2061 Jours de guerre en Europe
1. Marine Le Pen radicalisée contre l’État de droit
2. Un Trump peut en cacher un autre
3. Leçon du CN du PS
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1. Marine Le Pen radicalisée contre l’État de droit
« Jour funeste pour la démocratie » pour Marine Le Pen, « la tyrannie des juges » pour J. Bardella, le RN n’a pas de mots assez durs pour condamner la décision de justice à l’endroit de Marine Le Pen et du RN. C’est leur droit. Il n’est pas vrai que l’on ne puisse contester un jugement, aucune autorité n’est à l’abri de critique dans la démocratie. Mediapart tempête contre ces prises de position, oubliant ce qu’ils disaient après le jugement des affaires Dumas ou Bettencourt. Le sujet n’est pas là. Il est autrement plus grave.
Le premier impact de l’inéligibilité immédiate de Marine Le Pen a été une attaque contre les juges et la justice. "Le pouvoir des juges", comme le dit Ciotti dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, se serait substitué au pouvoir du peuple. Il s’agirait d’une sorte de coup d’État judiciaire contre la démocratie, de l’arbitraire du droit contre le souverain : le peuple. Louis Aliot, dans un texte envoyé aux électeurs de Perpignan, résume le corps du délit : "En condamnant Marine Le Pen, ils ont interdit la candidature de la favorite de toutes les enquêtes d’opinion et donc privent les Français de la principale alternative pour la prochaine élection présidentielle". L’affaire Le Pen est devenue ainsi le cheval de Troie de l’offensive contre l’État de droit. La France bascule à son tour dans l’idéologie illibérale. De l’extrême droite à LR, de LFI au trouble du Premier ministre sur cette décision, partout le même leitmotiv : Marine Le Pen a eu droit à une double peine. Elle doit pouvoir se présenter. Même le Président de la République y va de son jugement équilibré. Devant le Conseil des ministres, il défend les juges, mais réaffirme surtout que "tout justiciable doit pouvoir avoir droit à un recours". Il se fait ainsi l’écho d’un réexamen rapide et apporte de l’eau au moulin des propositions de Ciotti, soutenu par le Premier ministre, de revisiter la loi Sapin en juin sur l’application immédiate de l’inéligibilité. Même l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel Jean-Éric Schoettl déclare à Marianne que la décision est "juridiquement discutable et politiquement lourde".
Au travers de ce tollé, c’est le droit qui est contesté, les juges et la justice. Si l’on veut s’en convaincre, il suffit d’écouter D. Lisnard, maire de Cannes et surtout président de l’AMF, qui propose sur RMC rien de moins que d’interdire le Syndicat de la magistrature. Cette offensive contre "le pouvoir des juges", la politisation de la justice, n’est que le prolongement de la contestation de la loi constitutionnelle, obstacle à une législation plus répressive en matière d’immigration. Il s’agit du programme commun de l’illibéralisme français. Nous voilà prévenus, la défense de la démocratie était à l’ordre du jour après la victoire de Trump, elle sera au cœur de la présidentielle française. Ce qui est en jeu, c’est l’atteinte à l’État de droit, à l’indépendance de la justice et à l’équilibre des pouvoirs. Et derrière, ce sera l’estocade à propos de notre loi constitutionnelle. Vous pensez que j’exagère ? Regardez comment Orbán, le mentor de Marine Le Pen, vient de sortir de l’accord sur le tribunal international. C’est cette profonde logique qui est à l’œuvre.
Je n’ai pas souvenir que, lorsque Juppé ou Emmanuelli furent condamnés pour ce que firent, leurs partis respectifs, le FN-RN cria au déni de justice. Et je ne parle pas des autres, d’autant que Marine Le Pen exigeait alors des mesures qui s’apparentaient au bannissement à vie de la politique pour des faits qui, aujourd’hui, l’accablent.
