1028 Jours de guerre en Europe

1/  Fin du Front républicain pour le RN ; 2/ Gaucho-socialisme ou social-démocratie ; 3/ Le couple franco-allemand malade prend l'eau à Évian ;  4/ L’insupportable situation faite aux femmes en Afghanistan ; 5/ Mise au point à propos de l'affaire judiciaire me concernant

 0000

1.  Fin du Front républicain pour le RN. La rue pour Mélenchon. La crise de régime pour la France. C'est le Strike Macron

Les finances publiques se dégradent chaque jour un peu plus, les déficits tout autant et « le mur est juste devant nous », vient de déclarer le député Charles de Courson, rapporteur général du budget. La France doit présenter sa trajectoire budgétaire à la Commission européenne le 21 septembre. Cette dernière a exigé que la France rentre dans l'épure de 3 % de déficit, et elle en est loin. Les marchés étaient à cran. Ils ont surveillé les nominations comme le lait sur le feu et le taux de nos emprunts augmentait. Et pendant ce temps, E. Macron a joué tranquillement au bonneteau des premiers ministrables. Il y a une raison et une logique à cela : le Président a utilisé son dernier pouvoir, celui de nommer, pour protéger son pouvoir. Il a voulu obtenir le maximum de concessions sur l'inviolabilité de son bilan. Il a voulu sauvegarder le périmètre de son action pour ne pas terminer son mandat en camisole de force et ruiner la lecture de ses quinquennats devant l'histoire. Et on ne peut pas dire qu'avec Barnier, il n'ait pas atteint son but. Il a fatigué la bête, comme on dit dans les corridas avant l'estocade. E. Macron savait parfaitement qu'il n'y aurait pas de stabilité parlementaire à partir du moment où le NFP s'est enfermé dans son programme, rien que son programme. Et les macronistes, soutenus en cela par la droite dans la motion de censure à LFI, ont bouché la voie pour un gouvernement de bloc républicain. Le Président pensa jouer de la compétition d'un franc-tireur de droite ou d'un franc-tireur de gauche, aiguillonné par une candidature de la société civile, pour arriver à un deal qui préserve l'essentiel. Mais l'extrême droite n'a pas voulu jouer l'idiot muet de cette stratégie. Car l'absence de front républicain lui donne une force décisive. Elle s'est donc rappelée aux bons souvenirs des Républicains en indiquant que Marine Le Pen serait madame Veto. Elle ne voterait pas la censure à condition d'être respectée et d'obtenir la proportionnelle. Le RN veut ainsi gommer le front républicain qui lui a dérobé le pouvoir, sortir de l'isolement et obtenir la fin du front républicain par la proportionnelle (parce que dans ce cas, la question du 2e tour ne se pose plus) ou obtenir la démission du président Macron (la fenêtre de tir est favorable, car elle n'aura pas le résultat de son procès avant un an, les autres offres sont dans les limbes et Mélenchon est plus répulsif qu'elle-même). Voilà le credo du RN. Invraisemblable retournement où 17 millions de Français ont fait barrage au RN pour aboutir à ce qu'il fasse barrage au Front républicain. Et ce fut donc le LR Barnier, issu d'un parti étrillé aux Européennes et disloqué aux Législatives anticipées. Barnier, euro-écolo plutôt modéré et fort civil, a fait du chemin depuis son retour en France après avoir négocié le Brexit. Lors de la présidentielle, il a défendu un moratoire sur l'immigration et un référendum pour une souveraineté juridique afin de ne pas être condamné par l'Europe sur ce sujet. Récemment, dans un blog aujourd'hui effacé, il partait en guerre contre l'assistanat et les « passagers clandestins de notre système social », allant encore plus loin sur la réforme de l'allocation chômage. La droitisation de Barnier, surtout dans le domaine de l'immigration, a suffi comme passeport pour Marine Le Pen. On comprend pourquoi le RN ne souhaite pas le sanctionner a priori, d'autant qu'il a refusé le Front républicain lors des législatives et indiqué qu'il respecterait tout le monde, insistant sur le terme sur le parvis de Matignon. Le RN a gagné, le voilà réintégré. Il a démontré en cela une habileté parlementaire bien supérieure à celle du NFP qui a joué « castet sinon rien ». Ce sera donc un Premier ministre LR-Macron soutenu sans participation par le RN, comme la corde soutient le pendu. Un gouvernement « papillon » qui vivra le temps du budget. Barnier ne pourra rien faire d'autre que d'éviter la coalition des contraires sur une motion de censure avec comme seule carotte la proportionnelle. Cela permet au RN un gouvernement à sa main tout en gardant la terrible tenaille des populistes pour l'éviction du président. Le désenclavement du RN et le coup de pouce à la manifestation de Jean-Luc Mélenchon par cette nomination vont permettre d'alimenter la campagne en ce sens. Les sondages démontrent que 51 % des Français sont déjà favorables à la démission de Macron. LFI veut l'obtenir par la rue et le RN par la thrombose parlementaire quand il le souhaitera. La crise politique provoquée par une dissolution irresponsable devient lentement la question de la démission du Président, pour une nouvelle donne purgeant l'impasse. Mais le président ne se rendra pas comme cela. Car ce serait signer les événements d'une manière définitivement négative pour l'histoire et rendre très difficile son rêve de retour dans 5 ans après un nouveau président ou présidente. Nous allons donc glisser de la crise politique à la crise de régime autour de la question de la présidence, clé de voûte de nos institutions, dans un moment de jonction de la crise des déficits et d'une crise sociale ouverte. C'est d'ailleurs la raison de la candidature d'E. Philippe. Il connaît ses classiques et la candidature de Pompidou avant la démission du Général de Gaulle. Ce faisant, il crédibilise dans le propre camp présidentiel l'issue fatale. Quant à François Hollande, sa déclaration n'est pas moins ciselée. S'il n'envisage pas sa candidature à la Présidentielle, il ne l'exclut pas. Il s'agit donc d'un pas vers celle-ci. Certes, il ajoute : « Il est souhaitable que le président aille au bout de son mandat, à lui de rendre cela possible. » Mais cela démontre surtout que lui aussi pense que la question de la démission du président n'est pas impossible. Et sur un autre plateau, Jean-François Copé estime que le Président doit se poser la question en juin. Pendant que tout le monde s'affaire autour de la durabilité de Barnier, la question de la présidentielle affleure et les grands requins tournent autour du Président, attirés par les premières gouttes de sang.

