1114 jours de guerre en Europe

1. Malaise dans la République

2. Cessez le feu !

3. L’homme de la dissolution

4. RN-LFI : vote en commun, que cela présage-t-il ?

5. Les Femmes et la Religion

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1. Malaise dans la République

C'est un sujet que l'on refuse d'aborder en France. Il s'agit de celui de l'égalité réelle, de la distorsion dans l'application de notre principe républicain. À part quelques racistes suprémacistes, personne ne défend un apartheid en fonction de l'origine des Français. La question de l'égalité des droits, survenue lors de la Révolution française et s'imposant au monde dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, est une référence communément partagée. Elle fonde notre droit constitutionnel. Elle s'oppose aux « empiètements » de l'extrême droite à propos de l'immigration. La France laïque s'honore de défendre un modèle universel et réprouve à raison le communautarisme. Nous sommes tous libres et égaux, et rien ne peut s'opposer à cette promesse. Pour autant, ce principe se heurte à une réalité complexe : un mur invisible.

Il y a en France, selon des études, 1,9 million de Français noirs. Il y a près de 5 millions de Français dont les antécédents familiaux sont issus du Maghreb. Pour autant, la quasi-totalité des représentations dans nos institutions les rendent invisibles. Combien de « minorités visibles » dans la magistrature, dans l'armée, dans les médias, dans la direction du MEDEF, des syndicats et des chefs de partis ? Et nous savons tous qu'il est plus difficile d'obtenir un stage, un logement, un emploi lorsque votre prénom et votre nom ont certaines consonances. Pour un Youssef Badr, fils d'immigré marocain qui fut porte-parole de la ministre de la Justice, combien sont-ils au Conseil supérieur de la magistrature, à la Cour de cassation, au Conseil constitutionnel, au Conseil d'État ou tout simplement dans les cours qui jugent à tout va une population française qui ne leur ressemble pas ? Et dans l'armée ? Le général Jean-Marc Vigilant, commandant de l'École de guerre, ne déclarait-il pas « j'étais presque toujours le seul noir » ? Combien d'Ahmed Rafa, premier musulman originaire d'Algérie à avoir été officier général de l'armée française ? On pourrait multiplier les exemples partout, sauf dans le sport, évidemment, qui est parfois la représentation inversée, et dans la culture.

Il ne s'agit pas ici de reprendre la critique de Sartre dans la préface de l'anthologie de poésie de Léopold Senghor, où il indique que le mouvement poétique de la négritude est une manière de retourner le regard chosifiant qui avait été posé par le monde blanc sur le monde noir, ni d'endosser je ne sais quelle tyrannie des minorités, ou encore moins d'une pensée décoloniale qui enferme les identités dans l'identitarisme, mais de constater qu'il y a un malaise dans la République autour de la représentation qui est ainsi déformée. Mais l'on ne peut poser sereinement ce débat, car nous sommes - formellement - régis par l'égalité et renvoyés au soupçon de communautarisme.

Pourtant, le refus de poser cette question au nom des principes de la République se retourne contre la République. Cette indiscible question, mais visible, produit un malaise plus ou moins refoulé. La République n'appartient pas à tout le monde, quelles que soient les origines. Elle semble – allez, lâchons le mot, même si je ne vais pas me faire des amis - réservée aux blancs. Et le soi-disant refus du « grand remplacement » de l'extrême droite et de la droite n'est que le manifeste du maintien en l'état de cet état. Ce malaise nourrit tous les ressentiments et alimente les prêcheurs de séparatisme, s'appuyant sur une réalité objective : la difficulté de la République à honorer une de ses devises cardinales, l'égalité.

Il serait juste que la gauche sociale-démocrate fasse de l'égalité réelle en ce domaine à nouveau son combat. Car sinon, son principe républicain est sans effet sur une grande partie des Français. C'est une nouvelle frontière intérieure à conquérir, sachant qu'il ne peut y avoir de cohésion nationale avec une inégalité de traitement dans l'ascenseur social.

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2. Cessez le feu !