La France est un État de droit et tant qu’il y a des procédures d’appel, ce qui est le cas, nous ne sommes pas dans l’arbitraire. Le RN n’est pas interdit par ce jugement et Marine Le Pen a des voies de recours ; elle les a d’ailleurs empruntées. Elle a obtenu des délais d’appel compatibles avec sa candidature à la présidentielle, contrairement à tout autre justiciable. Elle va faire appel au Conseil constitutionnel avec une question prioritaire de constitutionnalité. Et elle sait parfaitement que la Cour de cassation a retenu, le 18 décembre, à propos de Hubert Falco, ancien maire de Toulon, une interprétation restrictive de l’inéligibilité provisoire. Enfin, elle vient de faire appel à la Cour européenne des droits de l’homme, juridiction jusqu’à présent honnie par l’extrême droite. Il n’est donc pas vrai que Marine Le Pen soit dépourvue de recours et privée de droit.
Dans le domaine politique, le coup est rude pour le RN. Il faut se prémunir de deux erreurs. D’une part, dire : " ce n’est rien, Bardella est là ", et le risque est tout aussi grand, si ce n’est plus. Ou dire l’inverse : "le RN est à terre et éliminé de la course à la présidentielle." C’est la suite qui va déterminer l’issue de ce choc. La suite judiciaire, mais aussi et surtout la suite politique.
La "candidate du RN" quittant le prétoire où elle se sentait condamnée a décidé d’appliquer un principe mitterrandien : "On ne contourne pas un problème. On s’appuie dessus." Et de fait, elle enfourche le cheval de la victimisation et mène la charge contre "le pouvoir des juges". Elle plaide pour une immunité pour présomption sondagière de victoire.
Cette contre-attaque est pour le coup très politique. Il s’agit d’un triple déplacement d’objet:
D’abord, on n’évoque plus les faits qui, au fond, ne sont pas contestés, puisque le 21 septembre, Marine Le Pen a remboursé 339 000 € au Parlement européen pour deux emplois indus : celui de sa cheffe de cabinet et de son garde du corps. Et le RN évoque aujourd’hui un "désaccord administratif", ce qui est un demi-aveu.
L’offensive contre "la solution finale contre ma candidature", comme le dit élégamment Marine Le Pen, a pour but de souffler les raisons du procès et du jugement.
Le déplacement vise à la diabolisation de la justice. Marine Le Pen ne remet pas en cause la dédiabolisation du RN, elle diabolise les élites et tente de constituer un bloc de solidarité populiste qui élargit son espace politique. Il est vrai que seulement 43 % des Français disent que la députée du Pas-de-Calais a été injustement traitée. Mais au regard des 70 % de Français qui réprouvent Marine Le Pen, elle élargit son socle par la victimisation. Et lorsqu’on regarde le résultat dans la droite classique, quasiment la moitié des électeurs suit l’offensive de Marine Le Pen contre la justice, échaudés qu’ils ont été par l’affaire Fillon. Hier Darmanin, aujourd’hui Wauquiez et Retailleau lorgnent sur les 11 millions d’électeurs et font état d’une grande mansuétude à l’égard de la dirigeante de l’extrême droite en vue d’être, pensent-ils, un débouché en cas d’invalidation définitive de Marine Le Pen. Ce faisant, ils participent au déplacement voulu par cette dernière. Mais ce n’est pas tout : la France insoumise participe à sa manière à la campagne par une étrange dissociation. Elle crie aux ligues fascistes parce que le RN manifeste dimanche et, dans le même temps, adoube l’idée que c’est aux urnes de décider du sort de Marine Le Pen.
Les prises de position de Trump, Musk, Poutine, Orbán, Meloni ne la desservent pas. Il y aura un moment où celles-ci disqualifieront l’extrême droite, car la confrontation avec l’Amérique va être féroce. Mais à cette étape, elles jouent comme une légitimation de la thèse de Marine Le Pen. Les Français n’ont jamais vu cela. Il est vrai que cela est extraordinaire : le monde vient au secours de la présidente du groupe d’extrême droite au Parlement. Mais précisément, toutes ces prises de position, auxquelles il faut ajouter la remise en cause de l’application immédiate d’inéligibilité — Ciotti, Larcher, Wauquiez, Bayrou, Retailleau, Darmanin, Mélenchon — participent d’un bruit de fond qui parcourt même les plateaux télé. On veut empêcher la leader de l’extrême droite de se présenter alors qu’elle était en passe de l’emporter. Déjà 49 % des Français souhaitent, selon l’Ifop, que Marine se présente. C’est ce qu’en son temps Tchakotine appelait le "viol de foule" par la propagande politique.
