Le rejet sans ménagement par l’exécutif d’une proposition de l'intersyndicale de médiation pour résoudre le conflit des retraites résume le macronisme : « je décide, vous exécutez ». Le compromis ? « C’est moi qui en fixe les contours » (…) « On ne peut revenir sur les 64 ans, le parlement a voté ». Non le Parlement n’a pas voté, le Gouvernement n’a pas été renversé (…) nuance ! 

La décision de recevoir les syndicats par Elisabeth Borne est une tentative de se rattraper. Il faudra à minima revenir sur cette question du médiateur, car l’échec semble programmé, vu le flou de l’agenda de la rencontre. Elle n’a pas de solutions sur les 64 ans en attendant les décisions du Conseil constitutionnel.  

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L’extrême violence à Sainte Soline contre les méga-bassines ou dans les manifestations est, tout à la fois, un classique des manifestations depuis que celles-ci existent (de la révolte des Canuts en 1834, en passant par les coupe-jarrets dans les manifestations des années 30 face à la police à cheval, jusqu’à la loi Devaquet et la mort de Malik Oussekine), mais aussi une mutation. Il ne s'agit plus d’une autodéfense mais d'une violence autonome et ritualisée. Une violence qui n’est plus objet mais dévie d’un sujet propre. Cette violence, tout le monde la condamne mais chacun l’instrumentalise : le pouvoir, dans l’espoir que le pourrissement conduise à la rupture du front syndical (la CFDT ne peut cautionner - à juste raison - la violence anti-flics) ; les manifestants, qui ont fait de la jurisprudence « Gilets jaunes » un viatique (le Gouvernement ne cède que devant la violence).  

En attendant, tout le monde danse sur un volcan. La bascule est suspendue à un mort, un « Charonne » : les 9 morts du 8 février 62 au Métro Charonne qui ébranla le Général de Gaulle (grève des mineurs français de 1963, ballottage du Général de Gaulle en 65) mais fut aussi le point de départ de l’affaissement du PCF avec l’émergence d’un espace plus radical (67/68). 

Le contexte est aujourd'hui différent. Les acteurs sont plus faibles et la colère généralisée. 

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Le président a eu raison de faire une interview à Pif le chien. Cela résume bien la situation de l’exécutif. 

« Pif, Pifou , Tonton, Tata, Hercule » chantait l’extrême gauche dans les années 70, se moquant du Parti communiste dominant mais déclinant. C’était un joyeux chahut. Aujourd'hui, Pif a été racheté par le très libéral sarkozyste néo-macroniste Lefèvre. Le président ne s’en canaille donc pas. C’est un peu à l’image du n’importe quoi dans sa majorité. Au fond, le président n’a plus la main, donc il l’agite. Il ne peut que compter sur « l’arbitre » (le Conseil constitutionnel) ou le pourrissement du mouvement entre violence et radicalité pour sortir du bourbier dans lequel il s’est fourré. En attendant, l’énervement est palpable. Macron juge la proposition d’Élisabeth Borne de ne pas revenir au 49.3 de « lunaire » pour ne pas dire plus. En même temps, si elle veut obtenir un accord des Républicains, elle ne peut faire autrement. Edouard Philippe déclare qu’il ne faut pas céder, pendant que le Modem se déclare favorable à un médiateur. Des voix s’élèvent pour dire dans la majorité qu’il faut changer la Première ministre. 

La loi immigration, malgré le saucissonnage proposé, est retoquée au Sénat. Le groupe Horizon à l’Assemblée accuse le groupe Renaissance au Sénat de plagiat si ce n’est de vol de la PPL sur l’installation des hôtels et restaurants à la campagne. Les tirages de maillots se multiplient entre Horizon, le Modem et Renaissance. Et cerise sur le gâteau, « Complément d’enquête », sur la 2, descend en flamme le « jumeau » de Macron, Alexis Kohler, à propos de sa mise en examen pour la prise illégale d’intérêts. Quand cela ne va pas, cela ne va pas. 

Normalement, les jours d’Elisabeth Borne sont donc comptés. Le président va l’user avant d’ouvrir une nouvelle séquence gouvernementale qui sera, elle aussi, sans lendemain. Le président n’a plus d’avenir à court terme. Il ne se représente pas. Il sculpte seulement sa statue pour un éventuel retour en 2032. Les Républicains, seul soutien possible, ne peuvent se faire hara-kiri car ils ont, eux, la présidentielle sur le feu. Un Gouvernement de coalition semble peu probable. A moins de laisser le poste de premier ministre à un Républicain. Ce n’est pas dans l’inclinaison du président. Emmanuel Macron peut enrôler Dati, Copé, Louvrier ou Juvin, un quarteron de généraux à la retraite, mais il lui faudrait atteindre la majorité parlementaire. Celle-ci semble, à cette étape, inatteignable via le débauchage. Et le président n’est pas à l’abri d’une motion de censure de LR comme mesure de rétorsion. Certes, la majorité sait qu’une dissolution est suicidaire, mais il reste 4 ans. La dissolution « ultime recours » fera son chemin, au fur et à mesure que le débat parlementaire s’enlisera faute de majorité. Car un référendum, pour rebondir, est à haut risque. Là, c'est le président qui sera mis en cause. 

