Le logement va tout emporter. C'est par lui que la crise sociale va resurgir après l'inflation et les retraites. C'est LA question transversale. Elle touche toutes les catégories. La colère qu'elle produit est peu spectaculaire. Mais elle matérialise un profond ressentiment. 70 % des Français estiment que le logement est le grand oublié de la politique gouvernementale. Pour les Français, l'immigration est un problème, le logement une urgence. Et inverser les priorités pour gagner l'électorat de droite va renforcer le rejet et favoriser l'extrême droite. 80 % des Français considèrent que le logement est un frein à la mobilité et donc à l'emploi. C'est l'erreur technocratique initiale d'Emmanuel Macron. Elle a combiné l'attaque contre les APL et la ponction des fonds des grandes unions d'HLM à la fin du dispositif Duflot. Jamais un président n'aura été aussi libéral en ce domaine. Même la droite avait instauré le système De Robien. Et aujourd'hui, avec le prix de l'immobilier qui flambe, la restriction de l'accès au crédit avec la hausse des taux des crédits bancaires, la baisse des mises en chantier et la hausse du foncier, tout conduit à un double effondrement des ventes de logements. Or, le mal-logement est l'un des facteurs les plus actifs du précariat. Son poids dans les dépenses des ménages ne cesse de grimper alors que la hausse des prix alimentaires réduit à l'autre bout du reste à vivre. La crise du logement, comme celle de la santé ou de l'école, mine la cohésion sociale. Elle provoque des ghettos, éloigne les bas salaires de leur lieu de travail, accroît les déplacements automobiles avec des conséquences écologiques, et ruine des centaines d'artisans qui vivent des marchés de construction. Le fait que le gouvernement se contente d'annonces démontre sa cécité sociale. Mais il prépare socialement la grande vague national-populiste. Souvenons-nous que la vague poujadiste de 1956 (qui vit Jean-Marie Le Pen élu pour la première fois à l'Assemblée) fut précédée par l'appel de l'abbé Pierre le 1er février 1954 à "l'insurrection de la bonté" à propos du logement, symbolisé par une femme morte de froid tenant dans sa main serrée son avis d'expulsion.

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Le ministre de l’Économie se voulait ferme le 30 mai sur France Inter : "La croissance sera de 1%". Le 15 juin, l'INSEE le démentait, elle sera au maximum de 0,6%, beaucoup moins que les 2,5% de l'année dernière. Il s'agissait donc bien d'une croissance de rattrapage post-Covid. La hausse des prix pousse à l'épargne. L'indicateur du climat des affaires s'érode. Le secteur de la construction est en panne (-3,6%, cf. le paragraphe précédent). Les investissements sont en recul en raison de la montée des taux et l'Allemagne a basculé dans la récession. Et pour étouffer l'économie en mal de reprise, la BCE a augmenté son taux directeur de 0,25%. À l'évidence, ceci va impacter l'emploi. Les 18 mois à venir seront marqués par une conjoncture dépressive qui va se répercuter sur le climat social et politique.

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"Je ne suis pas sûr d'avoir été au pouvoir depuis des années", glisse François Bayrou, refusant la "Restauration" dans un gouvernement de coalition avec la droite classique. C'est l'indice incontestable que la macronie volera en éclats qu'une fois le quinquennat terminé. Et c'est l'impasse dans laquelle setrouve la majorité actuelle.

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L'offensive ukrainienne a commencé. Elle avance dans la zone grise entre les deux fronts. Mais elle se heurte au système de défense russe que nous avons décrit dans nos précédents instantanés. La guerre d'artillerie fait rage et les pertes humaines vont être terribles. Tout dépend maintenant de l'approvisionnement, d'une part, et de la crise du sommet russe qui affleure. La volonté du ministre de la Guerre d'obtenir des milices qu'elles intègrent l'armée régulière et le refus de Prigojine et de la milice Wagner d'obtempérer sont un caillou dans la botte de Poutine. Il ne va pas pouvoir se "planquer" longtemps. Au moindre revers significatif, le sommet peut s'embraser. Pendant que les Ukrainiens jouent leur va-tout. Car sans percée significative, la pression occidentale pour une négociation sur la base du statu quo va commencer.