Le troisième déplacement vise à nier l’effet même du verdict. Comme le tribunal a pris soin de ne pas remettre en cause les élections précédentes, mais d’appliquer l’inéligibilité immédiate à celles qui viennent. Comme la cour d’appel a décidé d’accélérer le calendrier de l’instance de recours. Apparemment, il ne se passe rien. Marine Le Pen est toujours députée et le rendez-vous est repoussé à 2026 et "elle garde toutes ses chances", finit-on par dire. Elle réussit ainsi à éliminer l’effet "application immédiate" tout en exerçant une pression maximale sur les juges à l’été 2026. Elle n’est plus hors-jeu, elle mène le jeu.
Pour autant, il y a une dimension symbolique à voir en quelques semaines le décès de Jean-Marie Le Pen et la condamnation de sa fille. Il est possible que pour la première fois depuis près de 50 ans, il n’y ait pas de Le Pen candidat à la présidentielle. Ce n’est pas anodin, car le nom est ancré dans le paysage électoral français depuis près d’un demi-siècle. Est-ce rédhibitoire ? Entre la fondation du Front national, les premières campagnes présidentielles et maintenant, le monde a changé. La vague national-populiste n’est plus réductible aux Le Pen.
La question ouverte est : quel facteur politique l’emportera, la vague ou le nom ?
La campagne de victimisation plus ou moins adoubée par tous peut permettre de surmonter cette contradiction. Une victoire judiciaire en 2026, puisque le débat se réduit maintenant à l’application immédiate ou pas, ouvrirait le chemin d’une marche triomphale vers l’Élysée. Une défaite judiciaire confirmerait ce qui est en train de monter : "On a voulu l’empêcher" et permettrait à Bardella d’être le glaive de la vengeance.
Que va-t-elle faire en attendant la sentence qu’elle réussit à repousser ? Évacuons la suggestion du New York Times d’un coup d’État. La marche sur Rome, pas plus que sur le Capitole, n’est à redouter. Les petits-enfants de l’OAS ne sont pas configurés pour ce genre d’aventures. Ce n’est pas — ou plus — dans l’ADN du RN, bien que les résultats des élections dans l’armée et la police démontrent une implantation non négligeable chez les "gens d’armes". D’ailleurs, ne sous-estimons pas l’onde de choc chez de nombreux lepénistes ou partisans de l’extrême droite : le "On n’y arrivera pas par des voies légales" va faire son chemin. Le ver est maintenant dans le fruit, sachons-le.
Nous n’en sommes pas là. Si la stratégie de victimisation est maintenant clairement assumée, les suites politiques sont en pointillés. La démission d'E. Macron n’est plus de mise pour le RN, car Marine Le Pen ne pourrait se présenter. Il n’en va pas de même pour le sort de Bayrou et, au passage, de Retailleau, qui reste un autre caillou dans la chaussure lepéniste.
La France insoumise, qui veut briser la réorganisation de la gauche, est prête à participer à l’hallali. Et comme O. Faure s’est imprudemment avancé sur ce chemin, en évoquant une dette d’honneur sur les retraites, le conduisant au vote de la censure, elle est donc toujours d’actualité.
Quant à la dissolution, elle ne sera pas immédiatement à l’ordre du jour pour Macron, mais va à nouveau mûrir chez les lepénistes. D’abord parce qu’ils peuvent l’emporter cette fois-ci, vu ce qu’il est advenu du front républicain. Ensuite, une majorité à l’Assemblée nationale sera nécessaire à l’adoption d’une loi remettant en cause l’application immédiate de l’inéligibilité, et puis l’idée d’une loi d’amnistie peut tout à fait satisfaire LR, le Modem et LFI. L’argument selon lequel Marine Le Pen ne serait plus députée est de faible importance au regard de la victimisation et du gain espéré, et Bardella sera élu triomphalement dans la circonscription de Marine Le Pen et s’imposerait comme Premier ministre.