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L’explosion de la précarité « nous n’avons pas connu une telle situation depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » déclare le Secours populaire. 

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33 milliards d’euros, ce serait la fraude des banques vis-à-vis du fisc. Rappelons qu’il manquait 10 milliards pour les retraites. 

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300 millions d’emplois devraient disparaître selon une étude de Goldman Sachs du fait de l’intelligence artificielle du genre ChatGPT4 dans les emplois administratifs par exemple. La mutation due à l’intelligence artificielle est vertigineuse. Mais c’est, tout autant, le contenu qui pose un problème. Plusieurs centaines de chercheurs dont Elon Musk viennent de demander une pause devant le risque pour l’humanité d’un développement sauvage de l’IA.

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Le conflit entre la Chine et Taïwan est inéluctable. Xi Jinping a déclaré que « Taïwan était du ressort de la seule Chine ». Pour autant, 90 % des Taïwanais s’estiment, avant tout, Taïwanais. Pékin ne s’interdit rien, mais Xi Jinping sait que le temps et la sociologie éloignent l’île du continent. Il y a une dimension jamais évoquée à ce conflit. Tchang Kaï-chek, lors de son exil sur l’île de Formose devant l’avancée des troupes de Mao, a emporté le trésor de la cité interdite. Et donc le musée de Taipei, magnifique au demeurant, recèle la mémoire chinoise. La géographie - Taïwan est une province chinoise pour Pékin - plus la mémoire de la Chine, cela fait beaucoup pour l’Empire du milieu qui veille jalousement sur « la langue de bœuf », comme les Chinois surnomme la mer du Sud de la Chine (Chine, Vietnam, Taïwan, Hong Kong, Singapour, Brunei, Thaïlande, Cambodge, Macao, Malaisie). Le conflit ukrainien a rappelé aux deux parties que tout était possible. 

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La CNIL alerte des risques liés au déploiement des systèmes de vidéosurveillances intelligents. Elle souligne des dérives en matière de vie privée et de garantie des libertés publiques. Car il ne s’agit plus de filmer des individus mais d’analyser de manière automatisée afin de déduire des informations et données personnelles les concernant. On n’ose penser comment ce « contrôle social » pourrait être utilisé si l’extrême droite arrivait au pouvoir. 

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Le résultat de l’élection législative partielle en Ariège est une indication politique majeure. La participation a reculé mais moins que dans ce type d’élections. Le RN s’est maintenu et même a progressé dans le rural. Le parti de la majorité présidentielle a chuté de quasiment dix points. La candidate de la Nupes-LFI a reculé et la socialiste Martine Froger a donc cristallisé le recul de Renaissance, en faisant un bond de huit points. L’élection souhaitable de la candidate socialiste dite « dissidente » va ouvrir une crise dans le groupe socialiste. L’accueillir ? Ce serait normal, mais cela ouvre la voie aux 4 socialistes dissidents siégeant aujourd'hui dans le groupe LIOT. Et cela renforcerait dans le groupe PS ceux qui pensent que l’emprise LFI est trop forte. Mais surtout les élu.e.s des collectivités locales vont s’interroger : être avec Mélenchon ou être avec le reflux du vote de gauche macroniste ? « That is the question ».

L’effondrement des macronistes et la stagnation à la baisse de la Nupes réouvre un espace au centre gauche, en vue des prochaines élections. Il est temps que les tenants de la « gauche de transformation responsable » se coordonnent. Il faut à cet « espace » une nouvelle doctrine, une stratégie d’union des électorats déçus de Macron et de Mélenchon, enfin une incarnation pour offrir une issue praticable à cette nouvelle donne. Un récent dîner entre tous les tenants de « l’autre gauche » a exploré cette possibilité. Encourageant ! 

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Sophie Binet élue, à la surprise générale, à la tête de la CGT. Une double première : d’abord, première femme à la tête de la confédération ; ensuite, ancienne VP de l’UNEF et socialisante. C’est la première fois qu’un SG de la CGT n’est pas passé par le Parti communiste depuis Léon Jouhaux.   

Cela ne présage pas, pour autant, d’une rupture avec la radicalité mais plutôt d’un compromis entre les deux courants qui s’affrontent (au Congrès de Marseille Martinez avait déjà été mis en minorité sur la grève générale contre La Loi El Khomri). Elle aura donc un autre champ de vision, un autre vécu que ses prédécesseurs. Mais elle procédera toujours d’un syndicalisme de confrontation. 

A dimanche prochain !