 0000

2. Gaucho-socialisme ou social-démocratie

Mardi soir, une courte majorité au bureau national du PS, issue du vote d’un congrès aujourd'hui lointain, décide qu’il vaut mieux un Barnier qu’un chef de gouvernement de gauche, car hors du NFP. C’est un peu comme si la gauche avait condamné Mendès France parce qu’il n’était pas de la SFIO. Aujourd'hui, un peu gênés aux entournures, les fauristes veulent faire oublier qu’ils ont voté contre l’amendement proposant un gouvernement de cohabitation Cazeneuve. Quand on lit chez certains fauristes, comme Chloé Ridel, que Macron n’avait pas l’intention de nommer Cazeneuve car il voulait geler la réforme des retraites, les bras vous en tombent. Alors pourquoi ne pas l’avoir soutenu ? Et bien sûr, aujourd'hui, l'actuelle direction du PS n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser Barnier. Elle se propose même de le censurer alors qu’elle l’a de fait installé, en tout cas permis. C’est un naufrage. L’invraisemblable fétichisme pour une union frelatée entraîne le pays dans la catastrophe et le PS dans l’impasse. La voie choisie par les fauristes n’a d’autre issue, indépendamment de porter la responsabilité de la venue d’un gouvernement toléré par l’extrême droite, que la candidature de Mélenchon à la présidentielle, antichambre de la victoire de l’extrême droite. Mais comment en arrive-t-on à cette catastrophe politique ? Pourquoi cette quasi panique submerge les socialistes lorsqu'il s’agit de faire un pas non balisé par un Jean-Luc Mélenchon ? Alors que ce dernier fait pour le moins peu de cas d’Olivier Faure. Nous l’avons vu lorsque le Premier secrétaire a timidement déposé sa candidature de premier ministre. Mais cette fascination morbide n’est pas suffisante pour expliquer une dérive. Il existe bien sûr l’explication de la circonscription d’O. Faure, où les Insoumis sont majoritaires. Mais cela n’est pas totalement satisfaisant comme analyse.

