Dans la cacophonie invraisemblable, la réforme des retraites n’a été qu’un rappel au règlement avant d’être transmise au Sénat, pour le plus grand soulagement de la majorité d'une part, qui n’était pas sûre de ses nouveaux amis LR, et de la France insoumise d'autre part, qui rappelée à l’ordre par Mélenchon, a voulu que l’on ne discute pas au Parlement de ce que les Français discutent dans la rue sur l’article 7 et le report de l’âge légal. Mais cette séance où les acteurs étaient à bout sans qu’ils puissent aller au bout est indicative. D’abord, la violence n’étant pas, heureusement, dans la rue. Elle s’est exprimée à l’Assemblée. Ensuite, la tension dans la majorité a explosé en plein vol. Cette majorité a perdu la bataille de la communication, pendant que le président s’énervait sur le fait qu’on lui résiste. LR a démontré sa contradiction stratégique entre la pression du RN et la raison de la droite, incarnée par Emmanuel Macron. La Nupes a, elle aussi, implosé. Après les congrès des partis (EELV, PS , PCF) marqués par la défiance vis-à-vis de la Nupes, c’est maintenant le désaccord stratégique sur le cirque parlementaire soutenu par les écologistes et les socialistes. Derrière la question du type de débat parlementaire, il y a la question de : qui donne le la ? l’intersyndicale vertébrée par la CFDT ou la Nupes à colonne vertébrale LFI ? La Nupes se divise avant de se désagréger et de se confronter aux élections européennes. Reste, enfin, le RN qui, avec sa sage opposition et sa motion de censure, a marqué son territoire de plus en plus national, gauchiste et candidat à la charge suprême.

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L’obstruction parlementaire est aussi vieille que la République. On se souviendra de l’agacement de César devant les péroraisons de Caton, intervenant pendant des heures de la multiplication des amendements en France à propos des nationalisations en 81 ou de l’intervention sans limites aux États-Unis. Mais autre chose sont les incidents conduisant à des sanctions de parlementaires coupables d’injures, car il s’agit de cela lorsque l’on traite un ministre d’assassin. Les orateurs de LFI poussent simplement la logique révolutionnaire à son terme : retourner la violence de la réforme contre les auteurs de cette violence. Comme je l’évoque dans le livre « Le big bang social-démocrate », il s’agit de la reprise des concepts conseillistes des années 20 de Pannekoe et de ses amis hollandais visant à détruire ou démasquer le parlementarisme et laisser ainsi la place au peuple. Chantal Mouffe, la théoricienne du populisme de gauche, estime qu’il n’y a pas ou plus de compromis possible entre le peuple et l’oligarchie. Tout est là ! Et c’est ce qui distingue le populisme de gauche de la social-démocratie : la recherche du dissensus pour mobiliser le peuple et nourrir la révolution ou la recherche du compromis. Accessoirement, cette méthode dite « révolutionnaire » affaiblit le combat contre la réforme des retraites car elle remet en scène le ministre, introduit un ferment de division dans l’opinion hostile à la réforme et complique le travail de mobilisation des syndicats. Ces derniers veulent, sans se couper de l’opinion pas nécessairement favorable à la gauche, conduire le pays à l’arrêt total le 7 mars, c’est-à-dire à la « Grève Générale » dans le pays. La radicalité révolutionnaire faite d’insultes est donc non seulement une impasse démocratique mais une faute vis-à-vis de la mobilisation des Français contre une réforme injuste. 

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Nous passons lentement mais sûrement de la guerre en Europe à l’Europe en guerre. En multipliant les dons militaires à l’Ukraine qui utilise le remord pacifiste européen, Zelensky obtient ce qu’il cherche : une implication européenne et son intégration de fait à l’Europe. Ce glissement progressif, pour compréhensible qu’il soit, se fait sans l’assentiment des peuples et sans débats. 