Le bombardement de l'Iran par l'aviation israélienne a surpris par sa « modération ». On craignait la destruction des puits de pétrole, avec des conséquences épouvantables sur la faible croissance dans le monde, ou les installations nucléaires, avec une inconnue pour des millions d'Iraniens, voire toute la région, y compris Israël, sur les retombées. Et ce furent juste les usines d'approvisionnement des drones et la défense anti-aérienne des installations nucléaires, ce qui est un objectif militaire décisif lorsque vous êtes bombardé par l'Iran. Il s'agit aussi d'une performance technique par son parcours et sa précision en vue d'une prochaine attaque ? On ne sait pas. En tout cas, c'est un message : « Israël peut frapper où elle veut, quand elle veut. »

Pour autant, ce ne fut pas un déluge de feu. Quelle en est la raison ? La mort opportune de Yahya Al-Sinwar n’a pas déclenché de la part de l’Iran de mesures de rétorsion, de menaces de vengeance, comme pour Ismaël Haniyeh ou Nasrallah. Juste après l'attaque de l'Iran, une formule en clin d'œil : « Israël a commis une grave erreur », reprenant ainsi la déclaration de Netanyahou à propos des frappes iraniennes, mais pas plus. Un peu comme si cette victoire de Tsahal, en éliminant le concepteur du 7 octobre, avait compté dans l'intensité de la vengeance de l'État hébreu et réduit les objectifs. Ou alors, la pression américaine refusant des objectifs en Iran jugés par l'oncle Sam aux conséquences hors de contrôle. Ou peut-être les deux. Dans un cas, on s'interrogera sur le concours de circonstances. Dans l'autre, on pourra se dire que lorsque les États-Unis disent non, c'est non. Ce qui jette un regard suspicieux sur les feux rouges précédents de l'administration Biden.

Si la guerre est maintenant déclarée entre Tel-Aviv et Téhéran, qui en doutait ? Israël a atteint une limite militaire. Netanyahou dit « nous avons atteint nos objectifs », les Iraniens disent à peu près la même chose. Alors, la négociation, la trêve contre les otages à Gaza peut commencer ? C'est ici que le problème des buts de guerre de Khamenei et Netanyahou se pose. Les milices terroristes décapitées, l'Iran frappé, Gaza en ruines, le sud du Liban ravagé, les Palestiniens terrorisés, des dizaines de Palestiniens tués, des millions déplacés. Et pourtant, chacun en conviendra, rien n'est réglé, tout s'est envenimé, les accords d'Abraham hors de portée, la vengeance inscrite dans le cœur des Palestiniens brutalisés et martyrisés, le Hezbollah a un nouveau chef, et le Hamas ne va pas tarder, la société israélienne durablement divisée, Israël isolé, le « dôme » de l'antisémitisme ne fonctionne plus et le dôme de fer coûte une fortune. Les otages, prisonniers enterrés vivants, semblent abandonnés. La légende d'un Sinwar protégé par leurs corps s'est évaporée. Netanyahou et le ministre de la Défense sous le coup d'un mandat d'arrêt international, et Israël suspecté d'avoir tenté un génocide par la justice onusienne et déjà condamné pour crime de guerre. L'antisémitisme a fait un bond spectaculaire. L'Iran continue à avancer vers l'arme atomique. Alors ? Que faire ? Continuer jusqu'au 5 novembre et voir ? Voir quoi ? Trump déclenchant une guerre à l'Iran ? Aucune chance, entre l'Ukraine et la Corée, sans oublier Taïwan, il aura d'autres chats à fouetter.

Le ministre de la Défense israélien suggère des revirements déchirants. Ce qui veut dire quoi ? Pourtant, il se fait vertement rappeler à l'ordre par Netanyahou pendant que les faucons de l'extrême droite en appellent à occuper Gaza, la Cisjordanie et le sud du Liban. La machine militaire semble aveugle et sans but.

On ne peut pas dire que le bilan de l'Iran soit plus glorieux. La stratégie de protection via ses milices religieuses est largement entamée, ses dirigeants sont éliminés, le président iranien successeur de Khamenei aussi, et le peuple palestinien est à genoux, affamé, déplacé, ruiné, désorienté, pendant que de sérieux doutes surgissent sur la capacité militaire du régime des mollahs. Le 7 octobre sera marqué à jamais comme jour de l'horreur dont l'Iran porte in fine la responsabilité morale, si ce n'est logistique. Les régimes arabes n'ont pas bougé. La rue arabe ne s'est pas enflammée. La Cisjordanie ne s'est pas soulevée. Et le « Sud global » a fait le minimum, attaquant Israël devant les juridictions des Nations Unies plutôt que de se déclarer solidaire de l'Iran. Où est le but de guerre ? La destruction de l'État d'Israël ? On en est loin, très loin. Israël en a profité pour faire sentir et ressentir son talon de fer. Jeter les Juifs à la mer ? Soyons sérieux. Personne ne peut l'accepter. Les États-Unis et même la communauté internationale ne l'accepteront jamais, et surtout pas après le 7 octobre. La fin des accords d'Abraham ? Cela coûte cher en vies humaines et en rapport de force dégradé pour un gain peut-être éphémère. La question palestinienne remise à l'agenda ? Cette guerre aura accentué son malheur et repoussé la solution. Quel que soit le sujet produit par ce conflit, l'Iran est perdant sur un sol jonché de cadavres et de ruines.