Il y a chez les fauristes la certitude que Mélenchon est dépositaire de la vraie gauche. C’est le traumatisme dû aux manifestations à propos de la loi El Khomri, de la déchéance de la nationalité, et de la déroute historique de B. Hamon en 2017 pour le compte du PS, puis celle de 2022 avec A. Hidalgo. Le rejet dans la rue et dans les urnes a produit un déplacement politique et théorique où Mélenchon aurait une légitimité dans la gauche à l'administrer. Il devient, par ces temps de radicalité, vain de le contester ou de le challenger. Se faire accepter par lui, c’est être accepté par la gauche. Et ceci est devenu une fin en soi. C’est le syndrome de l’imposteur produisant une subordination volontaire. Elle a commencé par la volonté quasi névrotique d’être acceptée par la radicalité. Elle se poursuit par le refus de gouverner. Pour une partie du Parti socialiste, la fonction tribunicienne est devenue la nouvelle nature du PS. Car c’est l’objectif de gouverner, et donc le compromis avec le réel qu’il implique, qui produit le rejet de la gauche. Le fait qu’O. Faure ait pu caractériser le quinquennat de F. Hollande de « trahison » résume ce changement de cap. Petit à petit, le discours, les réflexes politiques et les anathèmes empruntent à La France insoumise (comme Blois le démontre avec le soutien de la direction du PS et d’une partie de la salle à Clémentine Autain, excommuniant la gauche Hollande, Cazeneuve ou Bouamram). Cela confirme la maxime : « Tout cornichon plongé dans un pot de cornichons devient cornichon ». Le programme de la NUPES ou celui du NFP accepté par le PS, puis intégré comme sa référence programmatique, s’aligne de plus en plus sur la rhétorique des insoumis. Le programme devient une tribune de dénonciation du système capitaliste ou de l’oligarchie, et non plus un guide pour l’action gouvernementale et donc la transformation concrète de la société. Le faurisme n’est plus un opportunisme pour maintenir coûte que coûte des circonscriptions aux sortants. Il est devenu une adhésion politique au populisme de gauche et une rupture avec la gauche de gouvernement qui a fait le succès du PS depuis 1971. C’est le gaucho-socialisme qui s’est imposé à la tête du PS. Sa boussole est la radicalité et son étoile est Mélenchon. Cette ligne n’est pas majoritaire chez les militants, encore moins chez les élu.e.s. Elle est de plus en plus contestée dans les groupes parlementaires. Elle tient parce qu’elle s’appuie sur le NFP. Et l’apparente existence du PS de ce fait est une « évidence fantasmatique » qui la légitime. Un récent sondage où O. Faure est soutenu à 50 % par l’électorat de l’extrême gauche et seulement 38 % dans l’électorat de la gauche confirme cette mutation. Une offre réaliste, plutôt social-démocrate, face à cette dérive est en train de se constituer dans le PS autour d’Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, et hors du PS autour de Bernard Cazeneuve ou Raphaël Glucksmann. De nouvelles figures sont en train d’émerger comme C. Delga, Michaël Delafosse ou Karim Bouamrane, voire Benoît Payan. Des clubs fleurissent, comme Le Laboratoire de la social-démocratie, travaillant au renouvellement de l’offre politique. Cet espace, s’il se coordonne, peut battre le gaucho-socialisme et offrir une alternative sociale-démocrate au pays. Il est urgent que tous ceux qui sont favorables à la fin du gaucho-socialisme disent aux sociaux-démocrates de s’unir. C’est le moment, après, il sera trop tard.

