu lors de la guerre d'Algérie, et précisément en Palestine, où la Grande-Bretagne a dû abdiquer face aux "terroristes" juifs, comme on les appelait alors. Le récent bombardement qui a détruit une école, faisant des dizaines de victimes, a été ordonné par Netanyahou pour détruire un quartier général du Hamas. Cet acte inacceptable démontre que, malgré les dires selon lesquels "le Hamas est détruit", il existe toujours des lieux de commandement du groupe terroriste. Et on les bombarde plutôt que d'envoyer des troupes, sans trop de risques sur ce lieu "stratégique", puisque le Hamas a été mis hors d'état de nuire .Le rapport de force politique n'est pas favorable pour l'État hébreu. L'Iran n'est pas isolé dans la conférence islamique comme l'étaient Saddam Hussein ou Kadhafi. La Chine et la Russie voient dans l'Iran un moment de leur combat contre l'hégémonie de l'Occident. La visite de l'ancien ministre russe de la Défense, Shoigu, à Téhéran lundi est un signe qui ne trompe pas. L'Afghanistan, ne l'oublions pas, est sous administration talibane. Le Pakistan joue sur tous les tableaux, l'Inde en fait de même. Et si les chiites et les sunnites ne font pas bon ménage, ils ont un ennemi commun : l'Occident. Cela donne à l'Iran une certaine profondeur stratégique. Les États-Unis sont visiblement très contrariés par les libertés que prend Netanyahu, notamment avec l'élimination du chef du Hamas. Le fait que le secrétaire d'État américain, A. Blinken, ait pu dire que l'organisateur du 7 octobre, Y. Sinwar, "a le sort de la trêve entre ses mains" est de fait une reconnaissance de cet ennemi absolu d'Israël, devenu le nouveau chef du Hamas. Si Biden et son administration veulent un Liban débarrassé de l'hypothèque iranienne avec le parti de Dieu "Hezbollah", les États-Unis feront le nécessaire avec la France et la Grande-Bretagne pour le Dôme de fer protégeant Israël. Cela ne veut pas dire qu'ils n'en pensent pas moins et que cela ne complique le déploiement israélien. Lors de son discours de mardi, le chef du Hezbollah, Nasrallah, a vu les avions israéliens survoler au même moment Beyrouth. Cette intimidation ne l'a pas empêché d'indiquer que la Syrie, l'Iran, et le Hezbollah ne pouvaient pas rester inactifs, quoi qu'il en coûte. Même si "il faut le faire avec doigté", a-t-il ajouté, prudence ou perversité ? Netanyahu ne cherche pas le chemin de la paix, mais étend celui de la guerre avec le secret espoir d'entraîner le "monde occidental", ce qui, pense-t-il, le protégera d'un puissant mouvement anti-Netanyahu en Israël. Si une guerre régionale était déclenchée, Israël surestime son rapport de force dans l'opinion internationale. L'embrasement semble pourtant imminent, juste après la conférence des États islamistes et la condamnation prévisible de l'élimination de Haniyeh.

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6- Émeutes racistes en Grande-Bretagne

L'épouvantable assassinat à coups de couteau de trois fillettes lors d'un cours de danse à Southport, en Angleterre, a saisi tout le pays. La rumeur et le racisme ont débouché sur des émeutes xénophobes à l'initiative de l'extrême droite britannique. Tout à coup, le pays a été confronté à la réalité du national-populisme suprémaciste blanc qui hante la vie politique anglo-saxonne et qui a conduit au Brexit. La chasse aux musulmans et le saccage des lieux qui s'y rapportent, avec une haine non dissimulée, ont conduit 67 % des Anglais à redouter l'extrême droite et à faire de la réduction de ce "courant" une priorité nationale. Le gouvernement travailliste de Keir Starmer a réagi avec une extrême fermeté en arrêtant les meneurs et en ouvrant près de 500 places en prison. Il ne s'agit pas d'un "incident", mais de la manifestation de ce qui court dans les sociétés occidentales. La hantise du grand remplacement génère les conditions d'un grand affrontement. Et ceci, quel que soit le régime, laïque comme en France ou communautaire comme en Grande-Bretagne. Parce qu'au-delà des inadmissibles émeutes raciales, c'est précisément ce que cherchent les djihadistes islamistes en lutte contre l'occidentalisation du monde musulman. Le refus du grand remplacement contre le refus du grand arraisonnement, telle est la dialectique du moment. Alors, poussée électorale, émeutes racistes, nationalisme d'exclusion, antisémitisme latent ou assumé, comme ce propos de l'écrivain Herman Brusselmans à un journal flamand manifestant son envie "d'égorger tous les juifs qu'il croise". On imagine ce qu'une extrême droite arrivant au pouvoir en France libérerait dans la société. Nous sommes passés de l'égratignure au risque de gangrène. L'Europe a une plaie raciste à l'âme qui s'infecte et ne demande qu'à prospérer sous les coups de boutoir d'une précarité de masse et de la poussée migratoire.

À dimanche prochain.