Après le mouvement « la Grande-Bretagne brisée » le hashtag le plus prisé au Royaume-Uni, entre stagflation et mouvements de grèves, c’est au tour de la France : « la France brisée » ? A peine camouflée par l’épopée des Bleus. 

Ce que j’analyse dans la première partie de mon livre publié au mois de novembre 2022 « le big-bang social-démocrate » se trouve, malheureusement, confirmé. La combinaison du ralentissement économique, de la hausse des prix, du précariat de masse et des déficits, sur fond de crise du politique, ouvre une séquence dont nul ne peut prévoir l’issue si ce n’est que 2023 sera le début des « années dangers ».

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La prophétie de Michel Rocard sur les retraites : « il y a de quoi faire sauter plusieurs gouvernements » s’applique. Et l’on comprend pourquoi Emmanuel Macron s’est dérobé à l’obstacle en reportant l’annonce sur les retraites au 10 janvier 2023. Emmanuel Macron joue son quinquennat sur cette affaire rendue nécessaire non pour les déficits des retraites mais pour les déficits publics qui inquiètent les institutions internationales et les marchés financiers.  

L’orthodoxie libérale impose ce marqueur qui fait consensus chez les élites mais dissensus chez le peuple. 

Pour Emmanuel Macron, il y a un double blocage : la CFDT qui ne veut rien entendre depuis le camouflet sur l’assurance-chômage ; les Républicains qui ne veulent pas lier leur sort à celui d’Emmanuel Macron, préférant, en cas de dissolution, ne pas avoir à supporter le poids de cette réforme impopulaire. Ces derniers caressent l'idée d'une motion de censure qui renverserait le Gouvernement (si toutes les oppositions la votaient). Et la dissolution agitée par l’exécutif ressemblerait à celle de Jacque Chirac en 1997. Voilà pourquoi pour Macron c’est « marche ou crève ». Son quinquennat s’arrête en janvier 2023 s’il recule, s’il est battu ou si s’impose à partir de janvier une généralisation des mouvements sociaux. 

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Le poisson pourri par la tête dit-on : c’est le cas pour la Nupes. La crise au sein de LFI ouvre la boîte de Pandore de la succession de Mélenchon, de l’autonomie des partis composant l’alliance mélenchoniste. Mélenchon, après le coup réussi de la Nupes et l’élection ratée des législatives, décide de se retirer sur l’Olympe de sa fondation de La Boétie pour mieux surplomber l’union, tout en demandant à ses troupes de harceler Macron, avec en point de mire la prochaine présidentielle. Là, devant le vide renforcé par l’éviction de Quatennens, les appétits s’aiguisent (Autain, Ruffin, Corbière, Coquerel) et les partenaires s’épuisent à suivre la « Valkyrie » mélenchoniste. Prévoyant, Mélenchon reverrouille le système avec Emmanuel Bompard mais cela ne passe pas. La crise est visible : les écologistes et le PCF prennent la poudre d’escampette pour les européennes ; la direction du PS est menacée dans son soutien inconditionnel. Tout se délite. Bompard-Mélenchon attendent le mouvement sur les retraites pour se sauver ... ou, tout du moins, souffler car la désintégration de la Nupes est engagée.

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La crise politique touche toutes les formations politiques. 

Au RN la sécession de Steeve Briois est plus importante qu’il n’y paraît, car elle oppose les tenants du « ni droite ni gauche » à ceux qui défendent la recomposition de la droite, sa mélonisation. Selon le dernier sondage Kantar, 40 % des électeurs LR sont favorables à une alliance, 60 % de la Nupes pour des votes en communs. 

Chez les Républicains, les tenants de la droitisation s’opposent à ceux qui se veulent au cœur du centre-droit. Certains veulent l’alliance avec Macron. La victoire sans triomphe de Ciotti en est l’expression.  

Dans le Parti présidentielle, Edouard Philippe veut une bonne droite pendant que François Bayrou prêche pour le centre ; en toute chose, Macron allant de l’un à l’autre, sur fond de crise sociale et politique.  