À tout point de vue, c'est un désastre pour Israël, pour l'Iran, pour les Palestiniens et les Israéliens. Il serait sage, ou temps, que cela s'arrête. Mais sur cette terre ô combien disputée depuis des siècles, la sagesse n'est pas ce qui est le mieux partagé.

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3. L’homme de la dissolution

Nous assistons en direct à la lente désintégration de la macronie et du macronisme, pour peu que ce mot ait un sens idéologique. Le Président, au plus bas dans les sondages depuis son accession au pouvoir et même pendant la crise des gilets jaunes, n’a plus de base ni d’assise politique. Il s’est précipité par sa dissolution ratée dans les sables mouvants du « moment de désagrégation français » : bouger, c’est s’enfoncer ; ne rien faire pour l’éviter, c’est l’immobilisme en attendant un aléatoire clin d’œil du destin. Macron est aujourd’hui privé de l’aura du dégagisme de la vieille classe politique. Sept ans plus tard – une éternité – il l’a entre-temps rejointe. Son "ni ni" est "usé, vieilli". Il n’est plus que le paravent élimé d’une deuxième droite. Il est harcelé par les deux monstres qu’il a libérés en brisant les partis de gouvernement. Les partis populistes d’extrême droite ou d’extrême gauche, devenus sous son règne majoritaires, travaillent à sa démission pour mieux s’affronter. Le bloc central, fiction parlementaire (sur 186 votes du Projet de finance, 80 % des députés "macronistes" n’ont pas pris part au vote).

Il a agité cette équation politique « contre les extrêmes » pendant ses deux quinquennats ; elle se fait sans lui, malgré lui, et l’a déposé sur la cheminée. Elle prend juste soin de temps à autre de l’épousseter. Il ne pèsera plus sur le budget de la nation, qui sera celui de la droite sénatoriale et d’une commission mixte paritaire où les battus du suffrage universel règnent en maîtres. Quant à son parti, il a fondu comme neige au soleil. Ce réseau de "clics" s’est désespéré de tant de claques. Son futur patron, G. Attal, s’impose à lui. Il est d’ailleurs atteint du syndrome Mbappé. Le capitaine des Bleus ne s’est jamais remis de la finale de la Coupe du Monde de football au Qatar, où, devant la planète réunie, il porta l’équipe de France, mais vit son rêve d’un deuxième sacre, et par là même son entrée dans la légende à moins de 25 ans, lui filer entre les doigts. G. Attal, benjamin des premiers ministres de la Ve République, ne s’est jamais remis de cette dissolution qui lui fut imposée, brisant son rêve de s’imposer. Tel Icare, trop proche du Soleil, il a perdu ses ailes. Il faudra qu’il se reformule alors ; en attendant, il se venge… sur Barnier.

Le passage de témoin sur le perron de Matignon avec Michel Barnier a sonné la fin de l’arrogance macroniste, ayant comme seul drapeau sa jeunesse. Tout à coup, Attal apparut "jeune vieux », rabougri, fripé et courroucé ; on voyait au travers, à l’instar de son mentor. Une fessée publique de la part d’un ancien monde qui resurgissait de nulle part. Le macronisme était rappelé à l’ordre par les faits : « Le bilan de la France, c’est vous ! » Et tout est là ! Le bilan du macronisme est catastrophique, et ce, dans tous les domaines. Alors chacun s’en détourne et personne ne veut le porter, l’assumer. Les amis du Président de la première heure s’en sont allés ou se sont détournés. Et lorsque le locataire de l’Élysée se retourne, il n’y a plus personne. Macron s’est imposé seul et il va repartir seul. Personne pour chanter ses louanges. Personne pour tout simplement le défendre. Il n’a même pas eu la force d’imposer sa candidate E. Borne à Attal pour la tête de son parti. Cela vaut tous les sondages. Il est à la merci de Marine Le Pen, l’obligeant à une nouvelle dissolution sans espoir de rebondir, car son parti, ce n’est plus lui et l’avenir ne sera pas lui.

