Succès judiciaire, défaite politique. Emmanuel Macron l'emporte par décision de l'arbitre à l'extrême limite, même s'il subsiste le maigre espoir d'un référendum d'initiative partagée. Mais les conséquences politiques de cette victoire à la Pyrrhus sont accablantes. Emmanuel Macron a laissé transparaître son technocratisme "obtus et têtu", propre à cette aristocratie d'État qui sait et donc fait le bonheur du peuple contre lui. Quand Emmanuel Macron, connaissant le jugement du Conseil constitutionnel, déclare "ne rien lâcher, telle est ma devise" en visitant Notre-Dame, on se dit que "ce n'est pas possible d'être aussi prétentieux et maladroit". Macron se retrouve maintenant seul dans son palais, maudissant ce peuple ingrat. Même Alexis Kohler laisse planer un départ et la Première ministre fait fuiter sa petite musique. Tout autour de lui n'est que colères, amertumes et divisions. Il ne peut pas trouver une majorité absolue à l'Assemblée. Les Républicains vont rapidement passer dans l'opposition frontale. Le dépôt d'une proposition de loi sur l'immigration au Sénat en est les prémices, et le refus de l'Assemblée de voter pour l'habilitation de Boris Ravignon pour l'Ademe (une première) en est la démonstration. Le pays politique est bloqué et le clivage entre le peuple et les élites en ressort renforcé. Quant au volet social, rien ne peut s'emballer à cette étape, trop tôt, trop peu de grain à moudre, vu nos déficits et un patronat protégeant ses privilèges d'exonérations fiscales. La manifestation des jeunes devant la CFDT sur le thème "nous on continue" indique, s'il en était besoin, qu'une partie non négligeable du mouvement s'engage dans des actions exemplaires minoritaires. Et voilà pour Macron une division de plus, rendant la situation ingérable. Refuser de dissoudre parce que le RN progresse - Macron en porte la grande responsabilité - et Renaissance qui régresse ne tiendra pas 4 ans. Le crépuscule du macronisme a commencé sur fond de crise sociale et politique. Cet épisode va peser lourd dans ce qu'il adviendra du pays.

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Le président ne devrait pas dire cela. Emmanuel Macron cherchait auprès de la presse à faire oublier sa visite en Chine qui s'est terminée par l'encerclement de Taïwan. Dans l'avion de retour, le président explique alors que l'Ukraine vaut bien de lâcher Taïwan, d'autant plus que si les Européens ne veulent pas mourir pour Kiev, ils n'accepteront pas de mourir pour Taïpei. Le problème avec la realpolitik est qu'elle s'assoit non seulement sur les principes, mais aussi sur la politique. Car ce n'est pas la présence militaire qui fera reculer la Chine, mais l'assurance de se trouver face à la "muraille occidentale" du refus. Ce qui n'a rien à voir avec l'alignement stratégique sur les États-Unis. Une diplomatie autonome de l'Europe ne pourrait accepter en Mer de Chine ce qu'elle refuse dans le Donbass. Quant aux manifestations de l'autonomie stratégique, elle ne peut pas être mesurée à l'aune de l'anti-américanisme. Elle doit exercer sa souveraineté dans tous les domaines, mais surtout contre le protectionnisme américain et le protectionnisme chinois.

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Décidément, Pékin est devenu "the place to be" au détriment de Washington. C'est au tour de Lula de venir visiter Xi Jinping. Le président brésilien veut faire des BRICS la pierre angulaire de sa stratégie diplomatique, ce qui rencontre l'assentiment de la Chine. L'idée de Poutine d'une monnaie commune des BRICS (Chine, Russie, Brésil, Inde, Afrique du Sud) suit son chemin avec la nomination de Dilma Rousseff à la tête de la banque des BRICS. Il s'agit de se défaire du dollar comme monnaie de référence dans les échanges internationaux et de contrebalancer le pouvoir du FMI. Rappelons que le PIB total des BRICS dépasse l'ensemble des pays du G7. Et soulignons que l'Inde, puissance nucléaire, est devenue en janvier la 5ème puissance économique de la planète, devant la France. Sans appuyer la Russie, ce bloc ne la condamne pas. Lula a déclaré le 6 avril que l'Ukraine devait céder la Crimée à la Russie. "Zelensky ne peut pas tout vouloir", a-t-il conclu. L'Europe est en train de rater son rendez-vous avec l’Histoire du Monde.

