993 jours de Guerre en Europe
1- Castets ferme la parenthèse Glucksmann
2- Le macronisme se meurt
3- En politique étrangère, Macron est aussi dans les cordes
4- L’improbable équation gouvernementale
5- L’agenda militaire de Netanyahou
0000
1. Castets ferme la parenthèse Glucksmann
La France n'a d'yeux que pour Dupont, Marchand ou autre Cassandre Beaugrand ; elle est prise d'une fièvre cocardière olympique due à un départ en trombe des Français et leurs 14 médailles en 3 jours. Mais la France se déchire aussi de façon surréaliste sur les réseaux sociaux pour savoir si la séance d'ouverture des jeux, qui a fait pleurer de rage le prince Charles Philippe d'Orléans, est un blasphème. L'objet du délit ? A-t-on parodié la Cène de Léonard de Vinci avec des Drag Queens ou s'agissait-il du festin des Dieux de Jan Van Bijlert visible dans le très beau musée de Dijon ? Ce très important débat pour l'avenir du monde et de la chrétienté n'intéresse pas le cartel des gauches, d'autant que Mélenchon a souligné l'audace du moment, même si l'ancien bouffeur de curés a été choqué par ladite cène. On n'en sort pas. Alors sa candidate au poste de Premier ministre, Lucie Castets, mène campagne pour sa désignation à bas bruit. Elle applique la feuille de route du directoire autoproclamé du Nouveau Front Populaire. Et cela passe non seulement par la création des conditions pour la démission de E. Macron mais aussi par l'effacement d'une autre personnalité. Il s'agit de R. Glucksmann et ses 14 % obtenus lors des Européennes. En effet, ce score est synonyme d'une résurgence de la gauche de gouvernement ou, pire, la marque d'une possible émergence d'une social-démocratie à la française. Que nenni ! s'est exclamée la France insoumise ! Et sa directrice de communication, Sophia Chikirou, qui se croyait maître en son royaume de la gauche, s'emporte contre ces punaises de lits sociaux-démocrates impossibles à éradiquer. Elle laisse d'ailleurs entrevoir quelques méthodes expéditives contre "les vipères lubriques". Alors le cartel des gauches décide de changer toute la literie. Dimanche dernier, dans une interview à La Tribune, la Première ministre putative rejette le pacte de stabilité européen et de croissance. La gauche au pouvoir ne respecte ni le pacte ni ses niveaux ni ses tendances. Il s'agit non seulement de la première pierre pour sortir des traités européens mais d'un vœu pieux car irréaliste, ou c'est tout simplement le Frexit. Cette stratégie populiste, qui fait croire que les déficits sont à Bruxelles et les excédents à Paris, vise en fait l'effacement de la campagne de Glucksmann au profit de celle de Manon Aubry. Nous avons beau tendre l'oreille, aucune réaction d’Olivier Faure et de son fidèle lieutenant, le très sûr de lui Christophe Clergeau, pourtant élu sur la liste Glucksmann. Il est vrai que la délégation socialiste française au parlement européen est sens dessus dessous à propos de la solidarité ou non avec Rima Hassan, qui a menacé l'intégrité physique de François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux Européennes, et se voit sous le coup d'une enquête administrative. Donc rien de ce côté, mais satisfaction du côté de LFI, qui met ainsi quelques sacs de sable en plus entre le NFP et une coalition et même la recherche d'une majorité possible au Parlement. Ceci d'autant que le Président et le "Premier ministre-président de groupe", G. Attal, travaillent à une alliance avec la droite républicaine. Le macroniste de gauche, Pascal Canfin, a déclaré à cette occasion : "Pour bâtir une coalition, il faut créer des ponts et non ériger des murs avec le NFP", argument ô combien réversible. Mais il se heurte à la volonté de Mélenchon de gommer R. Glucksmann et à celle du Président de gommer les urnes.
