571 jours de guerre en Europe !
- France Maghreb : la mésentente cordiale.
- L'humiliation planétaire de Macron.
- Le premier G20 du nouveau monde.
- Édouard Philippe accélère.
- Les identitaires à l'assaut du progressisme.
- Marine Le Pen écrase le match.
- Chauffe Roussel.
- La BCE nous conduit dans le mur.
- De quoi l'immigration est-elle la question ?
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1.
Le séisme intervenu dans la région de Marrakech a fait des milliers de morts, détruit des villages et de nombreuses maisons dans le Mellah de la grande ville impériale, face à l'Atlas, capitale du Maroc après 350 ans. Devant l’horreur qui a fait plus de morts que le 11 septembre 2001, la solidarité a été immédiate et mondiale. Le Roi du Maroc, en soin à Paris, n'a pas réagi immédiatement. La France s'est déclarée disponible pour apporter de l'aide, comme le reste du monde, mais Rabat, contrairement à l'Espagne, n'a montré aucun signe de réponse. Cela frise l'humiliation d’État, même si les Français se mobilisent, comme l'a souligné DSK sur BFM. C’est l’illustration terrible de la mésentente entre Macron et le Maroc. Peu attentif à cette rive de la Méditerranée, voire envers la Méditerranée tout court, le président Macron a multiplié les accrochages avec le Maroc. D’abord sur la question du Sahara occidental, reconnu par les États-Unis comme appartenant à la souveraineté marocaine, en échange d'un rapprochement avec Israël, la France donne l’impression d’être mécontente de cette "infidélité" dans son pré carré. Puis la politique des visas où la France a réduit leur nombre en France, en raison de sa politique migratoire. Enfin, l'affaire Pégasus, ce logiciel israélien permettant l'écoute à distance des conversations téléphoniques. L’écoute du président Macron a été, malgré les dénégations de l’État marocain, très mal appréciée à Paris. On le comprend. Mais à la suite de cet incident, crime de Majesté, rien n’est venu de Paris pour apaiser. Pire, l'Élysée s'est enfermé dans une bouderie condescendante. Et le forcing mémoriel avec l'Algérie a été interprété par Rabat comme une mesure de rétorsion. Le Maroc, qui devrait être un partenaire stratégique dans la bande sahélienne et face à l'offensive russe en Afrique de l'Ouest, est systématiquement délaissé. Enfin, les relations personnelles entre le Roi et le Président sont exécrables. Macron semble prendre à la légère la monarchie marocaine, contrairement à celles d'autres pays européens (Angleterre et Pays-Bas par exemple). Le président Macron fanfaron déclare : "Les relations avec le Maroc ne sont pas bonnes, mais avec le Roi elles sont excellentes". Trois jours plus tard, dans Jeunes Afrique, le palais dément cette assertion. Même si ce n'est pas nouveau, F. Hollande était affublé du sobriquet "l'Algérien" au Maroc, rien n'a été fait pour arranger la situation. Au point qu'il n'y a pas d'ambassadeurs du Maroc en France depuis février. Et maintenant la gifle suprême est l’annonce qu’E. Macron n’est pas le bienvenu au Maroc. Pour autant, la situation n'est pas meilleure avec l'Algérie - ô combien stratégique pour la France - et Alger frappe maintenant à la porte des BRICS, ni avec la Tunisie en proie à un virage autoritaire, ni en Libye, pays ravagé par une inondation avec 20 000 morts. La France n'a ici pas de politique. Seul l'Égypte semble présenter un intérêt pour E. Macron, et encore, on scrute à la loupe les gestes de la France vis-à-vis de ce grand pays depuis que Le Drian, l'ami de Sissi, n'est plus en poste. Bref, l'absence d'attention produit en retour un détournement d'attention.
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2.