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Petteri Orpo, le Premier ministre finlandais, vient d'annoncer qu'un accord a été conclu avec le parti d'extrême droite Les Vrais Finlandais pour constituer un gouvernement commun. Même s'il est peu probable que cette coalition soit durable au regard des économies budgétaires préconisées, c'est un pas de plus dans la marche à l'institutionnalisation du nationalisme d'exclusion en Europe.

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Nous annoncions en septembre la fin de la NUPES due aux désaccords sur les projets de lois et la division lors des élections européennes. Nous y sommes. Malgré les efforts de Mélenchon - Bompard - Faure pour une liste commune aux européennes qui ne soit pas une liste NUPES, toutes les conditions s'accumulent pour la compétition entre les listes de gauche. Avant les sénatoriales, qui seront les moins unitaires à gauche depuis 20 ans, quant aux municipales, elles seront unitaires au cas par cas. C'est la raison pour laquelle la triplette s'active pour sauver l'union aux européennes, qui commande les conditions de la candidature unique Nupes à la présidentielle. Si la triplette veut sauver la Nupes, les arrière-pensées ne sont pas les mêmes. Mélenchon sait qu'il est peu probable que les écologistes et le PCF s'alignent sur sa candidature si elle a lieu. Quant au PS, c'est l'éclatement assuré. Si Mélenchon se dérobait, la question de la sélection du candidat de l'union via une primaire de la Nupes serait mieux acceptée par le PCF. Les écologistes, eux, pourraient y participer à condition que toutes les forces politiques acceptent ce cadre. Mais là encore, pour le PS, participer c'est éclater. C'est la leçon du rassemblement de la Convention des amis de B. Cazeneuve. Après le rassemblement du 13 mai (organisé par Le Lab de la social-démocratie), le 1er juin (le courant de Nicolas Mayer-Rossignol du PS) et avant le 1er juillet (le courant d'Hélène Geoffroy), il y a maintenant un « mall » encore hétérogène en gestation dans et hors du PS pour refuser la Nupes. Et cette position est populaire dans une partie de la gauche. C'est une avancée décisive pour une recomposition sur un nouvel axe. Maintenant Faure le sait. Mais s'il y a une primaire de la Nupes, il pense qu'elle dissuadera les volontés d'aller contre "l'union".

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Dans l'autre gauche, aussi, les écueils à la recomposition sont redoutables. On voit bien, s'il n'y a pas une offre nouvelle doctrinale. Les sociaux-démocrates vont être enfermés dans le "monde d'hier". Incarner l'anti-Nupes, c'est bien, mais est-ce suffisant ? Il y a une compétition acharnée dans la gauche. Il suffit de lire les réseaux sociaux ou les commentaires de presse après le 10 juin. On peut faire l'autruche ou penser que les Français, débarrassés de la tutelle mélenchoniste, retrouveront mécaniquement la bonne gauche. Mais malheureusement, ce n'est pas si simple. Le crash de 2017 est encore dans toutes les têtes. Car il vient de loin, précisément depuis 2002. C'est une réalité qui n'a rien à voir avec les personnes, que ce soit Cazeneuve, Hollande ou Delga. Si l'axe de la nouvelle social-démocratie est celui d'une restauration, s'il n'y a pas d'offre stratégique nouvelle, la convergence de l'électorat de gauche éclatera entre le macronisme, le mélenchonisme et l'abstentionnisme.