Comment s'étonner dans ces conditions que l'ensemble des leaders de la gauche s'effondre dans le récent sondage d’Elabe pour les Échos ?
Seul surnage R. Glucksmann, tout en étant lui aussi impacté.
À force de vouloir s'enfermer dans un bastion radical et marginaliser ce qui est réaliste, la gauche en paye le prix.
0000
2- Le macronisme se meurt
Le macronisme est un pragmatisme vertébré par le modèle anglo-saxon. Au fond, l'incompréhension entre les Français et le Président vient de là. Le "en même temps" que Macron a emprunté à F. Bayrou alors qu'il plaidait pour un nouveau progressisme face aux frondeurs et ce qu'il estimait être l'inertie de F. Hollande. Ce retournement a tué dès la naissance du macronisme. Il ne s'agissait plus de trouver une voie nouvelle mais de concilier les contraires, voire les contraintes, pour que la France s'adapte au monde dominant, le monde anglo-saxon, qui combine la plus grande liberté pour entreprendre, la plus grande liberté pour la marchandisation, la plus grande liberté pour les individus. Ce régime de liberté provoquerait, sui generis, par ruissellement, le bien-être pour le plus grand nombre. Cette société des individus est le fil conducteur de l'action de Macron alors que les Français ont cru élire un président qui referait société, c'est-à-dire rétablissait les principes républicains dans le désordre de la société marchande. Et ceci au moment même où ledit modèle entrait à l'échelle mondiale en crise à cause de l'hyper massification du capital par rapport au travail. Il faut ajouter à ce malentendu l'hubris du pouvoir très rapidement diagnostiquée par Gérard Collomb alors qu'il était encore ministre de l'Intérieur. Ce travers, qui a fini par couper le Président des Français, était perceptible dès la séance inaugurale du règne, avec ce long cheminement seul sur un tapis dans l'enceinte du Louvre, à l'aune de nos anciens monarques.
Le macronisme a une base sociale d'abord : les jeunes salariés diplômés des cœurs des métropoles. Ces "LiLi" (libéraux libertaires) qui ont envahi le pouvoir avec une soif d'enterrer le vieux monde. Ils représentent ce jeune capitalisme de l'immatériel, souvent spéculatif. Dans l'éclatement des sociologies de l'époque industrielle et du bipartisme, la start-up Macron a raflé sur le marché électoral la plus grosse mise et il a pu en 2017 gagner aisément contre Marine Le Pen avec le soutien de la gauche. Mais la pratique du pouvoir et la contrainte des événements ont produit une rupture ou des ruptures. Le Président ne se maintient que par la radicalité de l'offre à gauche et l'alignement de la droite classique sur l'extrême droite. Le radical centrisme offrait un semblant de cohérence pendant que la colère de l'opinion progressait de façon vertigineuse tant sur le fond des réformes, toujours plus libérales s'attaquant à l'État social, que sur la forme, avec une forme de mépris de caste propre aux élites technocratiques. Macron est devant un double échec, celui d'une promesse de temps nouveaux qui fut trahie et d'une offre électorale pour contenir les populistes qui sont aujourd'hui dominants. Tant et si bien que Macron fut mal réélu à la présidentielle, sans majorité absolue au Parlement, et récemment battu par l'extrême droite et le cartel des gauches lors de la dissolution. C'est la fin de règne qui se profile sans legs politique et un trop-plein de successeurs avides de prendre une place dans un espace archipélisé. L'héritage n'a pas de consistance faute d'avoir été constitué. Et les héritiers refusent déjà l'héritage et s'entre-dévorent alors que le Président est sortant mais pas sorti puisqu'il veut revenir après avoir passé un tour.