0000

3. Le couple franco-allemand malade prend l'eau à Évian.

Ce n’est pas la fuite du général de Gaulle à Baden-Baden en 1968, mais le départ mutique d’E. Macron vers les eaux calmes du lac Léman lui ressemble. Le Président de la République, affaibli en France, l’est tout autant à l’étranger. La situation politique française inquiète nos partenaires, la situation économique les affole. Un président contesté est donc parti rencontrer un chancelier allemand éclopé. Les deux principaux pays de l’Europe et de la zone euro sont bien malades. C’est dans ce cadre que se sont déroulées les rencontres franco-allemandes, ces conversations régulières depuis 1992. Il s’agit, comme celui de Chatham House en Grande-Bretagne, d’aborder tous les problèmes dans la discrétion la plus totale. Il est vrai que les deux pays sont confrontés à des crises majeures qui grippent le moteur franco-allemand et menacent l’édifice européen. Et d’abord, la poussée du national-populisme dans les deux pays. Si nous n’ignorons rien de la victoire de l’extrême droite en France lors des élections européennes et du premier tour des élections législatives, le coup de tonnerre du résultat des élections régionales en Thuringe est passé inaperçu. L’extrême droite de l’AfD, arrivée en tête avec 30 %, et la percée de Sahra Wagenknecht, sorte de parti national-socialiste, ont bouleversé l’Allemagne. Il faut dire que l’AfD multiplie les succès sur fond de xénophobie pendant que la coalition SPD-Verts-Libéraux accumule les revers. Le spectre du retour de l’extrême droite au pouvoir hante l’Allemagne alors que les groupuscules néonazis pullulent. La récente polémique autour de la réhabilitation de l’église de la Garnison, dans la capitale du Land de Brandebourg, l’atteste. L’église de Potsdam, rasée pendant la Guerre, a été reconstruite. C’était le lieu où Hitler prit officiellement le pouvoir le 21 mars 1933, en accueillant le président Hindenburg aux pieds des tombeaux de Frédéric Ier et II. Le lieu reconstruit a été inauguré par le Président Steinmeier. C’est le symbole, pour beaucoup d’Allemands, d’une résurgence décomplexée dans une Allemagne blessée par les vagues migratoires successives. La dernière est d’un million d’Ukrainiens. Le racisme et la xénophobie se déversent à gros bouillons dans toute l’Allemagne, principalement dans l’ex-Allemagne de l’Est. La vague nationaliste qui submerge l’Europe fait de gros dégâts en Allemagne et en France. Il n’est pas impossible qu’elle emporte le pilier européen. Elle est concomitante aux difficultés économiques liées à la crise sanitaire du Covid. Les déficits de la France et la réduction des marges de manœuvre budgétaires de l’Allemagne, sur fond d’absence de croissance, conduisent à un haut niveau de chômage et à un précariat de masse. On sait depuis les années 30 que le triptyque nationalisme-xénophobie-précariat ne présage rien de bon. En attendant, c’est l’Ukraine qui trinque. L’Allemagne a décidé de réduire massivement son soutien à Zelensky pour des raisons budgétaires et la peur d’être entraînée dans une guerre continentale. Et la France n’a pas les moyens financiers de soutenir ses déclarations offensives vis-à-vis de Poutine, vu le budget d’austérité qu’elle doit s’imposer. Mais cette situation impacte aussi l’avenir. Les propositions du rapport Draghi sur l’avenir de la compétitivité de l’UE, soutenues par la France, posent problème à l’Allemagne. « Super Mario » préconise 500 milliards d’investissements pour financer la transition écologique et numérique, et se montre très sévère vis-à-vis de la Chine à propos du commerce. Deux recommandations vont à l’encontre des nécessités allemandes, elle qui est sur le frein budgétaire et a urgemment besoin d’exporter en Chine. Il s’agit pourtant des trois rendez-vous avec l’Histoire : la décarbonation de l’économie européenne, la défaite de Poutine en Ukraine, la réduction des coûts de l’énergie et l’amélioration de la sécurité d’approvisionnement de l’Europe. Mais c’est à ce moment précis que la percée des nationalistes d’exclusion entrave les décisions nécessaires au destin européen. Les conversations secrètes d’Évian sont celles de deux pays malades sans beaucoup de moyens pour conjurer les maux qui les assaillent. Ceci pour dire que la crise française n’est que l’expression nationale d’une vraie crise continentale qui se réfracte en France, réduisant un peu plus ses marges de manœuvre.

0000

4. L’insupportable situation faite aux femmes en Afghanistan

L’émir Hibatullah Akhundzada de l’Afghanistan, qui vit reclus à Kandahar, a pris son bâton de pèlerin pour promouvoir la « vertu et prévenir le vice » en conformité avec la charia. Le tout codifié dans un texte de 35 articles qui doit être appliqué avec la plus grande sévérité. Il s’agit de l’obligation faite aux femmes de couvrir leur corps ainsi que leur visage, de ne pas faire entendre leur voix en dehors de leur foyer, de se voir interdire l’école au-delà de 12 ans, etc. Un régime d’apartheid féminin, puni de mort pour les contrevenants. Il serait temps que la communauté internationale s’empare de cette question qui est une honte pour l’humanité.

0000

5. Mise au point à propos de l'affaire judiciaire me concernant

Vous comprendrez que, tout en vous remerciant de votre soutien, je ne peux m'exprimer librement à ce stade. Mais je ne peux non plus faire comme si rien ne s'était passé, ce qui serait un manque de respect pour la justice.

Soyez d'abord certains que, pour moi, être accusé de détournement de fonds publics est insupportable.

Sachez ensuite que je n'ai pas eu un procès équitable pour trois raisons :

1.      Le principe de l'opportunité des poursuites du Parquet : Il a introduit l'arbitraire entre moi et les autres parlementaires mis en cause par la HATVP et non poursuivis. Cela fait de moi un justiciable pour l'exemple, afin d'éteindre ainsi toute autre enquête sur le passé.

2.      Ma présomption d'innocence a été bafouée : Après une longue enquête et au vu des faits, le parquet m'a proposé de plaider coupable, préconisant une peine avec sursis, sans amende, ni prison, ni inéligibilité. Ce plaidé coupable a été rendu public après le refus de son homologation. Ma présomption d'innocence devant le tribunal devenait alors impossible puisque ce dernier était informé que j'avais, dans un accord avec le parquet, reconnu ma culpabilité.

3.      L'intentionnalité du détournement n'a pu en aucun cas être démontrée : D'abord parce que ce n'était pas le cas, et ensuite parce que j'ai constamment remboursé, ce qui est attesté par l'enquête et le tribunal, et ce, avant même toute procédure.

Enfin, ni sur le fond ni sur la forme, je n'accepte les commentaires journalistiques à charge pour des raisons politiques.

Soyez assurés que je vais continuer à me battre.

 

À dimanche prochain.