La réforme des retraites se joue-t-elle cette semaine au Sénat, comme l’agenda le propose ? Mais la messe est dite : tout va se jouer lors de la commission mixte paritaire entre députés et sénateurs. Reste à savoir si, au-delà de l’article 7, le Sénat votera la loi. Pourtant, la droite sénatoriale majoritaire se veut coproductrice de la loi. 

Dans la semaine, ce n’est pas le plus important. C’est plutôt le 7 mars qui l’est, jour de la mise à l’arrêt du pays par l’intersyndical. S’agit-il du point d’orgue de la mobilisation commencée il y a 5 semaines ou un tournant vers une séquence plus dure ? Des fédérations comme FO transports ou l’intersyndicale de la SNCF appellent à des grèves reconductibles et souhaitent bloquer le trafic pendant 15 jours. Sébastien Menesplier, Secrétaire de la fédération CGT des mines et de l’énergie annonce la convergence avec les cheminots et les industries chimiques et pétrolières dans des occupations de sites pour mettre « la France à l’arrêt ».  Le blocage est devenu le substitut à la grève par ces temps d’inflation qui pèse vite sur les salaires. Le Président de la République affecte de ne rien voir. Il ne veut pas voir car un recul condamnerait son quinquennat. Il parie sur le vote, l’adoption du texte, quel qu’en soient les moyens (vote avec LR, 49.3, ordonnances), et ceci comme étant un facteur de division syndicale, de dislocation de la mobilisation (voir le pari de Mélenchon des « Instantanés » de dimanche dernier). En novembre-décembre 95 le vote de la loi n’avait pas stoppé la mobilisation. Et la réforme Juppé a été retirée. Est-ce que l’inflation, la vie chère, calmeront les ardeurs des contestataires comme le pense le Gouvernement ? Ou celle-ci sera-t-elle un facteur supplémentaire de mobilisation ? 

La semaine est décisive, même si elle ne sera pas conclusive. Entre un Gouvernement qui ne peut pas reculer et un mouvement social qui ne veut pas reculer, c’est l’impasse. 

Le secrétaire de la fédération des cheminots CFDT résume ainsi la situation « il n’y a pas de sortie ». 

L’épreuve de force arrive donc. Nous l’avions dit le premier jour : cette réforme qui ne s’imposait pas ne peut s’imposer qu’en déchirant le pays.

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Plusieurs lecteurs des Instantanés du dimanche disent partager mes interrogations sur les buts de guerre contre la Russie en Ukraine. Mais ils ajoutent « que dire ? Que faire ? ».  Ma réponse est simple : « troupes russes hors d’Ukraine ». Tel doit être le but de la guerre pour la gauche et la France. La question des frontières ne saurait être résolue par un conflit armé. Nous nous appuyons pour cela sur la Charte des Nations Unies. C’est la base juridique et politique de notre soutien au peuple ukrainien.  

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La Russie est passée de la guerre-éclair à la « guerre à pas de tortue ». L'enlisement est devenu un objectif de substitution. La défense est un moment de l'attaque, disait-on chez les léninistes. Il n’y a pas de raison que les responsables du FSB l’aient oublié. Malgré l’épouvantable boucherie chez les Russes, elle permet des gains de basses intensités qui confortent le régime, pense Poutine. Ce sont des signaux faibles au regard du canon. Ils sont pour les Russes signifiants : par exemple, le fait que les sondages de mi-février aux États-Unis soient passés sous la barre des 50 % dans le soutien à la livraison d’armes ; en Allemagne, 59 % contre la livraison de chars Léopard 2 ; ou le plan de paix chinois soutenu par le Kazakhstan qui apparaît comme un soutien à la Russie ; ou encore le débat sur la Suède et la Finlande dans l’Otan bloqué par la Turquie ; ou le soutien de l’Iran à la Russie avec les drones et les munitions ; la vente du pétrole russe par l’Inde, la Chine, la Turquie ; le lancement de missiles de la Corée du Nord ; le retour en grâce de Maduro auprès de l’administration américaine ; voire, enfin, le soutien tacite de la rue du Sud contre le « monde occidentale ». Il suffit de regarder comment Lavrov parade au Mali. Pour la Russie, la guerre est en Ukraine mais son arène est mondiale. A l’inverse, pour l’Occident, la défense de l’Ukraine résume le Monde.

La perspective n’est pas la même. Car tant que la Russie tient, le Sud pense retrouver des marges. Selon un proverbe Coréen « quand les baleines se battent, les crevettes sont tranquilles ».

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On aurait tort de réduire la Chine à la Route de la soie. C’est matriçant, évidemment, mais pas suffisant. L’Empire du milieu voit dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine un moment de désoccidentalisation du Monde. Et désoccidentaliser est une condition de la Route de la soie. La Russie partage ce but stratégique comme de nombreux pays. Le fait de ne pas avoir pris le soin de construire une coalition de soutien à l’Ukraine (comme ce fut le cas pour la guerre du Golfe) a coloré le conflit en affrontement de civilisation. 

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Le Haut-Karabagh est assiégé par l’Azerbaïdjan. C’est un véritable génocide qui est en marche. Le dictateur Aliyev veut rayer de la carte les Arméniens et la communauté internationale ne dit rien. A quand une résolution des Nations Unies ?