Il y a d'abord le champion toutes catégories des sondages, E. Philippe, juppéiste de stricte obédience, l'ancien porte-parole du Premier ministre gaulliste s'est taillé un petit chez-soi. Il y a un parti : "Horizons", un groupe parlementaire à l'Assemblée, une influence au Sénat, un réseau de maires, lui-même étant l'édile du Havre. C'est le premier à avoir rompu avec Macron, d'abord en tirant sur la laisse présidentielle, puis en la cassant à l'occasion du désastre des législatives anticipées. Le problème est que si le macronisme est mort-né, il est peu probable que les Français, échaudés, élisent un avatar de Macron. Pour l'instant, l'ancien Premier ministre ne s'est pas défini et a esquissé une stratégie pour une majorité des gaullistes aux sociaux-démocrates. Il lui faudrait, pour faire vite, obtenir le soutien d’Ensemble, de Wauquiez - Retailleau - Larcher, sachant que Sarkozy lui est hostile, et de Hollande - Delga - Cazeneuve et des deux courants qui, alliés, font la majorité du PS et d'une majorité des écologistes, enfin de ceux qui se réclament de la culture de gouvernement. C'est déjà très compliqué pour le scrutin présidentiel mais quasi impossible aux législatives sans l'instauration de la proportionnelle. Et le second tour de la présidentielle pour E. Philippe est incertain dans une grande partie de la gauche vue ses positions très radicales dans le débat sur l'immigration et les retraites. En plus, sa rupture avec Macron arrive peut-être un peu tard. Car déjà quatre autres candidats s'avancent. D'abord Darmanin, qui ne le cache pas et vient d'échouer à la prise du groupe Ensemble. Il entretient les meilleures relations avec les présidents Macron et Sarkozy. Ce dernier en avait fait, il y a un an à la même époque, son favori. Mais le ministre de l'Intérieur, de poche, a souvent les yeux plus gros que le ventre. Que ce soit sur la loi immigration où il se faisait fort de ramener la droite, ou même pour cette dissolution ratée où il fut, paraît-il, l'un des inspirateurs. Surtout, il n'a pas d'alliés à part E. Philippe, lui-même candidat. S'il sait faire prospérer la maîtrise des JO si cela dure, il a un ennemi de taille avec G. Attal. Ce dernier lui a volé coup sur coup le poste de Premier ministre et celui de patron du groupe macroniste. Cela réduit ses chances de s'imposer et il n'ira sûrement pas seul au combat. Il vient de soutenir publiquement Xavier Bertrand. On se demande d'ailleurs si ce n'est pas pour le dégager de la présidence de la région Hauts-de-France dont il fut un temps vice-président. L'inamovible ministre des Finances, Bruno Le Maire, a cru un temps à son étoile, mais l'état de nos finances publiques rend cette rêverie inopérante. Il n'a pas osé se présenter dans l'Eure vu la vague RN dans le département. F. Bayrou, lui, a un fief à Pau, un parti, le MoDem, et une ligne directe avec Macron qui, s'il l'écoute, le suit rarement. Le Béarnais n'a toujours pas renoncé à être Premier ministre, tremplin pour la présidentielle qu'il ne désespère pas de tenter. Mais comment pourrait-il unir la macronie derrière lui ? Reste G. Attal. Le Premier ministre a moyennement apprécié la dissolution du Président qui condamnait son gouvernement. Il l'a fait savoir. Il s'est émancipé des consignes de l'Élysée au deuxième tour des législatives. Il a refusé le "ni RN ni LFI" et a joué la carte du barrage à Le Pen, entraînant l'électorat macroniste, contrairement à Macron - Philippe - Darmanin - Le Maire. Le garçon a de l'appétit et des réflexes. Il a conquis le groupe parlementaire alors que Macron lui préférait E. Borne, réputée de gauche et qui a réussi à pactiser avec LR, à l'époque dirigé par Ciotti. Mais G. Attal ne compte pas s'arrêter là. Il a dans sa ligne de mire le parti Renaissance, celui du Président. Et après avoir évincé Darmanin, car trop à droite, il plaide auprès de ses ministres pour l'alliance avec la droite dite républicaine. Mais voilà, le macronisme politique est en fin de cycle, le macronisme électoral est en fin de parcours, et il n'y a pas de procédure pour désigner un candidat commun à Ensemble. Alors il faut construire une offre en rupture avec Macron et contraindre les autres prétendants à ne pas y aller dans un ensemble macronien. Et si chacun y va comme cela est probable, c'est le risque de l'élimination dès le premier tour. La fin du macronisme est en marche et la question de la démission de Macron président va maintenant monter car en macronie chacun fait sa vie.
