C'était mission impossible, et cela l'est resté. Face à un mur de 70 % de Français hostiles, dont 45 % favorables à la radicalisation, le Président de la République Emmanuel Macron a mis à côté de la plaque. Sur la forme d'abord, l'acteur Macron a surjoué l'humilité, assurant qu'il avait entendu la colère. Du coup, on aurait dit un gamin ayant fait une grosse bêtise et assurant qu'il allait tout réparer. Sur le fond ensuite, proposant un armistice, une paix des braves, 100 jours d'union, mais sur la base de ce qu'il avait décidé. Le travail, l'immigration, l'école semblaient des vœux pieux sans contour. Pourquoi cette précipitation ? La hâte de tourner la page ? Pour le coup, Macron reste collé dessus. L'irrésistible envie de séduire ? En tout cas, c'est raté. La nécessité de gagner du temps ? Mais alors pourquoi parler si vite au lieu et place de sa Première ministre ? L'envie de démontrer son humilité, même feinte ? Mais pourquoi un discours en majesté ? De Gaulle avait choisi la radio fin 68 pour reprendre la main ; Mitterrand l'interview après le recul sur l'école privée, la démission de son Premier Ministre avait purgé l'affaire. Avec Emmanuel Macron, la rhétorique d'une nouvelle époque se combine à l'immobilisme du dispositif. La crise n'a eu aucun effet, même symbolique. C'est la purge sans bouger. Étonnez-vous que le mécontentement dépasse les 70 %.

Personne ne peut croire qu'il va trouver en mai une nouvelle majorité dans un Parlement bloqué. Personne ne peut imaginer que le pays s'engage dans une paix sociale après une telle blessure et une telle fracture. Et dès le lendemain, son rendez-vous avec le patronat en l’absence de l'intersyndicale était pour le moins mal venu. Quant à chanter nuitamment après son allocution avec des jeunes, un chant pyrénéen, cela aurait pu être sympa. Mais était-ce le bon moment ? C'était juste la manifestation du "tel est mon bon plaisir". La politique est un art d'exécution.

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Le Président n'a pas compris la crise de la démocratie qui nourrit celle de la Ve République. Il ne réussit pas à réunir les Français car il pense que cette crise a pour source la prétendue irrésolution de François Hollande. Et pour lui, la réponse est la verticalité, propre à nos institutions. Mais elle ne jugule pas la crise, elle l'accroît. Il n'a pas perçu la crise de la démocratie où les Français ne s'estiment pas représentés. Elle était déjà perceptible dans le mouvement des Gilets jaunes. La séquence post-conseil constitutionnel était politique par excellence. Il a répondu en technocrate sans ressort. Lorsqu'il apparaît à 20h, derrière son bureau, il a déjà perdu par ses fautes de temps, de ton et de fond. L'épisode marque la fin du Macronisme ouvert il y a 6 ans. M. Le Pen a la voie dégagée.

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Li Shangfu, le ministre de la Défense chinois, s'est rendu à Moscou pour souligner les liens entre la Russie et Pékin. Il s'agit de sa première visite à l'étranger. Certes, la Chine n'a pas livré d'armes, même si les autorités ukrainiennes rapportent la présence de munitions chinoises sur le théâtre de la guerre. Dans le même temps, la Russie organise des manœuvres militaires dans le Pacifique où elle déploie 25 000 hommes, des centaines de bateaux, d'hélicoptères et de sous-marins. Cette démonstration de force vise à soutenir la Chine face aux États-Unis dans le détroit de Taïwan, mais aussi à menacer la Corée du Sud et surtout le Japon, qui organise le sommet du G7. Les conditions d'un embrasement s'accumulent, pendant qu'on fait mine sur nos plateaux télévisés de ne rien voir.