La cérémonie d'ouverture du Mondial de rugby avait comme sujet la France, le Rugby et les All Blacks. Mais la séance d’ouverture fut ô combien signifiante. Devant le monde de l'ovalie rassemblé à Paris, la France nous a donné à voir un nombril daté. C'est le centenaire de la naissance, en 1823, de ce sport universel, collectif et solidaire. Il y a de quoi faire entre légendes et valeurs. Mais c'est la France et ses obsessions identitaires qui nous est présentée, la France d'hier, celle d'OSS 117, celle des places de villages, celle du monde d'avant, des années 50 sans oublier le temps des colonies. « What else ? » Le regretté Juillard aurait pu ajouter ce chapitre à son traité "comment l'extrême droite gagne la bataille des idées", "le culte de la France d'avant". Comment s'étonner que Valeurs Actuelles fasse des pauvres "D.D." Dujardin Dupont" la une du magazine ? Et évidemment, le débat éclate entre la France rance et celle qui panse... le déclassement. Passé ce moment qui ne nous fera pas oublier Decouflé. Autre trait signifiant : la contestation du Président Macron. Ce dernier plaide depuis des semaines sur le fait que la page des retraites est tournée. Il a même fini par y croire. Alors, comme il sait que dans un stade de rugby où on ne hue pas, il se met non en tribune mais au milieu du stade, sûr d'être le centre de l'intérêt. Et brutalement, il est ramené à la réalité. La bronca marque le retour du refoulé. C'est une humiliation planétaire à la veille du G20. Un moment interdit, il doit son salut à un "allez le bleu" salvateur. Après ce moment très français, on se dit que la fête commence, c'est le cas avec une victoire française 27 à 13.
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3.
La résolution du G7 sur la guerre en Ukraine est un recul pour Kiev par rapport à celle de Bali qui mentionnait l'agression de la Russie. C'est le premier sommet post-BRICS. Les pays du G7 ont dû mettre de l'eau dans leur vin ukrainien. Et Zelensky réplique immédiatement dans "The Economist" qu'il y a des soutiens qui ne sont pas sincères. "Si vous n'êtes pas avec l'Ukraine, vous êtes avec la Russie"... Il s'agit pour lui à la fois de mettre la pression mais aussi une clé d'explication pour son peuple et le préparer à la suite. La contre-offensive n'a pas atteint ses objectifs. E. Macron en fera argument dans sa conférence de presse à la suite du G20 pour justifier ce recul, "surtout dans la situation que l'on connaît sur le terrain". Nous vous avons expliqué dès le début le pourquoi : l'Occident moyennement enthousiaste à la déroute russe. Et ces derniers préparés à résister... Il y a pire pour l'Ukraine, la déclaration de Lula de ne pas vouloir arrêter Poutine lors du prochain sommet. Elle confirme ma thèse sur le changement d'époque après le sommet des BRICS en Afrique du Sud.
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4.
Si l'opération Abaya a permis à G. Attal d'être encensé à droite et à gauche et de faire entrer le ministre de l’Éducation dans le top 3 des sondages, Édouard Philippe met une dent en plus et accélère. Après le coup de pouce de Sarkozy à Darmanin qui a ouvert la saison présidentiable (nous ne croyions pas si bien dire en l'annonçant fin août, mais c'est bien parti : sondages et unes de journaux, et le début des boules puantes des affaires), voilà le maire du Havre qui veut conjurer le syndrome Juppé. Haut dans les sondages et donc en avance sur le plat, mais ratant la bonne échappée dans la montée. En tout cas, la candidature soutenue du bout des lèvres par E. Macron mettra fin au "en même temps" macronien. Elle sera à droite, raisonnablement à droite, mais totalement à droite. Ce qui ouvre un champ des possibles à une gauche de gouvernement refondée, profitant tout autant de l'impasse de la radicalité mélenchonienne. Le chemin gagnant de la gauche socialiste sera : 1. Une nouvelle doctrine qui fonde un nouveau cycle et une nouvelle frontière à la France. 2. Une nouvelle stratégie, celle du double rassemblement des électeurs déçus du macronisme et du mélenchonisme. 3. Une primaire de la gauche de gouvernement pour asseoir l'incarnation. Et ainsi, une chance raisonnable d'être au second tour s'ouvrira. Comme il est peu probable que ce triptyque puisse se mettre en place avec la direction fauriste du PS qui voit l'avenir présidentiel dans la Nupes, et comme dans ce cas les sociaux-démocrates hésiteront à y aller face à un candidat unique de la Nupes, le prochain congrès du PS post-municipal sera clé.
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5.
