555 jours de guerre en Europe.
0000
Une interview du Président Zelinski est passée inaperçue, et pourtant elle est lourde de sens. Répondant à la journaliste Natalia Mosiychuk, publiée sur I 24 news, le chef de l'État ukrainien précise ses intentions stratégiques. Conscient que si le combat se déplace vers le territoire russe, cela constituerait "un risque important pour son pays qui pourrait se retrouver seul". Il ne l'exclut pas. Et il nous annonce : "Nous devons être prêts pour une longue guerre, tout en minimisant les pertes humaines, à l'instar d'Israël." "L'Ukraine doit
apprendre à vivre avec un tel conflit à long terme", déclare Zelinski. En prenant cet exemple, il dit trois choses : d'abord, l'autonomie stratégique de l'Ukraine, dont les intérêts nationaux peuvent diverger de ceux de l'OTAN et des États-Unis ; ensuite, il intègre la possibilité de défaire la Russie en Ukraine, mais aussi en Russie, pour reconquérir la totalité du territoire ukrainien ; enfin, que l'issue ne sera pas une simple défaite russe suivie d'un traité de paix, mais bien une série de confrontations militaires conduisant à la défaite totale de la Russie. Il confirme lors d’une intervention en Italie ce vendredi : "Sans le Donbass, la Crimée, les territoires occupés, il ne peut y avoir de paix durable." Il est dans son rôle me diriez-vous. Certes, mais quel est celui de l'Europe, et singulièrement de la France ? On ne peut pas louer le courage du peuple ukrainien de loin sans lui donner les moyens d'une issue. Il faut avoir le même courage et trancher pour notre intervention ou pour dire clairement que nous sommes pour la paix. La position de "l'arrière", ni guerre ni paix, où vous vous faites tuer pour nous, est moralement, politiquement et stratégiquement indéfendable.
0000
En marge du sommet des BRICS, expression d'une réorganisation du monde dont nous vous parlions la semaine dernière, une autre tendance lourde est à l'œuvre sous l'égide de la Chine. Il s'agit de "l'unité du monde musulman", comme l'a plaidé le ministre des affaires étrangères iranien, Hossein Aunn Abdollabian, à Riyad il y a quelques jours. Dans le même temps, les responsables militaires iraniens et de l'Arabie saoudite se sont rencontrés à Moscou. Le roi Ben Salmane a réintroduit la Syrie dans la Ligue arabe comme geste de bonne volonté en direction de Téhéran. Cette stratégie de pacification entre chiites et sunnites aura des conséquences majeures dans le conflit intra-palestinien, la guerre au Yémen, mais aussi au Liban avec la pérennisation du Hezbollah, et bien sûr en Irak. Elle remettra à terme en cause les accords d'Abraham entre Israël et l'Arabie saoudite. L'Arabie saoudite vient de demander le feu vert aux États-Unis pour un programme nucléaire civil, ce qui a fait sursauter Israël. Ce nouvel état du monde musulman poussera la Turquie dans le camp des BRICS. Erdogan va d'ailleurs négocier avec Poutine le passage du blé ukrainien en mer Noire. Tout cela va impacter la marche du monde. Mais bon, Macron a parlé 2h devant les ambassadeurs sans s'y attarder.
0000
C'est au tour du Gabon... Une junte militaire destitue le peu recommandable Ali Bongo, qui venait d'être élu dans des conditions douteuses. Le président dictateur lourdement handicapé venait de se faire réélire, et la France n'avait rien trouvé à redire. Il a été renversé. La joie a été grande à Libreville. On le comprend. Même si le général de la garde présidentielle, Brice Oligui Nguema, chef de la junte, est un vieux gardien du système Bongo. L'opposant Albert Ondo Ossa parle d'une révolution de palais.
Néanmoins, cela fait beaucoup pour la France... et surtout pour Total, qui est toujours en arrière-plan. Quant à la rhétorique du président Macron contre la junte du Niger, elle se retourne. "Nous défendons le président Mohamed Bazoum élu", disait Emmanuel Macron devant les ambassadeurs. Et le voilà donc obligé de reconnaître l'élection de Bongo, tout en ne faisant pas trop pour ne pas déchaîner la rue. Ce temps "des coups d'État" signe le passage de l'influence française à celle du couple Russo-Chinois. En outre, la France perd petit à petit son bloc de soutien intangible aux Nations Unies, ce qui la rendait incontournable dans les affaires du monde.