0000
3. En politique étrangère, Macron est aussi dans les cordes
Dimanche 28 juillet, Vladimir Poutine, lors de la parade navale à Saint-Pétersbourg en présence des marines chinoise, algérienne et indienne, a prononcé un discours menaçant. Il s'agit ni plus ni moins de relancer la production d'armes nucléaires à portée intermédiaire face à la volonté des États-Unis de déployer des missiles en Allemagne ou ailleurs en Europe. Le dictateur du Kremlin a été très clair : "Si les États-Unis mettent en œuvre de tels plans, nous nous considérons libres du moratoire adopté précédemment sur le déploiement des capacités de frappes à moyennes et courtes portées." Il s'agit de missiles à tête nucléaire ou pas, de 500 à 5000 km. Autant dire menaçant directement la France. On peut aussi voir dans cette sortie du président russe une réponse à la France et ses velléités d'intervenir plus avant dans la guerre du Donbass. Nous aurions tort de ne pas prendre les menaces poutiniennes au sérieux. Il a totalement réintégré dans son système de pensée militaire la menace nucléaire.
La question des missiles n'est pas nouvelle en Europe. F. Mitterrand avait maîtrisé en 1983 la crise des euromissiles SS-20 déployés à l'est par la Russie. Mais il avait une majorité absolue à l'Assemblée, à peine troublée par le tournant de la rigueur. Là, nous n'avons pas de majorité stable, un président affaibli, une situation économique où les déficits sont colossaux et une perspective d’augmentation du PIB relève d'une médaille d'or.
Le front européen ne va pas mieux pour Macron. Les relations avec l'Italie sont toujours aussi épouvantables. La Pologne, plutôt bien disposée, regarde maintenant vers les États-Unis, lassée de ne rien voir venir de la France. Pendant que la Hongrie, hostile à la rhétorique de Paris, donne des gages à Poutine. Et puis, la détérioration de plus en plus visible des relations avec l'Allemagne prend des proportions inquiétantes. On le verra sûrement lors de la composition de la Commission européenne. Le conflit en Arménie avec l'Azerbaïdjan s'envenime alors que ce dernier soutient de plus en plus clairement la Nouvelle-Calédonie en situation de quasi-guerre civile.
En Méditerranée, c'est pire. La France est "out" au Liban après avoir fait la leçon à sa classe politique libanaise sans avancer d'un pouce sur une solution. Et puis, nous venons de créer artificiellement une crise politique sans précédent entre la France et l'Algérie, suite à la tentative de Macron de se réconcilier avec le Roi du Maroc à travers le soutien du plan de Rabat pour le Sahara occidental. Cette décision, qui a sa justification au regard des résolutions des Nations unies ou du discours de Rabat de F. Hollande le 4 avril 2013, est un changement de pied unilatéral avec l'Algérie sans discussion et pour le moins inapproprié dans le moment. Depuis 2017, E. Macron a choisi d'envoyer balader la stratégie de ses prédécesseurs et s'est aligné sur l'Algérie. Profiter de la période électorale algérienne pour ce retournement est une humiliation qui va avoir des conséquences dans le domaine sécuritaire. Mais aussi des retombées en Afrique de l'Ouest, dans la bande sahélienne, où la Russie et la Chine tentent de nous éjecter de notre sphère d'influence. Notons au passage que la milice Wagner vient de subir un revers majeur au Mali face au groupe de l'Azawad avec le soutien de l'Ukraine. L'extension du conflit entre l'Ukraine et la Russie en Afrique ne semble pas préoccuper le président Macron, qui n'a aucune autre stratégie que celle du repli. Les rebelles contrôlent maintenant la situation à Tinzaouatine, à la frontière algérienne, rappelons-le.