Les identitaires, majoritaires dans le pays médiatique et le pays tout court, s'offusquent, que dis-je, s'étranglent qu'une minorité ose encore ne pas goûter la séance d'ouverture du Mondial de rugby ou la campagne de Monsieur De Villiers contre le génocide vendéen. Nous avons dit plus haut ce que nous pensions du premier. Les deux sont défendus par Gilles-William Goldnadel, le brillant avocat du système identitaire, où il plaide avec constance (CNEWS, Europe 1, JDD, Valeurs Actuelles, Le Figaro, Vox). De quoi s'agit-il ? Un documentaire du service public questionne le terme génocide à propos des massacres vendéens. Et notre avocat a la jubilation réactionnaire, sur le ton de Droopy, de tempêter : "deux manifestations de la détestation du vieux pays profond", "les sabots crottés ne valent pas mieux que les bérets détestés" ou encore de pourfendre la stigmatisation méprisante du génocide vendéen. Nous voilà cités à comparaître au tribunal de l'identité. Nul ne conteste les massacres de 1793 à 1796, mais parler de génocide, c'est un excès de langage dont le but est la mise en cause de la Révolution française en elle-même. "Tout n'est pas égal à tout", contestait à juste raison le philosophe Alain Finkielkraut, référence du courant identitaire. Son fameux "une paire de bottes égale Shakespeare" à l'occasion de la sortie de son livre "La défaite de la pensée" pourrait être méditée pour l'avocat de De Villiers. Transformer ce massacre en génocide banalise les génocides sans rien apporter aux massacres. Par ailleurs, ce qui est fascinant chez les nationalistes d'exclusion, c'est leur indignation à géométrie variable. Pour les Chouans, il s'agissait de refuser la République et de porter son uniforme au nom d'un autre ordre des choses : la Royauté et la religion catholique. Cela, nul ne peut le nier. Il s'agissait d'une sorte de séparatisme ! Non ? Et cette sécession était soutenue par des pays étrangers, l'Angleterre et l'Espagne. Cela n'excuse pas les massacres. Mais je trouve réjouissante cette soudaine passion pour les minorités culturelles voire cultuelles soutenue par l'étranger. À moins bien sûr de plaider que cette minorité était la "vraie France", ce qui est l'essence même du discours réactionnaire à la République.
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6.
Nous savons que les sondages ne sont pas prédictifs. Et à 4 ans de l'échéance, ils ne veulent rien dire. Pour autant, le dernier Louis Harris sur les présidentielles est une photographie riche d'enseignements. Marine Le Pen caracole à plus de 30 %, mais surtout, le total Zemmour, Dupont-Aignan, Le Pen fait au bas mot 40 % au premier tour. La droite classique, divisée entre E. Philippe et Wauquiez, est à 10 points derrière Marine Le Pen. Quant à la gauche, Mélenchon est à 16 %, et ni le PS, ni le PCF, ni les Écologistes ne dépasseraient les 10 points. Il ne faut pas être sorti de Sciences-Po pour comprendre que dans ces conditions le 2ème tour est compromis. Marine Le Pen est banalisée, pour ne pas dire avalisée, par la droite. N. Sarkozy a ouvert la porte en déclarant qu'il n'aimait pas sa diabolisation, et ce sans un commentaire. Mis à part les centres-villes qui voteront contre Marine Le Pen, il est peu probable que le reste se mobilise lorsqu'elle annoncera qu'elle reviendra sur la retraite à 64 ans. Quant aux quartiers et les Français issus de l'immigration, il ne faut plus y penser. Il y a un Français sur deux qui pense que Marine Le Pen est d'extrême droite, et 30 % des Français la soutiennent, pendant que plus de 60 % des Français pronostiquent sa victoire. Le second tour se joue donc sur la capacité à mobiliser, et ni les macronistes ni la droite n'ont aujourd'hui cette possibilité. Seule la gauche réformiste peut le faire, mais nous avons évoqué dans un paragraphe précédent les conditions pour la victoire de la Gauche. Le mur se rapproche, et nous regardons ailleurs.
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7.