0000
Un Français des forces spéciales vient d'être malheureusement tué lors d'une intervention en Irak. Personne ne s'est interrogé : quand le Parlement a-t-il, ne serait-ce qu'évoqué - comme le veut la Constitution - son accord pour une intervention militaire en Irak?
0000
La BCE s'apprête-t-elle à plonger l'Europe dans la récession ? Préoccupée par l'inflation, comme le stipulent les statuts de la BCE, et le réclament les présidents des banques centrales allemandes et néerlandaises, elle délaisse l'activité commerciale de l'Union européenne au plus bas. Elle oublie surtout la contraction du secteur des services et le déclin continu de l'industrie. On pourrait dire que la BCE a une politique en soi, mais pas pour soi, contrairement aux Américains ou aux Japonais, par exemple. Les entreprises de la zone euro sont confrontées à une forte baisse de la production. Continuer le cycle de la hausse des taux d'intérêt va être catastrophique pour les économies de la zone euro, avec les conséquences politiques et sociales que cela entraîne.
0000
La France va mal. Le ralentissement de la croissance, déjà très faible, l'augmentation du nombre de pauvres et de précaires, la baisse de la demande de crédit, la faiblesse de l'investissement, l'atonie de la consommation - Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, parle d'un tsunami de la déconsommation -, l'inflation continue, les déficits sont colossaux. On en est à faire les fonds de tiroirs et les poches des partenaires sociaux. L'exécutif va ponctionner les excédents de gestion de l'Unedic, 4,3 % jusqu'en 2025 où ceux-ci atteindraient 8,7 milliards. Les Français, à plus de 70 %, font état de leur lassitude des débats de rentrée pour eux hors-sol (sondage Elab). Et pourtant, très ancien régime, le président qui trouve que limiter à deux mandats de président est "une funeste connerie" convoque en majesté les partis politiques à venir débattre avec lui. On parle d'un rendez-vous "historique". C'est bien le moins que le président consente à dialoguer avec les partis. Oui, oui, un véritable "lit de justice" royal à un jet de pierre de la Cathédrale des Rois de France. Montjoie Saint Denis, je suppose ! On croit rêver. Et au réveil à 4h du matin, semble-t-il, "l'initiative politique d'ampleur" est redevenue citrouille.
0000
"Je suis allé aux fraises... j'ai filé à l'anglaise... Tout cela ne vaut pas le doux soleil de Tourcoing... coin coin !" chantait Bourvil. Cela résume assez bien Darmanin à Tourcoing. Il est allé aux fraises, il n'est pas Premier ministre. Il file à l'anglaise, il trace sa propre route. Sous un beau soleil à Tourcoing. Coin coin. Élisabeth Borne devait le cornaquer par une venue surprise. Elle n'aura fait que le surmédiatiser. Par le nombre de parlementaires, de ministres et de journalistes, le ministre de l'Intérieur a voulu s'imposer comme poids lourd de Renaissance, candidat à tous les possibles. Et Emmanuel Macron, qui voulait le banaliser, a une bande de plus à gérer dans son billard.
0000
Ségolène Royal a utilisé Mélenchon pour revenir. Mélenchon a utilisé Royal pour ne pas partir. Au passage, Mélenchon a trouvé une punchline à sa ligne politique : unité formelle, radicalité réelle. "S'il n'y a pas une liste unitaire, il y aura une liste des unitaires", déclare-t-il. Ségolène Royal peut donc espérer. Pendant ce temps, chacun définit son attitude vis-à-vis de "la fin de Nupes". F. Roussel et le PCF optent pour la distance frontale, ce qui le fait monter dans les sondages. Les écologistes dans l’espoir d’une substitution à Mélenchon grâce à un score à deux chiffres lors des Européennes. Et O. Faure tente désespérément de plaider en faveur de la Nupes comme "seule stratégie possible". Il espère que cette ligne unitaire, quoi qu'il en coûte, lui sera utile lors de la prochaine présidentielle. Il ménage Ségolène Royal. Puis, il cherche à faire voter, au BN du PS, une motion paradoxale : "Pour une liste socialiste aux Européennes, moment d'une candidature unique de la Nupes à la présidentielle." Cette bonbinette a failli faire exploser le PS, au point d'être suspendue de l'ordre du jour. Tant que la gauche n'aura pas reconstruit une offre de transformation responsable, elle oscillera entre soumission et division.