La France, quel que soit le front, est en fâcheuse posture. Il n'y a pas seulement en politique intérieure que le président Macron est dans les cordes.
0000
4. L’improbable équation gouvernementale
Pourquoi l'équation gouvernementale semble-t-elle impossible ? Parce que tous les leaders ont un autre agenda en tête : la présidentielle ! Et pour chacun d'entre eux, le plus tôt sera le mieux. Demander la démission du Président ne se fait pas sous la Ve République. On laisse cela aux partis populistes. Mais chacun y pense et le souhaite dans le secret de sa salle de bain. C'est le premier obstacle non-dit à une solution gouvernementale. Et si on évoque l'impérieuse nécessité de penser à l'intérêt général, la réponse est simple : précisément, c'est l'intérêt du pays, pensent-ils. Voilà la clé de voûte de l'improbable équation gouvernementale. Mais il y a une autre raison politico-arithmétique.
Résumons, il y a le programme du Nouveau Front Populaire : rien que le programme, tout le programme. Le cartel ne veut pas en sortir, car ce serait "trahir le vote des Français", et toutes propositions comme celle que j'ai faite il y a 15 jours sont jugées comme un pacte avec Macron. Je rappelle pour mémoire qu'il ne s'agit pas pour le Nouveau Front Populaire de gouverner, mais de conduire au plus vite à la démission de Macron.
Cette stratégie est du pain bénit pour le Président, qui croit pouvoir l'utiliser pour trouver une solution avec la droite. Le Président, réfugié au Fort de Brégançon, cherche la perle rare qui rassurerait la gauche sans effaroucher la droite, tout en étant praticable par lui, mais en donnant le change d'une cohabitation maîtrisée. Bonjour la quadrature du cercle ! Ceci d'autant que messieurs Retailleau et Wauquiez ont publié leur feuille de route, intraitable sur le plan budgétaire, sévère dans le domaine migratoire, autoritaire à propos des valeurs, et immobile sur le plan social. Le périmètre ainsi défini est d'une simplicité biblique : c'est sans la gauche et peut-être même sans la gauche macroniste. Pour tenter de faire rentrer l'édredon dans la petite valise de l'alliance à droite, les macronistes de toutes obédiences se sont lancés dans leur propre feuille de route. Renaissance, d'une part, avec un texte de Marc Feracci et Stéphanie Rist, et son appel du pied à la droite républicaine : "la défense de qui nous sommes" (...) "les souverainetés militaire et économique". Mais pour éviter que la gauche macroniste parte en live, on y a ajouté deux doigts de "gauche" ; il s'agit aussi – que dis-je, en même temps – de "défendre la qualité de vie des Français, l'environnement, la sécurité des services publics". L'encre de cette étude est à peine sèche que l'on apprend qu'Horizons met en musique la fameuse "autre majorité" chère à Édouard Philippe avec un texte concocté par Laurent Marcangeli, pendant que le MoDem pondrait le sien mi-août grâce à Marc Fesneau. On a compris à Renaissance qu'on aime la théorie des ensembles. Ce frêle équilibre tient grâce à un préjugé aussi pertinent que la dissolution : la gauche ne mêlera pas ses voix avec l'extrême droite. Il n'est pas certain que le Nouveau Front Populaire, éconduit, ne fasse pas, sous la trique mélenchoniste, feu de tout bois. Il y a un accord objectif entre LFI et le RN pour pousser Macron à la démission. Et pour détacher la part social-démocrate ou tout simplement réaliste de ce vote de censure, il faudrait au moins une augmentation significative du SMIC, des mesures sur les salaires, voire un geste sur les retraites, l'assouplissement des mesures votées sur la question migratoire, sans oublier la question de la proportionnelle sans laquelle rien n'est possible à court et long terme. Mais on peut craindre que la barque ainsi chargée, la droite républicaine torde du nez. Il n'est pas interdit de penser qu'une quinzaine de parlementaires de gauche brave l'interdit