Chez les écologistes la victoire des « duflotistes », les tenants de l’autonomie de EELV : l’idée de cette majorité est de changer EELV en « Les écologistes », en vue des européennes pour refonder une union autour d’eux. Mais ceci se heurte aux deux grands battus, Jadot et Rousseau. Non seulement ils caressent l’idée de partir mais le système interne de la « sur-majorité » pour diriger le parti rend la gouvernance impossible. 

Au PS le choix d’Olivier Faure est en passe de devenir minoritaire dans les instances. Il faudrait qu’il fasse plus de 52 % pour compenser la perte des 1er fédéraux (il va en perdre mécaniquement car la motion de Mayer-Rossignol va l’amputer) pour avoir une majorité stable au Conseil national et au Bureau national. Le Congrès est stratégique pour le PS et surtout pour la Nupes. 

Au PCF, le dernier Conseil national a vu une opposition se constituer contre le cours « républicano-identitaire » de Fabien Roussel. Le document préparatoire du prochain Congrès fait l’impasse sur la Nupes. 

Enfin nul n’ignore la crise à LFI voire au NPA. 

Et tout ceci sur son de crise entre le Parlement sans majorité absolue et un exécutif durablement impopulaire.  

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Emmanuel Macron a réussi la conférence des donateurs pour l’Ukraine. Cela conforte l’idée qu’il aurait fallu commencer par cela. Prendre la tête du combat contre l’invasion russe dès le départ, plutôt que mettre en scène le dialogue avec Poutine. 

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Le « Qatargate » au Parlement européen en pleine phase finale du Mondial de football pose un certain nombre de questions : d’abord, la découverte qu’il est possible de corrompre des élu.e.s et non des moindres ; ensuite, l’absence de protection des parlementaires vis-à-vis de lobbyistes d’un genre particulier car il s’agit d’État ; enfin, l’interrogation sur les sommes engagées pour des résultats pour le moins mesurés.

Le Parlement européen n’est pas le parlement de l’Europe. Il parle mais ne décide pas. Et ce n’est pas une déclaration sur les avancées sur le droit du travail au Qatar qui a changé le jugement sur ce pays lors de l’ouverture du Mondial. Il y a dans cette affaire une dimension « pieds nickelés » qui ne doit pas cacher les dégâts démocratiques mais interroge quand même. 

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Une quarantaine de nervis d’extrême-droite ont été interceptés alors qu’ils s’apprêtaient, le soir de la demi-finale de football, à ratonner des Marocains sur les Champs-Élysées. Sans refléter l’immense majorité des Français, ces cristallisations identitaires et xénophobes sont inquiétantes. Elles confirment que nos compatriotes musulmans ou pas sont pris dans une double injonction : quitter la République qui dénature leur foi ou quitter la France qu’il dénaturerait. Le pacte républicain se mine de jour en jour.

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208 000 violences conjugales ont été recensées en 2021, soit plus de 500 par jour. C’est vertigineux ! Certes, les plaintes sont facilitées et se heurtent moins aux préventions ce qui explique un bond de 21 % cette année. Mais les chiffres sont hallucinants : une véritable guerre civile domestique en tout cas ; un problème de santé publique débouchant sur des féminicides, 122 cette année. 

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Après le Mali, le Burkina Faso vient de conclure un accord avec la société mercenaire russe Wagner. Malgré les revers ukrainiens, l’armée privée pro-poutinienne s’implante en Afrique. Si ce deal a des conséquences géopolitiques indéniables, il illustre un aspect inédit de la mondialisation : une armée privée offre ses services à des États désorganisés, moyennant accès aux matières premières.

L’armée privée, une activité comme les autres, à l’instar des GAFA ? La post-colonisation revisitée ?

Il s’agit toujours de la protection des régimes contre le pillage des ressources. Et Pourquoi l’oligarque Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, échappe aux sanctions ? Parce que par ces temps de disette budgétaire chacun y trouve son compte ? 

A dimanche prochain !