Il y a devant lui, ou face à lui, un Édouard Philippe qu’il n’aime pas et un Gabriel Attal qui ne l’aime plus. On le voit errer sur la scène internationale, livide, mécanique et sans joie : le jeune loup n’a plus de dents pour mordre. Au fond, cela n’aurait que peu d’importance, juste la fin d’une comète politique rêvant de son retour comme horizon sans trop y croire. Mais le président Macron aura été le contemporain de la grande décomposition morale et sociale française, dont la « mexicanisation » de la violence à Poitiers, après Dijon à propos de la drogue, est le symptôme le plus probant. Cela prépare le succès de l’extrême droite, à moins que la justice la mette hors-jeu. Il n’a pas voulu voir cet affaissement républicain, comme il n’a pas voulu voir les déficits. Il a pensé qu’il était l’étoile polaire du renouveau, il suffisait de « suivre son immense talent ». Quand vous n’avez d’autre projet pour la France que vous-même. Lorsque vous cessez de plaire, les failles qui travaillent en profondeur la société française apparaissent béantes et vous engloutissent. Macron constate cela et ne sait que faire. Les semaines, les mois qui viennent s’annoncent comme un chemin de croix sans qu’il ait eu le temps de graver dans le marbre de l’histoire sa marque. Sa trace se résumerait à ce qu’on en dit déjà sous cape : l’homme de la dissolution.

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4. RN-LFI : vote en commun, que cela présage-t-il ?

Les Insoumis et le Rassemblement National ont fait jonction contre l'Europe. Lors du débat parlementaire sur le budget, la France Insoumise a voté l'amendement de l'extrême droite rayant d'un trait de plume les crédits de la France dévolus à l'Europe. Ce vote fut salué par une standing ovation des lepénistes, tandis que les Insoumis regardaient leurs chaussures. Cela n'aura pas de conséquence pour l'Europe, mais risque d'en avoir pour la Gauche. Manuel Bompard, dans la précédente législature, avait déjà esquissé ce rapprochement « conjoncturel » à propos de la motion de censure. On a déjà vu en Europe des mouvements dits citoyens ou civiques prônant le dégagisme des élites faire un bout de chemin avec l'extrême droite. Il s'agit du Mouvement Italien Cinq Étoiles de Beppe Grillo et de l'entrepreneur du Web Gianroberto Casaleggio (qui a fini par quitter le mouvement estimant qu'il n'avait plus de sens).

Pendant 14 mois, le Mouvement Cinq Étoiles dirigé à l'époque par Luigi Di Maio a participé à une coalition avec Salvini, le sulfureux dirigeant de la Ligue d'extrême droite. Évidemment, la France Insoumise n'est pas le Mouvement Cinq Étoiles, dont le mot d'ordre était « Vaffanculo ». Et il n'y aura pas en France de coalition RN-LFI. Le très élégant "ferme ta gueule ou on va s'occuper de toi" de Thomas Portes dans l'hémicycle à un député du RN à propos, il est vrai, de la situation à Gaza pourrait le démontrer. Comme le refus, pour LFI, comme pour la Gauche, de voter l'abrogation de la réforme des retraites proposée par le RN. Mais il n'est pas impossible de penser que ce vote insensé contre l'Europe avec l'extrême droite préfigure ce que serait la campagne de Mélenchon pour la présidentielle, qu'il prépare pour y aller s’il est en forme. Ce vote n'est pas un moment d'égarement, c'est le début d'un positionnement. Mélenchon ne va pas passer par-dessus bord le cartel électoral qui lui permet de régner sur la Gauche. Il va même en faire un leitmotiv. On ne sait jamais, cela peut servir en cas de dissolution. Et puis, selon un vieux classique, c'est aux autres de rompre l'union. Pour ce faire, il sera on ne peut plus tranquille, accommodant, unitaire pour deux. Mais il sait que le NFP est condamné lors de la présidentielle puisqu'il veut être candidat et ne souhaite pas aller à une primaire, dont il pense que c'est une machine à « prendre ses voix » et à l'éliminer. Devant l'impossibilité d'unir la Gauche sous son panache, il lui faut s'imposer à elle pour, pense-t-il, s'imposer à la France. Et le meilleur moyen est de revenir aux sources du dégagisme. Le désastre du macronisme s'y prête et la situation du pays y concourt.