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Le président de la République Emmanuel Macron est confronté dans sa tournée africaine à une nouvelle donne. Il ne s’agit plus de contenir l’expansion économique des États-Unis et de la Chine mais la progression militaire de la Russie via sa milice Wagner qui se paye sur les matières premières des pays « conquis », après les retraits des troupes françaises du Mali au Burkina. Les mercenaires de Poutine cherchent à fragiliser au Tchad le processus de transition autour du président Mahamat Idriss Deby. Les Russes parient pour se faire sur les forces séparatistes du Fact ( rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) au Sud.  Le président Macron a clairement identifié les risques. Mais dans le même temps, il vient de déclarer vouloir réduire les effectifs militaires en Afrique, au nom de la « banalisation de la présence française ». 

Les prédateurs russes vont-ils en profiter pour faire main basse sur toute l’Afrique francophone ? Le climat s’y prête. Le Congo, le Gabon avec l’Angola d’ailleurs ne se sont-ils pas abstenus lors du vote des Nations Unies sur l’invasion de La Russie en Ukraine ? Le président Sénégalais Macky Sall ne s’est-il pas rendu à Moscou au nom de l'Union africaine ? Les Russes jouent sur le sentiment anti-occidental incarné par la France. Certes, il reste la Côte d'Ivoire. Le président Alassane Ouattara vient d’ailleurs de constater mi-figue mi-raisin : « je suis devenu le seul soutien de la France ». 

La question n’est plus de se défaire de la « Françafrique ». La banalisation des relations entre la France et l’Afrique Centrale ou de l’Ouest est installée mais la question en ce moment est d’empêcher la « Russafrique ». D’ailleurs la fin du discours d’Emmanuel Macron indiquait que « ne pas être présent ne voulait pas dire être indifférent » ; Et voilà le retour de l’ambiguïté ou de la quadrature du cercle.  

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L’Iran est à quelques jours d’obtenir la bombe atomique. Un coup de pouce des Russes en contrepartie du soutien logistique ? Nul ne sait. En tout cas, le monde devient un peu plus dangereux. 

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L’inflation est de 12 % et la marge des distributeurs est de 2%. Pourtant, le président Macron les a désignés lors du salon de l’agriculture comme les fauteurs de l’inflation. Ils ne sont pas à plaindre loin de là. Mais même si ces derniers décidaient de ne pas faire de bénéfices, l’inflation serait de 10%. Les distributeurs seraient, en revanche, bien inspirés de faire un gros geste car ils participent au climat social dont ils profitent. Et ceci, en abondant le panier anti-inflation proposé par le Gouvernement. S’ils n’ont pas le monopole de l’inflation, ils sont les victimes expiatoires toutes trouvées. 

Pour le reste, le climat se dégrade, jour après jour. Le moral des Français est au plus bas, selon les indices de l’INSEE car l’augmentation des prix ne touche pas seulement l’agro-alimentaire qui n’est pas le premier poste budgétaire des Français. Il faut regarder la téléphonie, l’énergie ou le logement. Mais les « courses alimentaires » sont les plus explosives. Le round des négociations de la grande distribution avance le chiffre de 25 % d’augmentation des prix dans les 15 mois à venir. Entre la hausse des prix des matières premières, la sécheresse, le prix de la baguette qui n’est pas prêt de baisser, le moral des Français, lui, est au plus bas. Cependant la température sociale monte.

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Les Restos du Cœur ont vu la participation faire un bon de 22% cette année. Un bon indice de la précarité en France. 

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Après Christophe Clergeau, l’un des plus proches et historiques soutiens d’Olivier Faure, le patron des députés socialistes, Boris Vallaud critique publiquement la France insoumise et sa mainmise sur la Nupes. Ces craquements sont, tout à la fois, les échos des prises de distance des Écologistes, du PC, de l’opinion choqués par l’attitude de LFI au Parlement. Mais aussi, le résultat du congrès du PS. L’alliance d’Olivier Faure et l’ex-gauche frondeuse du PS n’a pas eu la majorité dans le vote des motions d’orientation. La bataille initiée par le courant d’Hélène Geoffroy pour la refondation du PS et d’une nouvelle alliance à gauche, ayant porté ses fruits avec la crise dans la majorité. Et l’alliance d’Hélène Geoffroy avec Mayer-Rossignol conduit à l’impossibilité d’Olivier Faure de se faire élire par les adhérents du PS. La poutre travaille entre ces « prises de consciences » et le maintien du soutien de l’équipe Faure à Mélenchon, que ce soit pour la retraite à 60 ans ou l’indéfendable prise de position en faveur de Benedicte Taurine (LFI) dans l’Ariège contre la candidate socialiste aux législatives. La rupture avec la Nupes, la refondation d’une nouvelle alliance à gauche est inéluctable. Pour cela il faut une gauche de transformation responsable. Cela vient !

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Le jour de la passation de pouvoir entre Elisabeth Borne et Jean Castex, j’avais écrit, après l’avoir entendu : « il a une idée derrière la tête. Il ne va pas que repeindre ses volets » comme il l’avait annoncé. Depuis sa communication « la France d’en bas », son retour au boulot à la RATP, ce proche de Sarkozy se transforme en missile présidentiable d'Emmanuel Macronanti contre Édouard Philippe. Se bornera-t-il à ce rôle ? Ira-t-il plus loin ? En tout cas, un de plus dans le marigot de la droite, c’est déjà le trop plein. 

Selon une étude de l’Australian Strategic Policy Institute, la Chine a désormais une « avance importante sur 37 des 44 technologies « émergentes et critiques » qui feront le monde de demain (dont 8 avec un risque élevé de monopole).

A dimanche prochain