0000
À chaque semaine, une polémique mettant en cause les Français de culte musulman. C'est le tour de l'abaya. Voilà plus de 40 ans que cela dure, depuis le Figaro Magazine dirigé par Louis Pauwels et sa Mariane déguisée en Fatma au début des années 80. Geoffroy Lejeune, patron du JDD "Bollorisé", plonge dans la même et inépuisable veine. Flairant la « blanquerisation » du ministre de l'Éducation, il met à la "une" du journal Attal et l'abaya. Bingo ! Tout le monde s'engouffre, dont la Jeune Garde d'Olivier Faure, que l'on avait connue moins "Printemps républicain".
L'ancien directeur de Valeurs Actuelles peut se frotter les mains : le voilà mainstream. 75 % des Français, dont une majorité à gauche, partagent l'interdiction. Selon le SNPDEN (Syndicat national du personnel de la direction de l’Éducation nationale), syndicat favorable à celle-ci, le phénomène existe dans 60 établissements (3750 lycées). Faut-il l'interdire ? La réponse est simple. Si c'est un signe religieux ostentatoire, oui. C'est la loi du 10 mars 2004, dite du "voile à l'école", que j'ai défendue à l'Assemblée en tant qu'orateur du groupe socialiste. Depuis, si je suis contre l'uniforme, je suis toujours contre les signes religieux à l'école. Je suis aussi contre le crop-top, le baggy et les vêtements floqués de pub, etc. Je suis pour un règlement intérieur laïque adopté par tous en début d'année. Mais l’abaya, est-ce un signe religieux ostentatoire ? Dire "des musulmans le pensent" n'est pas un argument juridique. Et au premier recours, le texte risque d'être battu. On se souvient que Jospin, ministre de l'Éducation nationale, s'était heurté sur le voile au Conseil d'État. Dans le cas contraire, le jugement pourrait être traîné devant la Cour européenne des droits de l'homme et ouvrir une nouvelle polémique à la veille des élections européennes. Donc, après l'annonce tonitruante, on s'oriente non vers une loi, mais une circulaire dont le cadre sera l'interdiction, mais avec une application souple... Bref, la circulaire émise en son temps par le ministre Pap N'Daye. Elle contournait le problème juridique en estimant que les vêtements non directement religieux peuvent le devenir indirectement. Tout ça pour ça ; une tartuferie pour crédibiliser la nouvelle image du ministère devenu le nouveau domaine régalien du président.
0000
Hallucinant ! 57 000 femmes ont porté plainte pour agression sexuelle dans les transports publics cette année. 8 femmes sur 10 déclarent avoir été victimes d'agressions dans les métros ou les bus. Et on évoque le chiffre de 300 agressions par jour. Ce n'est pas anecdotique, mais avec les violences faites aux femmes et les féminicides, c'est un véritable phénomène de société révélé par la libération de la parole des femmes. Il faut le prendre à bras-le-corps dès l'école. Non pour dire que les garçons peuvent être des filles et réciproquement, mais pour apprendre tout simplement le respect de l'autre en général et des femmes en particulier.
0000
Nous vous avions prévenus en juin. La crise du logement serait là à l'automne. Voilà, on s'inquiète d'un risque de crash. Le resserrement du crédit. On ne peut plus emprunter pour acheter. La hausse des charges, les loyers montent dans le locatif. Les collectivités locales, sans le sou, sont étranglées par l'État. Le foncier est à la hausse. Les sociétés HLM n'ont pas de marge de manœuvre, à cause d'une politique à courte vue. Tous les ingrédients d'une crise majeure du logement qui vont s'ajouter au reste.
Lisez le journal : https://lejournal.info
A dimanche prochain !