et ne souhaite pas mêler leurs voix avec celles de l'extrême droite. Mais la coalition Ensemble-droite républicaine atteindrait à peine les 200 et serait donc sous le coup d'une motion de censure. Il en va de même pour le Nouveau Front Populaire d'ailleurs. L'équation gouvernementale semble improbable. La France est devenue ingouvernable. Et la pensée magique – il faudra bien un gouvernement – se heurte à l'arithmétique. Soit le gouvernement sera minoritaire avec une durée de vie précaire, soit un gouvernement minoritaire toléré par les deux autres blocs parlementaires. Soit un gouvernement de techniciens expédiera les affaires courantes alors que la France a besoin de solutions d'urgence. En tout cas, il y a une Arlésienne dont personne ne parle : c'est l'extrême droite. Ce parlement élu par la grâce du Front Républicain contre l'extrême droite fait comme si elle n'existait plus. Pourtant, plus la France apparaîtra comme ingouvernable, plus l'instabilité sera au parlement, plus l'extrême droite jouera le facteur d'ordre, la solution de stabilité à ces impasses. La volonté de l'extrême droite de voir Macron démissionner n'a pas à s'exprimer : la situation d'impasse va la réaliser, avec au bout l'argument béton, classiquement bonapartiste, de remettre de l'ordre en France. Le refus d'un gouvernement de défense républicaine par Macron, Mélenchon et Wauquiez va coûter très cher à la France.
0000
5. L’agenda militaire de Netanyahou
L'assassinat d'Ismaël Haniyeh, chef du groupe terroriste Hamas, responsable politique du 7 octobre, auquel il faut ajouter Mohamed Deif, un des chefs de la branche militaire en juillet, et du chef logisticien Fouad Shokr, numéro 2 du Hezbollah, les trois par Israël, sont des actes de guerre. On ne peut pas déclarer le droit à Israël de se défendre et regretter que le pays s'en donne les moyens. Tout au plus, cela démontre, s'il en était besoin, qu'il était possible de frapper la tête du serpent sans détruire Gaza et ses dizaines de milliers de morts. Et ce n'est pas soutenir inconditionnellement Netanyahou que de se prononcer pour le droit d'Israël à se défendre et de condamner les massacres à Gaza. C'est être responsable et faire avancer pratiquement tout ce qui va dans le sens d'une solution à deux États. Dans la guerre contre les milices terroristes iraniennes, c'est un coup féroce porté à ces dernières sans que ceci soit malheureusement décisif. Cheikh Yassine, fondateur du Hamas, bien aidé par Israël contre le Fatah, fut assassiné et la milice terroriste a perduré. L'Iran et ses bras armés continueront à chercher à détruire l'État d'Israël, les Palestiniens vont encore souffrir, et Netanyahou veut toujours remodeler le paysage du Moyen-Orient sans État palestinien, comme énoncé au lendemain du 7 octobre.
Après avoir quasiment détruit la bande de Gaza sans autre solution que la mort et la désolation, après avoir occupé quelques centaines d'hectares en Cisjordanie avec l'idée d'y revenir, le Premier ministre israélien teste la résistance du Hezbollah au Liban. L'enjeu semble bien être la sécurisation définitive du plateau du Golan puis aller jusqu'à la mer. Cela présente le double avantage de réduire considérablement l'espace de la milice chiite pro-iranienne et de fait protéger Israël. Mais aussi de chercher à contrôler les gisements stratégiques de gaz, hier accordés au Liban dans un compromis. Le plateau du Golan, occupé par la Syrie en 1946, conquis par Israël en 1967, annexé aux deux tiers en décembre 1981, surplombe la Galilée et le lac de Tibériade, et commande la route de Damas. C'est, avec l'entité kurde, la réserve d'eau de la région. Il y a donc, au-delà du bombardement criminel sur Israël par le Hezbollah et de la volonté de constituer le Grand Israël de l'extrême droite israélienne, un but stratégique à l'intervention. Et ceci d'autant qu'une fenêtre d'opportunité s'ouvre.