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Ça bouge sur le front russo-ukrainien ! Non, pas le plan secret franco-chinois de cessez-le-feu concocté par Wang Li et Emmanuel Bonne, révélé par les Anglais. Là, ce n’est vraiment pas sérieux. Mais la dramatisation du G7 des ministres des affaires étrangères inquiets d'un risque de dérapage nucléaire de la Russie. On comprend que si l'Ukraine enfonce le front des Russes cet été, ces derniers pourraient faire usage de leurs armes de destruction massive. Une déclaration pour impressionner Poutine ou Zelensky ? Et dans le même temps, Poutine visite pour la première fois le front, ou plutôt les villes de Kherson et Lougansk, comme pour dire "j'y suis, j'y reste". Et ceci après que Evgueni Prigogine, le chef des mercenaires du groupe paramilitaire « Wagner », ait déclaré que la Russie avait atteint ses objectifs au Donbass et qu'il était temps de penser à la paix, comme si les Russes voulaient en rester là et que les Occidentaux cherchaient à ce qu'on n'aille pas plus loin.

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Le tournant autoritaire et la répression décrétés par Kaïs Saïed en Tunisie touchent à la fois la radio libre Mosaïque et le leader d'Ennahdha, Ghannouchi, parti islamiste conservateur qui retourne en prison 39 ans après l'avoir quittée. Il ne s'agit pas, à travers cette vague d'arrestations, de briser une tentative de coup d'État des Frères musulmans, mais de briser toute expression parlementaire d'opposition, qu'elle soit libérale ou islamiste. Après la remise en cause des conseils municipaux, acquis de la révolution du Jasmin, et après la suspension du Premier ministre et du Parlement, la « bénalisation » du régime provoque l'inquiétude de l'Europe et des pays voisins. La peur de la « libyanisation » du pays est réelle. Le pays et le Maghreb n'avaient pas besoin de cela. La France, qui reçoit le président algérien A. Tebboune, lui-même adepte d'une répression sévère, est étrangement silencieuse.

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Au travers de ses prises de position publiques, Olivier Faure tente de faire évoluer la Nupes, sans rompre avec la France Insoumise (LFI). Une évolution « dans la fraternité », croit savoir un anonyme proche de Faure. Même pour dire cela, il faut être anonyme ? La confiance règne. Olivier Faure stigmatise ceux qui critiquent Mélenchon en permanence. Et il est vrai qu'il se garde bien de le critiquer. À ce petit jeu, Bompard, le coordinateur de LFI, a mis une pierre dans le jardin du député de Seine-et-Marne. La réponse du berger à la bergère est directe. Alors allons-y ! Fusionnons dans un « parti Nupes » avec un parlement commun, des collectifs locaux communs et des accords électoraux communs, une liste commune aux élections européennes. Si Faure adhère réellement à un projet stratégique derrière les Nupes, il devrait s'y engager. Mais pris de vertige et de peur de tout perdre, il n'en fera rien. Au contraire, il ne veut pas devenir un nouveau Roussel dans la Nupes. Alors, le leader de la motion 2 du PS est pris entre deux feux. Tant que le PS n'aura pas dit « non, nous voulons autre chose autrement » et décrété le non-alignement sur la France Insoumise, le PS fauriste sera la noix dans le casse-noisette.

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Laurent Berger annonce son départ de la CFDT le 21 juin. Il aura été le contemporain du retournement dans le mouvement syndical, qui a vu la CFDT devenir le premier syndicat de France devant la CGT. Il a imposé l'image d'un réformisme conséquent, inventif et tolérant. Il aura surtout été la figure emblématique du plus grand mouvement unitaire syndical de la décennie, évitant la rupture entre l'action et l'opinion. Il a lancé le « pouvoir de vivre », une combinaison originale de la CFDT et du mouvement associatif, flirtant ainsi avec le politique. Conscient que la CFDT sans débouché politique touche ses limites, il dit ne pas vouloir s'engager en politique, ce qui est bien dommage, car il est à cette étape le seul social-démocrate capable d'unir les Gauches et les écologistes dans une présidentielle pour battre Marine Le Pen. Laurent Berger ne veut pas être le « Lula français », pour des raisons personnelles, mais aussi pour ne pas gêner la CFDT au nom de l'indépendance syndicale. En tout cas, sa parole, au-delà de la suite d'ici juin, pèsera très lourd dans le débat politique s'il le souhaite.

A dimanche prochain !