Enfin, il faudra bien départager les prétendants à l'investiture "sociale-démocrate". Comment fait-on ? Une primaire ? Mais qui l'organise ? B. Cazeneuve a sa réponse : l'union dans sa Convention. Ce serait le plus pratique, mais qui peut croire que Carole Delga, Anne Hidalgo, Nicolas Mayer Rossignol, François Hollande, sans parler de Hélène Geoffroy, Martine Aubry, Johanna Rolland, ou Benoît Payant, etc. y adhèrent ? Ne faut-il pas une fédération de tous les sociaux-démocrates, y compris les déçus de Mélenchon comme E. Maurel et sa fédération ou les déçus de Macron comme Rebsamen et la sienne ? Certes, on peut penser à une dynamique sondagière imposée par Cazeneuve. On peut l'espérer, mais dans l'état de balkanisation de la gauche, est-ce le plus probable ? Et pour l'instant, c'est F. Hollande qui caracole en tête. Faut-il une candidature de Cazeneuve aux Européennes ? Cela réglerait bien des problèmes, mais cela comporte bien des risques. Faut-il ouvrir la perspective d'un deuxième parti de centre-gauche, comme le préconise Guillaume Lacroix, le patron du Parti radical, en siphonnant ou en faisant éclater le PS ? B. Cazeneuve a réaffirmé en marge de sa convention qu'il n'était pas un diviseur. Faut-il alors unir à l'extérieur et unir à l'intérieur les sociaux-démocrates du PS en vue du Congrès du PS avant les présidentielles, permettant une nouvelle donne, l'organisation de la candidature sociale-démocrate, et une nouvelle union ? Les réponses à ces questions sont indispensables à la dynamique des sociaux-démocrates.

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Nouvelle polémique du jour, pour ou contre l'abaya. L'abaya n'a rien à faire à l'école. Non, parce que c'est un vêtement religieux. Ce n'en est pas un. Non, parce qu'il s'agit de l'étendard vestimentaire des salafistes. Ils ne fonctionnent pas comme cela depuis la tentative de l'introduction du voile à l'école. Non, tout simplement parce qu'on ne va pas à l'école déguisé, ni en portant des marques, ni en portant des micro-jupes, ni en dévoilant son nombril ou en laissant voir un string ou un caleçon. On va à l'école pour étudier, non pour s'exhiber. La neutralité de l'école, c'est cela, elle s'applique à tous.

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78 morts au large du golfe de Pilos, non loin de Kalamata en Grèce. Des migrants (plusieurs centaines) sont partis d'Égypte pour charger d'autres migrants à Tobrouk. Ils ont péri dans un naufrage d'un bateau de pêche hors d'usage et surchargé, on parle de 750 personnes. Frontex est mis en cause sur son assistance, mais aussi les autorités grecques qui ne sont pas non plus intervenues. Ce drame épouvantable n'est pas le premier, 80 morts au large de l'Italie il y a quelques semaines, et ce ne sera pas le dernier. Car la Libye en décomposition est devenue le principal hub en partance pour l'Europe. Un véritable commerce de la traite des êtres humains s'est mis en place avec viols, terreur, rançon. L'émotion est grande en Italie, en Grèce qui, avec l'Espagne, sont les portes d'entrée des flux migratoires. On le comprend. En revanche, on comprend moins pourquoi il est si difficile de s'attaquer aux trafiquants.

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Pour la12ème fois, le "parlement" libanais n'a pas pu se mettre d'accord sur l'élection du président libanais. Cette instabilité rend impossible les mesures pour stabiliser l'économie qui s'effondre chaque jour un peu plus ou de négocier des aides du FMI. Le Hezbollah veut son président et bloque la situation. La communauté internationale pense sortir le Liban de l'ornière au prix de deux oublis. La question des réfugiés gangrène l'un des pays les plus pauvres de la planète. Et l'État iranien, enkysté via le Hezbollah, dans l'État libanais. Tant que l'on fermera les yeux sur ces deux problèmes, on ne pourra avancer sur aucun.

À dimanche prochain.