La dénonciation de l'Europe, de la caste, l'antisystème, plus déterminant que le clivage gauche-droite et même que l'extrême droite, tel sera son credo. Bref, le retour du parler dru, du souveraino-populisme théorisé par le politiste d'extrême droite A. de Benoist dans son ouvrage Droite-Gauche, c'est fini ! le moment populiste. Car Mélenchon pense qu'il faut gagner une sorte de primaire pour savoir qui affrontera celle qui est déjà qualifiée pour le 2e tour, Marine Le Pen. Et si elle était empêchée, Jordan Bardella, il en est sûr, il en fera une bouchée. Il faut donc une orientation de rupture qui lui permette de dominer la Gauche et de profiter à nouveau du vote utile. La campagne des Européennes autour de la question palestinienne a été un galop d'essai. Elle ne lui a pas permis de gagner, mais de ne pas se faire siphonner devant l'envol de R. Glucksmann. C'est déjà ça. Et après, face à Marine Le Pen, l'amnésie fonctionnera et il gagnera, dit-il aux journalistes. Le problème n'est pas qu'il se trompe, qu'il n'a aucune chance, qu'il est aujourd'hui plus rejeté que Marine Le Pen, qu'il soit passé du vote utile au vote inutile. Mais qu'il le pense et se prépare, pendant qu'une gauche émolliente n'ose saisir les occasions de son autonomie pour se refonder. On aurait rêvé, à la suite de ce vote, non pas une rupture, il ne faut pas exagérer, mais une belle mise en garde dans une tribune solennelle. Peine perdue, cet accroc à l'Europe, cette révélation de sens, ce faux pas inacceptable est tombé dans la rubrique pertes sans profit.

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5. Les Femmes et la Religion

Lors du premier débat sur le PACS, je faisais le pronostic devant mes camarades : « Nous allons vers le mariage des homosexuels, l'adoption d'enfants par ces couples, la gestation pour autrui. » Je ne regrettais pas mon vote, mais je croyais déjà à la théorie de l'engrenage. Quand on octroie une liberté, la société va au bout, rien ne l’arrête, c’est mécanique. La résolution de la 16e Assemblée générale du Synode sur l’avenir de l’Église laisse ouverte l’ordination diaconale des femmes. C’est-à-dire que le texte ne s'oppose pas à ce que des femmes célèbrent le baptême, les mariages et des funérailles. Le fait rare que ces suggestions ont été approuvées par le Pape François leur confère un statut de recommandation pour toute l’Église. C’est la voie ouverte à la possibilité pour les femmes de célébrer la messe, sujet non traité à cette étape dans le texte, mais qui va, sur cette base, s’imposer. Et derrière, c’est le célibat des prêtres qui s'effondrera, et lorsque l’on fera la genèse de cette évolution, on reviendra à ce texte passé un peu inaperçu.

Vous vous dites : « Mais qu’est-ce qu’un laïque 'néantiste' vient faire dans cette galère, et pourquoi s’intéresse-t-il à l’évolution de l’Église ? » Précisément parce que je respecte le droit de ne pas croire ou de croire, et je ne suis pas indifférent à ces évolutions qui indiquent de manière différée le mouvement dans la société. L'analyse politique s'appuie aussi sur des réalités passant sous les radars. Cette « modernisation » ne porte pas atteinte à la foi de celui qui croit, mais permet à la société tout entière de conquérir de nouveaux droits, en l’occurrence pour les femmes. Car cette évolution lève des obstacles « moraux » ou culturels à l'émancipation et à l'égalité. Qu'une femme, Kahina Bahloul, soit devenue première femme imame en France est tout autant important pour le droit des femmes dans la religion et hors de la religion, mais aussi dans la perception des religions elles-mêmes et donc de ceux qui les pratiquent. La marche vers l’égalité des femmes, leur respect, leur intégrité est inexorable et s’imposera partout. Et ce n’est pas le contre-exemple des Talibans, qui interdisent maintenant aux femmes de parler entre elles, les niant en tant qu’êtres humains, qui changera la donne. Ils prennent le tapis roulant de l’histoire à l’envers. L’évolution dans les religions en est un signe tangible.

 

À dimanche prochain, en espérant d’ici là que Trump soit battu, même s’il est probable dans ce cas qu’il ne le reconnaîtra pas !