Cette question va monter au fur et à mesure de la campagne contre le déni de justice, comme la politisation des municipales où le RN appellera ses électeurs à manifester leurs colères.
Nous sommes au tout début des conséquences du jugement en première instance.
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2. Un Trump peut en cacher un autre
Toute guerre commence par un pilonnage massif des positions ennemies pour écraser ou entraver les capacités de riposte. C’est ce que vient de faire Trump avec ses hausses de droits de douane. La guerre est là, mais quel est le but de guerre ? Le discours de Trump est tellement incohérent, indigent et délirant que les experts sont obligés de supputer ou de décrypter.
Dans l’avalanche de propos décousus, on distingue quelques obsessions pour le monde. Il s’agit toujours de diviser l’Europe, d’obtenir la libéralisation des contenus pour l’économie numérique et d’endiguer la Chine, sa route de la soie, son cheval de Troie les BRICS, de disloquer le Sud global en obligeant les plus faibles à négocier.
Avec l’agression unilatérale du président américain contre le commerce mondial, nous avons affaire à un "dérapage incontrôlé" du monde. Ce tournant nationaliste va produire des réactions en chaîne et son échec prévisible entraînera d’autres épisodes plus dramatiques encore.
Trump veut faire "sauter l’Europe". Un exemple ? L’accord sur les terres rares "proposé" à l’Ukraine n’est pas conforme au droit européen de la concurrence. Trump en fait un point dur, rendant plus difficile la négociation d’adhésion de l’Ukraine à l’Europe. De même, il a épargné la Grande-Bretagne à propos des droits de douane. Il introduit le ferment de la division entre l’Irlande, l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie, qui ne veulent pas l’escalade, et la France, qui veut une réplique à la hauteur de l’attaque, pendant que l’Allemagne est paralysée par l’absence de gouvernement. Madame Von der Leyen a répliqué en reprenant la liste Juncker tout en ouvrant les négociations. Mais elle aura le plus grand mal à aller au-delà, en tout cas pour des mesures de coercition sur les investissements aux États-Unis et des Américains en Europe.
La libéralisation des contenus des plateformes sera le deal. Il s’agit du droit à la mésinformation, aux mensonges, aux fake news dopant les trafics sur les réseaux et donc attirant la publicité. La GB est à deux doigts d’accepter, l’Irlande est déjà favorable. C’est l’introduction dans l’Europe des Lumières d’un nouvel obscurantisme. Trump se moque de l’industrie automobile américaine : à part Tesla, elle est en retard et incapable de rivaliser avec la Chine et le tournant européen vers l’électrique ou la Corée du Sud. Par contre, encore une fois, il porte les intérêts du capitalisme numérique.
Le caractère massif et planétaire des hausses des droits de douane ouvre le chemin à la dislocation de la libéralisation des échanges et de la mondialisation de ceux-ci. La combinaison de la fin du traitement différencié des droits de douane pour les pays les plus pauvres, comme le prévoyait l’OMC, avec des hausses de droits de douane et la réduction des aides provoquera des crises terribles et, évidemment, une nouvelle pression migratoire.
Nous allons vers une récession aux États-Unis et dans de nombreux pays du monde. Le dollar va se déprécier et nous ne sommes pas à l’abri du défaut de paiement sur la dette américaine. Ce délire concocté à Mar-a-Lago a pour but une catharsis économique où l’investissement privé doit se substituer aux dépenses publiques financées par la dette. Où les entreprises seront contraintes de revenir ou de venir sur le sol américain pour contourner les droits de douane. L’idée est de désintoxiquer l’économie américaine accro aux commandes publiques par un sevrage. Les conséquences vont être à court terme dramatiques pour tout le monde, l’échelle de perroquet des mesures de rétorsion ne va pas améliorer les choses. Les mesures de rétorsion chinoises ont fait dévisser les bourses du monde entier, renvoyant l’économie mondiale à l’époque du Covid. Aux États-Unis même, les prix vont monter et la bourse va baisser. Cela va secouer, car pour atteindre la terre promise de la nouvelle Amérique, il faut – et c’est assumé – passer par la purge de la récession. Pour faire face aux effets néfastes de ce tournant récessif, Trump va être contraint à une fuite en avant. Et ceci d’autant que l’opinion va lentement se retourner et des Républicains vaciller au Congrès.