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La défaite aux législatives de Sanna Marin, la star des sociaux-démocrates finlandais, est la manifestation de l'extrême droitisation de l'Europe. Avec 43 sièges, la première ministre sortante est devancée par le parti des Finlandais d'extrême droite, qui remporte 46 sièges, ainsi que par la droite conservatrice avec 48 sièges. Cette défaite fait écho à celle de Magdalena Andersson en Suède, où le parti des Démocrates Suédois d'extrême-droite devient le premier parti. Mais aussi à la poussée dans les pays Baltes, où l'alliance nationale d'extrême-droite est au pouvoir en Lettonie et perce à 16% en Estonie. Au Danemark, la social-démocratie, pourtant convertie au discours nationaliste d'exclusion, garde de peu le pouvoir et ne contient pas l'extrême-droite. Seule la Norvège passe à gauche, alors que le très réactionnaire PiS en Pologne règne sans partage. La Hongrie soutient toujours l'illibéral Orban. L'Italie voit l'arrivée de l'extrême droite qui surperforme partout en Europe. Le triptyque de cette montée - inflation, guerre en Ukraine, l'immigration sur fond de souverainisme anti-européen - est évident, et nos élites font toujours l'autruche : "En France, ça n'existe pas". Alors, la pénétration idéologique de l'extrême droite sur l'identité, l'insécurité et l'immigration est patente, et les sondages pour Marine Le Pen sont en hausse.

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Ayrault a trouvé en son temps la martingale. L'impôt à la source fut l'atout gagnant qui lui permit de repousser la date de son départ. E. Borne refait le même coup à E. Macron en défendant l'idée d'un deuxième souffle qui n'humilierait pas les syndicats. Au fond, elle se protège en évoquant la nécessité de l'apaisement. La virer dans le moment présent, c'est tourner le dos à l'apaisement. Même si Kohler a été très chagriné de cette sortie et a fait une mise au point, "le Président a fixé le cap". La déclaration de la Première ministre pendant que le Président était en Chine est maintenant un fait politique qui contraint le Président. Certes, les relations vont être un peu froides, mais chacun devra donner le change. En attendant, les jours d'E. Borne sont comptés, car elle ne trouvera pas de majorité avec LR. Seul un Premier ministre de droite pourrait le faire, position loin d'être majoritaire à LR.

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Le décrochage du centre-gauche vis-à-vis d'E. Macron est palpable dans les sondages. L'affluence lors du lancement du journal de Laurent Joffrin en est le symptôme. Et la note assassine de DSK en est l'expression.

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Le "François est prêt, allons-y" de Mélenchon marque ainsi la fin de la Nupes. Mélenchon ouvre la perspective unilatérale d'un candidat de LFI à la présidentielle. Ce dernier, interloqué par cette course à l'échalote du pape du populisme de gauche, remercie mais indique "Ce n'est pas le moment". Pendant que Clémentine Autain claque la porte de la réunion de LFI, réintégrant A. Quattemens.

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Une étrange fascination hallucinée et morbide s'empare de la communauté des geeks. Elle a un nom : Chat GPT. L'intelligence artificielle, tellement intelligente qu'elle serait une "révolution anthropologique". Et voilà notre joli monde transporté dans un Nouveau Monde où l'humanité est remplacée par la machine. Cool ! C'est moins polluant, paraît-il. Pour un peu, on plongerait dans un nouvel épisode de Matrix à la recherche du "Neo", libérant l'humanité de la grande matrice et de ses algorithmes totalisants. Rassurez-vous, aussi prodigieuse que soit la révolution de l'immatériel, il ne faut pas confondre progrès et excès. La fin du travail n'est pas pour demain, car si la machine détruit du travail simple ou complexe, elle ne produit pas de valeur. C'est le plafond de verre de la machine. Notons tout de même que cela donne de l'eau à notre moulin conceptuel de "l'intégrité humaine".

A dimanche prochain !