Cette guerre qui ne dit pas son nom est floue sur les moyens - armes défensives ou offensives ? - et floue sur son but : le « jusqu’à la victoire » veut-il dire la reconquête jusqu'à récupérer la Crimée ou jusqu’aux frontières du Donbass et de la Russie ? Jusqu'à la chute de Poutine ? ou alors jusqu'à la prise de conscience par le dictateur du Kremlin qu’il ne gagnera pas et sa demande d’une paix réelle ? Quant à l’objectif d’un nouveau système de sécurité globale, ce n’est pas l’interview au Journal du Dimanche du président Macron qui semble en retrait dans son discours de Munich à propos de la nécessaire défaite russe qui nous éclaire. Personne ne sait ce qu’il y a derrière les mots. L’alliance de l’Europe et des États-Unis, c’est-à-dire l’Otan n’a pas de but de guerre clair, si ce n'est de résister à l’envahisseur. Mais peut-on résister sans repousser et jusqu’où ? 

Quant aux prêcheurs de paix comme Jean-Luc Mélenchon soutenu par le très controversé Jeremy Corbyn, le président Argentin Alberto Fernández ou le président colombien Gustavo Petro, un ancien du M19 ; mais c’est aussi la position du président Lula du Brésil ; la paix passe par la reconnaissance d’une équidistance où personne n’est responsable, tout le monde est responsable. La mise sur le même plan du bourreau et de la victime est moralement inacceptable. Mais surtout la capacité à rendre cette démarche crédible est quasiment nulle. Comment l’Ukraine agressée pourrait reconnaître cet état. Le pari sous-jacent de l’Occident est terrible : c’est le fil de l’eau ! On verra bien ! Mais on ne sait pas où on va !  La victoire limitée d’un camp ou l’autre pour imposer une paix armée ?  Cette stratégie coûte chère, très chère en termes de vies humaines et de dépenses militaires et bien sûr de sur-inflation. Elle est ambiguë car on ne veut pas donner les moyens aux Ukrainiens de l’emporter, de peur d’une réplique nucléaire tactique russe, tout en proclamant le soutien jusqu'à la victoire totale. Elle peut, à chaque instant, déraper en conflit généralisé ou s’enkyster en une guerre de tranchées pour un, deux ou trois ans. Mais dans tous les cas, l’Europe, faute de but, n’est pas maître de son destin. 

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Après un an de guerre en Ukraine, on peut tirer quelques enseignements :

1-     La possession de l’arme nucléaire est réellement dissuasive pour ceux qui veulent agresser un pays. C’est l’avantage stratégique de la France ... et de l’Europe ?

2-     Le renseignement est l’atout numéro un pour connaître quand et comment l’ennemi veut et peut se déployer. Elle nécessite des moyens et des hommes.

3-     L’infanterie jugée obsolète par temps de guerre de haute technologie reste donc essentielle. La fin de la mobilisation du peuple par une conscription obligatoire oblige à une garde nationale ?

4-     L’artillerie, le parent pauvre de la guerre moderne, est devenu indispensable. Les césars ont de beaux jours devant eux. Un redéploiement des dépenses budgétaires ? 

5-     La maîtrise du ciel n’est pas indispensable pour matraquer les bombardements comme ce fut le cas en Irak après l’envahissement du Koweït par Saddam Hussein. Et donc les systèmes de défense anti-missiles ou drones sont indispensables, comme on le voit déjà en Israël. Un drone français ? 

6-     L’intervention de milices professionnels est une nouveauté qui va prospérer. Une milice européenne ?

7-     Reste la cavalerie des chars pour percer les lignes adverses qui n’ont pu être testé. On a des chars légers performants pour une guerre de mouvement mais est-ce le plus adapté ? 

La syrisation des guerres conventionnelles sera-t-elle la condition de la guerre moderne ?

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La guerre des ballons ! 