L’impasse économique, l’échec diplomatique, la contestation nationale seront traités à la "Trump" par un nouveau front venant chasser les mauvaises nouvelles.
L’événement de la semaine n’est pas la déclaration de guerre de Trump, en tout cas pas principalement.
Une information décisive est passée quasiment inaperçue. Il s’agit de la rencontre entre Poutine et le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi. Elle a débouché sur une annonce spectaculaire : Xi Jinping sera l’invité d’honneur du défilé sur la place Rouge le 9 mai à l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la victoire. On avait, je vous le rappelle, évoqué un moment la présence de Trump. Et le dictateur du Kremlin ajoute qu’à cette occasion des discussions sur le partenariat stratégique seront à l’ordre du jour, particulièrement l’"avancée des BRICS".
La stratégie de Trump de découpler la Russie de la Chine est un échec, tout du moins Poutine fait monter les enchères.
La Chine, de son côté, multiplie les manœuvres d’encerclement de Taïwan. Elles annoncent le blocus de l’île, particulièrement vulnérable sur le plan de l’approvisionnement. La réaction des États-Unis a été la hausse des droits de douane de Taïwan, du Japon, de la Corée du Sud et de la Chine. Cette dernière tente de constituer en retour un front asiatique contre cette guerre commerciale.
Là encore, Trump est en échec.
Trump doit immédiatement reprendre la main. Il ne peut se déjuger de son a priori pro-russe dans la guerre avec l’Ukraine. Il ne peut aller à la confrontation directe avec la Chine. D’ailleurs, il prend soin de ne pas en rajouter vis-à-vis de Taïwan. Il a ouvert le front économique, tout du moins il l’accélère. La multiplication des échecs de la stratégie du chaos annonce immanquablement une diversion qui permet en même temps d’envoyer un message à la Russie et à la Chine sans les affronter directement. Les éléments s’accumulent au Moyen-Orient. Les États-Unis viennent d’envoyer un nouveau porte-avions, "l’USS Carl Vinson", sur zone. Il s’agit officiellement de mettre fin aux agissements des Houthis du Yémen. Donald Trump a été plus précis lundi dernier sur son réseau "Truth Social" en déclarant : "le plus dur est à venir pour les Houthis et leurs soutiens, l’Iran". L’ayatollah Khamenei a reçu le message cinq sur cinq et menacé d’"une riposte ferme si le pays est bombardé". Tout se met en place pour un nouvel épisode dans la désagrégation du monde ancien.
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3. Leçon du CN du PS
La première leçon du conseil national du PS lançant le débat sur les contributions est claire: "Faure rompt avec Mélenchon mais veut rester Mélenchon compatible".
O. Faure l’a martelé et s’est même fâché : "Personne, je dis bien personne, ne veut de J.-L. Mélenchon à la présidentielle", mais, à écouter le Premier secrétaire et ses amis du courant gauche "Avenir", issus de l’amicale de la censure, on doit jeter le flacon mais garder l’ivresse.
Il y a maintenant deux nouvelles lignes dans le PS : d’un côté, Faure et les amis de la censure pour la rupture avec Mélenchon, mais pour une primaire sur sa ligne ; de l’autre, Hélène Geoffroy, Nicolas Mayer-Rossignol, Carole Delga, Anne Hidalgo, Philippe Brun, J. Guedj, Fatima Yadami, Karim Bouamrane : une rupture avec Mélenchon et la radicalité mélenchoniste.
Et au milieu, Boris Vallaud qui veut unir les deux positions.