L'affaiblissement de J. Biden après son retrait de la course à la Maison-Blanche. Il est probable que sinon Netanyahou n'aurait pas fait éliminer le leader du Hamas, ce rouage dans les négociations de cessez-le-feu tant voulues par l'administration Biden. Le soutien quasiment inconditionnel de D. Trump au gouvernement israélien n'est plus à démontrer. Les États-Unis voient par ailleurs d'un bon œil l'affaiblissement du Hezbollah pour régler la question libanaise avec le regard bienveillant de l'Arabie saoudite. Le résultat du vote à la présidentielle en Iran implique une quasi-cohabitation, même formelle, entre un Khamenei très malade à la recherche d'un successeur et le nouveau président d'inspiration "libérale", M. Pezechkian. Ce dernier veut renouer avec l'Occident et doit pour cela affronter les Gardiens de la Révolution, favorables à la destruction de "l'entité sioniste" et principaux sponsors du Hamas. Netanyahou ne veut pas laisser l'Iran revenir à la table des négociations. L'élimination des responsables politiques du Hamas, du Hezbollah et l'intervention au Liban, c'est aussi couper la route du président iranien. Après l'élimination du chef du Hamas à Téhéran, les cris "Mort à Israël... Mort aux États-Unis..." lors de la séance d'investiture du nouveau président démontrent que ce dernier n'a plus de marge de manœuvre, si jamais il en avait une.
La course de vitesse est engagée entre cette stratégie de remembrement via un Grand Israël et l'unification sous l'égide de Pékin des frères ennemis Hamas et Fatah, conditions préalables et nécessaires à un État palestinien. Avec, dans le même temps, une vague de reconnaissances via les Nations Unies dudit État sans terre. Tout milite donc pour un affrontement entre Israël et le Hezbollah, même s'il est peu probable que l'État hébreu cherche à aller jusqu'à Beyrouth. Mais dans l'Orient compliqué, l'élimination du chef du Hamas fait tomber l'argument de l'impossibilité de traiter avec les assassins du 7 octobre pour un État palestinien. Et Netanyahou semble maintenant le seul autre réel obstacle à cette solution.
Ce dernier va devoir affronter les conséquences du triple attentat contre les leaders des milices. Il est à craindre que les otages subissent les conséquences de cet acte. Il semble impensable que des pourparlers de paix voulus par les États-Unis reprennent, et la réplique de l'Iran ne prendra peut-être pas la forme du bombardement de Tel-Aviv, protégé par son dôme de fer.
Deuxième problème en vue pour Netanyahou : la menace d'Erdogan. Lors d'un meeting, il vient de déclarer qu'il était prêt à intervenir contre Israël. Rodomontade du président turc ? On le pensait aussi pour la Libye face au maréchal Haftar et il l'a fait, arrêtant l'offensive de ce dernier sur Tripoli. Là, il s'agit d'une autre dimension avec Israël, mais le surarmement du Hezbollah et ses 50 000 soldats et le soutien de la Russie, qui se rapproche de l'Iran et maintenant peut-être de la Turquie, compliquent les choses. Le gouvernement est conduit à différer quelque peu l'assaut, car c'est tout l'embrasement du Moyen-Orient qui est en jeu. Le missile houthi yéménite sur Tel-Aviv est là pour le confirmer. Nous sommes très loin de la trêve due à l'olympisme. Nous commentons ces événements sur un volcan.
A Dimanche prochain.