Depuis quelques jours, les États-Unis et la Chine se livrent à une étrange guerre par ballons interposés. Les Américains tirent sur tous les ballons chinois qui s’approchent ou survolent leur continent. Et les Chinois indiquent que le leur a été violé plus de 10 fois depuis un an. C’est un épisode de plus dans l’escalade entre les deux puissances dans leur course à l’hégémonie. L’enjeu semble être la maîtrise de la stratosphère : cette couche, entre celle des avions et des satellites, où les futurs missiles vont se mouvoir. Tout cela est réjouissant. C’est, en tout cas, la donnée stratégique des 20 années à venir. Là encore, que veut l’Europe ? Nous sommes les alliés stratégiques des Etats-Unis mais de plus en plus en difficultés, si ce n’est en conflit sur le plan économique. Nous sommes des partenaires économiques sans limites avec la Chine, et de plus en plus en conflit sur Hong Kong, les Ouïgours, le Tibet et maintenant Taïwan. L’Europe doit définir son devenir stratégique, ce qui implique que la France ait déjà les idées claires. 

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La Moldavie, prochaine proie de Poutine ? Là encore on rêve ! La Moldavie a demandé son adhésion à l’Europe, en même temps que l’Ukraine. Cette demande a été acceptée. Mais nous n’avons envoyé aucune force d’interposition comme la France l’a fait en Roumanie, ce qui aurait pu faire réfléchir ou dissuader Moscou. Il y a 1500 militaires russes en Transnistrie jouxtant la Moldavie, des agents russes partout, un milliardaire Ilan Shor qui s’agite et qui a créé son propre parti pro-russe. Et il n’y pas ou peu d’armées en Moldavie. On imagine le maître du Kremlin se lécher les babines et rêver de prendre en tenaille l’Ukraine avec la Biélorussie. Déjà Gazprom a fermé le robinet énergétique. Le tout dans une situation où le Secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a lancé une alerte à la pénurie de munitions pour l’Ukraine. 

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Le Gouvernement israélien ultra-droite de Netanyahu est déjà mis à mal : en interne, avec une grande manifestation contre la réforme de remise en cause de l’indépendance de la justice ; à l’extérieur, avec la condamnation des nouvelles colonies (10 000 logements prévus en territoires palestiniens) par les ministres des affaires étrangères des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Italie dans une déclaration commune. 

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Le bureau politique de LR a choisi de ne pas choisir, espérant la transmission au Sénat de la réforme des retraites sans la voter. Les frondeurs, Aurélien Pradier et Xavier Bertrand, n’ont pu maintenir leur position hostile que parce que Wauquiez ne veut pas d’un LR aidant sur ladite réforme. Le revers gouvernemental à propos de l’article 2 tient principalement au fait que la droite classique veut démontrer qu’elle ne soutient pas le Gouvernement, tout en soutenant la mesure d’âge de la réforme. LR qui est devenu un parti des collectivités locales moyennes constate que c’est dans cette strate que la mobilisation est la plus forte. Ce qui donne une base non négligeable à la fronde et affaiblit un peu plus le Gouvernement Borne, et par voie de conséquence Emmanuel Macron. 

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Matignon fait savoir que Laurent Berger est passé de l’autre côté du miroir. C’est pour le moins maladroit. Le Gouvernement ne comprend pas que le Secrétaire général de la CFDT, mandaté par son syndicat, opposé depuis des années aux mesures paramétriques réitérées lors de la présidentielle, soit fidèle à ses engagements. D’autant que, le même Gouvernement n’a pas considéré la CFDT lors de la réforme de l’assurance chômage qu’l a ensuite retiré. Bref, un bon syndicat, c’est celui qui dit Amen ! C’est cela le verticalisme, la caporalisation du dialogue social. Et le Gouvernement qui a préféré le dialogue parlementaire via LR découvre, un peu tard, qu’en oubliant le dialogue social, il a créé un front syndical uni qui porte une contestation majoritaire. 

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Voilà pourquoi nous avons les plus grandes difficultés à financer notre modèle social quand celui-ci repose grandement sur le travail : 

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A dimanche prochain