Le raisonnement des fauristes est arithmétique : "sans union des non-Mélenchonistes, on n’est pas au second tour". Le raisonnement de ses opposants est politique : "Mélenchon candidat, l’union du reste ne nous met pas au deuxième tour."
Faure dit vouloir une plateforme qui permette au PCF, aux Écologistes, à Ruffin et Autain de désigner un candidat commun tout en demandant à Glucksmann d’y participer. Soit la plateforme n’a pas de sens, soit elle en a une, et c’est le PS qui n’en a pas.
L’alternative à Faure veut un projet socialiste-social-démocrate pour désigner un candidat socialiste. H. Geoffroy ajoutant que la recherche de l’union doit se cantonner aux législatives, comme cela a toujours été le cas.
Les fauristes veulent répondre à la demande de la gauche militante. Son alternative veut une offre qui réponde à la demande de la gauche électorale et au pays.
La gauche militante est maintenant divisée, minoritaire dans la gauche électorale ; elle la fait fuir vers le centre droit et est incapable d’unir le pays pour battre Le Pen au second tour.
La question électorale est simple : il faut unir les déçus du macronisme et les dégoûtés du mélenchonisme par le projet.
Choisir l’un ou l’autre, c’est s’aliéner l’autre ou l’un. La primaire du petit bain de la gauche ne permet pas de nager dans le grand bain de l’histoire qui s’annonce.
Pour tenter de gagner le congrès, O. Faure ne change pas de méthode : il faut d’abord gagner le congrès. Ce fut Glucksmann en son temps, puis Hidalgo, puis l’union avec Mélenchon; c’est aujourd’hui l’union de la gauche non mélenchoniste. Et pour ce faire, Faure allume tous les feux de la gauchisation : de la menace de la censure aux cadeaux fiscaux de Macron aux plus riches, en passant par le coup de pied de l’âne à Hollande. Et il se met d’emblée en situation d’une plateforme compatible avec le reste du NFP. Il fallait écouter la première fédérale du Nord, Sarah Kerrich, défendant la motion Faure, pilonnant la "prétendue gauche macroniste" qui n’a jamais été aux rendez-vous de l’Histoire, et son silence assourdissant à propos du programme du NFP ou de la ligne de LFI, pour mesurer que, pour les fauristes, il faut d’abord gagner le cœur de Tondelier et Ruffin.
Faure a agité l’argument du vote utile vers le candidat de centre droit s’il n’y avait pas d’union. Mais si l’union était vraiment l’argument décisif, alors il fallait lancer une campagne pour contraindre Mélenchon à la faire.
Là, les fauristes proposent de ne pas faire l’union avec Mélenchon mais d’accommoder les restes. Vous aurez le gauchisme comme projet et Ruffin comme candidat.
Pourquoi voulez-vous que ce périmètre radicalisé impose une candidature socialiste ? Vous aurez beau donner tous les gages que vous voulez, abjurer la gauche de gouvernement, votre passé et votre avenir jouer les passe-murailles. Le centre de gravité d’une telle primaire, c’est « plus jamais le PS ». Et s’il s’agit de faire la démonstration que le PS est unitaire et les autres pas, c’est une perte de temps, et nous n’en avons pas.
Ce débat n’est pas médiocre, c’est à nouveau un débat stratégique comme lors des précédents congrès. Mais les tenants de l’identité sont aujourd’hui plus nombreux que ceux de l’unité, même amputée de Mélenchon.
Il était clair lors de ce CN que Faure avait fait une croix sur le fait de virer en tête avec sa motion. La sécession de Boris Vallaud et l’union de ses opposants vont lui coûter la majorité au Conseil national, le parlement du PS. Il concentre maintenant toutes ses forces sur l’élection du Premier secrétaire, en "clivant à gauche" pour mobiliser ses troupes, rallier ses amis de "l’amicale de la censure" et réduire Boris Vallaud, qui, dans cette radicalisation fauriste, peine à imposer son cessez-le-feu.
Rendez-vous maintenant pour les motions à la fin du mois.