Mais quelle mouche a piqué F. Roussel pour lancer un appel à envahir les préfectures, comme seul Poujade était capable de le dire en 1956 ? Certes, la Fête de l'Humanité ce week-end réclame du buzz. Certes, les critiques en interne sur la dérive du Printemps républicain s'activent. Certes, les magistrats se rapprochent un peu trop du colonel Fabien à propos des emplois fictifs. Certes, les sondages flatteurs du patron du PCF appellent à un "surpasso". Mais là, F. Roussel a forcé sur le bœufsteak lors de son dernier barbecue, au point de se faire réprimander par J. Mélenchon, car trop violent, "trop en faveur du peuple en quelque sorte". On aura tout vu. Pour autant, le dérapage du Rouge préféré de la droite exprime ce qui bouillonne dans la société française. Et un autre nordiste l'a très bien senti, Xavier Bertrand. Il est lui aussi sur le créneau de la hausse du prix de l'essence. L'augmentation des prix, dont l'essence, et en face, l'auto-satisfaction du Gouvernement pour sa gestion économique comparée à l'Allemagne, créent bien les conditions d'une explosion d'un nouvel épisode des Gilets jaunes. Le directeur de l'INSEE vient de lancer un appel : "la hausse de l'inflation, cela veut dire la hausse de la pauvreté". Et Roussel espère lancer les Gilets rouges : "ils agissent ou on passe à l'action", vient-il de dire à la Fête de l'Humanité, entre deux passes d'armes avec Mélenchon.
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8.
La BCE a tranché, comme nous le redoutions, pour la hausse des taux, 0,25 %. C'est la dixième hausse consécutive qui va freiner un peu plus la croissance en Europe, sans pour autant casser l'inflation, qui est due à des contraintes principalement exogènes, à savoir le prix de l'énergie.
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9.
L'afflux de 6000 migrants sur l'île de Lampedusa a à nouveau enflammé le débat. Tentons d'y voir un peu plus clair au-delà des slogans réducteurs. D'abord, les flux migratoires sont mondiaux. Aux États-Unis, 21 millions pour 331 millions d'habitants ; en Europe, 24 millions pour 447 millions d'habitants. Ensuite, c'est la Turquie avec 4,6 millions qui accueille le plus de réfugiés, contre 3,6 en Colombie et 2,5 en Allemagne. Des pays comme le Liban en accueillent 1,5 million pour 5,5 millions d'habitants. En Europe, les non-nationaux sont au nombre de 10,6 millions en Allemagne. L'Italie, l'Espagne, la France en ont 5 millions. Les demandeurs d'asile sont 996 000 en Europe, 384 000 ont été acceptés, 40 % en Allemagne, 13 % en France, 10 % en Italie, 9 % en Espagne. Enfin, le solde migratoire constitue l'élément principal de la croissance démographique de l'Europe depuis le début des années 90 sur un continent en déficit dans certains secteurs d'emplois mal payés. Quant à la France, qui a absorbé 500 000 Républicains espagnols en 1939, un million de pieds-noirs en 1962, 700 000 Yougoslaves en 1992, elle n'est pas la plus recherchée malgré sa protection sociale. Elle est derrière l'Allemagne, l'Italie, et à égalité avec l'Espagne. L'Europe n'est pas inactive, et son pacte sur la migration et l'asile d'ici l'été 2024 va renforcer le contrôle aux frontières et les mécanismes de solidarité dans la répartition des migrants. Sur ce sujet compliqué, il faut avoir des idées simples. La pression migratoire existe. On ne peut s'installer là où l'on souhaite quand on le souhaite. Le contraire c’est du "gauchisme" qui est une faute politique. Ensuite, il faut bien accueillir et bien reconduire. On ne peut accueillir toute la misère du monde, mais il faut accepter notre juste part. On n'arrêtera jamais le flux (économique ou climatique) si on ne traite pas la question à la source. Quant à la stratégie, c'est celle des écluses : assécher, endiguer, accueillir, répartir, reconduire. Il faut donc attaquer le problème à la racine, endiguer les flux, puis traiter le mouvement. Ce que ne supportent pas les Français, ce sont les morts en Méditerranée (5000), la concentration des populations précaires sur les trottoirs de nos villes, le refus d'apprentissage de la langue française et l'absence de reconduite. Le reste n'est que propagande xénophobe à des fins électorales dans des pays où l'État social est remis en cause et l'inflation galope. Si on ne peut nier la montée de la xénophobie et de l'identité, il ne s'agit pas pour la droite extrême et l'extrême-droite de traiter le problème, mais de l'exploiter.
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